Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, sur les grandes orientations concernant l'enseignement français à l'étranger, à Paris le 11 mars 2005.

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Circonstance : Session plénière de l'Assemblée des Français de l'étranger, à Paris le 11 mars 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Membres de l'Assemblée des Français de l'étranger,
Je suis naturellement très heureux et très honoré d'être parmi vous aujourd'hui. Je tiens à remercier le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, de m'avoir invité à intervenir devant votre Assemblée.
Si c'est bien la première fois que j'en ai officiellement l'occasion, je ne me retrouve pas pour autant en terre inconnue. D'abord, j'ai eu le plaisir de rencontrer bon nombre d'entre vous lors de mes déplacements à l'étranger. Ensuite, plusieurs des sénateurs des Français établis hors de France, présents ici, ont été mes collègues au sein de la Haute Assemblée. Enfin, voici un peu plus d'un an, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Dominique de Villepin et Mme le sénateur Paulette Brisepierre, que j'ai plaisir à saluer, m'avaient convié à participer au bureau de ce qui était encore le Conseil supérieur des Français de l'étranger.
J'avais alors la charge de l'Enseignement scolaire et j'étais loin d'imaginer que je serais amené à revenir devant vous, si j'ose dire, sous une autre "casquette".
Les responsabilités qui sont désormais les miennes rue Monsieur sont, par certains aspects, bien éloignées de celles que j'avais auparavant rue de Grenelle. Mais il y a toutefois entre elles des frontières communes. Cela a donc été un très grand plaisir pour moi de savoir que, parmi les domaines qui m'étaient confiés, il en était un pour lequel je portais depuis longtemps l'intérêt le plus vif. Je veux évidemment parler de l'enseignement français à l'étranger.
Je sais que vous partagez le même intérêt. La scolarisation de leurs enfants est une préoccupation majeure de nos compatriotes établis hors de France et elle conditionne très largement le choix de ceux qui souhaitent s'expatrier. Savoir que dans le pays, dans la ville où l'on va vivre et travailler, il existe une école française a naturellement quelque chose de rassurant. Parce que vous êtes les relais et les porte-parole de ces deux millions de Français qui résident hors de notre pays, il est bien légitime que les questions scolaires soient au cur de vos travaux.
Toutes ces raisons m'ont conduit à consacrer à l'enseignement français à l'étranger ma première communication au Conseil des ministres en qualité de ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie et à marquer ainsi la priorité que j'entends lui donner. Cette communication a suivi la remise par le sénateur André Ferrand du rapport que le Premier ministre lui avait commandé sur ce sujet. J'ai donc pu y intégrer un certain nombre de ses propositions.
Je voudrais rappeler les grandes orientations qu'il me paraît nécessaire de fixer aujourd'hui à notre réseau scolaire de l'étranger.
Ce réseau est indéniablement un élément central de la présence de la France à l'étranger et un instrument majeur de sa politique culturelle extérieure. Par son étendue et par sa densité, c'est un dispositif sans équivalent dans le monde et qui ne cesse de montrer un remarquable dynamisme. Depuis plusieurs années, il connaît une augmentation sensible et continue du nombre de ses élèves et de ses établissements. Il a su également faire la preuve d'une étonnante capacité d'adaptation. En témoigne la réforme de la rémunération des personnels résidents qui vient d'être menée à bien, malgré des problèmes extrêmement complexes, notamment en ce qui concerne nos établissements implantés aux Etats-Unis. Elle a réussi à mettre en place un système plus cohérent et plus juste, sans nuire aucunement à la qualité de l'encadrement pédagogique.
Mais je crois qu'il y a bien plus. Il me semble que tous ceux qui ont étudié ou travaillé dans ce réseau scolaire, ceux même qui l'ont simplement approché ont pour lui un lien affectif extrêmement fort. Aussi sommes-nous consternés quand quelque malheur le touche. Je pense en particulier aux tristes événements survenus en Côte d'Ivoire, qui ont vu l'anéantissement du dispositif scolaire que nous y avions développé et dont nous étions légitimement fiers.
Je tiens à saluer celles et ceux qui se sont mobilisés pour faire face à cette situation : les chefs d'établissement, les responsables de l'Education nationale et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Grâce à leur efficacité, 1.300 élèves de nos établissements ivoiriens ont pu être scolarisés en France et un millier d'autres dans divers établissements du réseau. Tous les enseignants titularisés ont été rapidement réaffectés et les recrutés locaux ont été aidés dans leur recherche d'un nouvel emploi. C'est là un tour de force, même si d'importants problèmes financiers demeurent en suspens.
Si notre réseau scolaire de l'étranger est apprécié, il reste toutefois souvent méconnu. Certains pensent qu'il est réservé aux familles françaises, alors qu'il accueille en très grande majorité des élèves étrangers. Bon nombre de ces derniers sont d'ailleurs devenus des personnalités de premier plan, ce qui montre bien que nous participons à la formation des élites de nombreux pays.
