Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Le débat national sur l'éducation se termine demain. Sur RMC, toute la semaine, vous avez fait vos propositions et vos remarques. Nous les soumettons ce matin au ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche, qui est avec nous. 15.000 réunions, un million de participants... Les réformes seront conduites à partir des résultats de cette grande consultation. Que demandent les parents et les enseignants ? Quels sont les sujets qui préoccupent le plus les participants ?
- "Ce qui est très frappant, au stade où nous en sommes, c'est que les sujets qui ont été choisis majoritairement par les participants au grand débat - d'ailleurs, je voudrais les remercier d'avoir participé si nombreux, parce qu'après tout, c'est quand même très sympathique que le civisme existe et que des professeurs, des parents d'élèves en très grand nombre ont choisi, plutôt que d'aller au cinéma, d'aller s'occuper du grand débat sur l'école, je trouve ça formidable... Ce qui est très frappant, c'est qu'ils ont choisi prioritairement des sujets très lourds, des sujets graves. Vous avez quatre sujets, sur les 22 questions qui étaient proposés, qui occupent pratiquement la moitié du terrain. Un, comment motiver les élèves - c'est le sujet qui vient toujours en premier, très largement devant les autres. C'est donc tout le problème de la culture scolaire, des programmes, la motivation de la pédagogie. Deux, comment lutter contre la violence scolaire et rétablir l'autorité dans les établissements. Trois, comment lutter contre l'échec scolaire. Et quatre, comment réaménager le collège unique, comment diversifier les parcours - c'est au fond aussi la question de la voie professionnelle qui, en filigrane, est derrière. Ce sont donc des sujets qui ne sont pas "paillettes", pas gadget, ce sont des sujets lourds, ce sont des sujets graves. Et il faut en tenir compte..."
Et des sujets concrets. Je me fais l'interprète des auditeurs. Michel, de la Sarthe, vous demande : "Le rôle des enseignants est d'apprendre à lire, à écrire et à compter aux enfants. Pourquoi ne remplissent-ils pas complètement ce rôle aujourd'hui ?"
- "Je crois qu'ils ont la volonté de le faire. En l'occurrence, il s'agit surtout des enseignants du premier degré, pour les écoles. Ils ont totalement conscience de cette mission. Simplement, le problème, c'est que la société toute entière a été, dans les trente dernières années, moins axée sur ces objectifs fondamentaux que sur des choses qui, peut-être, étaient secondaires..."
Alors, qu'allez-vous faire ?
- "L'une des choses sur laquelle il faudra se mettre d'accord, dans la loi d'orientation - puisque je rappelle que tout ce grand débat n'est pas fait pour amuser le client, il est fait pour déboucher sur une loi d'orientation..."
Synthèse en mars et loi plus tard ?
- "Je commencerai à rédiger la loi quand la commission Thélot me remettra ses recommandations, en septembre 2004. Donc, en gros, la loi sera entre septembre 2004 et décembre 2004. Evidemment, on tiendra compte de ce message qui est de recentrer sur les fondamentaux. Il faut remettre l'école sur ces missions. Par exemple, il faudra dire clairement - en tout cas, on en discutera - que les professeurs ne sont pas des animateurs culturels, que les objectifs fondamentaux de l'école, c'est en effet lire, écrire, compter, qu'il est inacceptable que 15 % des enfants aujourd'hui ou peut-être plus ne sachent pas bien lire et écrire à l'entrée au collège. Et il faut recentrer sur les fondamentaux : la demande d'autorité est aussi très grande. Alors, cela ne veut pas dire qu'il faille un grand coup de barre en arrière, être réactionnaire, mépriser les pédagogies modernes etc. Mais cela veut dire qu'on a besoin de recentrer sur des objectifs fondamentaux, qu'on a oublié ces dernières années surtout, au profit de gadgets, de cosmétiques, de paillettes. Il faut revenir à l'essentiel et c'est une très grande leçon de ce débat."
