Texte intégral
à l'Assemblée Nationale
Le 06 janvier 2004
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Voilà des années que l'on parle de la modernisation de notre système de formation et de la nécessaire rénovation du dialogue social A l'issue de ce vote, une première étape dans l'action est franchie.
J'adresse mes remerciements à la majorité qui s'est montrée fidèle à ses convictions réformistes et au rapporteur, Jean-Paul ANCIAUX, pour sa détermination pragmatique. Je tiens à saluer l'UDF qui nous a rejoint dans notre démarche, mais aussi l'opposition car j'estime que nos débats furent de qualité.
Ce projet symbolise notre volonté d'instaurer une société plus participative ; une société ouverte et mieux qualifiée qui porte les individus et les groupes sociaux à être davantage acteurs que spectateurs de leur avenir. Dans cette perspective, deux priorités sont encouragées par votre vote :
- la première consiste à donner aux femmes et aux hommes qui font la richesse de notre nation le pouvoir de mieux maîtriser leur parcours professionnel. Grâce à ce projet, un nouveau droit social va s'instaurer : le droit, pour chacun, d'être formé tout au long de sa vie. Cette faculté est au cur de la lutte contre le chômage et au centre de la compétitivité de la France ;
- le seconde priorité consiste à instaurer de nouvelles formes de régulations capables d'accompagner les mutations de notre pays. Si, avec le Premier Ministre, nous avons voulu ce projet, c'est parce que nous avons acquis la conviction que les règles actuelles ne permettaient pas l'émergence d'une démocratie sociale rénovée dont la France a besoin pour se moderniser et se rassembler.
Notre projet est pragmatique et équilibré. Mais il enclenche un processus qui - c'est vrai ! - a les allures d'une révolution progressive. Généralisation du principe majoritaire, évolution des règles de la représentativité, extension du champ contractuel : oui, tout ceci va changer la donne ; tout cela va contraindre les acteurs, partenaires sociaux mais aussi pouvoirs publics, à se réinventer !
Le risque n'est pas dans le mouvement mais dans le statu quo actuel, marqué par la désyndicalisation et le morcellement social sur lesquels naissent les surenchères corporatistes et les extrémismes politiques.
En faisant ce pari du mouvement, nous faisons confiance dans la capacité des partenaires sociaux à se repenser pour mieux s'investir dans la mission qui est la leur.
Notre pays a besoin d'un syndicalisme réformiste et populaire ; un syndicalisme capable de structurer les revendications, de proposer des solutions, d'accompagner les évolutions nécessaires. Parce que les décisions doivent être moins hiérarchisées et moins uniformes, notre pays a également besoin qu'une relation plus constructive s'établisse entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Parce que les réalités du terrain doivent être mieux respectées, il a enfin besoin de plus de liberté et de responsabilité.
Il est facile de critiquer certaines des clauses de ce projet qui est marqué par quelques compromis subtils Mais rien, Mesdames et Messieurs les Députés, rien ne peut réduire la portée d'une idée simple et forte : après des décennies de statu quo et d'hésitations, la rénovation de notre démocratie sociale est désormais en marche.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 7 janvier 2004)
au Sénat le 03 février 2004
Monsieur le Président,
Madame et Monsieur les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Depuis plus de vingt mois maintenant, le Parlement a eu l'occasion de débattre d'un nombre important de réformes sociales. Mais en vous présentant aujourd'hui ce projet de loi, j'ai plus que jamais la conviction que nous sommes ici au cur de la nécessaire modernisation de notre pacte économique et social.
Les deux volets du projet de loi illustrent une même philosophie. En transposant deux accords conclus par les partenaires sociaux, ils témoignent de la responsabilité des acteurs sociaux et font la promotion d'une démocratie plus participative.
Ils illustrent aussi une conscience partagée des défis à relever : développer la formation, relancer la promotion sociale et augmenter le niveau de qualification pour tous les salariés, en particulier ceux qui sont les plus vulnérables face aux restructurations et aux licenciements.
Notre pays a besoin de réformes. Procéder aux ajustements nécessaires dans l'organisation de nos relations sociales, de notre droit du travail et de notre protection sociale est une condition du maintien de notre niveau de développement économique et social, au sein des pays de l'Union européenne et dans une économie ouverte sur le monde.
Le deuxième titre du projet porte sur le dialogue social. Comme vous le savez, il s'appuie sur la Position commune sur les voies et moyens de la négociation collective établie par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT le 16 juillet 2001.
Cette réforme est sans doute la plus importante dans le domaine des relations sociales qu'ait connu notre pays depuis la guerre. Son ambition est de moderniser notre système de négociation collective en adaptant " les règles du jeu " pour les mettre au niveau d'une démocratie sociale moderne.
Cette réforme, bien sûr, bouscule quelques habitudes bien ancrées et remet en cause un certain nombre de positions acquises. Elle n'en est pas moins nécessaire si nous voulons redynamiser le dialogue social dans notre pays et lui donner des règles adaptées aux enjeux du siècle nouveau, à l'image de nos voisins européens.
