Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il est assez rare qu'une " niche parlementaire " soit utilisée pour un débat et non pour une proposition de loi. Aussi, je souhaiterais en préambule remercier le groupe UMP de cette initiative d'autant que l'intégration est au cur des enjeux qui se posent aujourd'hui à la France
Depuis plusieurs siècles, notre patrie est une terre d'accueil. Des milliers de femmes et d'hommes, venus d'ailleurs, s'y sont installés et ont adopté la France... Des peuples fuyant l'horreur des guerres à ceux cherchant les conditions d'une vie meilleure, tous sont venus rejoindre la communauté nationale voyant en la France d'abord un idéal.
Depuis la Révolution française, cet idéal se confond avec celui du combat républicain. La France entretient une relation très particulière avec la République. Comme l'écrit le Professeur AGULHON, " le terme de république en France évoque bien davantage qu'un système juridique. "
Bien plus qu'un système de gouvernement, la République Française est en fait un projet politique et social dont les valeurs et les pratiques expriment la volonté d'un peuple d'écrire ensemble son histoire.
La portée politique de cet objectif est élevée. Il oblige à veiller à l'affirmation de la supériorité de l'intérêt général sur les intérêts particuliers ; il impose que chacun d'entre-nous accepte de transcender ses singularités au profit d'une appartenance plus large.
Cette reconnaissance n'est pas aisée. Elle procède d'un choix politique qui recouvre des implications concrètes. L'intégration en est une
L'universalisme français facilite ce processus d'intégration. Il a le mérite, comme l'écrivait Emmanuel TODD " de coïncider très exactement avec le comportement de population d'accueil effectivement prêtes à reconnaître les immigrés comme Français, dès lors qu'ils [acceptent], en plus de la langue française, les quelques valeurs définissant un fond commun "
Mesdames et Messieurs les Députés, depuis vingt ans, la France n'intègre plus suffisamment !
Au cours des dernières décennies, l'idéal républicain s'est essoufflé. Le patriotisme fut parfois moqué et le principe d'autorité s'est vu contesté. Les institutions traditionnelles qui concourraient au brassage et à un certain ordonnancement social (famille, syndicats, partis,) ont perdu de leurs forces. Par ailleurs, la crise économique et ses mutations ont brouillé les repères sociaux et moraux
Bref, le doute s'est emparé du modèle français. Du même coup, le processus d'intégration s'est grippé.
La crispation de notre société a alors provoqué des phénomènes de repli dont l'expression a parfois été la peur de l'autre, et plus particulièrement des populations issues de l'immigration. Devenues une catégorie " à part " dans la société, ces populations n'ont pas été assez accompagnées par l'Etat. La République n'a pas su leur offrir la contrepartie de leur intégration (je pense ici, par exemple, à la promotion sociale) ni fixer les règles et devoirs qui s'attachent à son respect.
Bien sur, il existe des réussites d'intégration exemplaires, mais pour l'essentiel, il y a un semi échec de l'intégration.
Ce semi échec repose pour une part sur le discours des années 80 vantant les mérites du " différentialisme " qui est l'antichambre du communautarisme. L'éloge de la différence a, en effet, contribué à diluer les règles du jeu de la société française. Point ultime de cette évolution, à la fin des années 90, le mot même d'intégration a été gommé du vocabulaire du précédent Gouvernement pour des motifs à bien des égards idéologiques, afin d'y substituer celui de lutte contre les discriminations dont le symbole était le numéro d'appel gratuit 114.
Cette lutte est utile, mais en s'imposant comme l'axe central de l'intégration, elle négligeait tout le reste, c'est-à-dire l'essentiel.
Face à cette situation générale peu satisfaisante, le Gouvernement a entrepris, sous l'impulsion du Président de la République, une refondation de la politique d'intégration qui est aux couleurs de la République et promeut les valeurs qui nous rassemblent. En ce domaine, il faut arrêter avec les complexes et l'autodénigrement !
Je parle de refondation, car il s'agit de rendre à l'Etat, au côté des collectivités territoriales et des associations, toute la place qui est la sienne afin qu'il garantisse l'unité nationale ;
Je parle de refondation, car entre la France et l'étranger une relation de confiance et d'obligations réciproques doit être instaurée. Le temps de l'anonymat réciproque est révolu ! On est là au cur de l'idée de contrat avec ses droits et devoirs ;
Je parle de refondation, car nous cherchons l'égalité concrète des chances en portant nos efforts sur la promotion sociale sur laquelle doit s'articuler la lutte contre les discriminations qui ne doit pas être synonyme de victimisation.
Ce mot de refondation peut surprendre, mais il n'est pas trop fort. Notre doctrine, nos institutions, nos outils de l'intégration datent, en effet, très largement de la fin de la décolonisation. Ils sont inadaptés aux besoins des nouveaux immigrants. Désormais, l'immigration est d'origine plus diverse et avant tout familiale plus que de travail. Par ailleurs, ils répondent de plus en plus imparfaitement aux attentes des résidents de longue durée et plus encore à celles de nos compatriotes issus de l'immigration. Ceux-ci attendent de nous une stricte égalité de traitement et la remise en marche de l'ascenseur social.
Il nous faut donc profondément réformer l'ensemble de nos dispositifs d'intégration. Notre démarche entreprise depuis deux ans a retenu l'attention de la Commission européenne. Ainsi, paradoxalement, l'exception française d'intégration inspire les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne et intéresse la Grande-Bretagne.
