Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Président de Louis Vuitton Moët Hennessy,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'ouvrir avec vous, à Granville, les célébrations du centenaire de Christian Dior, dans cette maison qui l'a vu naître.
Monsieur le Maire, les grandvillais ont de la chance ! Votre ville a la particularité de posséder trois musées labellisés " musées de France " : le musée du Vieux Granville, le musée Richard Anacréon, qui lui aussi, rend hommage à Christian Dior, et ce musée, confié à l'association " Présence de Christian Dior ". Et tous participent, ce soir, à la grande première de la " Nuit des musées ". Le musée Christian Dior est le seul musée monographique consacré à un grand couturier, dont le nom rayonne dans le monde entier. Je ne peux que féliciter le conservateur et l'association pour avoir réussi cette prouesse qui consiste en la mise aux normes du musée, tout en gardant le charme, un peu suranné, de cette maison.
Oui, vous avez fait preuve à la fois de prouesse et d'intelligence pour parvenir à moderniser cet espace, tout en lui gardant son caractère. Comment autrement obtenir les prêts des musées les plus prestigieux et en particulier du Metropolitan Museum of Art de New York ? C'est un beau succès, dont vous pouvez être fiers. Grâce à vous, le public accède ici à l'intimité de la création. La richesse et la diversité des pièces que vous présentez font de cet espace un lieu d'une grande originalité.
Votre musée poursuit une politique d'acquisition dynamique et suscite des donations, qui lui ont permis de constituer un fonds important d'objets de mode, d'uvres d'art et de mobilier. Je me félicite que mon ministère, à travers la direction des musées de France et la direction régionale des affaires culturelles de Basse-Normandie, lui apporte son entier soutien, ainsi qu'à votre réflexion sur l'extension du musée, afin de l'ouvrir toute l'année, d'accueillir le plus large public possible, et d'en faire un véritable lieu d'éducation artistique et culturelle.
Dans son autobiographie Christian Dior et moi, l'inventeur du " new-look " qui, en révolutionnant la mode, l'a propulsé dans l'histoire, a écrit de cette maison : " ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture. " Une maison, et aussi un jardin : " ayant hérité de ma mère la passion des fleurs, je me plaisais surtout dans la compagnie des plantes et des jardiniers ". Et Christian Dior d'ajouter qu'il n'aimait sortir de son jardin que pour les carnavals, les premiers bals costumés de son enfance, où il affirme déjà son talent et son goût pour les déguisements, la musique, le dessin et l'art de vivre.
Commémorer aujourd'hui son centième anniversaire, grâce à votre magnifique exposition " Christian Dior, Homme du Siècle " reconnue d'intérêt national par mon ministère - ce label de haute qualité n'est accordé qu'à douze expositions en France cette année - c'est redonner vie à ce pionnier qui a tracé des chemins pour les générations futures. Des chemins de la création et de l'esprit, car nous savons à coup sûr depuis Christian Dior que la mode fait partie intégrante de la culture. Ses créations et sa vie même, forment un univers de couleurs et de poésie que votre exposition nous fait mieux connaître, en levant un coin du voile, une part de l'énigme qui entourent le génie, sans les dissiper tout à fait. Sans doute ne peut-on pas mieux l'exprimer que Christian Dior lui-même. Aussi vais-je à nouveau citer ses propres paroles qui conservent toute leur vérité : " la mode est une manifestation de foi. Dans ce siècle qui s'essaie à détruire un à un tous ses secrets, qui se nourrit de fausses confidences et de révélations fabriquées, elle est l'incarnation même du mystère, et la meilleure preuve de son sortilège est qu'on en a jamais tant parlé ".
Oui, le souvenir et l'uvre de Christian Dior incarnent l'élégance française et son rayonnement à travers le monde, dans toutes ses dimensions, culturelles, symboliques, économiques, industrielles.
Christian Dior était un homme de culture, un homme de communication, un homme d'affaires aussi, qui a montré avec éclat combien la création, au sens artistique du terme, était aussi création de valeur, création de richesses, création d'emplois. Christian Dior incarne cette part lumineuse et conquérante de l'image de la France dans le monde, où l'audace créatrice s'appuie sur une sorte de sixième sens, de prescience, d'intuition, d'aptitude à voir grand, à voir plus tôt et plus loin, avec l'énergie des fondateurs, et cela dans tous les domaines.
Très tôt - comme le souligne Marie-France Pochna dans sa biographie - il devine que seule une très grande diffusion de son nom parviendra à assurer la pérennité de sa société. Très tôt, il est animé de cette conviction : " un parfum est une porte ouverte sur un univers retrouvé () c'est le complément indispensable de la personnalité féminine ". Il crée une filiale spécialement dédiée à cette activité nouvelle dans le monde de la couture. Le premier, il ouvre une maison de prêt-à-porter de luxe à New York, signe des licences dans le monde entier, diffuse des accessoires, institue dans ses boutiques, mais aussi dans ses emballages, des codes communs de communication visuelle qui véhiculent son image. Bref, il invente une politique de marque, qui ne s'appelle pas encore, en français, le marketing. Son entreprise est aussi la première de son secteur à établir des comptes consolidés.