Chacun doit bien mesurer la portée de ce projet de loi : il s'agit de repenser un système qui date de plus de trente ans et qui est, aujourd'hui, proche de l'essoufflement ! Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des seuils aussi bas et la faiblesse des corps intermédiaires essouffle et affaiblit notre démocratie sociale :
- la culture de la protestation sociale demeure plus prégnante que celle du réformisme social dont dépend pourtant la sauvegarde et le développement de notre modèle social ;
- l'éclatement des liens sociaux qui affecte notre société nourrit les extrémistes et les comportements poujadistes. A l'évidence, comme la démocratie politique, la démocratie sociale doit tendre vers de nouveaux modes de fonctionnement afin d'être plus participative, plus solidaire et cohésive.
Je souhaite, par conséquent, un dialogue social ouvert et constructif, rassemblant des partenaires sociaux responsables, capables d'assumer, à tous les niveaux de la négociation des décisions parfois difficiles. Cela passe par un renforcement de la légitimité des accords collectifs négociés. Cela passe aussi par un nouvel équilibre dans les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux, et par la promotion de la négociation collective.
En effet, la négociation collective porte en elle des valeurs d'une société moderne :
- la reconnaissance et le respect de l'interlocuteur, même s'il est issu d'une autre culture et porteur d'intérêts différents ;
- la pratique de concessions au bénéfice de la recherche du compromis et au service de l'intérêt général ;
- le souci de promouvoir une société de dialogue, créant du lien social entre les citoyens, grâce à des corps intermédiaires représentatifs et légitimes. Notre démocratie sociale n'en sera que plus apaisée et renforcée. Elle n'en relèvera que mieux les défis de l'avenir, tout en restant fidèle aux valeurs de notre pacte social : la solidarité, l'égalité des chances et de traitement ou encore un égal accès aux droits et à la promotion sociale
A travers ces valeurs, la négociation collective porte aussi en elle l'esprit de responsabilité. Parce que les partenaires sociaux représentent ceux qui les mandatent et agissent en leur nom, ils doivent rendre des comptes sur leurs choix et leurs décisions, sur les solutions qu'ils auront su trouver pour régler les problèmes d'emploi dans les entreprises et les branches.
C'est pourquoi le gouvernement s'est engagé dans l'exposé des motifs du projet de loi, avant toute réforme de nature législative touchant les relations du travail, à donner la priorité à la négociation collective. Nous proposons en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités avant d'entreprendre une démarche législative.
Cette démarche peut être rapprochée des mécanismes du traité de l'Union européenne. La Commission européenne saisit, en effet, les partenaires sociaux européens avant toute proposition de directive au Conseil et au Parlement européen, et leur laisse, le cas échéant, l'initiative de l'action.
Cette pratique n'est pas si étrangère à notre propre tradition. Il n'y a pas si longtemps encore, l'Etat, le législateur et les partenaires sociaux joignaient leurs efforts pour, chacun dans son rôle, forger et mettre en uvre les grandes réformes qui ont façonné notre modèle social.
Je ne citerai ici qu'un seul exemple : l'accord interprofessionnel de 1970 suivi par la loi de 1971 sur la formation professionnelle.
Des contre-exemples existent également Ainsi, la réduction autoritaire de la durée du travail, qui a suivi la " journée des dupes " du 10 octobre 1997, illustre ce qu'il faut éviter à l'avenir !
L'engagement pris par le gouvernement ne signifie pas que l'Etat, donc le législateur, abdique ses responsabilités. Au contraire, seul le législateur a la légitimité démocratique. Il signifie simplement une meilleure répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Elle est dans l'intérêt des deux parties pour aboutir à des lois recentrées sur l'essentiel, c'est-à-dire la fixation des principes fondamentaux, et à des lois facilement applicables dans les entreprises.
Comme vous le savez, le gouvernement entend poursuivre la réforme en ce domaine. J'ai ainsi demandé aux partenaires sociaux de se saisir du rapport Virville qui va faire l'objet, dans les prochaines semaines, de concertations approfondies. Ce rapport propose des pistes intéressantes, si l'on veut bien se donner la peine de le lire, sans isoler telle ou telle proposition à des fins polémiques.
La responsabilité de tous les acteurs sociaux, voilà ce qu'il est de notre devoir d'encourager Donner aux partenaires sociaux les moyens de trouver les compromis légitimes susceptibles de garantir le progrès social et le développement économique. Tel est l'enjeu de ce texte !
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la réforme qui vous est proposée afin de renforcer le syndicalisme dans notre pays et de lui faire prendre toutes ses responsabilités est à la fois ambitieuse et équilibrée :
- Elle vise d'abord à inscrire le principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs et ainsi affirmer leur légitimité.
- Elle vise ensuite à en tirer la conséquence en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation et en permettant à un accord d'entreprise majoritaire de déroger aux accords de rang supérieur.
Sur le premier aspect, le principe de l'accord majoritaire, quelle qu'en soit sa forme -majorité d'adhésion ou majorité d'opposition- est posé au niveau de l'entreprise. Au niveau de la branche, le principe d'une élection de représentativité est affirmé.
La loi pose le principe d'une autonomie de l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche. Concrètement, cela signifie que les marges de négociation sont accrues à tous les niveaux : au niveau de l'entreprise pour définir ses propres équilibres, mais aussi au niveau de la branche en permettant des accords cadres, des accords supplétifs prenant en compte la diversité des entreprises.