Micheline, de Seine-Saint-Denis, nous dit : "Trois de mes petits enfant sont dans deux écoles différentes et changent continuellement d'enseignants : maîtres, stagiaires, remplaçants... Comment apprendre dans ces conditions ?"
- "C'est un cas particulier, ce n'est pas le cas général. Il faut savoir que l'on a pas loin de 70.000 établissements en France, si je compte les écoles primaires, et qu'évidemment, les situations peuvent être totalement différentes ici ou là. Ce n'est donc pas une situation normale. Cela veut dire que là, pour des raisons de maladie ou autres, on a affaire à une situation qui n'est pas normale, mais ce n'est pas la situation générale. Mais elle a raison de se plaindre..."
Marie-Paul, de l'Ain : "Arrivés en sixième, les élèves déjà en difficulté sont traînés de classe en classe, sans le moindre redoublement. Pourquoi ne pas créer dans les écoles, les collèges et les lycées, des cellules de parents bénévoles qui donneraient de leur temps pour aider les jeunes à s'évaluer et à se diriger dans la filière qui leur corresponde ?"
- "C'est une très bonne idée. Cela dit, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas de redoublement. Simplement, dans la législation actuelle, les professeurs ne peuvent décider de faire redoubler un élève qu'en fin de cycle. C'est-à-dire, par exemple, pas en Cinquième, pas en Première ou pas en CP. Si les parents ne le veulent pas, ils peuvent empêcher que leur enfant redouble - ce qui d'ailleurs, souvent, est une erreur. Mais le redoublement existe quand même. Il a même des taux très élevés en France, plus élevés que les autres pays européens."
Est-il utile ?
- "Malheureusement, il est rarement utile. Je voyais d'ailleurs dans le grand débat sur l'école - juste pour vous donner un exemple de propositions qui peuvent être tout à fait intelligentes et intéressantes - il y avait, je ne sais dans quel journal, hier, un compte-rendu d'un débat, où quelqu'un avait proposé qu'il y ait des redoublements partiels, par exemple que l'on redouble dans une discipline et pas dans une autre, dans la discipline dans laquelle on a échoué mais pas dans la discipline dans laquelle on a réussi. Ce n'est pas facile à faire, mais cela peut se faire par exemple dans des écoles où vous avez deux classes en même temps, par exemple un Cours Préparatoire et un Cour élémentaire 1 ou un Cour élémentaire 2 dans la même salle. Vous pouvez très bien imaginer, si les professeurs le souhaitent, que les parents le souhaitent, que l'équipe pédagogique se met d'accord, qu'on ait des redoublements partiels, qui seraient beaucoup moins pénalisant pour les enfants et beaucoup plus utile pour eux, si on peut l'organiser - et encore une fois, ce n'est pas facile, mais c'est une très bonne idée, il faut la mettre à l'étude, cela fait partie des choses qui peuvent ressortir du débat."
[...]
Pourquoi tolère-t-on des classes à plus de trente, alors qu'une formation professionnelle pour adultes se fait à 12 maximum ?
- "On les "tolère", ce doit être mot, parce que la moyenne nationale, au collège, c'est 24 ; 22-23 à l'école primaire et 28-29 au lycée. On est donc dans des taux d'encadrement qui sont à peu près les meilleurs du monde, pratiquement. D'autant qu'il faut ajouter que beaucoup du service d'un enseignant se fait en demi-groupe - par exemple au collège, dans les matières scientifiques ou dans les langues, vous avez au moins un tiers de l'enseignement qui est fait en demi-groupe. Honnêtement, ce n'est pas le problème, d'autant que, pardon de le rappeler, mais ce n'est pas toujours connu, une belle étude a été faite par deux chercheurs qui montre qu'en de-ça d'un certain seuil, sauf, par exemple pour les apprentissages fondamentaux, pour l'apprentissage des langues en particulier, le fait de diminuer le nombre d'élève en dessous d'un certain seuil n'est pas pédagogiquement utile. Evidemment, c'est beaucoup plus confortable pour le professeurs parce qu'en termes de discipline, c'est plus facile. Disons que le vrai problème, c'est le problème de la discipline en vérité. Mais si on avait de la discipline, l'idéal, c'est des classes de 25-26-27. Et par rapport à notre enfance, couramment, les classes étaient à 40 élèves quand on était gamin. On est dans de très bons taux d'encadrement et je ne crois pas qu'il faille nécessairement descendre en dessous. Maintenant, il peut y avoir des exceptions : il peut arriver que dans tel et tel collège il y ait des classes plus nombreuses. Normalement, c'est n'est pas régulier."