Il faut donc que cette contribution de nos établissements à la politique d'"attractivité de la France" sont mieux connue, qu'elle soit renforcée et qu'elle s'adapte davantage aux contextes locaux. Il faut également tenir compte de l'important accroissement de leurs effectifs depuis dix ans et apporter des réponses plus diversifiées.
A cette fin, nous devons privilégier quatre orientations.
- Il s'agit d'abord de soutenir un développement maîtrisé et accompagné du réseau. Je ne suis pas en ce domaine partisan d'une politique malthusienne. Je pense au contraire que, dès lors qu'une demande solvable et avérée est identifiée, il nous faut soutenir la création de nouveaux établissements, dont certains pourront être autofinancés et homologués. A condition bien sûr d'être en cohérence avec le réseau existant de l'AEFE.
C'est à l'Agence qu'il appartient de maîtriser et d'accompagner un tel développement, avec le concours pédagogique de l'Education nationale. A cet égard, je me réjouis que lors de la campagne d'homologation de janvier dernier, 421 établissements aient été homologués au lieu de 415 précédemment.
- Le deuxième objectif est de renforcer la dimension internationale de l'enseignement français et d'affirmer sa vocation européenne en Europe. Dans une Europe plus intégrée où la mobilité communautaire va se développer, nous devons faire en sorte que notre dispositif scolaire soit recherché par les jeunes étrangers qui souhaitent s'ouvrir à la diversité culturelle des pays européens en suivant un programme français.
Pour cela, il faut prendre davantage en compte la culture, la langue et l'histoire du pays d'accueil. Il faut surtout mettre nos établissements en mesure de proposer à ces jeunes, en plus du baccalauréat français, un baccalauréat binational, permettant une double certification avec le pays d'accueil et une reconnaissance mutuelle des diplômes.
Mais c'est là évidemment une question qui est du ressort de l'Education nationale. Je l'avais d'ailleurs suivie avec beaucoup d'attention dans mes précédentes fonctions. De premières approches ont d'ores et déjà été engagées avec plusieurs de nos voisins. Lors de sa visite à Lisbonne, le Premier ministre s'est engagé à ce qu'un baccalauréat franco-portugais soit assez rapidement mis en oeuvre.
Lorsque les choses auront progressé dans ce domaine, il sera alors possible de définir un projet de lycée international pour le lycée de Bruxelles, permettant à celui-ci, sur la base de spécificités déjà fortes, de préparer à l'éventail le plus large de baccalauréats binationaux. Ce projet fait d'ores et déjà l'objet d'un travail suivi et dès la rentrée prochaine, l'équipe de direction du lycée, qui aura à mettre en place les programmes en cours d'aménagement sera renforcée.
Dans un même souci de renforcer la vocation européenne de nos établissements, le sénateur Ferrand a émis des propositions que je reprends volontiers à mon compte. Il s'agit notamment de promouvoir les Eurocampus, sur le modèle de ceux qui existent déjà en Asie ; de mettre à l'étude les conditions d'un éventuel rapprochement avec les Ecoles européennes ; enfin d'inciter nos établissements à se porter candidats au Programme Socratès.
- Le troisième objectif est de faire de l'enseignement français un acteur à part entière de la coopération.
Bien évidemment, le rôle que nos établissements ont à jouer en ce domaine diffère selon la zone géographique ou le pays dans lesquels ils sont implantés.
Dans les pays francophones d'Afrique, du Proche-Orient ou de l'Océan Indien, il est important de soutenir les établissements non conventionnés avec l'AEFE, pour qu'ils accèdent aux meilleurs standards éducatifs. Nous pouvons ici nous inspirer de l'exemple du Liban, où les établissements à programmes français, malgré des statuts fort divers, coopèrent étroitement.
Au Maghreb, nous devons inviter nos établissements à aider à la mise en place d'établissements nationaux de référence, notamment en contribuant à l'ouverture de sections binationales ou de classes préparatoires.
Enfin, dans les pays émergents d'Asie ou d'Amérique latine, nos établissements doivent être davantage les supports de la coopération universitaire. Certes, grâce à la qualité de l'offre éducative de notre réseau et à nos programmes de bourses universitaires, nous réussissons déjà à attirer vers notre enseignement supérieur les meilleurs élèves de ces pays. Mais nos établissements seront plus attractifs encore s'ils peuvent être le premier maillon d'un cursus intégré de formation entre leur pays d'implantation et la France.
En Amérique latine, il existe des conventions de partenariat entre les universités nationales et les universités françaises dont le but est de faciliter la mobilité des étudiants. Elles ont un réel succès. Il me paraît donc opportun d'étendre ce dispositif en Asie, afin d'y accueillir davantage d'élèves nationaux.
- Enfin, Mesdames et Messieurs, et c'est là le dernier objectif, un plan d'action ambitieux sera mis en uvre pour les deux années à venir.
Celui-ci, qui recoupe le plan d'orientation stratégique défini par l'AEFE, doit d'abord permettre de mobiliser les réseaux français au service de la coopération éducative.
