Texte intégral
Mesdames et Messieurs, merci de votre présence au terme de cet entretien avec Jan Pronk, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour le Soudan et qui arrive ce matin même de la Conférence d'Oslo. Nous avons eu un entretien amical et très approfondi sur la situation au Soudan, à la fois pour ce qui concerne la mise en uvre de l'accord de paix avec le Sud et, naturellement, à propos de ce qui continue de nous préoccuper dans le Darfour, qui demeure pour nous un sujet de préoccupation majeure.
La paix au Soudan, pour l'ensemble de ce pays - qui est, je le rappelle, le plus grand pays du continent africain avec un potentiel considérable - est un enjeu essentiel pour la communauté internationale. La mise en uvre de l'accord avec le Sud, qui a été préparé à Naïvasha et signé en janvier, va bénéficier, grâce à cette réunion des donateurs à Oslo, d'un appui massif de la communauté internationale avec une implication considérable des bailleurs de fonds dont les engagements vont s'élever à 4 milliards 700 millions de dollars sur la période 2005-2007 - la France, pour sa part, apportera 120 millions d'euros dans ce cadre - et puis de la mise en place, sur la proposition des Etats-Unis, d'une très importante opération de maintien de la paix mobilisant 10.000 hommes pendant six ans. La France a bien entendu donné son plein accord et son appui à cette initiative de sécurité.
Mais, Mesdames et Messieurs, je l'ai dit à Jan Pronk, il n'y aura pas pour nous tous de paix durable et valable au Soudan sans la paix et la stabilité dans le Darfour. Le drame qui s'y prolonge est notre sujet majeur de préoccupation depuis son origine. Notre pays a été l'un des premiers à souligner l'ampleur et l'impact de cette tragédie à un moment où la communauté internationale faisait porter tous ses efforts sur la conclusion de l'accord avec le Sud. Dès la fin 2003, notre pays a engagé des moyens pour venir en aide aux populations menacées. Nous avons dialogué avec les autorités soudanaises pour apporter un règlement rapide à cette question. Je suis allé d'ailleurs sur place l'été dernier à El-Facher et au Tchad. Et, ce matin même, je me suis entretenu à nouveau de cette question avec le vice-président soudanais, M. Taha, qui a joué un rôle majeur dans la conclusion de l'accord avec le Sud et dont l'expérience sera très utile pour avancer sur la question du Darfour.
Depuis cette date, l'apport total de la France en faveur du seul Darfour s'élève d'ores et déjà à plus de 80 millions d'euros. Notre objectif est de renforcer en priorité l'appui apporté à l'engagement sur le terrain de l'Union africaine. Nous avons, avec Jan Pronk, beaucoup parlé de ce rôle majeur que doit jouer, là comme dans d'autres crises en Afrique, avec notre soutien, l'Union africaine, et qu'elle joue, on l'a encore vu il y a quelques jours avec l'Accord de Pretoria concernant la Côte d'Ivoire. Ici comme ailleurs, je le redis, l'engagement en première ligne de l'Union africaine est un gage d'efficacité.
C'est dans cet esprit également que la France s'est mobilisée aux Nations unies pour obtenir la saisine de la Cour pénale internationale. Nous croyons fermement que seule une solution pacifique et politique permettra de sortir de ce conflit. Nous croyons également que cette solution passe par la fin de l'impunité. Voilà pourquoi, dans notre dialogue, nous souhaitons appeler tous les responsables politiques soudanais à participer à ce mouvement de stabilité, à ce dialogue, de manière constructive, et à faire réussir les négociations politiques qui doivent reprendre sous l'égide de l'Union africaine. Je veux enfin répéter que ce drame du Darfour est une préoccupation permanente, quotidienne pour la diplomatie française, que tout ce que nous avons fait est nécessaire, mais que ce n'est pas suffisant, que nos efforts ne se relâcheront pas tant qu'une solution politique et pacifique ne sera pas définie et mise en uvre sur le terrain. J'ai l'intention de continuer à travailler, bien sûr au nom du gouvernement français mais aussi à l'intérieur de l'Union européenne, pour que ce que vous souhaitez, Cher Jan Pronk, ce que vous demandez, soit accompagné par chacun des pays européens, bilatéralement mais aussi en tant qu'Union européenne, de manière plus déterminée encore au moment où nous nous trouvons.
Q - Y a-t-il une perspective de paix dans l'année à venir ?
R - Une des conditions, Jan Pronk me l'a bien précisé, c'est que la sécurité soit garantie sur l'ensemble du Darfour qui est très vaste. Donc, l'augmentation importante des moyens de l'Union africaine sur le terrain, au-delà des 2.500 hommes qui s'y trouvent aujourd'hui, est une des conditions pour stabiliser.