Jean-Pierre de Haute-Garonne nous écrit : 34 000 élèves de plus à la rentrée 2004 : combien de créations de postes d'enseignant ?
- "C'est vrai dans le premier degré, donc 1 500 créations de postes dans le 1er degré ; la réponse est claire."
Pour 53 000 élèves de plus, soit un prof pour 35 élèves ?
- "Non, parce que la vérité, c'est que ce n'est pas 53 000 élèves de plus - enfin, je ne veux pas le dire, parce que je vais me faire taper sur les doigts par le budget - disons qu'on s'est un peu trompés, il faut être clair, dans la démographie, c'est-à-dire que l'on aura moins d'élèves que prévu. Donc, en fait, les 1 500 professeurs ce sera largement suffisant. On va même être confortables dans le 1er degré, si je puis dire."
Quel sera le nombre de postes ouverts au concours de l'enseignement ? Parce qu'il y aura 37 000 en retraite en 2005.
- "C'est en arbitrage en ce moment même. Je ne peux donc pas vous donner le chiffre. Je pense que pour le 1er degré, on devrait être dans des bons chiffres aussi..."
C'est quoi "un bon chiffre" ?
- "Ce sont des chiffres qui tiennent compte de l'augmentation ou de la diminution démographique. Il faut faire les deux : quand le nombre d'élèves augmente, il faut créer des postes - c'est ce que je fais dans le 1er degré - et quand le nombre d'élèves diminue, il y a un moment, où, tout en maintenant les taux d'encadrement, comme je le disais tout à l'heure, il faut arrêter d'augmenter le nombre de profs. Pourquoi ? Parce qu'on consomme des crédits qui peuvent être plus utiles ailleurs. Un budget, ce n'est pas illimité. Il faut savoir que si on utilise mal l'argent, on fait vraiment des bêtises."
Une fourchette pour le nombre de postes ouverts ?
- "C'est en arbitrage, mais on le saura la semaine prochaine."
[...]
Une question de Marie-Claire qui demande pourquoi dans les bourses, l'éloignement n'est pris en compte ?
- "Au niveau du lycée, non, et vous avez raison. Je connais bien le problème, puisque j'ai vécu la même chose que vous, puisque j'ai été obligé de faire mes études par le Centre national de télé-enseignement, qu'on appelle aujourd'hui le CNED, donc l'enseignement à distance, parce que j'étais simplement loin, comme vos enfants, du lycée le plus proche. Là où vous avez raison, madame, le système d'aide social, en particulier aux étudiants - c'est moins vrai pour le lycée - est très injuste. Il est mal fichu, il faut le dire franchement. Depuis le 1er septembre dernier, nous travaillons avec les quatre organisations étudiantes représentées pour améliorer ce système d'aide sociale qui est très injuste. Autrement dit, il ne va pas aux plus défavorisés, il ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin, et donc c'est quelque chose sur lequel on est en train de travailler et qu'on essaye d'améliorer très activement. C'est difficile, parce que ce sont des sujets très lourds, très compliqués, mais on a bien avancé et on en verra des résultats très rapidement. Mais ce que vous dites, globalement est vrai, je ne peux pas dire le contraire."
Une question de Valérie, des Alpes de Haute-Provence : à quoi sert-il de poser la question de l'avenir de l'école si les classes doivent fermer les uns après les autres ?
- "C'est totalement faux ! Les classes n'ont aucune raison de fermer les unes après les autres. Ce qui est vrai, c'est que..."