L'accord de branche reste toutefois impératif dans trois domaines : la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, comme par exemple la formation professionnelle dont nous venons de parler. Bien évidemment, l'accord de branche pourra également maintenir un caractère impératif à ses dispositions, dans d'autres domaines, si tel est le souhait des négociateurs.
Enfin, j'ajoute que ces nouvelles dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation n'ont pas de caractère rétroactif. Ceci respecte la valeur hiérarchique que les négociateurs avaient entendu conférer à leurs accords.
Le projet de loi correspond ainsi à un double équilibre :
- équilibre entre la validité nouvelle des accords liée à l'accord majoritaire d'une part, et l'autonomie des niveaux de négociation d'autre part ;
- équilibre à trouver au niveau des branches et des entreprises, par la négociation, sur le degré d'autonomie à donner aux accords d'entreprise.
Ce double équilibre correspondant pour l'essentiel à la Position commune, n'en déplaisent à ses détracteurs qui ont, semble-t-il, oublié ce qu'ils ont signé
Le développement de nouveaux espaces à une négociation collective à la légitimité ainsi renforcée a pourtant fait couler beaucoup d'encre. Sur ce sujet, il faut sortir des faux débats et des mauvais procès.
Non ! Donner à la négociation d'entreprise la possibilité de développer des équilibres nouveaux et différents sur tel ou tel aspect des dispositions prévues par la branche ne va pas à l'encontre des droits de salariés.
Affirmer le contraire, c'est méconnaître la responsabilité des partenaires sociaux, mésestimer la maturité des salariés, des entreprises et de leurs représentants, ainsi que leur capacité à régler au plus près du terrain les problèmes d'organisation du travail et d'emploi
C'est tout simplement faire preuve d'un profond archaïsme.
La réforme des règles de la négociation collective ne peut qu'être progressive. Elle donnera lieu à une véritable évaluation d'ici 2007.
Dans ce domaine -comme dans d'autres d'ailleurs- le Gouvernement a fait preuve de courage et a su dégager une position équitable. Tout en refusant de céder à la tentation du statu quo, nous avons évité la dérive d'un grand bouleversement -sans doute du reste le meilleur moyen pour ne rien changer.
Oui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les bonnes réformes s'inscrivent dans la durée. C'est ce que le gouvernement vous propose, en faisant confiance au dialogue social, conformément aux engagements du Président de la République.
Le projet de loi contient également d'autres propositions, généralement reprises de la Position commune, pour favoriser le développement de la négociation collective. Ainsi, des accords pourront être conclus avec les élus du personnel dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical, dans des conditions strictement encadrées par la branche.
D'autres dispositions visent à faciliter le développement de la négociation dans les groupes d'entreprises ou bien encore au niveau territorial.
Les moyens donnés au dialogue social seront renforcés : droit de saisine des organisations syndicales, utilisation des nouvelles technologies de l'information, organisation des carrières des militants syndicaux.
Voici, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les principes dispositions de ce titre sur le dialogue social. Si elles sont si critiquées, et de façon si diverse, c'est sans doute qu'elles remettent en question bien des habitudes, bonnes ou mauvaises, c'est aussi sans doute qu'elles froissent bien des intérêts.
Mais ce texte novateur est équilibré. Il constitue la condition d'un renouveau de la démocratie sociale dans notre pays. Il va permettre un essor de la négociation, et cela à tous les niveaux, sans contrainte, contrairement aux accords qui ont suivi les lois Aubry, mais en faisant confiance aux partenaires sociaux.
Car voici, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le mot clé de cette réforme : la confiance !
Ce texte fait, en effet, confiance aux acteurs sociaux qui sauront, j'en suis persuadé, le mettre en uvre et en dégager toutes les potentialités.
L'accord du 20 septembre dernier, sur la formation professionnelle, constitue en cela un signe encourageant. Au terme d'un dialogue social ouvert et constructif, les partenaires sociaux ont conclu à l'unanimité un accord interprofessionnel sur la formation professionnelle. Il appartient désormais au Parlement de prendre la décision politique.
Gage d'épanouissement professionnel pour le salarié, la formation est un outil essentiel du dynamisme économique. Je suis, en effet, convaincu que face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi et aux évolutions technologiques qui affectent les méthodes de travail, la compétitivité des entreprises et la protection des salariés dépendront moins d'un foisonnement de textes que de leurs possibilités d'adaptation et d'évolution.
Par ailleurs, la formation professionnelle doit s'inscrire au cur de notre politique de l'emploi. La possibilité donnée à chacun de se former, c'est la meilleure arme contre le chômage ! C'est la capacité pour chaque salarié de progresser dans son parcours ou de rebondir professionnellement.
A cet égard, les mutations démographiques qui affectent notre pays obligent à inscrire la formation professionnelle dans le cadre de l'allongement des durées d'activité. C'est un enjeu que nous devons relever collectivement. J'ai déjà eu l'occasion de dire combien la responsabilité des entreprises est engagée sur ce sujet. Il faut mettre fin à l'éviction des seniors du marché du travail par une meilleure gestion des âges dans les entreprises.
Enfin, devant les difficultés de recrutement rencontrées aujourd'hui dans certains secteurs d'activité et les pénuries sectorielles et locales rencontrées probablement demain, nous n'aurons pas d'autres choix que de prendre en compte l'ensemble des ressources en main d'uvre mobilisables : les jeunes et les travailleurs en seconde partie de carrière, en veillant à l'adaptation de leurs compétences aux besoins futurs.