Q - Est-ce que vous avez confirmation que M. Thabo Mbeki a établi une liste de candidats possibles pour la présidence ivoirienne et que cette liste comporte le nom de M. Ouattara et, si oui, quelle est votre réaction ?
R - Nous avons, depuis le début et d'ailleurs bien avant l'Accord de Marcoussis ou de Kléber, souhaité la médiation africaine. Et donc, dans le même esprit et à partir des éléments que chacun connaît dont les deux plus névralgiques sont, d'une part, le désarmement et le cantonnement, d'autre part une élection présidentielle ouverte - ce sont les deux points centraux qui ont été bien identifiés depuis plusieurs mois -, nous avons soutenu ce nouvel engagement de l'Union africaine qu'a conduit Thabo Mbeki. Franchement et sincèrement, nous nous sommes réjouis de l'Accord de Pretoria qui rassemblait, autour de lui, les quatre principaux responsables du destin de la Côte d'Ivoire, avec des engagements précis et un calendrier. Il restait en effet cette question de l'élection présidentielle et de son ouverture. Au moment où je vous parle, je n'ai pas la confirmation d'une annonce de sa part mais je sais qu'il travaillait - puisque c'est le mandat qui lui avait été donné par ces quatre responsables du destin de la Côte d'Ivoire qui ont décidé de le considérer comme un médiateur et de respecter sa médiation -, je sais qu'il cherchait une solution pour simplement garantir l'un des points que je viens d'évoquer, c'est-à-dire une élection présidentielle ouverte. Et s'il a trouvé cette solution, nous continuerons de dire que nous le soutenons.
Q - Monsieur le Ministre, il y a eu aujourd'hui au Soudan des manifestations de centaines d'étudiants devant l'ambassade française contre la Cour pénale internationale et disant que la France retire cela et fasse des excuses, etc. Je voudrais juste une réaction à ces manifestations.
R - Tout le monde connaît depuis longtemps la position qui est celle des pays de l'Union européenne et donc de la France à propos de cette Cour pénale internationale. Et nous avions, avec la question du Darfour et un certain nombre d'exactions qui ont été commises, l'occasion de démontrer la crédibilité de cette proposition et de cette Cour pénale internationale, c'était pour nous une question de crédibilité et j'ai eu l'occasion, ce matin, d'évoquer cette position de l'Union européenne et de beaucoup d'autres membres du Conseil de sécurité dans mon entretien téléphonique avec le vice-président M. Taha. J'aurai d'autres occasions de m'entretenir avec des dirigeants de Khartoum. Vous savez, je suis allé au Soudan et à El-Facher et j'ai dit une chose, que je crois, c'est qu'on ne règlera pas - je le dis devant Jan Pronk - la question du Darfour sans le Soudan ou contre le Soudan, on la règlera avec lui, avec la bonne coopération du gouvernement de Khartoum. Donc, je souhaite simplement que, désormais, on comprenne bien qu'il n'y a pas d'hostilité, qu'il doit y avoir coopération. Et je pense que cette explication sera finalement bien comprise.
Q - (A propos de la perception de la Cour pénale internationale par les Soudanais)
R - La Cour pénale internationale est un instrument qui intéresse le monde entier, qui vise à empêcher l'impunité, qui vise à traduire en justice des personnes qui, individuellement, ont commis des exactions. Il se trouve qu'un premier point d'application, c'est cette question du Darfour. Et je veux confirmer que, pour la paix et la stabilité du Darfour, rien ne se fera sans le Soudan, contre le Soudan. C'est la position de la France et je le dis à l'intention du peuple de ce grand pays.
Q - Le président soudanais a dit qu'il ne permettrait pas que les Soudanais soient jugés à l'étranger et il y a cette cristallisation autour de la Cour pénale internationale. Est-ce qu'il y a effectivement des négociations sur la forme que cela pourrait prendre, sur par exemple le fait que la Cour pénale soit délocalisée, puisse siéger à Khartoum ? D'autre part, Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous aviez eu un entretien téléphonique avec le vice-président, que vous a-t-il répondu à cette déclaration ?
