Texte intégral
Le Parisien du 7 mars 2005
Le Parisien : Le 10 mars fera-t-il mieux que le 5 février ?
R - Les remontées sont bonnes. Dans chaque département, nous aurons au moins une manifestation.
A la différence du 5 février, nous appelons également les salariés à débrayer sur leur lieu de travail. Dans le public, où les préavis doivent être déposés cinq jours à l'avance, on sait déjà que la mobilisation sera forte. Pour le privé, je suis confiant: dans la métallurgie, la chimie, la pharmacie, etc. Les appels à la grève sont déjà nombreux.
Q - Sentez-vous un regain de combativité de la part des salariés ?
R - Clairement. Au-delà des inquiétudes, légitimes, sur les 35 heures, la principale revendication porte sur le pouvoir d'achat. Assurer le quotidien devient de plus en plus difficile. Les salaires stagnent, mais toutes les charges augmentent, qu'il s'agisse des loyers, de l'alimentation ou du pétrole - les ménages qui se chauffent au fioul en savent quelque chose. Dans ce contexte difficile, l'annonce de profits records, qui ne vont ni aux salaires ni aux investissements, a déculpabilisé les Français. Aujourd'hui, ils n'ont plus aucun complexe à parler salaire.
Q - Que demandez-vous au gouvernement ?
R - Si le 10 mars est un succès, ce que je crois, nous demanderons d'abord à l'Etat de rouvrir les négociations dans le public: depuis 2000, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a chuté de 5 %. Même s'il n'est pas décisionnaire dans le privé, le gouvernement devra également enjoindre le patronat de relancer les négociations de branche - notamment là où les minima légaux sont encore inférieurs au Smic ! Enfin, lorsque les pouvoirs publics accordent des exonérations de charges patronales (comme pour les emplois de service du plan Borloo), ils doivent demander en retour aux employeurs de relever les salaires.
Propos recueillis par O.P.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 14 mars 2005)
Le Figaro économie du 7 mars 2005
Le Figaro économie : Des cheminots aux agents de la RATP ou d'EDF, les appels à manifester ou à débrayer se multiplient pour la journée du 10 mars. Vous attendez-vous à une grosse mobilisation ?
Jean-Claude Mailly : Je ne veux pas anticiper sur le 10 mars. Mais ce qui est sûr, c'est qu'après le conflit sur les retraites, qui nous avait un peu laissés avec la "gueule de bois" en 2004, nous sommes sortis de cet état. On l'a vu avec les importantes mobilisations des deux derniers mois. En février, nous avions volontairement choisi un samedi pour manifester et permettre aux salariés de ne pas avoir à se mettre en grève. Nous n'avons pas eu de réponse du gouvernement. Donc nous montons en puissance.
Q - Avec des mots d'ordre plutôt nombreux qui témoignent plus de la grogne sociale que d'une revendication clairement identifiée
R - Pour nous, il s'agit de manifester pour le pouvoir d'achat, l'emploi et les 35 heures. J'insiste bien sur cet ordre. Le véritable problème aujourd'hui, c'est le pouvoir d'achat, et cela provient de la combinaison de nombreux facteurs: la modération salariale liée à la RTT, la hausse des prix liée à l'euro, la hausse des loyers qui ont augmenté en moyenne de 20 % sur trois ans. J'ajoute que le fort chômage des jeunes contribue bien souvent à alourdir le budget familial.
Enfin, n'oubliez pas la hausse des prix du pétrole. Tout cela fait qu'il y a de très fortes pressions sur le pouvoir d'achat. C'est une question de dignité et de répartition des richesses.
Q - Qu'attendez-vous du gouvernement ?
R - Nous avons quatre revendications principales.
Nous demandons tout d'abord à l'État employeur de rouvrir des discussions sur les salaires dans la fonction publique.
En ce qui concerne le secteur privé, nous demandons au gouvernement de réunir le plus vite possible la commission nationale de la négociation collective pour que l'on ait très rapidement une réunion sur les salaires dans le privé.
Le gouvernement doit inciter, si nécessaire convoquer les employeurs à ouvrir des négociations dans les branches professionnelles où beaucoup de minima conventionnels sont inférieurs au SMIC.
Enfin, alors qu'il a décidé de nouvelles baisses de charges patronales (contrats d'avenir, services) qui seront autant de ressources en moins pour la Sécurité sociale, pourquoi le gouvernement n'exigerait-il pas que les entreprises augmentent les salaires ?