Face à ces enjeux, le dispositif actuel peinait à trouver toute son efficacité. De nombreux travaux conduits ces dernières années ont mis en évidence les lacunes de notre système de formation :
- l'accès à la formation continue demeure inégal. Bien souvent, le projet de se former est le propre des personnes déjà formées ou de celles qui travaillent dans les grandes entreprises ;
- la formation continue n'a pas su toujours apporter une qualification complémentaire à celle acquise au cours de la formation initiale ;
- le système de formation, enfin, apparaît cloisonné, peu lisible et complexe.
Dès lors, malgré les sommes consacrées annuellement à la formation professionnelle qui sont de l'ordre de 22 milliards d'euros, les résultats sont parfois - souvent ? - décevants pour les salariés.
Face ces constats, il était urgent de réagir. Sur la base de l'accord signé par tous les partenaires sociaux, le 20 septembre dernier, le projet de loi prévoit :
La création d'un droit individuel à la formation de 20 heures par an, cumulable pendant 6 ans, utilisable avec l'accord du chef d'entreprise. Ce droit individuel, le DIF, sera utilisable en cas de licenciement, sauf faute grave et, sous certaines conditions, en cas de démission. Ce nouveau droit lié à l'individu permet donc la mise en uvre d'une assurance formation à son bénéficiaire.
L'engagement du Président de la République est ainsi respecté !
La deuxième innovation du texte concerne le partage du temps de formation entre temps de travail et temps libre. L'accord interprofessionnel, que nous avons repris, prévoit une coresponsabilité entre le salarié, qui pourra développer ses compétences en utilisant une partie de son temps à se former, et l'entreprise qui lui versera une allocation de formation s'il se forme partiellement en dehors de son temps de travail. A cet égard, le projet de loi distingue trois catégories d'actions de formation :
- la formation pour s'adapter à son poste de travail ;
- la formation pour évoluer ou se maintenir dans son emploi ;
- enfin, la formation pour développer ses compétences.
Cette nouvelle typologie renvoie à des modalités spécifiques de mise en uvre, qui traitent notamment de leur déroulement pendant ou en dehors du temps de travail.
Une troisième innovation figure dans ce projet de loi avec la création des contrats de professionnalisation qui se substitueront aux actuels contrats de formation en alternance. Leur objectif est de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle en permettant d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification. Ils comporteront une période de formation et une autre de travail en entreprise. Ce dispositif modulable relancera la formation en alternance. Afin de permettre aux différents acteurs de s'adapter aux nouvelles exigences posées par la Loi, l'Assemblée nationale a décalé du 1er juillet au 1er octobre 2004, la mise en uvre de ces contrats.
Le quatrième point important de la réforme est financier : la part de la masse salariale consacrée à la formation passera de 0,15% à 0,55% dans les entreprises de moins de dix salariés et de 1,5% à 1,6% dans celles de plus de dix salariés. Même si, en pratique, beaucoup d'entreprises font davantage que le minimum légal, il en résultera un progrès significatif, en particulier dans les PME.
Telles sont les principales innovations du projet de loi sur la formation.
Pour accompagner cette réforme, l'effort financier consenti par l'Etat en faveur de la formation sera renforcé. Ainsi, les contrats de professionnalisation bénéficieront d'une exonération de cotisations, de même que l'allocation formation ne sera pas soumise à cotisations.
Par ailleurs, le gouvernement travaille, dans le cadre de la préparation de la loi de mobilisation pour l'emploi, à la " deuxième chance " : je veux parler de la formation qualifiante différée pour ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Celle-ci sera définie en phase avec les régions - qui disposent de nouvelles compétences dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation -, avec l'Education nationale et avec les partenaires sociaux.
Ce sera d'ailleurs l'un des grands enjeux des prochaines années que de développer la coopération entre les branches professionnelles et les régions. Il conviendra de promouvoir et structurer la concertation sociale au niveau territorial, comme il convient de la rénover au niveau national pour l'adapter aux réformes en cours.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les principales orientations du projet de loi qui est soumis à votre Assemblée et auquel votre Commission des Affaires Sociales propose, grâce à un travail en profondeur de vos deux rapporteurs, des améliorations justifiées.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de dire combien ce texte n'est pas le fruit d'un choix partisan, décidé " d'en haut ".
Il intervient au terme d'une longue maturation collective, une maturation révélatrice de certains des blocages de la société française. Blocage des corps intermédiaires, blocage du débat qui oppose de manière stérile sociaux et libéraux, blocage des gouvernants devant la réforme.
Je suis fier de présenter devant vous ce texte tant il est conforme à l'idée que je me fais de ma mission : donner à la France, pour le long terme, les outils structurels de son développement et de son adaptation à la modernité.
Il est, par ailleurs, porteur d'une philosophie politique à laquelle je crois : les solutions de notre avenir sont dans l'alliance entre la liberté d'entreprendre et l'ambition sociale. Une alliance qui repose sur la confiance faite aux acteurs sociaux tant ils savent prendre leurs responsabilités.
Au-delà même de nos clivages respectifs, ce sont les Français eux-mêmes qui contribueront à forger cette alliance, grâce aux instruments que peut leur donner ce projet.