Dès notre arrivée, nous avons rétabli les institutions qui contribuent à la définition d'une politique volontariste.
L'un de nos premiers actes a été de nommer un nouveau Haut Conseil à l'Intégration. Placé sous la présidence de Madame Blandine KRIEGEL, nous avons souhaité qu'il soit à l'image de la diversité de notre Nation avec de nombreuses femmes, des personnes d'origine asiatique, africaine, domienne, enfant de harkis.
C'est une instance de réflexions et de propositions, trop longtemps négligée, et pourtant essentielle pour mettre en perspective notre politique publique d'intégration.
D'ores et déjà deux avis ont été remis au Premier Ministre. Le premier porte sur les droits civils des femmes issues de l'immigration ; le second sur la promotion sociale des jeunes venus de quartiers en difficulté. Ils retiendront notre attention lors du prochain comité interministériel.
Seconde institution rétablie, le Comité Interministériel à l'Intégration. Créé en 1989, il ne s'était plus réuni depuis 1990. C'est une grave erreur que nous avons voulu réparer. L'intégration doit être une priorité pour l'ensemble du Gouvernement. Tout relâchement dans ce domaine conduit à des reculs, voire à des dérives.
Par décret du 30 janvier 2003, le Comité Interministériel a été modifié, sa composition élargie, et désormais, à la suite du comité du 10 avril 2003, il se réunira tous les ans. Au printemps, le prochain comité interministériel sera consacré à la formation et à l'emploi et je souhaite que soit fortement impliqué le monde de l'entreprise.
Nous avons ensuite créé une politique d'accueil, pour que nous ne retrouvions pas, dans 15 à 20 ans, les mêmes problèmes d'intégration.
A l'heure ou certains doutent et s'interrogent sur le rôle de l'Etat, nous posons les bases d'un véritable service public de l'accueil. Le temps de la dispersion des structures et de l'improvisation est révolu !
Mesure phare de ce dispositif, annoncé par le Président de la République à Troyes, le contrat d'accueil et d'intégration a fait l'objet d'une expérimentation dans douze départements au deuxième semestre 2003.
Les résultats de cette expérimentation sont très satisfaisants.
Au 31 décembre, 8 027 contrats ont été signés par des étrangers représentant 114 nationalités, ce qui représente 25 000 contrats en année pleine sur ces douze départements.
Sont concernés, les conjoints de Français, les bénéficiaires du regroupement familial ou titulaires d'une carte " vie privée et familiale ", ou des titres de séjour autorisant à travailler, les réfugiés statutaires et les bénéficiaires de régularisation. Seuls sont exclus les étudiants qui n'ont pas vocation à s'installer durablement et les mineurs dont l'intégration se fait par le système scolaire.
Les signataires de ces contrats sont jeunes, puisque plus de 74 % d'entre eux ont moins de 35 ans. Les conjoints de Français constituent le public le plus nombreux (55 %) ; le nombre des personnes issues de la régularisation avoisine les 15 %. Le taux de signature est de 90 %.
Ce contrat comprend principalement une journée de formation civique obligatoire, des formations linguistiques qui ont concernées 34,8 % des étrangers et un suivi social spécifique.
Au terme de cette expérimentation, notre objectif est désormais ambitieux.
En 2004, 45 000 contrats devraient être signés. Fin 2005, la totalité des migrants réguliers se verra proposer un contrat d'accueil et d'intégration. Ils étaient 124 793 en 2002. Prochainement, il s'agira de lier la signature et le respect du contrat avec la délivrance de la carte de résident de longue durée. C'est d'ailleurs ce que vous avez souhaité en modifiant, en novembre dernier, l'ordonnance de 1945 relative au séjour des étrangers en France.
Concrètement, le service public de l'accueil se met en place selon deux cas de figure :
- dans les départements de fortes migrations sont créés des plates formes de l'Office des Migrations Internationales (OMI). Il en existe d'ores et déjà 10. Cinq nouvelles plates formes viendront compléter le dispositif au plus tard en juillet 2004 ;
- dans les départements où les flux migratoires sont faibles, la prestation d'accueil est assurée par des équipes mobiles dans les locaux de la Préfecture.
Contrat d'intégration, généralisation des plates formes d'accueil : tout cela doit être coordonné ! C'est dans cette perspective, que sera créée, prochainement une Agence nationale chargée de l'accueil et de l'immigration.
Il s'agit de fusionner l'Office des Migrations Internationales (OMI) et le Service Social d'Aide aux Emigrants (SSAE), qui est une association subventionnée en totalité par l'Etat. Cette fusion va permettre de doubler le réseau d'accueil initial, afin d'obtenir une taille critique de plus de 800 personnes.
J'observe qu'en ayant rétabli par la loi de finances rectificative 2002, la taxe perçue à l'occasion de l'entrée en France de certaines catégories d'étrangers, vous nous avez donné les moyens de cette réforme.
Enfin, sur le plan des missions, l'Agence a désormais en charge :
- la gestion administrative du regroupement familial et des autorisations de travail. A ce propos, je vous indique qu'en 2002, 20 989 personnes ont été introduites en France, à la demande d'entreprises, au titre du travail, dont 44 % de diplômés, ce qui situe notre pays au deuxième rang en Europe derrière le Danemark. On peut donc parler d'introduction sélective.