Nous attendons fermement des réponses sur ces points.
Q - On vous sent moins revendicatif sur les 35 heures
R - Je vous l'ai dit, notre priorité, c'est le pouvoir d'achat. On ne peut pas dire aux salariés: c'est vrai, vous avez un problème de pouvoir d'achat, mais pour le régler, il faut soit travailler plus, soit attendre que les prix baissent !
Il y a une autre chose qui ne passe pas, c'est le "temps choisi". C'est un leurre, personne n'y croit. Ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures supplémentaires.
Q - Vous reconnaissez quand même que dans certaines entreprises, les 35 heures créent des problèmes, ne serait-ce que pour les cadres ?
R - Qu'il y ait parfois des problèmes, personne ne le nie. Mais la possibilité de négocier existe déjà avec la loi Fillon. Y revenir n'était pas nécessaire sauf à vouloir aborder le problème de manière idéologique et politicienne, pour donner satisfaction à la frange la plus libérale de la majorité ou pour permettre à M. Seillière de dire "mission accomplie".
Quant aux cadres, une grande majorité ne souhaite pas de changement. A trop jouer l'individualisation des relations sociales et la logique d'objectifs, les entreprises ont le retour de la pièce. On ne peut pas demander aux cadres d'être motivés et ne pas les payer en conséquence.
Désormais, eux aussi, ils revendiquent et veulent préserver leur vie privée.
Q - Le développement de la participation que prône le gouvernement, peut-il être une réponse aux attentes sur le pouvoir d'achat ?
R - On ne va quand même pas répondre à nos revendications sur le pouvoir d'achat en nous ressortant la "vieille lune" de l'actionnariat salarié! Je ne crois pas que la préoccupation des salariés soit d'acheter des actions. Ils n'ont pas envie d'être schizophrènes, et d'accepter, pour que les actions montent bien, de ne pas trop revendiquer sur les salaires !
Nous n'avons jamais été des "apôtres de la participation". Quant à l'intéressement aux résultats, il existe. Mais seulement après un bon accord sur les salaires. Et un bon accord, c'est celui qui permet de couvrir à la fois l'inflation et les gains de productivité. On en est loin.
Q - Et si le gouvernement reste ferme sur ses positions ?
R - Je ne sais pas ce qui se passera après le 10 mars. Ce n'est pas un hasard si après les manifestations du 5 février, nous avons parlé de "mépris" de sa part. Quand il y a plus de 500 000 personnes qui manifestent, il faut savoir entendre et pas seulement écouter. Or le gouvernement a fait comme s'il ne s'était rien passé. Nous attendons de voir si cette fois-ci, il répond à nos revendications.
Q - Quitte à brandir la menace d'un non au référendum sur la Constitution européenne ?
R - Ce n'est pas parce qu'il y a un référendum que l'on va se taire. Ce n'est pas ce vote qui guide notre action. Par tradition, Force ouvrière ne confond pas les citoyens et les salariés, mais ce n'est pas pour autant que nous serons muets comme une carpe, en particulier sur le pacte de stabilité et de croissance. Nous avons déjà largement débattu de la question européenne, nous le referons fin mars, et nos analyses figurent sur notre site Internet.
Q - Dans un climat aussi passionné qu'à la CGT ?
R - Depuis mon arrivée à la tête de Force ouvrière, j'ai toujours refusé de commenter ce qui se passe dans les autres confédérations. Mon objectif était d'aboutir à une banalisation des relations entre syndicats. Il me semble que dans l'immédiat nous y sommes parvenus. Nous sommes régulièrement en contact, et pas toujours devant la presse.
Q - Reste que le front syndical apparaît fragile. Vous ne manifestez pas tous pour les mêmes raisons et n'exprimez pas tous les mêmes revendications.
R - Nous nous sommes mis d'accord sur deux ou trois thèmes de revendication en laissant à chacun la liberté d'adapter ses mots d'ordre. Je préfère cela plutôt que de faire semblant d'être d'accord entre nous quand ce n'est pas le cas. C'est une méthode plus efficace et plus loyale, vis-à-vis des confédérations mais aussi des salariés. Faire semblant, ça ne marche pas. On a déjà essayé, c'était les retraites en 2003, et on a payé !