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 février 2004)
Le 06 janvier 2004
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Voilà des années que l'on parle de la modernisation de notre système de formation et de la nécessaire rénovation du dialogue social A l'issue de ce vote, une première étape dans l'action est franchie.
J'adresse mes remerciements à la majorité qui s'est montrée fidèle à ses convictions réformistes et au rapporteur, Jean-Paul ANCIAUX, pour sa détermination pragmatique. Je tiens à saluer l'UDF qui nous a rejoint dans notre démarche, mais aussi l'opposition car j'estime que nos débats furent de qualité.
Ce projet symbolise notre volonté d'instaurer une société plus participative ; une société ouverte et mieux qualifiée qui porte les individus et les groupes sociaux à être davantage acteurs que spectateurs de leur avenir. Dans cette perspective, deux priorités sont encouragées par votre vote :
- la première consiste à donner aux femmes et aux hommes qui font la richesse de notre nation le pouvoir de mieux maîtriser leur parcours professionnel. Grâce à ce projet, un nouveau droit social va s'instaurer : le droit, pour chacun, d'être formé tout au long de sa vie. Cette faculté est au cur de la lutte contre le chômage et au centre de la compétitivité de la France ;
- le seconde priorité consiste à instaurer de nouvelles formes de régulations capables d'accompagner les mutations de notre pays. Si, avec le Premier Ministre, nous avons voulu ce projet, c'est parce que nous avons acquis la conviction que les règles actuelles ne permettaient pas l'émergence d'une démocratie sociale rénovée dont la France a besoin pour se moderniser et se rassembler.
Notre projet est pragmatique et équilibré. Mais il enclenche un processus qui - c'est vrai ! - a les allures d'une révolution progressive. Généralisation du principe majoritaire, évolution des règles de la représentativité, extension du champ contractuel : oui, tout ceci va changer la donne ; tout cela va contraindre les acteurs, partenaires sociaux mais aussi pouvoirs publics, à se réinventer !
Le risque n'est pas dans le mouvement mais dans le statu quo actuel, marqué par la désyndicalisation et le morcellement social sur lesquels naissent les surenchères corporatistes et les extrémismes politiques.
En faisant ce pari du mouvement, nous faisons confiance dans la capacité des partenaires sociaux à se repenser pour mieux s'investir dans la mission qui est la leur.
Notre pays a besoin d'un syndicalisme réformiste et populaire ; un syndicalisme capable de structurer les revendications, de proposer des solutions, d'accompagner les évolutions nécessaires. Parce que les décisions doivent être moins hiérarchisées et moins uniformes, notre pays a également besoin qu'une relation plus constructive s'établisse entre la démocratie politique et la démocratie sociale. Parce que les réalités du terrain doivent être mieux respectées, il a enfin besoin de plus de liberté et de responsabilité.
Il est facile de critiquer certaines des clauses de ce projet qui est marqué par quelques compromis subtils Mais rien, Mesdames et Messieurs les Députés, rien ne peut réduire la portée d'une idée simple et forte : après des décennies de statu quo et d'hésitations, la rénovation de notre démocratie sociale est désormais en marche.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 7 janvier 2004)
au Sénat le 03 février 2004
Monsieur le Président,
Madame et Monsieur les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Depuis plus de vingt mois maintenant, le Parlement a eu l'occasion de débattre d'un nombre important de réformes sociales. Mais en vous présentant aujourd'hui ce projet de loi, j'ai plus que jamais la conviction que nous sommes ici au cur de la nécessaire modernisation de notre pacte économique et social.
Les deux volets du projet de loi illustrent une même philosophie. En transposant deux accords conclus par les partenaires sociaux, ils témoignent de la responsabilité des acteurs sociaux et font la promotion d'une démocratie plus participative.
Ils illustrent aussi une conscience partagée des défis à relever : développer la formation, relancer la promotion sociale et augmenter le niveau de qualification pour tous les salariés, en particulier ceux qui sont les plus vulnérables face aux restructurations et aux licenciements.
Notre pays a besoin de réformes. Procéder aux ajustements nécessaires dans l'organisation de nos relations sociales, de notre droit du travail et de notre protection sociale est une condition du maintien de notre niveau de développement économique et social, au sein des pays de l'Union européenne et dans une économie ouverte sur le monde.
Le deuxième titre du projet porte sur le dialogue social. Comme vous le savez, il s'appuie sur la Position commune sur les voies et moyens de la négociation collective établie par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT le 16 juillet 2001.
Cette réforme est sans doute la plus importante dans le domaine des relations sociales qu'ait connu notre pays depuis la guerre. Son ambition est de moderniser notre système de négociation collective en adaptant " les règles du jeu " pour les mettre au niveau d'une démocratie sociale moderne.
Cette réforme, bien sûr, bouscule quelques habitudes bien ancrées et remet en cause un certain nombre de positions acquises. Elle n'en est pas moins nécessaire si nous voulons redynamiser le dialogue social dans notre pays et lui donner des règles adaptées aux enjeux du siècle nouveau, à l'image de nos voisins européens.
