Interview de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, sur le site internet du Premier ministre le 25 avril 2005, sur les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail, la discrimination positive et l'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

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Média : internet - www.premier.ministre.gouv.fr

Texte intégral

Q - Face à une situation d'inégalité qui demeure préoccupante sur le marché du travail, le Président a souhaité une loi sur l'égalité professionnelle, que vous avez présentée au Conseil des ministres le 24 mars dernier. A votre avis, quelles sont les raisons de la persistance de l'inégalité entre les hommes et les femmes ?
R - Nous savons bien aujourd'hui qu'il n'y a pas de différence de compétence entre les hommes et les femmes, mais leur organisation de vie sont encore, elles, très différentes parce que les femmes assument pour 80 % l'ensemble de tâches domestiques.
Et c'est ce qui explique pour une bonne part les inégalités sur le marché du travail soit parce que les femmes sont moins disponibles et interrompent trop souvent leur carrière, soit parce que les stéréotypes sont si forts qu'elles sont victimes de la part des employeurs de discrimination.
Je peux relever en terme d'inégalité 4 facteurs majeurs :
- la formation : malgré un bon niveau de formation, je rappelle qu'il y a, à ce jour, 120 bachelières pour 100 bacheliers. Les femmes sont trop souvent concentrées dans des formations générales qui ne débouchent pas sur des métiers porteurs. Les femmes constituent ainsi la plus grande catégorie des employés qui restent les moins rémunérés sur le marché de l'emploi.
- le mode d'insertion professionnelle des femmes privilégie trop souvent les contrats à durée déterminée ou l'intérim et le temps partiel : je rappelle que 30% des femmes actives sont a temps partiel, contre 5 % pour les hommes. Leur rémunération est donc structurellement inférieure.
leur présence est forte dans les secteurs les moins rémunérateurs : par exemple textiles, emplois de service à la personne.
- enfin, et ce n'est pas le moindre souci, leur accès est très restreint aux emplois de responsabilité, tant en encadrement intermédiaire que dans les emplois de direction, tant dans les entreprises relevant du secteur public que dans le secteur privé.

Q - Vous avez souhaité associer les Français à la discussion de votre projet de loi, qui sera présenté au Parlement en mai, en ouvrant un forum de discussion sur www.forum.gouv.fr. Qu'attendez-vous de ce forum ? Quelle utilisation souhaitez-vous en faire ?
R - C'est un lieu de débats et d'échanges ; il y a des internautes qui peuvent mettre en lumière des faits qui me permettront de réfléchir et de progresser dans cette voie ; en effet, ces échanges sont toujours utiles...et je peux leur apporter des réponses par ce vecteur qui est devenu, disons le, un outil de communication banal...
Q - Justement, dans le forum, les internautes s'interrogent sur votre démarche : la loi n'introduit-elle pas de la "discrimination positive" ? La France est-elle prête à prendre cette voie ?
R - La politique d'égalité entre les hommes et les femmes s'appuie sur une double démarche.
La première, c'est l'intégration de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes dans toute décision de gestion de ressources humaine. C'est pour valoriser les entreprises qui font cela que j'ai mis en place le "label égalité" ; de plus, c'est aujourd'hui l'intérêt bien compris des entreprises de se lancer dans une politique active de recrutement vers les compétences portées par des femmes, parce que des les prochaines années elles ont besoin de main d'oeuvre, souvent hautement qualifiée, dans tous les secteurs de l'économie. l'Etat doit donner l'exemple en rectifiant la pratique qui aboutit aujourd'hui, à ce que dans la haute administration publique 12 % seulement des emplois de responsabilité sont occupés par des femmes alors qu'elles sont plus de 57 % de l'effectif global de la fonction publique...
La deuxième consiste à mener des démarches positives à l'égard des personnes subissant une inégalité et donc des femmes dans certains domaines. Le traité d'Amsterdam nous y autorise explicitement. C'est ainsi que des actions sont menée dans le domaine de l'emploi et de la création d'entreprise et que dans de nombreux textes, il est indiqué que l'on recherche une représentation équilibrée des hommes et des femmes.
Q - Beaucoup d'internautes mettent également l'accent sur la nécessité de mieux équilibrer vie familiale et vie professionnelle. En quoi la loi peut-elle participer à ce rééquilibrage ?
R - Les chiffes dont nous disposons sur cette question sont relativement anciens.
Entre 1986 et 1999, parmi les actifs ayant un emploi, on note un allongement du temps domestique de 8 minutes pour les hommes contre sa diminution d'une minute pour les femmes.
Même si le comportement des hommes s'est très légèrement modifié, les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps qu'eux aux tâches domestiques : 3h48 en moyenne par jour contre 1h59 (chiffre de 1999).
Ainsi les tâches domestiques restent dévolues aux femmes même si on peut constater que plus leur activité professionnelle est prenante, plus l'écart avec les hommes se réduit. Mais c'est moins parce que l'homme s'investit davantage à la maison que parce que les femmes, qui ont une " double journée de travail ", se doivent d'être plus productives dans les tâches domestiques.
Cependant, j'observe que le congé de paternité a pris un réel essor.
La loi a notamment pour objectif d'inviter les entreprises à investir sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Je souhaite à cet effet neutraliser la période du congé de maternité en terme de rémunération et aider les petites entreprises à recruter des salariés en remplacement des femmes parties en congé de maternité. Certaines entreprises on déjà pris en compte la question de la parentalité en mobilisant le "crédit impôt familles" qui génère une économie de près de 60% des dépenses qu'elles engagent pour cela, par exemple en co-finançant des services à la personne, en co-finançant des places de crèches, en réorganisant leur processus de production pour tenir compte des contraintes familiales... le projet de loi qui va être examiné part l'assemblée nationale les 10 et 11 mai prochain se propose de mettre fin d'ici cinq ans aux écarts de salaires entre les femmes et les hommes ; il veut également renforcer la prise en compte de la parentalité dans le monde du travail.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 avril 2005)