Dans certaines régions de France !
- "Non, ce ne sont pas certaines régions, ce sont certaines filières. Quand vous prenez un CAP dans le textile, dans le Nord-Pas-de-Calais et que vous savez que les industries ferment et que si vous mettez les enfants dans ce CAP - d'ailleurs, ils n'en veulent pas, il n'y a pas de candidat - et que vous vous retrouvez avec des filières où il y a trois élèves et que vous savez que sur les quatre ans qui viennent, il n'y en aura pas plus, et que vous avez plein de professeurs autour, mieux vaut utiliser ces professeurs, les moyens qui sont affectés à ce CAP à en ouvrir un autre pour lequel il y a des demandes ; c'est évident, notamment dans les filières professionnelles. Mais parfois c'est vrai aussi qu'il y a des collèges où il y a 100 élèves : est-ce que cela a une signification de garder un collège où il y a 100 élèves, alors que vous consommez des moyens - pardon de parler comme ça, mais c'est la réalité - qui pourraient être beaucoup mieux utilisés autrement.Donc, il y a un moment, en effet - mais on évite de le faire pour des raisons d'aménagement du territoire - ..."
Mais dans le primaire...
- "Dans le primaire, on évite quasi totalement de le faire, parce que pour des raisons d'aménagement du territoire, notamment dans les écoles rurales, on préfère maintenir même une toute petite école dans un village, plutôt que de la fermer, parce que cela fait vivre. Et puis, pour les enfants, le ramassage scolaire, quand ils sont obligés de faire 20 kilomètres le matin, c'est insupportable, donc, on maintient ; c'est d'ailleurs pourquoi je crée des postes. Mais parfois, dans cette certaines filières - c'est pour le service des élèves, pas simplement pour rationaliser le budget - il est absurde de maintenir un CAP à trois élèves si vous pouvez en ouvrir un où il va y en avoir dix fois plus. C'est pour ces raisons-là que parfois on ferme les classes. Mais ce n'est pas pour de mauvaises raisons, c'est vraiment au contraire pour en ouvrir d'autres qui sont plus efficaces et où on accueille plus d'élèves."
[...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 janvier 2004)
- "Ce qui est très frappant, au stade où nous en sommes, c'est que les sujets qui ont été choisis majoritairement par les participants au grand débat - d'ailleurs, je voudrais les remercier d'avoir participé si nombreux, parce qu'après tout, c'est quand même très sympathique que le civisme existe et que des professeurs, des parents d'élèves en très grand nombre ont choisi, plutôt que d'aller au cinéma, d'aller s'occuper du grand débat sur l'école, je trouve ça formidable... Ce qui est très frappant, c'est qu'ils ont choisi prioritairement des sujets très lourds, des sujets graves. Vous avez quatre sujets, sur les 22 questions qui étaient proposés, qui occupent pratiquement la moitié du terrain. Un, comment motiver les élèves - c'est le sujet qui vient toujours en premier, très largement devant les autres. C'est donc tout le problème de la culture scolaire, des programmes, la motivation de la pédagogie. Deux, comment lutter contre la violence scolaire et rétablir l'autorité dans les établissements. Trois, comment lutter contre l'échec scolaire. Et quatre, comment réaménager le collège unique, comment diversifier les parcours - c'est au fond aussi la question de la voie professionnelle qui, en filigrane, est derrière. Ce sont donc des sujets qui ne sont pas "paillettes", pas gadget, ce sont des sujets lourds, ce sont des sujets graves. Et il faut en tenir compte..."
Et des sujets concrets. Je me fais l'interprète des auditeurs. Michel, de la Sarthe, vous demande : "Le rôle des enseignants est d'apprendre à lire, à écrire et à compter aux enfants. Pourquoi ne remplissent-ils pas complètement ce rôle aujourd'hui ?"