Chacun doit bien mesurer la portée de ce projet de loi : il s'agit de repenser un système qui date de plus de trente ans et qui est, aujourd'hui, proche de l'essoufflement ! Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des seuils aussi bas et la faiblesse des corps intermédiaires essouffle et affaiblit notre démocratie sociale :
- la culture de la protestation sociale demeure plus prégnante que celle du réformisme social dont dépend pourtant la sauvegarde et le développement de notre modèle social ;
- l'éclatement des liens sociaux qui affecte notre société nourrit les extrémistes et les comportements poujadistes. A l'évidence, comme la démocratie politique, la démocratie sociale doit tendre vers de nouveaux modes de fonctionnement afin d'être plus participative, plus solidaire et cohésive.
Je souhaite, par conséquent, un dialogue social ouvert et constructif, rassemblant des partenaires sociaux responsables, capables d'assumer, à tous les niveaux de la négociation des décisions parfois difficiles. Cela passe par un renforcement de la légitimité des accords collectifs négociés. Cela passe aussi par un nouvel équilibre dans les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux, et par la promotion de la négociation collective.
En effet, la négociation collective porte en elle des valeurs d'une société moderne :
- la reconnaissance et le respect de l'interlocuteur, même s'il est issu d'une autre culture et porteur d'intérêts différents ;
- la pratique de concessions au bénéfice de la recherche du compromis et au service de l'intérêt général ;
- le souci de promouvoir une société de dialogue, créant du lien social entre les citoyens, grâce à des corps intermédiaires représentatifs et légitimes. Notre démocratie sociale n'en sera que plus apaisée et renforcée. Elle n'en relèvera que mieux les défis de l'avenir, tout en restant fidèle aux valeurs de notre pacte social : la solidarité, l'égalité des chances et de traitement ou encore un égal accès aux droits et à la promotion sociale
A travers ces valeurs, la négociation collective porte aussi en elle l'esprit de responsabilité. Parce que les partenaires sociaux représentent ceux qui les mandatent et agissent en leur nom, ils doivent rendre des comptes sur leurs choix et leurs décisions, sur les solutions qu'ils auront su trouver pour régler les problèmes d'emploi dans les entreprises et les branches.
C'est pourquoi le gouvernement s'est engagé dans l'exposé des motifs du projet de loi, avant toute réforme de nature législative touchant les relations du travail, à donner la priorité à la négociation collective. Nous proposons en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités avant d'entreprendre une démarche législative.
Cette démarche peut être rapprochée des mécanismes du traité de l'Union européenne. La Commission européenne saisit, en effet, les partenaires sociaux européens avant toute proposition de directive au Conseil et au Parlement européen, et leur laisse, le cas échéant, l'initiative de l'action.
Cette pratique n'est pas si étrangère à notre propre tradition. Il n'y a pas si longtemps encore, l'Etat, le législateur et les partenaires sociaux joignaient leurs efforts pour, chacun dans son rôle, forger et mettre en uvre les grandes réformes qui ont façonné notre modèle social.
Je ne citerai ici qu'un seul exemple : l'accord interprofessionnel de 1970 suivi par la loi de 1971 sur la formation professionnelle.
Des contre-exemples existent également Ainsi, la réduction autoritaire de la durée du travail, qui a suivi la " journée des dupes " du 10 octobre 1997, illustre ce qu'il faut éviter à l'avenir !
L'engagement pris par le gouvernement ne signifie pas que l'Etat, donc le législateur, abdique ses responsabilités. Au contraire, seul le législateur a la légitimité démocratique. Il signifie simplement une meilleure répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Elle est dans l'intérêt des deux parties pour aboutir à des lois recentrées sur l'essentiel, c'est-à-dire la fixation des principes fondamentaux, et à des lois facilement applicables dans les entreprises.
Comme vous le savez, le gouvernement entend poursuivre la réforme en ce domaine. J'ai ainsi demandé aux partenaires sociaux de se saisir du rapport Virville qui va faire l'objet, dans les prochaines semaines, de concertations approfondies. Ce rapport propose des pistes intéressantes, si l'on veut bien se donner la peine de le lire, sans isoler telle ou telle proposition à des fins polémiques.
La responsabilité de tous les acteurs sociaux, voilà ce qu'il est de notre devoir d'encourager Donner aux partenaires sociaux les moyens de trouver les compromis légitimes susceptibles de garantir le progrès social et le développement économique. Tel est l'enjeu de ce texte !
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, la réforme qui vous est proposée afin de renforcer le syndicalisme dans notre pays et de lui faire prendre toutes ses responsabilités est à la fois ambitieuse et équilibrée :
- Elle vise d'abord à inscrire le principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs et ainsi affirmer leur légitimité.
- Elle vise ensuite à en tirer la conséquence en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation et en permettant à un accord d'entreprise majoritaire de déroger aux accords de rang supérieur.
Sur le premier aspect, le principe de l'accord majoritaire, quelle qu'en soit sa forme -majorité d'adhésion ou majorité d'opposition- est posé au niveau de l'entreprise. Au niveau de la branche, le principe d'une élection de représentativité est affirmé.
La loi pose le principe d'une autonomie de l'accord d'entreprise par rapport à l'accord de branche. Concrètement, cela signifie que les marges de négociation sont accrues à tous les niveaux : au niveau de l'entreprise pour définir ses propres équilibres, mais aussi au niveau de la branche en permettant des accords cadres, des accords supplétifs prenant en compte la diversité des entreprises.