Notre pratique se caractérise par son pragmatisme. Elle vise à répondre aux besoins de l'économie et des entreprises. J'ai lancé sur ce sujet une réflexion qui doit être approfondie en liaison avec le Commissariat Général au Plan ;
- l'Agence a également en charge la politique d'accueil de l'ensemble des migrants réguliers sur les plans administratif, sanitaire et social depuis le 1er juillet 2003 ;
- la coordination du dispositif national d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile depuis le 1er janvier 2004 ;
- ainsi que les dispositifs d'aide au retour volontaire.
En 2005, c'est l'ensemble des outils qui fondent le nouveau service public de l'accueil qui sera donc en place.
Mais, bien entendu, la politique d'intégration ne se limite pas à l'accueil des nouveaux arrivants. Elle est aussi la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire un rejet. On touche là au problème de la promotion sociale et de l'égalité des chances.
Aujourd'hui nous préparons la deuxième phase de réformes afin de mettre en place une politique de promotion sociale et d'égalité des chances
La précarité sociale et professionnelle n'est pas propre aux personnes issues de l'immigration mais elle les touche de façon plus prégnante. Dans les quartiers sensibles, elle accentue les pertes de repères civiques et favorise le repli sur soi, sur sa communauté, réelle ou supposée, que l'on soit Français d'origine, issu de l'immigration ou étranger.
Aussi, est-il temps de se poser la question de la spécificité d'une politique sociale en direction de ces populations. Comment doit-elle être coordonnée avec une autre politique territoriale qu'est la politique de la ville ? Le Gouvernement y réfléchit. Parmi les pistes que nous explorons figure la réorientation de la Délégation Interministérielle à la Ville qui s'impose en 2004.
Aujourd'hui, il existe un établissement public, le Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD) subventionné, en 2003, à hauteur 170 M qui ont été intégralement versés par l'Etat, quoiqu'en ait dit l'opposition au cours de l'année dernière. Pour 2004, ses crédits d'interventions sont d'ailleurs en légère augmentation. Cependant, nous nous interrogeons. Selon un récent rapport de l'IGAS, cette politique d'intervention est peu lisible et repliée sur elle-même.
Il me paraît donc temps de choisir quelle sera la cohérence des politiques sectorielles concourant à la cohésion sociale (asile, intégration, ville, lutte contre les exclusions) que l'Etat a conservées et qui seront toujours de sa responsabilité, en lien avec les compétences de droit commun des départements. A ce titre, j'attends beaucoup des réflexions conduites dans le cadre des travaux, notamment du Haut Conseil à l'Intégration et de la Cour des Comptes.
Par delà les structures à réformer ou à imaginer, il nous faut également réorienter nos actions, en priorité vers l'éducation, l'emploi et l'accès au logement, c'est-à-dire vers l'autonomisation des personnes, de toutes les personnes habitants dans les quartiers qu'elles soient françaises ou étrangères.
Pour se faire, la doctrine Républicaine ne reconnaît pas les prétendues races et exclut, par la même, le recours à des critères ethniques pour déterminer les bénéficiaires d'une politique.
Ce que le Gouvernement souhaite c'est une politique de promotion sociale et d'égalité des chances :
- qui soit fondée sur des critères sociaux et territoriaux, dont on sait, dans certains quartiers populaires, qu'ils recoupent majoritairement des personnes issues de l'immigration,
- et qui a la spécificité de s'appuyer systématiquement sur un accompagnement individualisé.
Permettez moi d'illustrer mon propos par quelques dispositifs interministériels que nous avons mis en place, dans cet esprit, il y a près d'un an, et que nous avons la volonté de développer et de généraliser.
Ainsi, mon collègue Luc FERRY a adressé une instruction à ses services, en juillet, afin que sur 30 000 bourses au mérite, 10 000 soient attribuées à des jeunes en zone d'éducation prioritaire. A ce jour 5 000 bourses ont été attribuées, faisant que l'objectif des 10 000 sera atteint à la rentré 2004.
Pour ce qui concerne mon ministère, j'ai relancé le dispositif de parrainage vers l'emploi. En 2002, 12 466 personnes ont été parrainées par 432 réseaux comprenant 7 380 parrains. Les premiers résultats de 2003 marquent déjà une progression, puisque le nombre de parrainage de 2002 a été dépassé début octobre 2003.
Le Comité Interministériel à l'Intégration a retenu un objectif de 25 000 parrainages des jeunes des quartiers vers les entreprises en 2004. A cette fin, pour la première fois, le dispositif de parrainage figure clairement dans la circulaire de territorialisation de la politique de l'emploi pour 2004. Pour la première fois, également, des objectifs quantifiés ont été définis par région.
Par ailleurs, il ne peut y avoir intégration tant que subsisteront des discriminations Il faut agir pour l'égalité de traitement !
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi, notamment, représente un enjeu essentiel pour la cohésion sociale de notre Nation. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des raisons étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Un rapport avait été remis à Madame Martine AUBRY par le Haut Conseil à l'Intégration en 1997. Il n'avait pas été suivi d'effet
Aussi était-il urgent de réagir !