A cet égard, je souhaite que nos établissements, sur la base du volontariat et en liaison étroite avec les postes diplomatiques, soient invités à identifier et à inscrire dans leur projet les actions susceptibles d'être conduites dans des domaines qui constituent des priorités de la coopération. A cette fin, nous devons mobiliser l'ensemble des acteurs concernés : les responsables de la coopération éducative, les personnels détachés qui souhaitent prendre part à ces projets, mais aussi l'encadrement pédagogique des académies qui ont établi un partenariat avec les établissements français de l'étranger.
Je voudrais ajouter que grâce à ces partenariats, nous pouvons et nous devons rechercher des synergies avec les actions de coopération décentralisée que mènent les collectivités locales et notamment les régions.
Le plan d'action vise en second lieu à élargir les compétences immobilières de l'AEFE. Vous êtes, Mesdames et Messieurs, très bien placés pour savoir que des investissements sont indispensables pour améliorer les conditions d'accueil et de sécurité de nos établissements et permettre à certains d'entre eux d'accroître leurs capacités.
C'est bien pourquoi l'Agence va se voir confier des compétences immobilières élargies, qui feront l'objet d'un décret. Celui-ci vient d'ailleurs d'être validé par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et a été transmis aux autres ministères concernés pour recueillir leurs visas.
Ainsi, l'Agence pourra procéder à des acquisitions immobilières ou à des opérations de construction et, pour cela, contracter des emprunts. Elle pourra également recevoir en dotation les immeubles qui appartiennent au ministère des Affaires étrangères et sont affectés à des établissements d'enseignement.
Tout ceci va donc permettre d'améliorer la programmation des projets les plus importants et de faciliter le recueil des contributions apportées à des opérations immobilières dans le cadre du mécénat. De plus, des crédits budgétaires seront alloués à l'Agence pour la réalisation de ses investissements immobiliers. Ils seront pour 2006 de l'ordre de 8 millions d'euros.
L'AEFE sera aussi à même de faire face à ses engagements, notamment en ce qui concerne les lycées de Bucarest et de Moscou.
Par ailleurs, pour reprendre une proposition importante du rapport Ferrand, nous allons engager une étude sur les différents types de fondations qui pourraient être envisagées pour soutenir l'enseignement français à l'étranger.
La troisième priorité de ce plan d'action est de développer les programmes de bourses. Et d'abord les bourses scolaires. Il y a quelques mois, Michel Barnier réaffirmait devant vous qu'aucun enfant Français ne devait être écarté de nos établissements de l'étranger en raison des ressources de ses parents. Je tiens à vous assurer à mon tour que cette politique sera poursuivie et renforcée. Je note d'ailleurs que ce renforcement s'est déjà concrétisé puisque, entre 2002 et 2004, un millier de bourses supplémentaires ont été attribuées et que le budget qui leur est consacré a crû de 2,5 millions d'euros.
En ce qui concerne les programmes de bourses d'excellence et de bourses Major, ceux-ci seront adaptés pour permettre aux bacheliers étrangers qui le souhaitent d'entamer leurs études supérieures dans leur pays d'origine avant de les poursuivre en France. Ils seront également aménagés, afin de pouvoir apporter une réponse différenciée aux besoins financiers des étudiants. Enfin, le nombre de bourses nouvelles attribuées chaque année sera porté de 125 à 200. C'était là une chose absolument nécessaire, car jusqu'à présent l'Agence était contrainte, pour des raisons strictement budgétaires, de laisser de côté des dossiers de candidature de très grande qualité.
Enfin, Mesdames et Messieurs, les moyens de fonctionnement de l'AEFE seront renforcés.
Ainsi, 20 postes de résidents supplémentaires à la charge des établissements prévus au budget 2005 ont été créés. Cette mesure sera reconduite pour les années suivantes et portée à une cinquantaine de postes par an.
Par ailleurs, pendant la durée du plan d'action dont je viens de rappeler les grands axes, l'Agence verra ses moyens stabilisés, afin de lui permettre d'affecter au développement du réseau les marges de manuvre qu'elle saura dégager.
Mais il lui faudra néanmoins veiller à diversifier ses sources de financement, en s'attachant à impliquer les collectivités territoriales, les entreprises, les associations.
Soyez assurés que je porterai la plus extrême attention à la mise en oeuvre de ces mesures ainsi que, de manière plus générale, à l'évaluation du dispositif, qui est évidemment primordiale.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à rappeler. Pardonnez-moi d'avoir été un peu long. Mais, parce que vous êtes si directement concernés par ce sujet et que vous le connaissez si bien, il me paraissait indispensable d'évoquer de manière exhaustive les orientations que nous souhaitons donner à notre grand réseau scolaire de l'étranger, afin qu'il entre harmonieusement dans une nouvelle phase de sa longue histoire et continue à être longtemps un élément majeur du rayonnement et de l'influence de notre pays
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mars 2005)