L'accord de branche reste toutefois impératif dans trois domaines : la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, comme par exemple la formation professionnelle dont nous venons de parler. Bien évidemment, l'accord de branche pourra également maintenir un caractère impératif à ses dispositions, dans d'autres domaines, si tel est le souhait des négociateurs.
Enfin, j'ajoute que ces nouvelles dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation n'ont pas de caractère rétroactif. Ceci respecte la valeur hiérarchique que les négociateurs avaient entendu conférer à leurs accords.
Le projet de loi correspond ainsi à un double équilibre :
- équilibre entre la validité nouvelle des accords liée à l'accord majoritaire d'une part, et l'autonomie des niveaux de négociation d'autre part ;
- équilibre à trouver au niveau des branches et des entreprises, par la négociation, sur le degré d'autonomie à donner aux accords d'entreprise.
Ce double équilibre correspondant pour l'essentiel à la Position commune, n'en déplaisent à ses détracteurs qui ont, semble-t-il, oublié ce qu'ils ont signé
Le développement de nouveaux espaces à une négociation collective à la légitimité ainsi renforcée a pourtant fait couler beaucoup d'encre. Sur ce sujet, il faut sortir des faux débats et des mauvais procès.
Non ! Donner à la négociation d'entreprise la possibilité de développer des équilibres nouveaux et différents sur tel ou tel aspect des dispositions prévues par la branche ne va pas à l'encontre des droits de salariés.
Affirmer le contraire, c'est méconnaître la responsabilité des partenaires sociaux, mésestimer la maturité des salariés, des entreprises et de leurs représentants, ainsi que leur capacité à régler au plus près du terrain les problèmes d'organisation du travail et d'emploi
C'est tout simplement faire preuve d'un profond archaïsme.
La réforme des règles de la négociation collective ne peut qu'être progressive. Elle donnera lieu à une véritable évaluation d'ici 2007.
Dans ce domaine -comme dans d'autres d'ailleurs- le Gouvernement a fait preuve de courage et a su dégager une position équitable. Tout en refusant de céder à la tentation du statu quo, nous avons évité la dérive d'un grand bouleversement -sans doute du reste le meilleur moyen pour ne rien changer.
Oui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les bonnes réformes s'inscrivent dans la durée. C'est ce que le gouvernement vous propose, en faisant confiance au dialogue social, conformément aux engagements du Président de la République.
Le projet de loi contient également d'autres propositions, généralement reprises de la Position commune, pour favoriser le développement de la négociation collective. Ainsi, des accords pourront être conclus avec les élus du personnel dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical, dans des conditions strictement encadrées par la branche.
D'autres dispositions visent à faciliter le développement de la négociation dans les groupes d'entreprises ou bien encore au niveau territorial.
Les moyens donnés au dialogue social seront renforcés : droit de saisine des organisations syndicales, utilisation des nouvelles technologies de l'information, organisation des carrières des militants syndicaux.
Voici, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les principes dispositions de ce titre sur le dialogue social. Si elles sont si critiquées, et de façon si diverse, c'est sans doute qu'elles remettent en question bien des habitudes, bonnes ou mauvaises, c'est aussi sans doute qu'elles froissent bien des intérêts.
Mais ce texte novateur est équilibré. Il constitue la condition d'un renouveau de la démocratie sociale dans notre pays. Il va permettre un essor de la négociation, et cela à tous les niveaux, sans contrainte, contrairement aux accords qui ont suivi les lois Aubry, mais en faisant confiance aux partenaires sociaux.
Car voici, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le mot clé de cette réforme : la confiance !
Ce texte fait, en effet, confiance aux acteurs sociaux qui sauront, j'en suis persuadé, le mettre en uvre et en dégager toutes les potentialités.
L'accord du 20 septembre dernier, sur la formation professionnelle, constitue en cela un signe encourageant. Au terme d'un dialogue social ouvert et constructif, les partenaires sociaux ont conclu à l'unanimité un accord interprofessionnel sur la formation professionnelle. Il appartient désormais au Parlement de prendre la décision politique.
Gage d'épanouissement professionnel pour le salarié, la formation est un outil essentiel du dynamisme économique. Je suis, en effet, convaincu que face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi et aux évolutions technologiques qui affectent les méthodes de travail, la compétitivité des entreprises et la protection des salariés dépendront moins d'un foisonnement de textes que de leurs possibilités d'adaptation et d'évolution.
Par ailleurs, la formation professionnelle doit s'inscrire au cur de notre politique de l'emploi. La possibilité donnée à chacun de se former, c'est la meilleure arme contre le chômage ! C'est la capacité pour chaque salarié de progresser dans son parcours ou de rebondir professionnellement.
A cet égard, les mutations démographiques qui affectent notre pays obligent à inscrire la formation professionnelle dans le cadre de l'allongement des durées d'activité. C'est un enjeu que nous devons relever collectivement. J'ai déjà eu l'occasion de dire combien la responsabilité des entreprises est engagée sur ce sujet. Il faut mettre fin à l'éviction des seniors du marché du travail par une meilleure gestion des âges dans les entreprises.
Enfin, devant les difficultés de recrutement rencontrées aujourd'hui dans certains secteurs d'activité et les pénuries sectorielles et locales rencontrées probablement demain, nous n'aurons pas d'autres choix que de prendre en compte l'ensemble des ressources en main d'uvre mobilisables : les jeunes et les travailleurs en seconde partie de carrière, en veillant à l'adaptation de leurs compétences aux besoins futurs.