C'est pourquoi, le Premier Ministre a confié à Bernard STASI, en juin dernier, une mission relative à la création d'une autorité administrative indépendante de lutte contre toutes les formes de discrimination, donc bien au-delà des seules discriminations en raison des origines. Ce rapport sera remis dans les prochains jours.
Cette création devrait donner lieu au dépôt devant le Parlement d'un projet de loi avant l'été. Ce projet sera l'occasion de réaffirmer, très concrètement, le principe d'égalité de traitement qui est au cur de notre politique d'intégration.
Cette politique d'égalité des chances et de soutien personnalisé trouve également une traduction dans l'accès à la fonction publique.
Le Gouvernement a ainsi décidé de mettre en place des expériences de préparation aux concours, dans 10 sites de ZEP appartenant à 8 Académies.
Le début effectif des formations a commencé en janvier pour permettre la présentation des stagiaires à une douzaine de concours de catégories B et C, à la fin du printemps. La réussite de ces expériences devrait permettre la généralisation de ce dispositif à l'ensemble des ZEP, dans l'esprit de la jurisprudence récente relative à l'accès à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.
Pour ce qui concerne nombre de jeunes issus de l'immigration qui ne sont pas nés en France et de moins jeunes, la naturalisation est la clé de l'accès aux concours. En la matière, je sais que les délais sont trop longs. C'est pourquoi j'ai décidé de réorganiser cette administration. Les premiers résultats sont là. En janvier de cette année il y avait 62 000 dossiers en retard. Au 31 décembre il n'en restait plus que 34 000. Le délai d'instruction est passé de 16 à 7 mois.
Ainsi, dès le milieu de l'année prochaine, les dossiers de naturalisations seront traités par mon ministère en temps réel, dès leur arrivée.
Restent les délais encore trop longs de constitution des dossiers en Préfecture et d'établissement des pièces d'état civil français par le Ministère des affaires étrangères, au terme de la procédure. Nous devons collectivement chercher à réduire ces délais afin que l'on puisse être naturalisé en un an.
Nous préparons, par ailleurs, les modalités d'examen des connaissances des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté française puisque vous avez modifié, en novembre, le Code civil en ce qui concerne les naturalisations.
Enfin, j'ai la conviction que la question de la représentation et de la reconnaissance de ce que les immigrations successives ont apporté à notre pays est importante pour la cohésion nationale.
La France n'est pas une race ! Elle s'est aussi façonnée aux visages de celles et de ceux qui, depuis des siècles, s'y sont installés, l'ont aimée et l'ont servie, parfois plus intensément encore que des Français dits " de souche " Cette part que nous devons à l'immigration dans la construction de la France ne doit pas être oubliée.
Aussi, Jacques TOUBON, a-t-il été chargé d'une mission de préfiguration du Centre de Ressources et de Mémoire de l'Immigration. Là encore, nos prédécesseurs, après avoir demandé un rapport rendu au début de l'année 2001, n'ont rien fait. En ce qui nous concerne, nous ferons preuve ici de volontarisme !
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés, ces quelques éléments me paraissent illustrer la détermination du Président de la République et du Gouvernement, à apporter des réponses simples et efficaces aux difficultés que rencontre, depuis près de 20 ans, notre communauté nationale.
Nous le ressentons tous, notre pays est dans l'un de ces moments clés où il s'interroge sur son avenir et son identité. Face à la question des flux migratoires qui est intimement liée à l'idée que nous nous faisons du pacte républicain, trois options sont possibles :
- celle de l'isolement national, qui est contraire aux intérêts de la France ;
- celle du communautarisme, qui est contraire à la citoyenneté et à l'unité nationale. Au regard de l'individualisme et de la perte de certains repères collectifs que provoquent notre société contemporaine, je peux comprendre l'attrait du communautarisme Pour autant, dans un monde ouvert dans lequel 60 millions de Français côtoient six milliards d'individus, ce n'est qu'ensemble que nous pourrons affronter les défis qui se posent à nous. Pensons d'abord à ce qui nous rassemble plutôt qu'à ce qui nous distingue !
- il y a enfin une troisième option, qui est la nôtre : celle de l'intégration qui doit être renforcée. La France est une Nation ouverte et doit le rester. Elle doit être à la fois sans faille vis-à-vis de l'immigration irrégulière et généreuse dans sa capacité d'accueil. Il n'y a là aucune contradiction bien au contraire : l'immigration irrégulière est un cancer pour certains quartiers et elle y réduit à néant nos efforts d'intégration. Notre générosité doit être exigeante, tant vis-à-vis des citoyens que des étrangers, et non fondée sur le laisser-aller qui est une forme d'indifférence. Cette générosité et cette confiance doivent notamment s'exprimer à l'égard des jeunes de nos quartiers qui ne trouvent pas d'avenir et qui pourtant recèlent d'énergie. Cette énergie est une chance pour la France si nous savons, ensemble, lui donner un idéal.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je terminerai et insisterai là-dessus. Ce renforcement de l'intégration ne dépend pas exclusivement d'une partie de notre population appelée à s'associer à notre communauté de destin. Elle dépend de notre foi collective dans nos valeurs citoyennes et nationales. L'intégration n'est que l'un des éléments d'une dynamique républicaine qui doit être globale et concerner tous les Français. Comme l'écrivait André MALRAUX " la France n'est jamais plus grande, que lorsqu'elle l'est pour tous ".