Q - Vous commencez aujourd'hui avec vos homologues syndicaux et le patronat la négociation sur les conventions de reclassement personnalisé (CRP) que prévoit la nouvelle loi sur les licenciements économiques. Comment s'annonce cette réunion ?
R - Ces discussions résultent de l'échec des négociations sur les restructurations. Il s'agit de rétablir un droit au reclassement comme il en existait un avec les conventions de conversion. La négociation va donc se jouer sur deux questions clés: le financement des CRP et le montant de l'indemnisation. Avec les conventions de conversion, les salariés licenciés étaient indemnisés à 82 % de leur salaire. Cela ne peut pas être moins.
Q - Qui va payer, l'Unedic est déjà exsangue ?
R - Sur la CRP, la question financière est posée. Elle fait partie du débat. Nous faisons face à un patronat qui se raidit dès que l'on aborde la possibilité d'augmenter les cotisations. Quant à l'État, sa participation à l'indemnisation du chômage a été divisée par trois. Que ce soit l'État ou les entreprises, il faudra mettre de l'argent. On ne peut pas continuer à raboter les droits des chômeurs: c'est ce qui a été fait depuis des années, et pour autant le chômage n'a pas baissé!
Q - D'autres négociations se déroulent actuellement avec le Medef sur la pénibilité et l'emploi des seniors. Pensez-vous qu'un accord soit possible sur ces sujets ?
R - Ce ne sera pas facile. La question de la pénibilité correspond aussi pour nous à celle des conditions de travail. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que 50 à 60 % des arrêts de travail sont dus au stress. Or en refusant d'améliorer les conditions de travail, les employeurs reportent sur la collectivité le coût de ce stress qu'ils provoquent. Ils préfèrent envoyer leurs salariés en arrêts maladie, financés par la Sécurité sociale, plutôt que d'améliorer les conditions de travail et limiter ces arrêts maladie. Il va bien falloir discuter de la façon dont on mesure le stress au travail et de l'influence de l'organisation du travail sur ce stress.
Q - Et les négociations sur les seniors ?
R - Pour nous, la question clé est celle du système des préretraites progressives sans pénalisation des droits à la retraite.
Il faudra aussi étudier la formation et l'aménagement des postes de travail.
Propos recueillis par François-Xavier Bourmaud et Béatrice Taupin
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 14 mars 2005)
Le Parisien : Le 10 mars fera-t-il mieux que le 5 février ?
R - Les remontées sont bonnes. Dans chaque département, nous aurons au moins une manifestation.
A la différence du 5 février, nous appelons également les salariés à débrayer sur leur lieu de travail. Dans le public, où les préavis doivent être déposés cinq jours à l'avance, on sait déjà que la mobilisation sera forte. Pour le privé, je suis confiant: dans la métallurgie, la chimie, la pharmacie, etc. Les appels à la grève sont déjà nombreux.
Q - Sentez-vous un regain de combativité de la part des salariés ?
R - Clairement. Au-delà des inquiétudes, légitimes, sur les 35 heures, la principale revendication porte sur le pouvoir d'achat. Assurer le quotidien devient de plus en plus difficile. Les salaires stagnent, mais toutes les charges augmentent, qu'il s'agisse des loyers, de l'alimentation ou du pétrole - les ménages qui se chauffent au fioul en savent quelque chose. Dans ce contexte difficile, l'annonce de profits records, qui ne vont ni aux salaires ni aux investissements, a déculpabilisé les Français. Aujourd'hui, ils n'ont plus aucun complexe à parler salaire.
Q - Que demandez-vous au gouvernement ?
R - Si le 10 mars est un succès, ce que je crois, nous demanderons d'abord à l'Etat de rouvrir les négociations dans le public: depuis 2000, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a chuté de 5 %. Même s'il n'est pas décisionnaire dans le privé, le gouvernement devra également enjoindre le patronat de relancer les négociations de branche - notamment là où les minima légaux sont encore inférieurs au Smic ! Enfin, lorsque les pouvoirs publics accordent des exonérations de charges patronales (comme pour les emplois de service du plan Borloo), ils doivent demander en retour aux employeurs de relever les salaires.
Propos recueillis par O.P.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 14 mars 2005)
Le Figaro économie du 7 mars 2005
Le Figaro économie : Des cheminots aux agents de la RATP ou d'EDF, les appels à manifester ou à débrayer se multiplient pour la journée du 10 mars. Vous attendez-vous à une grosse mobilisation ?