- "Je crois qu'ils ont la volonté de le faire. En l'occurrence, il s'agit surtout des enseignants du premier degré, pour les écoles. Ils ont totalement conscience de cette mission. Simplement, le problème, c'est que la société toute entière a été, dans les trente dernières années, moins axée sur ces objectifs fondamentaux que sur des choses qui, peut-être, étaient secondaires..."
Alors, qu'allez-vous faire ?
- "L'une des choses sur laquelle il faudra se mettre d'accord, dans la loi d'orientation - puisque je rappelle que tout ce grand débat n'est pas fait pour amuser le client, il est fait pour déboucher sur une loi d'orientation..."
Synthèse en mars et loi plus tard ?
- "Je commencerai à rédiger la loi quand la commission Thélot me remettra ses recommandations, en septembre 2004. Donc, en gros, la loi sera entre septembre 2004 et décembre 2004. Evidemment, on tiendra compte de ce message qui est de recentrer sur les fondamentaux. Il faut remettre l'école sur ces missions. Par exemple, il faudra dire clairement - en tout cas, on en discutera - que les professeurs ne sont pas des animateurs culturels, que les objectifs fondamentaux de l'école, c'est en effet lire, écrire, compter, qu'il est inacceptable que 15 % des enfants aujourd'hui ou peut-être plus ne sachent pas bien lire et écrire à l'entrée au collège. Et il faut recentrer sur les fondamentaux : la demande d'autorité est aussi très grande. Alors, cela ne veut pas dire qu'il faille un grand coup de barre en arrière, être réactionnaire, mépriser les pédagogies modernes etc. Mais cela veut dire qu'on a besoin de recentrer sur des objectifs fondamentaux, qu'on a oublié ces dernières années surtout, au profit de gadgets, de cosmétiques, de paillettes. Il faut revenir à l'essentiel et c'est une très grande leçon de ce débat."
Micheline, de Seine-Saint-Denis, nous dit : "Trois de mes petits enfant sont dans deux écoles différentes et changent continuellement d'enseignants : maîtres, stagiaires, remplaçants... Comment apprendre dans ces conditions ?"
- "C'est un cas particulier, ce n'est pas le cas général. Il faut savoir que l'on a pas loin de 70.000 établissements en France, si je compte les écoles primaires, et qu'évidemment, les situations peuvent être totalement différentes ici ou là. Ce n'est donc pas une situation normale. Cela veut dire que là, pour des raisons de maladie ou autres, on a affaire à une situation qui n'est pas normale, mais ce n'est pas la situation générale. Mais elle a raison de se plaindre..."
Marie-Paul, de l'Ain : "Arrivés en sixième, les élèves déjà en difficulté sont traînés de classe en classe, sans le moindre redoublement. Pourquoi ne pas créer dans les écoles, les collèges et les lycées, des cellules de parents bénévoles qui donneraient de leur temps pour aider les jeunes à s'évaluer et à se diriger dans la filière qui leur corresponde ?"
- "C'est une très bonne idée. Cela dit, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas de redoublement. Simplement, dans la législation actuelle, les professeurs ne peuvent décider de faire redoubler un élève qu'en fin de cycle. C'est-à-dire, par exemple, pas en Cinquième, pas en Première ou pas en CP. Si les parents ne le veulent pas, ils peuvent empêcher que leur enfant redouble - ce qui d'ailleurs, souvent, est une erreur. Mais le redoublement existe quand même. Il a même des taux très élevés en France, plus élevés que les autres pays européens."
Est-il utile ?