(source http://www.social.gouv.fr, le 12 février 2004)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il est assez rare qu'une " niche parlementaire " soit utilisée pour un débat et non pour une proposition de loi. Aussi, je souhaiterais en préambule remercier le groupe UMP de cette initiative d'autant que l'intégration est au cur des enjeux qui se posent aujourd'hui à la France
Depuis plusieurs siècles, notre patrie est une terre d'accueil. Des milliers de femmes et d'hommes, venus d'ailleurs, s'y sont installés et ont adopté la France... Des peuples fuyant l'horreur des guerres à ceux cherchant les conditions d'une vie meilleure, tous sont venus rejoindre la communauté nationale voyant en la France d'abord un idéal.
Depuis la Révolution française, cet idéal se confond avec celui du combat républicain. La France entretient une relation très particulière avec la République. Comme l'écrit le Professeur AGULHON, " le terme de république en France évoque bien davantage qu'un système juridique. "
Bien plus qu'un système de gouvernement, la République Française est en fait un projet politique et social dont les valeurs et les pratiques expriment la volonté d'un peuple d'écrire ensemble son histoire.
La portée politique de cet objectif est élevée. Il oblige à veiller à l'affirmation de la supériorité de l'intérêt général sur les intérêts particuliers ; il impose que chacun d'entre-nous accepte de transcender ses singularités au profit d'une appartenance plus large.
Cette reconnaissance n'est pas aisée. Elle procède d'un choix politique qui recouvre des implications concrètes. L'intégration en est une
L'universalisme français facilite ce processus d'intégration. Il a le mérite, comme l'écrivait Emmanuel TODD " de coïncider très exactement avec le comportement de population d'accueil effectivement prêtes à reconnaître les immigrés comme Français, dès lors qu'ils [acceptent], en plus de la langue française, les quelques valeurs définissant un fond commun "
Mesdames et Messieurs les Députés, depuis vingt ans, la France n'intègre plus suffisamment !
Au cours des dernières décennies, l'idéal républicain s'est essoufflé. Le patriotisme fut parfois moqué et le principe d'autorité s'est vu contesté. Les institutions traditionnelles qui concourraient au brassage et à un certain ordonnancement social (famille, syndicats, partis,) ont perdu de leurs forces. Par ailleurs, la crise économique et ses mutations ont brouillé les repères sociaux et moraux
Bref, le doute s'est emparé du modèle français. Du même coup, le processus d'intégration s'est grippé.
La crispation de notre société a alors provoqué des phénomènes de repli dont l'expression a parfois été la peur de l'autre, et plus particulièrement des populations issues de l'immigration. Devenues une catégorie " à part " dans la société, ces populations n'ont pas été assez accompagnées par l'Etat. La République n'a pas su leur offrir la contrepartie de leur intégration (je pense ici, par exemple, à la promotion sociale) ni fixer les règles et devoirs qui s'attachent à son respect.
Bien sur, il existe des réussites d'intégration exemplaires, mais pour l'essentiel, il y a un semi échec de l'intégration.
Ce semi échec repose pour une part sur le discours des années 80 vantant les mérites du " différentialisme " qui est l'antichambre du communautarisme. L'éloge de la différence a, en effet, contribué à diluer les règles du jeu de la société française. Point ultime de cette évolution, à la fin des années 90, le mot même d'intégration a été gommé du vocabulaire du précédent Gouvernement pour des motifs à bien des égards idéologiques, afin d'y substituer celui de lutte contre les discriminations dont le symbole était le numéro d'appel gratuit 114.
Cette lutte est utile, mais en s'imposant comme l'axe central de l'intégration, elle négligeait tout le reste, c'est-à-dire l'essentiel.
Face à cette situation générale peu satisfaisante, le Gouvernement a entrepris, sous l'impulsion du Président de la République, une refondation de la politique d'intégration qui est aux couleurs de la République et promeut les valeurs qui nous rassemblent. En ce domaine, il faut arrêter avec les complexes et l'autodénigrement !
Je parle de refondation, car il s'agit de rendre à l'Etat, au côté des collectivités territoriales et des associations, toute la place qui est la sienne afin qu'il garantisse l'unité nationale ;
Je parle de refondation, car entre la France et l'étranger une relation de confiance et d'obligations réciproques doit être instaurée. Le temps de l'anonymat réciproque est révolu ! On est là au cur de l'idée de contrat avec ses droits et devoirs ;
Je parle de refondation, car nous cherchons l'égalité concrète des chances en portant nos efforts sur la promotion sociale sur laquelle doit s'articuler la lutte contre les discriminations qui ne doit pas être synonyme de victimisation.
Ce mot de refondation peut surprendre, mais il n'est pas trop fort. Notre doctrine, nos institutions, nos outils de l'intégration datent, en effet, très largement de la fin de la décolonisation. Ils sont inadaptés aux besoins des nouveaux immigrants. Désormais, l'immigration est d'origine plus diverse et avant tout familiale plus que de travail. Par ailleurs, ils répondent de plus en plus imparfaitement aux attentes des résidents de longue durée et plus encore à celles de nos compatriotes issus de l'immigration. Ceux-ci attendent de nous une stricte égalité de traitement et la remise en marche de l'ascenseur social.
Il nous faut donc profondément réformer l'ensemble de nos dispositifs d'intégration. Notre démarche entreprise depuis deux ans a retenu l'attention de la Commission européenne. Ainsi, paradoxalement, l'exception française d'intégration inspire les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne et intéresse la Grande-Bretagne.