Jean-Claude Mailly : Je ne veux pas anticiper sur le 10 mars. Mais ce qui est sûr, c'est qu'après le conflit sur les retraites, qui nous avait un peu laissés avec la "gueule de bois" en 2004, nous sommes sortis de cet état. On l'a vu avec les importantes mobilisations des deux derniers mois. En février, nous avions volontairement choisi un samedi pour manifester et permettre aux salariés de ne pas avoir à se mettre en grève. Nous n'avons pas eu de réponse du gouvernement. Donc nous montons en puissance.
Q - Avec des mots d'ordre plutôt nombreux qui témoignent plus de la grogne sociale que d'une revendication clairement identifiée
R - Pour nous, il s'agit de manifester pour le pouvoir d'achat, l'emploi et les 35 heures. J'insiste bien sur cet ordre. Le véritable problème aujourd'hui, c'est le pouvoir d'achat, et cela provient de la combinaison de nombreux facteurs: la modération salariale liée à la RTT, la hausse des prix liée à l'euro, la hausse des loyers qui ont augmenté en moyenne de 20 % sur trois ans. J'ajoute que le fort chômage des jeunes contribue bien souvent à alourdir le budget familial.
Enfin, n'oubliez pas la hausse des prix du pétrole. Tout cela fait qu'il y a de très fortes pressions sur le pouvoir d'achat. C'est une question de dignité et de répartition des richesses.
Q - Qu'attendez-vous du gouvernement ?
R - Nous avons quatre revendications principales.
Nous demandons tout d'abord à l'État employeur de rouvrir des discussions sur les salaires dans la fonction publique.
En ce qui concerne le secteur privé, nous demandons au gouvernement de réunir le plus vite possible la commission nationale de la négociation collective pour que l'on ait très rapidement une réunion sur les salaires dans le privé.
Le gouvernement doit inciter, si nécessaire convoquer les employeurs à ouvrir des négociations dans les branches professionnelles où beaucoup de minima conventionnels sont inférieurs au SMIC.
Enfin, alors qu'il a décidé de nouvelles baisses de charges patronales (contrats d'avenir, services) qui seront autant de ressources en moins pour la Sécurité sociale, pourquoi le gouvernement n'exigerait-il pas que les entreprises augmentent les salaires ?
Nous attendons fermement des réponses sur ces points.
Q - On vous sent moins revendicatif sur les 35 heures
R - Je vous l'ai dit, notre priorité, c'est le pouvoir d'achat. On ne peut pas dire aux salariés: c'est vrai, vous avez un problème de pouvoir d'achat, mais pour le régler, il faut soit travailler plus, soit attendre que les prix baissent !
Il y a une autre chose qui ne passe pas, c'est le "temps choisi". C'est un leurre, personne n'y croit. Ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures supplémentaires.
Q - Vous reconnaissez quand même que dans certaines entreprises, les 35 heures créent des problèmes, ne serait-ce que pour les cadres ?
R - Qu'il y ait parfois des problèmes, personne ne le nie. Mais la possibilité de négocier existe déjà avec la loi Fillon. Y revenir n'était pas nécessaire sauf à vouloir aborder le problème de manière idéologique et politicienne, pour donner satisfaction à la frange la plus libérale de la majorité ou pour permettre à M. Seillière de dire "mission accomplie".
Quant aux cadres, une grande majorité ne souhaite pas de changement. A trop jouer l'individualisation des relations sociales et la logique d'objectifs, les entreprises ont le retour de la pièce. On ne peut pas demander aux cadres d'être motivés et ne pas les payer en conséquence.
Désormais, eux aussi, ils revendiquent et veulent préserver leur vie privée.
Q - Le développement de la participation que prône le gouvernement, peut-il être une réponse aux attentes sur le pouvoir d'achat ?
R - On ne va quand même pas répondre à nos revendications sur le pouvoir d'achat en nous ressortant la "vieille lune" de l'actionnariat salarié! Je ne crois pas que la préoccupation des salariés soit d'acheter des actions. Ils n'ont pas envie d'être schizophrènes, et d'accepter, pour que les actions montent bien, de ne pas trop revendiquer sur les salaires !
Nous n'avons jamais été des "apôtres de la participation". Quant à l'intéressement aux résultats, il existe. Mais seulement après un bon accord sur les salaires. Et un bon accord, c'est celui qui permet de couvrir à la fois l'inflation et les gains de productivité. On en est loin.