- "Malheureusement, il est rarement utile. Je voyais d'ailleurs dans le grand débat sur l'école - juste pour vous donner un exemple de propositions qui peuvent être tout à fait intelligentes et intéressantes - il y avait, je ne sais dans quel journal, hier, un compte-rendu d'un débat, où quelqu'un avait proposé qu'il y ait des redoublements partiels, par exemple que l'on redouble dans une discipline et pas dans une autre, dans la discipline dans laquelle on a échoué mais pas dans la discipline dans laquelle on a réussi. Ce n'est pas facile à faire, mais cela peut se faire par exemple dans des écoles où vous avez deux classes en même temps, par exemple un Cours Préparatoire et un Cour élémentaire 1 ou un Cour élémentaire 2 dans la même salle. Vous pouvez très bien imaginer, si les professeurs le souhaitent, que les parents le souhaitent, que l'équipe pédagogique se met d'accord, qu'on ait des redoublements partiels, qui seraient beaucoup moins pénalisant pour les enfants et beaucoup plus utile pour eux, si on peut l'organiser - et encore une fois, ce n'est pas facile, mais c'est une très bonne idée, il faut la mettre à l'étude, cela fait partie des choses qui peuvent ressortir du débat."
[...]
Pourquoi tolère-t-on des classes à plus de trente, alors qu'une formation professionnelle pour adultes se fait à 12 maximum ?
- "On les "tolère", ce doit être mot, parce que la moyenne nationale, au collège, c'est 24 ; 22-23 à l'école primaire et 28-29 au lycée. On est donc dans des taux d'encadrement qui sont à peu près les meilleurs du monde, pratiquement. D'autant qu'il faut ajouter que beaucoup du service d'un enseignant se fait en demi-groupe - par exemple au collège, dans les matières scientifiques ou dans les langues, vous avez au moins un tiers de l'enseignement qui est fait en demi-groupe. Honnêtement, ce n'est pas le problème, d'autant que, pardon de le rappeler, mais ce n'est pas toujours connu, une belle étude a été faite par deux chercheurs qui montre qu'en de-ça d'un certain seuil, sauf, par exemple pour les apprentissages fondamentaux, pour l'apprentissage des langues en particulier, le fait de diminuer le nombre d'élève en dessous d'un certain seuil n'est pas pédagogiquement utile. Evidemment, c'est beaucoup plus confortable pour le professeurs parce qu'en termes de discipline, c'est plus facile. Disons que le vrai problème, c'est le problème de la discipline en vérité. Mais si on avait de la discipline, l'idéal, c'est des classes de 25-26-27. Et par rapport à notre enfance, couramment, les classes étaient à 40 élèves quand on était gamin. On est dans de très bons taux d'encadrement et je ne crois pas qu'il faille nécessairement descendre en dessous. Maintenant, il peut y avoir des exceptions : il peut arriver que dans tel et tel collège il y ait des classes plus nombreuses. Normalement, c'est n'est pas régulier."
Jean-Pierre de Haute-Garonne nous écrit : 34 000 élèves de plus à la rentrée 2004 : combien de créations de postes d'enseignant ?
- "C'est vrai dans le premier degré, donc 1 500 créations de postes dans le 1er degré ; la réponse est claire."
Pour 53 000 élèves de plus, soit un prof pour 35 élèves ?
- "Non, parce que la vérité, c'est que ce n'est pas 53 000 élèves de plus - enfin, je ne veux pas le dire, parce que je vais me faire taper sur les doigts par le budget - disons qu'on s'est un peu trompés, il faut être clair, dans la démographie, c'est-à-dire que l'on aura moins d'élèves que prévu. Donc, en fait, les 1 500 professeurs ce sera largement suffisant. On va même être confortables dans le 1er degré, si je puis dire."
Quel sera le nombre de postes ouverts au concours de l'enseignement ? Parce qu'il y aura 37 000 en retraite en 2005.
- "C'est en arbitrage en ce moment même. Je ne peux donc pas vous donner le chiffre. Je pense que pour le 1er degré, on devrait être dans des bons chiffres aussi..."
C'est quoi "un bon chiffre" ?
- "Ce sont des chiffres qui tiennent compte de l'augmentation ou de la diminution démographique. Il faut faire les deux : quand le nombre d'élèves augmente, il faut créer des postes - c'est ce que je fais dans le 1er degré - et quand le nombre d'élèves diminue, il y a un moment, où, tout en maintenant les taux d'encadrement, comme je le disais tout à l'heure, il faut arrêter d'augmenter le nombre de profs. Pourquoi ? Parce qu'on consomme des crédits qui peuvent être plus utiles ailleurs. Un budget, ce n'est pas illimité. Il faut savoir que si on utilise mal l'argent, on fait vraiment des bêtises."