Dès notre arrivée, nous avons rétabli les institutions qui contribuent à la définition d'une politique volontariste.
L'un de nos premiers actes a été de nommer un nouveau Haut Conseil à l'Intégration. Placé sous la présidence de Madame Blandine KRIEGEL, nous avons souhaité qu'il soit à l'image de la diversité de notre Nation avec de nombreuses femmes, des personnes d'origine asiatique, africaine, domienne, enfant de harkis.
C'est une instance de réflexions et de propositions, trop longtemps négligée, et pourtant essentielle pour mettre en perspective notre politique publique d'intégration.
D'ores et déjà deux avis ont été remis au Premier Ministre. Le premier porte sur les droits civils des femmes issues de l'immigration ; le second sur la promotion sociale des jeunes venus de quartiers en difficulté. Ils retiendront notre attention lors du prochain comité interministériel.
Seconde institution rétablie, le Comité Interministériel à l'Intégration. Créé en 1989, il ne s'était plus réuni depuis 1990. C'est une grave erreur que nous avons voulu réparer. L'intégration doit être une priorité pour l'ensemble du Gouvernement. Tout relâchement dans ce domaine conduit à des reculs, voire à des dérives.
Par décret du 30 janvier 2003, le Comité Interministériel a été modifié, sa composition élargie, et désormais, à la suite du comité du 10 avril 2003, il se réunira tous les ans. Au printemps, le prochain comité interministériel sera consacré à la formation et à l'emploi et je souhaite que soit fortement impliqué le monde de l'entreprise.
Nous avons ensuite créé une politique d'accueil, pour que nous ne retrouvions pas, dans 15 à 20 ans, les mêmes problèmes d'intégration.
A l'heure ou certains doutent et s'interrogent sur le rôle de l'Etat, nous posons les bases d'un véritable service public de l'accueil. Le temps de la dispersion des structures et de l'improvisation est révolu !
Mesure phare de ce dispositif, annoncé par le Président de la République à Troyes, le contrat d'accueil et d'intégration a fait l'objet d'une expérimentation dans douze départements au deuxième semestre 2003.
Les résultats de cette expérimentation sont très satisfaisants.
Au 31 décembre, 8 027 contrats ont été signés par des étrangers représentant 114 nationalités, ce qui représente 25 000 contrats en année pleine sur ces douze départements.
Sont concernés, les conjoints de Français, les bénéficiaires du regroupement familial ou titulaires d'une carte " vie privée et familiale ", ou des titres de séjour autorisant à travailler, les réfugiés statutaires et les bénéficiaires de régularisation. Seuls sont exclus les étudiants qui n'ont pas vocation à s'installer durablement et les mineurs dont l'intégration se fait par le système scolaire.
Les signataires de ces contrats sont jeunes, puisque plus de 74 % d'entre eux ont moins de 35 ans. Les conjoints de Français constituent le public le plus nombreux (55 %) ; le nombre des personnes issues de la régularisation avoisine les 15 %. Le taux de signature est de 90 %.
Ce contrat comprend principalement une journée de formation civique obligatoire, des formations linguistiques qui ont concernées 34,8 % des étrangers et un suivi social spécifique.
Au terme de cette expérimentation, notre objectif est désormais ambitieux.
En 2004, 45 000 contrats devraient être signés. Fin 2005, la totalité des migrants réguliers se verra proposer un contrat d'accueil et d'intégration. Ils étaient 124 793 en 2002. Prochainement, il s'agira de lier la signature et le respect du contrat avec la délivrance de la carte de résident de longue durée. C'est d'ailleurs ce que vous avez souhaité en modifiant, en novembre dernier, l'ordonnance de 1945 relative au séjour des étrangers en France.
Concrètement, le service public de l'accueil se met en place selon deux cas de figure :
- dans les départements de fortes migrations sont créés des plates formes de l'Office des Migrations Internationales (OMI). Il en existe d'ores et déjà 10. Cinq nouvelles plates formes viendront compléter le dispositif au plus tard en juillet 2004 ;
- dans les départements où les flux migratoires sont faibles, la prestation d'accueil est assurée par des équipes mobiles dans les locaux de la Préfecture.
Contrat d'intégration, généralisation des plates formes d'accueil : tout cela doit être coordonné ! C'est dans cette perspective, que sera créée, prochainement une Agence nationale chargée de l'accueil et de l'immigration.
Il s'agit de fusionner l'Office des Migrations Internationales (OMI) et le Service Social d'Aide aux Emigrants (SSAE), qui est une association subventionnée en totalité par l'Etat. Cette fusion va permettre de doubler le réseau d'accueil initial, afin d'obtenir une taille critique de plus de 800 personnes.
J'observe qu'en ayant rétabli par la loi de finances rectificative 2002, la taxe perçue à l'occasion de l'entrée en France de certaines catégories d'étrangers, vous nous avez donné les moyens de cette réforme.
Enfin, sur le plan des missions, l'Agence a désormais en charge :
- la gestion administrative du regroupement familial et des autorisations de travail. A ce propos, je vous indique qu'en 2002, 20 989 personnes ont été introduites en France, à la demande d'entreprises, au titre du travail, dont 44 % de diplômés, ce qui situe notre pays au deuxième rang en Europe derrière le Danemark. On peut donc parler d'introduction sélective.