Ami des poètes et des artistes, il habille les stars, comme Marlène Dietrich, Rita Hayworth, Lauren Bacall, Edwige Feuillère, tout en demeurant, comme l'a écrit Françoise Giroud, " le fils du pays de François Ier, du pays qui a construit Versailles et dont le génie s'accompagne de rigueur et non de folie () ; le résultat de vingt siècles de culture souriante, d'artisanat intelligent, de mesure ".
Le succès durable de la Maison Dior, qui demeure installée au numéro 30 de l'avenue Montaigne qu'il avait choisi, repose encore sur ses visions d'entrepreneur et les fondations qu'il a établies, sur lesquelles ont bâti les puissants talents de ses successeurs, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, fidèles à l'inspiration d'un homme qui fut avant tout possédé par son métier, qui ne cessa de donner de sa personne, et qui illustre à merveille votre précepte, Monsieur le Président, Cher Bernard Arnault, selon lequel la création est " un antidote à l'éphémère ".
Oui, Christian Dior était, selon la formule de Jean Cocteau, " ce génie léger propre à notre temps, dont le nom magique comporte celui de Dieu et Or ". Peut-être était-il surtout un " honnête homme " de notre époque. Car il avait à la fois, ce qui est si rare, " l'esprit de géométrie " et " l'esprit de finesse " au sens où l'entendait Pascal, l'invention, l'originalité, la nouveauté, et la vérité, la profondeur, la précision. Et jamais rien chez lui ne restait banal et superficiel.
Si, disait-il, " les robes doivent avoir une âme ", si sa vie et son uvre sont un hymne à la création, c'est ici, dans ce refuge de son enfance, dans cette maison, dans ce jardin, dans cet espace du temps retrouvé, que nous pouvons mieux comprendre que chez Christian Dior, au-delà de l'esprit et de ses raisons, au-delà du génie, c'est le cur qui dicte tout, en lui laissant ce dernier mot : " la couture est, au temps des machines, un dernier refuge de l'humain, du personnel, de l'inimitable ".
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 mai 2005)
Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Président de Louis Vuitton Moët Hennessy,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'ouvrir avec vous, à Granville, les célébrations du centenaire de Christian Dior, dans cette maison qui l'a vu naître.
Monsieur le Maire, les grandvillais ont de la chance ! Votre ville a la particularité de posséder trois musées labellisés " musées de France " : le musée du Vieux Granville, le musée Richard Anacréon, qui lui aussi, rend hommage à Christian Dior, et ce musée, confié à l'association " Présence de Christian Dior ". Et tous participent, ce soir, à la grande première de la " Nuit des musées ". Le musée Christian Dior est le seul musée monographique consacré à un grand couturier, dont le nom rayonne dans le monde entier. Je ne peux que féliciter le conservateur et l'association pour avoir réussi cette prouesse qui consiste en la mise aux normes du musée, tout en gardant le charme, un peu suranné, de cette maison.
Oui, vous avez fait preuve à la fois de prouesse et d'intelligence pour parvenir à moderniser cet espace, tout en lui gardant son caractère. Comment autrement obtenir les prêts des musées les plus prestigieux et en particulier du Metropolitan Museum of Art de New York ? C'est un beau succès, dont vous pouvez être fiers. Grâce à vous, le public accède ici à l'intimité de la création. La richesse et la diversité des pièces que vous présentez font de cet espace un lieu d'une grande originalité.
Votre musée poursuit une politique d'acquisition dynamique et suscite des donations, qui lui ont permis de constituer un fonds important d'objets de mode, d'uvres d'art et de mobilier. Je me félicite que mon ministère, à travers la direction des musées de France et la direction régionale des affaires culturelles de Basse-Normandie, lui apporte son entier soutien, ainsi qu'à votre réflexion sur l'extension du musée, afin de l'ouvrir toute l'année, d'accueillir le plus large public possible, et d'en faire un véritable lieu d'éducation artistique et culturelle.
Dans son autobiographie Christian Dior et moi, l'inventeur du " new-look " qui, en révolutionnant la mode, l'a propulsé dans l'histoire, a écrit de cette maison : " ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture. " Une maison, et aussi un jardin : " ayant hérité de ma mère la passion des fleurs, je me plaisais surtout dans la compagnie des plantes et des jardiniers ". Et Christian Dior d'ajouter qu'il n'aimait sortir de son jardin que pour les carnavals, les premiers bals costumés de son enfance, où il affirme déjà son talent et son goût pour les déguisements, la musique, le dessin et l'art de vivre.