R - Je vous ai signalé que j'avais eu cet entretien. Nous avons parlé, il était sur le chemin du retour d'Oslo et c'était un premier contact entre lui et moi. J'en aurai d'autres d'ailleurs avec M. Garang, j'irai naturellement à Khartoum, ce que j'ai prévu de faire dans les prochains mois. La justice soudanaise peut et doit continuer son travail. Je veux dire que la Cour pénale viendra en plus, et les modalités de la mise en uvre de ces décisions vont faire l'objet d'un travail dont nous parlerons ensemble, au niveau de la communauté internationale.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 avril 2005)
La paix au Soudan, pour l'ensemble de ce pays - qui est, je le rappelle, le plus grand pays du continent africain avec un potentiel considérable - est un enjeu essentiel pour la communauté internationale. La mise en uvre de l'accord avec le Sud, qui a été préparé à Naïvasha et signé en janvier, va bénéficier, grâce à cette réunion des donateurs à Oslo, d'un appui massif de la communauté internationale avec une implication considérable des bailleurs de fonds dont les engagements vont s'élever à 4 milliards 700 millions de dollars sur la période 2005-2007 - la France, pour sa part, apportera 120 millions d'euros dans ce cadre - et puis de la mise en place, sur la proposition des Etats-Unis, d'une très importante opération de maintien de la paix mobilisant 10.000 hommes pendant six ans. La France a bien entendu donné son plein accord et son appui à cette initiative de sécurité.
Mais, Mesdames et Messieurs, je l'ai dit à Jan Pronk, il n'y aura pas pour nous tous de paix durable et valable au Soudan sans la paix et la stabilité dans le Darfour. Le drame qui s'y prolonge est notre sujet majeur de préoccupation depuis son origine. Notre pays a été l'un des premiers à souligner l'ampleur et l'impact de cette tragédie à un moment où la communauté internationale faisait porter tous ses efforts sur la conclusion de l'accord avec le Sud. Dès la fin 2003, notre pays a engagé des moyens pour venir en aide aux populations menacées. Nous avons dialogué avec les autorités soudanaises pour apporter un règlement rapide à cette question. Je suis allé d'ailleurs sur place l'été dernier à El-Facher et au Tchad. Et, ce matin même, je me suis entretenu à nouveau de cette question avec le vice-président soudanais, M. Taha, qui a joué un rôle majeur dans la conclusion de l'accord avec le Sud et dont l'expérience sera très utile pour avancer sur la question du Darfour.
Depuis cette date, l'apport total de la France en faveur du seul Darfour s'élève d'ores et déjà à plus de 80 millions d'euros. Notre objectif est de renforcer en priorité l'appui apporté à l'engagement sur le terrain de l'Union africaine. Nous avons, avec Jan Pronk, beaucoup parlé de ce rôle majeur que doit jouer, là comme dans d'autres crises en Afrique, avec notre soutien, l'Union africaine, et qu'elle joue, on l'a encore vu il y a quelques jours avec l'Accord de Pretoria concernant la Côte d'Ivoire. Ici comme ailleurs, je le redis, l'engagement en première ligne de l'Union africaine est un gage d'efficacité.
C'est dans cet esprit également que la France s'est mobilisée aux Nations unies pour obtenir la saisine de la Cour pénale internationale. Nous croyons fermement que seule une solution pacifique et politique permettra de sortir de ce conflit. Nous croyons également que cette solution passe par la fin de l'impunité. Voilà pourquoi, dans notre dialogue, nous souhaitons appeler tous les responsables politiques soudanais à participer à ce mouvement de stabilité, à ce dialogue, de manière constructive, et à faire réussir les négociations politiques qui doivent reprendre sous l'égide de l'Union africaine. Je veux enfin répéter que ce drame du Darfour est une préoccupation permanente, quotidienne pour la diplomatie française, que tout ce que nous avons fait est nécessaire, mais que ce n'est pas suffisant, que nos efforts ne se relâcheront pas tant qu'une solution politique et pacifique ne sera pas définie et mise en uvre sur le terrain. J'ai l'intention de continuer à travailler, bien sûr au nom du gouvernement français mais aussi à l'intérieur de l'Union européenne, pour que ce que vous souhaitez, Cher Jan Pronk, ce que vous demandez, soit accompagné par chacun des pays européens, bilatéralement mais aussi en tant qu'Union européenne, de manière plus déterminée encore au moment où nous nous trouvons.
Q - Y a-t-il une perspective de paix dans l'année à venir ?
R - Une des conditions, Jan Pronk me l'a bien précisé, c'est que la sécurité soit garantie sur l'ensemble du Darfour qui est très vaste. Donc, l'augmentation importante des moyens de l'Union africaine sur le terrain, au-delà des 2.500 hommes qui s'y trouvent aujourd'hui, est une des conditions pour stabiliser.