Notre pratique se caractérise par son pragmatisme. Elle vise à répondre aux besoins de l'économie et des entreprises. J'ai lancé sur ce sujet une réflexion qui doit être approfondie en liaison avec le Commissariat Général au Plan ;
- l'Agence a également en charge la politique d'accueil de l'ensemble des migrants réguliers sur les plans administratif, sanitaire et social depuis le 1er juillet 2003 ;
- la coordination du dispositif national d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile depuis le 1er janvier 2004 ;
- ainsi que les dispositifs d'aide au retour volontaire.
En 2005, c'est l'ensemble des outils qui fondent le nouveau service public de l'accueil qui sera donc en place.
Mais, bien entendu, la politique d'intégration ne se limite pas à l'accueil des nouveaux arrivants. Elle est aussi la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire un rejet. On touche là au problème de la promotion sociale et de l'égalité des chances.
Aujourd'hui nous préparons la deuxième phase de réformes afin de mettre en place une politique de promotion sociale et d'égalité des chances
La précarité sociale et professionnelle n'est pas propre aux personnes issues de l'immigration mais elle les touche de façon plus prégnante. Dans les quartiers sensibles, elle accentue les pertes de repères civiques et favorise le repli sur soi, sur sa communauté, réelle ou supposée, que l'on soit Français d'origine, issu de l'immigration ou étranger.
Aussi, est-il temps de se poser la question de la spécificité d'une politique sociale en direction de ces populations. Comment doit-elle être coordonnée avec une autre politique territoriale qu'est la politique de la ville ? Le Gouvernement y réfléchit. Parmi les pistes que nous explorons figure la réorientation de la Délégation Interministérielle à la Ville qui s'impose en 2004.
Aujourd'hui, il existe un établissement public, le Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD) subventionné, en 2003, à hauteur 170 M qui ont été intégralement versés par l'Etat, quoiqu'en ait dit l'opposition au cours de l'année dernière. Pour 2004, ses crédits d'interventions sont d'ailleurs en légère augmentation. Cependant, nous nous interrogeons. Selon un récent rapport de l'IGAS, cette politique d'intervention est peu lisible et repliée sur elle-même.
Il me paraît donc temps de choisir quelle sera la cohérence des politiques sectorielles concourant à la cohésion sociale (asile, intégration, ville, lutte contre les exclusions) que l'Etat a conservées et qui seront toujours de sa responsabilité, en lien avec les compétences de droit commun des départements. A ce titre, j'attends beaucoup des réflexions conduites dans le cadre des travaux, notamment du Haut Conseil à l'Intégration et de la Cour des Comptes.
Par delà les structures à réformer ou à imaginer, il nous faut également réorienter nos actions, en priorité vers l'éducation, l'emploi et l'accès au logement, c'est-à-dire vers l'autonomisation des personnes, de toutes les personnes habitants dans les quartiers qu'elles soient françaises ou étrangères.
Pour se faire, la doctrine Républicaine ne reconnaît pas les prétendues races et exclut, par la même, le recours à des critères ethniques pour déterminer les bénéficiaires d'une politique.
Ce que le Gouvernement souhaite c'est une politique de promotion sociale et d'égalité des chances :
- qui soit fondée sur des critères sociaux et territoriaux, dont on sait, dans certains quartiers populaires, qu'ils recoupent majoritairement des personnes issues de l'immigration,
- et qui a la spécificité de s'appuyer systématiquement sur un accompagnement individualisé.
Permettez moi d'illustrer mon propos par quelques dispositifs interministériels que nous avons mis en place, dans cet esprit, il y a près d'un an, et que nous avons la volonté de développer et de généraliser.
Ainsi, mon collègue Luc FERRY a adressé une instruction à ses services, en juillet, afin que sur 30 000 bourses au mérite, 10 000 soient attribuées à des jeunes en zone d'éducation prioritaire. A ce jour 5 000 bourses ont été attribuées, faisant que l'objectif des 10 000 sera atteint à la rentré 2004.
Pour ce qui concerne mon ministère, j'ai relancé le dispositif de parrainage vers l'emploi. En 2002, 12 466 personnes ont été parrainées par 432 réseaux comprenant 7 380 parrains. Les premiers résultats de 2003 marquent déjà une progression, puisque le nombre de parrainage de 2002 a été dépassé début octobre 2003.
Le Comité Interministériel à l'Intégration a retenu un objectif de 25 000 parrainages des jeunes des quartiers vers les entreprises en 2004. A cette fin, pour la première fois, le dispositif de parrainage figure clairement dans la circulaire de territorialisation de la politique de l'emploi pour 2004. Pour la première fois, également, des objectifs quantifiés ont été définis par région.
Par ailleurs, il ne peut y avoir intégration tant que subsisteront des discriminations Il faut agir pour l'égalité de traitement !
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi, notamment, représente un enjeu essentiel pour la cohésion sociale de notre Nation. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des raisons étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Un rapport avait été remis à Madame Martine AUBRY par le Haut Conseil à l'Intégration en 1997. Il n'avait pas été suivi d'effet
Aussi était-il urgent de réagir !