Commémorer aujourd'hui son centième anniversaire, grâce à votre magnifique exposition " Christian Dior, Homme du Siècle " reconnue d'intérêt national par mon ministère - ce label de haute qualité n'est accordé qu'à douze expositions en France cette année - c'est redonner vie à ce pionnier qui a tracé des chemins pour les générations futures. Des chemins de la création et de l'esprit, car nous savons à coup sûr depuis Christian Dior que la mode fait partie intégrante de la culture. Ses créations et sa vie même, forment un univers de couleurs et de poésie que votre exposition nous fait mieux connaître, en levant un coin du voile, une part de l'énigme qui entourent le génie, sans les dissiper tout à fait. Sans doute ne peut-on pas mieux l'exprimer que Christian Dior lui-même. Aussi vais-je à nouveau citer ses propres paroles qui conservent toute leur vérité : " la mode est une manifestation de foi. Dans ce siècle qui s'essaie à détruire un à un tous ses secrets, qui se nourrit de fausses confidences et de révélations fabriquées, elle est l'incarnation même du mystère, et la meilleure preuve de son sortilège est qu'on en a jamais tant parlé ".
Oui, le souvenir et l'uvre de Christian Dior incarnent l'élégance française et son rayonnement à travers le monde, dans toutes ses dimensions, culturelles, symboliques, économiques, industrielles.
Christian Dior était un homme de culture, un homme de communication, un homme d'affaires aussi, qui a montré avec éclat combien la création, au sens artistique du terme, était aussi création de valeur, création de richesses, création d'emplois. Christian Dior incarne cette part lumineuse et conquérante de l'image de la France dans le monde, où l'audace créatrice s'appuie sur une sorte de sixième sens, de prescience, d'intuition, d'aptitude à voir grand, à voir plus tôt et plus loin, avec l'énergie des fondateurs, et cela dans tous les domaines.
Très tôt - comme le souligne Marie-France Pochna dans sa biographie - il devine que seule une très grande diffusion de son nom parviendra à assurer la pérennité de sa société. Très tôt, il est animé de cette conviction : " un parfum est une porte ouverte sur un univers retrouvé () c'est le complément indispensable de la personnalité féminine ". Il crée une filiale spécialement dédiée à cette activité nouvelle dans le monde de la couture. Le premier, il ouvre une maison de prêt-à-porter de luxe à New York, signe des licences dans le monde entier, diffuse des accessoires, institue dans ses boutiques, mais aussi dans ses emballages, des codes communs de communication visuelle qui véhiculent son image. Bref, il invente une politique de marque, qui ne s'appelle pas encore, en français, le marketing. Son entreprise est aussi la première de son secteur à établir des comptes consolidés.
Ami des poètes et des artistes, il habille les stars, comme Marlène Dietrich, Rita Hayworth, Lauren Bacall, Edwige Feuillère, tout en demeurant, comme l'a écrit Françoise Giroud, " le fils du pays de François Ier, du pays qui a construit Versailles et dont le génie s'accompagne de rigueur et non de folie () ; le résultat de vingt siècles de culture souriante, d'artisanat intelligent, de mesure ".
Le succès durable de la Maison Dior, qui demeure installée au numéro 30 de l'avenue Montaigne qu'il avait choisi, repose encore sur ses visions d'entrepreneur et les fondations qu'il a établies, sur lesquelles ont bâti les puissants talents de ses successeurs, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, fidèles à l'inspiration d'un homme qui fut avant tout possédé par son métier, qui ne cessa de donner de sa personne, et qui illustre à merveille votre précepte, Monsieur le Président, Cher Bernard Arnault, selon lequel la création est " un antidote à l'éphémère ".
Oui, Christian Dior était, selon la formule de Jean Cocteau, " ce génie léger propre à notre temps, dont le nom magique comporte celui de Dieu et Or ". Peut-être était-il surtout un " honnête homme " de notre époque. Car il avait à la fois, ce qui est si rare, " l'esprit de géométrie " et " l'esprit de finesse " au sens où l'entendait Pascal, l'invention, l'originalité, la nouveauté, et la vérité, la profondeur, la précision. Et jamais rien chez lui ne restait banal et superficiel.
Si, disait-il, " les robes doivent avoir une âme ", si sa vie et son uvre sont un hymne à la création, c'est ici, dans ce refuge de son enfance, dans cette maison, dans ce jardin, dans cet espace du temps retrouvé, que nous pouvons mieux comprendre que chez Christian Dior, au-delà de l'esprit et de ses raisons, au-delà du génie, c'est le cur qui dicte tout, en lui laissant ce dernier mot : " la couture est, au temps des machines, un dernier refuge de l'humain, du personnel, de l'inimitable ".
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 mai 2005)