Q - Est-ce que vous avez confirmation que M. Thabo Mbeki a établi une liste de candidats possibles pour la présidence ivoirienne et que cette liste comporte le nom de M. Ouattara et, si oui, quelle est votre réaction ?
R - Nous avons, depuis le début et d'ailleurs bien avant l'Accord de Marcoussis ou de Kléber, souhaité la médiation africaine. Et donc, dans le même esprit et à partir des éléments que chacun connaît dont les deux plus névralgiques sont, d'une part, le désarmement et le cantonnement, d'autre part une élection présidentielle ouverte - ce sont les deux points centraux qui ont été bien identifiés depuis plusieurs mois -, nous avons soutenu ce nouvel engagement de l'Union africaine qu'a conduit Thabo Mbeki. Franchement et sincèrement, nous nous sommes réjouis de l'Accord de Pretoria qui rassemblait, autour de lui, les quatre principaux responsables du destin de la Côte d'Ivoire, avec des engagements précis et un calendrier. Il restait en effet cette question de l'élection présidentielle et de son ouverture. Au moment où je vous parle, je n'ai pas la confirmation d'une annonce de sa part mais je sais qu'il travaillait - puisque c'est le mandat qui lui avait été donné par ces quatre responsables du destin de la Côte d'Ivoire qui ont décidé de le considérer comme un médiateur et de respecter sa médiation -, je sais qu'il cherchait une solution pour simplement garantir l'un des points que je viens d'évoquer, c'est-à-dire une élection présidentielle ouverte. Et s'il a trouvé cette solution, nous continuerons de dire que nous le soutenons.
Q - Monsieur le Ministre, il y a eu aujourd'hui au Soudan des manifestations de centaines d'étudiants devant l'ambassade française contre la Cour pénale internationale et disant que la France retire cela et fasse des excuses, etc. Je voudrais juste une réaction à ces manifestations.
R - Tout le monde connaît depuis longtemps la position qui est celle des pays de l'Union européenne et donc de la France à propos de cette Cour pénale internationale. Et nous avions, avec la question du Darfour et un certain nombre d'exactions qui ont été commises, l'occasion de démontrer la crédibilité de cette proposition et de cette Cour pénale internationale, c'était pour nous une question de crédibilité et j'ai eu l'occasion, ce matin, d'évoquer cette position de l'Union européenne et de beaucoup d'autres membres du Conseil de sécurité dans mon entretien téléphonique avec le vice-président M. Taha. J'aurai d'autres occasions de m'entretenir avec des dirigeants de Khartoum. Vous savez, je suis allé au Soudan et à El-Facher et j'ai dit une chose, que je crois, c'est qu'on ne règlera pas - je le dis devant Jan Pronk - la question du Darfour sans le Soudan ou contre le Soudan, on la règlera avec lui, avec la bonne coopération du gouvernement de Khartoum. Donc, je souhaite simplement que, désormais, on comprenne bien qu'il n'y a pas d'hostilité, qu'il doit y avoir coopération. Et je pense que cette explication sera finalement bien comprise.
Q - (A propos de la perception de la Cour pénale internationale par les Soudanais)
R - La Cour pénale internationale est un instrument qui intéresse le monde entier, qui vise à empêcher l'impunité, qui vise à traduire en justice des personnes qui, individuellement, ont commis des exactions. Il se trouve qu'un premier point d'application, c'est cette question du Darfour. Et je veux confirmer que, pour la paix et la stabilité du Darfour, rien ne se fera sans le Soudan, contre le Soudan. C'est la position de la France et je le dis à l'intention du peuple de ce grand pays.
Q - Le président soudanais a dit qu'il ne permettrait pas que les Soudanais soient jugés à l'étranger et il y a cette cristallisation autour de la Cour pénale internationale. Est-ce qu'il y a effectivement des négociations sur la forme que cela pourrait prendre, sur par exemple le fait que la Cour pénale soit délocalisée, puisse siéger à Khartoum ? D'autre part, Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous aviez eu un entretien téléphonique avec le vice-président, que vous a-t-il répondu à cette déclaration ?
R - Je vous ai signalé que j'avais eu cet entretien. Nous avons parlé, il était sur le chemin du retour d'Oslo et c'était un premier contact entre lui et moi. J'en aurai d'autres d'ailleurs avec M. Garang, j'irai naturellement à Khartoum, ce que j'ai prévu de faire dans les prochains mois. La justice soudanaise peut et doit continuer son travail. Je veux dire que la Cour pénale viendra en plus, et les modalités de la mise en uvre de ces décisions vont faire l'objet d'un travail dont nous parlerons ensemble, au niveau de la communauté internationale.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 avril 2005)