Face à ces enjeux, le dispositif actuel peinait à trouver toute son efficacité. De nombreux travaux conduits ces dernières années ont mis en évidence les lacunes de notre système de formation :
- l'accès à la formation continue demeure inégal. Bien souvent, le projet de se former est le propre des personnes déjà formées ou de celles qui travaillent dans les grandes entreprises ;
- la formation continue n'a pas su toujours apporter une qualification complémentaire à celle acquise au cours de la formation initiale ;
- le système de formation, enfin, apparaît cloisonné, peu lisible et complexe.
Dès lors, malgré les sommes consacrées annuellement à la formation professionnelle qui sont de l'ordre de 22 milliards d'euros, les résultats sont parfois - souvent ? - décevants pour les salariés.
Face ces constats, il était urgent de réagir. Sur la base de l'accord signé par tous les partenaires sociaux, le 20 septembre dernier, le projet de loi prévoit :
La création d'un droit individuel à la formation de 20 heures par an, cumulable pendant 6 ans, utilisable avec l'accord du chef d'entreprise. Ce droit individuel, le DIF, sera utilisable en cas de licenciement, sauf faute grave et, sous certaines conditions, en cas de démission. Ce nouveau droit lié à l'individu permet donc la mise en uvre d'une assurance formation à son bénéficiaire.
L'engagement du Président de la République est ainsi respecté !
La deuxième innovation du texte concerne le partage du temps de formation entre temps de travail et temps libre. L'accord interprofessionnel, que nous avons repris, prévoit une coresponsabilité entre le salarié, qui pourra développer ses compétences en utilisant une partie de son temps à se former, et l'entreprise qui lui versera une allocation de formation s'il se forme partiellement en dehors de son temps de travail. A cet égard, le projet de loi distingue trois catégories d'actions de formation :
- la formation pour s'adapter à son poste de travail ;
- la formation pour évoluer ou se maintenir dans son emploi ;
- enfin, la formation pour développer ses compétences.
Cette nouvelle typologie renvoie à des modalités spécifiques de mise en uvre, qui traitent notamment de leur déroulement pendant ou en dehors du temps de travail.
Une troisième innovation figure dans ce projet de loi avec la création des contrats de professionnalisation qui se substitueront aux actuels contrats de formation en alternance. Leur objectif est de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle en permettant d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification. Ils comporteront une période de formation et une autre de travail en entreprise. Ce dispositif modulable relancera la formation en alternance. Afin de permettre aux différents acteurs de s'adapter aux nouvelles exigences posées par la Loi, l'Assemblée nationale a décalé du 1er juillet au 1er octobre 2004, la mise en uvre de ces contrats.
Le quatrième point important de la réforme est financier : la part de la masse salariale consacrée à la formation passera de 0,15% à 0,55% dans les entreprises de moins de dix salariés et de 1,5% à 1,6% dans celles de plus de dix salariés. Même si, en pratique, beaucoup d'entreprises font davantage que le minimum légal, il en résultera un progrès significatif, en particulier dans les PME.
Telles sont les principales innovations du projet de loi sur la formation.
Pour accompagner cette réforme, l'effort financier consenti par l'Etat en faveur de la formation sera renforcé. Ainsi, les contrats de professionnalisation bénéficieront d'une exonération de cotisations, de même que l'allocation formation ne sera pas soumise à cotisations.
Par ailleurs, le gouvernement travaille, dans le cadre de la préparation de la loi de mobilisation pour l'emploi, à la " deuxième chance " : je veux parler de la formation qualifiante différée pour ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Celle-ci sera définie en phase avec les régions - qui disposent de nouvelles compétences dans le cadre de l'approfondissement de la décentralisation -, avec l'Education nationale et avec les partenaires sociaux.
Ce sera d'ailleurs l'un des grands enjeux des prochaines années que de développer la coopération entre les branches professionnelles et les régions. Il conviendra de promouvoir et structurer la concertation sociale au niveau territorial, comme il convient de la rénover au niveau national pour l'adapter aux réformes en cours.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les principales orientations du projet de loi qui est soumis à votre Assemblée et auquel votre Commission des Affaires Sociales propose, grâce à un travail en profondeur de vos deux rapporteurs, des améliorations justifiées.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de dire combien ce texte n'est pas le fruit d'un choix partisan, décidé " d'en haut ".
Il intervient au terme d'une longue maturation collective, une maturation révélatrice de certains des blocages de la société française. Blocage des corps intermédiaires, blocage du débat qui oppose de manière stérile sociaux et libéraux, blocage des gouvernants devant la réforme.
Je suis fier de présenter devant vous ce texte tant il est conforme à l'idée que je me fais de ma mission : donner à la France, pour le long terme, les outils structurels de son développement et de son adaptation à la modernité.
Il est, par ailleurs, porteur d'une philosophie politique à laquelle je crois : les solutions de notre avenir sont dans l'alliance entre la liberté d'entreprendre et l'ambition sociale. Une alliance qui repose sur la confiance faite aux acteurs sociaux tant ils savent prendre leurs responsabilités.
Au-delà même de nos clivages respectifs, ce sont les Français eux-mêmes qui contribueront à forger cette alliance, grâce aux instruments que peut leur donner ce projet.
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 février 2004)