C'est pourquoi, le Premier Ministre a confié à Bernard STASI, en juin dernier, une mission relative à la création d'une autorité administrative indépendante de lutte contre toutes les formes de discrimination, donc bien au-delà des seules discriminations en raison des origines. Ce rapport sera remis dans les prochains jours.
Cette création devrait donner lieu au dépôt devant le Parlement d'un projet de loi avant l'été. Ce projet sera l'occasion de réaffirmer, très concrètement, le principe d'égalité de traitement qui est au cur de notre politique d'intégration.
Cette politique d'égalité des chances et de soutien personnalisé trouve également une traduction dans l'accès à la fonction publique.
Le Gouvernement a ainsi décidé de mettre en place des expériences de préparation aux concours, dans 10 sites de ZEP appartenant à 8 Académies.
Le début effectif des formations a commencé en janvier pour permettre la présentation des stagiaires à une douzaine de concours de catégories B et C, à la fin du printemps. La réussite de ces expériences devrait permettre la généralisation de ce dispositif à l'ensemble des ZEP, dans l'esprit de la jurisprudence récente relative à l'accès à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.
Pour ce qui concerne nombre de jeunes issus de l'immigration qui ne sont pas nés en France et de moins jeunes, la naturalisation est la clé de l'accès aux concours. En la matière, je sais que les délais sont trop longs. C'est pourquoi j'ai décidé de réorganiser cette administration. Les premiers résultats sont là. En janvier de cette année il y avait 62 000 dossiers en retard. Au 31 décembre il n'en restait plus que 34 000. Le délai d'instruction est passé de 16 à 7 mois.
Ainsi, dès le milieu de l'année prochaine, les dossiers de naturalisations seront traités par mon ministère en temps réel, dès leur arrivée.
Restent les délais encore trop longs de constitution des dossiers en Préfecture et d'établissement des pièces d'état civil français par le Ministère des affaires étrangères, au terme de la procédure. Nous devons collectivement chercher à réduire ces délais afin que l'on puisse être naturalisé en un an.
Nous préparons, par ailleurs, les modalités d'examen des connaissances des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté française puisque vous avez modifié, en novembre, le Code civil en ce qui concerne les naturalisations.
Enfin, j'ai la conviction que la question de la représentation et de la reconnaissance de ce que les immigrations successives ont apporté à notre pays est importante pour la cohésion nationale.
La France n'est pas une race ! Elle s'est aussi façonnée aux visages de celles et de ceux qui, depuis des siècles, s'y sont installés, l'ont aimée et l'ont servie, parfois plus intensément encore que des Français dits " de souche " Cette part que nous devons à l'immigration dans la construction de la France ne doit pas être oubliée.
Aussi, Jacques TOUBON, a-t-il été chargé d'une mission de préfiguration du Centre de Ressources et de Mémoire de l'Immigration. Là encore, nos prédécesseurs, après avoir demandé un rapport rendu au début de l'année 2001, n'ont rien fait. En ce qui nous concerne, nous ferons preuve ici de volontarisme !
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés, ces quelques éléments me paraissent illustrer la détermination du Président de la République et du Gouvernement, à apporter des réponses simples et efficaces aux difficultés que rencontre, depuis près de 20 ans, notre communauté nationale.
Nous le ressentons tous, notre pays est dans l'un de ces moments clés où il s'interroge sur son avenir et son identité. Face à la question des flux migratoires qui est intimement liée à l'idée que nous nous faisons du pacte républicain, trois options sont possibles :
- celle de l'isolement national, qui est contraire aux intérêts de la France ;
- celle du communautarisme, qui est contraire à la citoyenneté et à l'unité nationale. Au regard de l'individualisme et de la perte de certains repères collectifs que provoquent notre société contemporaine, je peux comprendre l'attrait du communautarisme Pour autant, dans un monde ouvert dans lequel 60 millions de Français côtoient six milliards d'individus, ce n'est qu'ensemble que nous pourrons affronter les défis qui se posent à nous. Pensons d'abord à ce qui nous rassemble plutôt qu'à ce qui nous distingue !
- il y a enfin une troisième option, qui est la nôtre : celle de l'intégration qui doit être renforcée. La France est une Nation ouverte et doit le rester. Elle doit être à la fois sans faille vis-à-vis de l'immigration irrégulière et généreuse dans sa capacité d'accueil. Il n'y a là aucune contradiction bien au contraire : l'immigration irrégulière est un cancer pour certains quartiers et elle y réduit à néant nos efforts d'intégration. Notre générosité doit être exigeante, tant vis-à-vis des citoyens que des étrangers, et non fondée sur le laisser-aller qui est une forme d'indifférence. Cette générosité et cette confiance doivent notamment s'exprimer à l'égard des jeunes de nos quartiers qui ne trouvent pas d'avenir et qui pourtant recèlent d'énergie. Cette énergie est une chance pour la France si nous savons, ensemble, lui donner un idéal.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je terminerai et insisterai là-dessus. Ce renforcement de l'intégration ne dépend pas exclusivement d'une partie de notre population appelée à s'associer à notre communauté de destin. Elle dépend de notre foi collective dans nos valeurs citoyennes et nationales. L'intégration n'est que l'un des éléments d'une dynamique républicaine qui doit être globale et concerner tous les Français. Comme l'écrivait André MALRAUX " la France n'est jamais plus grande, que lorsqu'elle l'est pour tous ".
(source http://www.social.gouv.fr, le 12 février 2004)