Q - Et si le gouvernement reste ferme sur ses positions ?
R - Je ne sais pas ce qui se passera après le 10 mars. Ce n'est pas un hasard si après les manifestations du 5 février, nous avons parlé de "mépris" de sa part. Quand il y a plus de 500 000 personnes qui manifestent, il faut savoir entendre et pas seulement écouter. Or le gouvernement a fait comme s'il ne s'était rien passé. Nous attendons de voir si cette fois-ci, il répond à nos revendications.
Q - Quitte à brandir la menace d'un non au référendum sur la Constitution européenne ?
R - Ce n'est pas parce qu'il y a un référendum que l'on va se taire. Ce n'est pas ce vote qui guide notre action. Par tradition, Force ouvrière ne confond pas les citoyens et les salariés, mais ce n'est pas pour autant que nous serons muets comme une carpe, en particulier sur le pacte de stabilité et de croissance. Nous avons déjà largement débattu de la question européenne, nous le referons fin mars, et nos analyses figurent sur notre site Internet.
Q - Dans un climat aussi passionné qu'à la CGT ?
R - Depuis mon arrivée à la tête de Force ouvrière, j'ai toujours refusé de commenter ce qui se passe dans les autres confédérations. Mon objectif était d'aboutir à une banalisation des relations entre syndicats. Il me semble que dans l'immédiat nous y sommes parvenus. Nous sommes régulièrement en contact, et pas toujours devant la presse.
Q - Reste que le front syndical apparaît fragile. Vous ne manifestez pas tous pour les mêmes raisons et n'exprimez pas tous les mêmes revendications.
R - Nous nous sommes mis d'accord sur deux ou trois thèmes de revendication en laissant à chacun la liberté d'adapter ses mots d'ordre. Je préfère cela plutôt que de faire semblant d'être d'accord entre nous quand ce n'est pas le cas. C'est une méthode plus efficace et plus loyale, vis-à-vis des confédérations mais aussi des salariés. Faire semblant, ça ne marche pas. On a déjà essayé, c'était les retraites en 2003, et on a payé !
Q - Vous commencez aujourd'hui avec vos homologues syndicaux et le patronat la négociation sur les conventions de reclassement personnalisé (CRP) que prévoit la nouvelle loi sur les licenciements économiques. Comment s'annonce cette réunion ?
R - Ces discussions résultent de l'échec des négociations sur les restructurations. Il s'agit de rétablir un droit au reclassement comme il en existait un avec les conventions de conversion. La négociation va donc se jouer sur deux questions clés: le financement des CRP et le montant de l'indemnisation. Avec les conventions de conversion, les salariés licenciés étaient indemnisés à 82 % de leur salaire. Cela ne peut pas être moins.
Q - Qui va payer, l'Unedic est déjà exsangue ?
R - Sur la CRP, la question financière est posée. Elle fait partie du débat. Nous faisons face à un patronat qui se raidit dès que l'on aborde la possibilité d'augmenter les cotisations. Quant à l'État, sa participation à l'indemnisation du chômage a été divisée par trois. Que ce soit l'État ou les entreprises, il faudra mettre de l'argent. On ne peut pas continuer à raboter les droits des chômeurs: c'est ce qui a été fait depuis des années, et pour autant le chômage n'a pas baissé!
Q - D'autres négociations se déroulent actuellement avec le Medef sur la pénibilité et l'emploi des seniors. Pensez-vous qu'un accord soit possible sur ces sujets ?
R - Ce ne sera pas facile. La question de la pénibilité correspond aussi pour nous à celle des conditions de travail. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que 50 à 60 % des arrêts de travail sont dus au stress. Or en refusant d'améliorer les conditions de travail, les employeurs reportent sur la collectivité le coût de ce stress qu'ils provoquent. Ils préfèrent envoyer leurs salariés en arrêts maladie, financés par la Sécurité sociale, plutôt que d'améliorer les conditions de travail et limiter ces arrêts maladie. Il va bien falloir discuter de la façon dont on mesure le stress au travail et de l'influence de l'organisation du travail sur ce stress.
Q - Et les négociations sur les seniors ?
R - Pour nous, la question clé est celle du système des préretraites progressives sans pénalisation des droits à la retraite.
Il faudra aussi étudier la formation et l'aménagement des postes de travail.
Propos recueillis par François-Xavier Bourmaud et Béatrice Taupin
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 14 mars 2005)