Une fourchette pour le nombre de postes ouverts ?
- "C'est en arbitrage, mais on le saura la semaine prochaine."
[...]
Une question de Marie-Claire qui demande pourquoi dans les bourses, l'éloignement n'est pris en compte ?
- "Au niveau du lycée, non, et vous avez raison. Je connais bien le problème, puisque j'ai vécu la même chose que vous, puisque j'ai été obligé de faire mes études par le Centre national de télé-enseignement, qu'on appelle aujourd'hui le CNED, donc l'enseignement à distance, parce que j'étais simplement loin, comme vos enfants, du lycée le plus proche. Là où vous avez raison, madame, le système d'aide social, en particulier aux étudiants - c'est moins vrai pour le lycée - est très injuste. Il est mal fichu, il faut le dire franchement. Depuis le 1er septembre dernier, nous travaillons avec les quatre organisations étudiantes représentées pour améliorer ce système d'aide sociale qui est très injuste. Autrement dit, il ne va pas aux plus défavorisés, il ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin, et donc c'est quelque chose sur lequel on est en train de travailler et qu'on essaye d'améliorer très activement. C'est difficile, parce que ce sont des sujets très lourds, très compliqués, mais on a bien avancé et on en verra des résultats très rapidement. Mais ce que vous dites, globalement est vrai, je ne peux pas dire le contraire."
Une question de Valérie, des Alpes de Haute-Provence : à quoi sert-il de poser la question de l'avenir de l'école si les classes doivent fermer les uns après les autres ?
- "C'est totalement faux ! Les classes n'ont aucune raison de fermer les unes après les autres. Ce qui est vrai, c'est que..."
Dans certaines régions de France !
- "Non, ce ne sont pas certaines régions, ce sont certaines filières. Quand vous prenez un CAP dans le textile, dans le Nord-Pas-de-Calais et que vous savez que les industries ferment et que si vous mettez les enfants dans ce CAP - d'ailleurs, ils n'en veulent pas, il n'y a pas de candidat - et que vous vous retrouvez avec des filières où il y a trois élèves et que vous savez que sur les quatre ans qui viennent, il n'y en aura pas plus, et que vous avez plein de professeurs autour, mieux vaut utiliser ces professeurs, les moyens qui sont affectés à ce CAP à en ouvrir un autre pour lequel il y a des demandes ; c'est évident, notamment dans les filières professionnelles. Mais parfois c'est vrai aussi qu'il y a des collèges où il y a 100 élèves : est-ce que cela a une signification de garder un collège où il y a 100 élèves, alors que vous consommez des moyens - pardon de parler comme ça, mais c'est la réalité - qui pourraient être beaucoup mieux utilisés autrement.Donc, il y a un moment, en effet - mais on évite de le faire pour des raisons d'aménagement du territoire - ..."
Mais dans le primaire...
- "Dans le primaire, on évite quasi totalement de le faire, parce que pour des raisons d'aménagement du territoire, notamment dans les écoles rurales, on préfère maintenir même une toute petite école dans un village, plutôt que de la fermer, parce que cela fait vivre. Et puis, pour les enfants, le ramassage scolaire, quand ils sont obligés de faire 20 kilomètres le matin, c'est insupportable, donc, on maintient ; c'est d'ailleurs pourquoi je crée des postes. Mais parfois, dans cette certaines filières - c'est pour le service des élèves, pas simplement pour rationaliser le budget - il est absurde de maintenir un CAP à trois élèves si vous pouvez en ouvrir un où il va y en avoir dix fois plus. C'est pour ces raisons-là que parfois on ferme les classes. Mais ce n'est pas pour de mauvaises raisons, c'est vraiment au contraire pour en ouvrir d'autres qui sont plus efficaces et où on accueille plus d'élèves."
[...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 janvier 2004)