Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Comme tous les ans, la réunion de juin de la Commission nationale de la négociation collective est l'occasion d'examiner le bilan annuel de l'activité contractuelle dans notre pays au niveau interprofessionnel, des branches et des entreprises.
Au-delà de ce bilan, notre réunion d'aujourd'hui sera aussi pour moi l'occasion d'aborder deux autres sujets : d'abord, un premier point d'étape sur l'application de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social, ensuite les réformes que le Gouvernement vient d'engager, et auxquelles il entend associer les partenaires sociaux.
I - L'essor de la négociation collective en 2004
J'avais souhaité ici même l'année passée que l'année 2004 puisse être une étape dans le développement de la négociation collective.
Le bilan, établi par la DRT et la DARES, témoigne, à tous les niveaux, de son dynamisme et du rôle structurant qu'elle joue dans la régulation des relations du travail. Je n'insisterai donc ici que sur les points qui me paraissent les plus significatifs.
La négociation au niveau interprofesionnel
L'année 2003 avait été particulièrement riche, avec notamment les accords sur la formation professionnelle tout au long de la vie et sur les retraites complémentaires. Même si le nombre d'accords conclus a légèrement diminué, l'année 2004 a vu la conclusion d'autres accords interprofessionnels importants comme celui sur la mixité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (accord du 1er mars 2004).
L'année écoulée a surtout été marquée par une relance du dialogue social interprofessionnel. Si elle a vu l'échec de la négociation sur les restructurations, elle a été le point d'ouverture d'un nouveau cycle de négociation - pénibilité, gestion des âges, télétravail, convention de reclassement personnalisé- dont je souhaite qu'il puisse aboutir cette année. L'accord d'avril sur la CRP en est une première concrétisation.
La négociation au niveau des branches professionnelles
La négociation de branche est en forte hausse avec 1 046 accords signés en 2004, soit 162 de plus qu'en 2003.
Si le nombre élevé d'accords est déjà pour moi un motif de satisfaction, j'observe surtout que les thèmes de négociation témoignent de la capacité des acteurs des branches à s'approprier les nouveaux champs ouverts par la législation. Je note ainsi :
- une négociation très active en matière de formation professionnelle, 210 accords contre 89 en 2003 ;
- une négociation aussi soutenue sur la question des retraites avec 69 textes de plus qu'en 2003.
Les salaires restent toutefois le thème le plus fréquemment abordé (399 textes).
On peut également constater des progrès de la négociation sur l'égalité professionnelle femmes/hommes et sur la prévoyance complémentaire, alors que les thèmes de l'emploi, de la maladie et des conditions de travail sont moins présents.
La négociation au niveau des entreprises
Près de 15 000 accords d'entreprise ont été recensés en 2004 par le Ministère, soit une baisse de 10 % par rapport à 2003 en raison du repli notable de la négociation sur le temps de travail après 10 années de focalisation sur le sujet. Le niveau de l'année 2004 rejoint celui des années précédant la première loi d'incitation à la RTT datant de 1996.
Ces accords ont été conclus dans environ 9 000 entreprises et concernent 3,7 millions de salariés. Dans cet ensemble, la part des petites entreprises (moins de 50 salariés) ne représente que 18 %. C'est certes faible, mais cela montre aussi que la négociation est possible dans les PME. Je suis persuadé que les nouvelles dispositions de la loi du 4 mai 2004 permettront de renforcer encore cette situation.
L'épargne salariale est le thème le plus fréquemment abordé (plus de 40 % des accords). Ces accords concernent principalement la participation et l'intéressement, plus rarement le nouveau plan d'épargne retraite collectif (PERCO).
Le thème des salaires est traité dans 30 % des accords, celui du temps de travail dans 23 %. Cela fait presque 10 ans que le thème des salaires et des rémunérations n'avait plus dépassé le thème du temps de travail.
II - La nouvelle donne apportée par le volet " dialogue social " de la loi du 4 mai 2004
Ce dynamisme du dialogue social à tous les niveaux doit être apprécié au regard des nouvelles règles du jeu conventionnel posées par la loi du 4 mai 2004. Ces nouvelles règles répondent, je vous le rappelle, à un triple objectif :
- renforcer la légitimité des accords collectifs par l'instauration d'un principe majoritaire ;
- donner davantage d'autonomie aux différents niveaux conventionnels ;
- développer la possibilité de négocier même dans les petites et très petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux.
S'il est encore trop tôt pour effectuer un véritable bilan de sa mise en uvre, il apparaît que les dispositions de la loi commencent à produire leurs effets. L'année 2004 m'apparaît à cet égard comme une année d'apprentissage.
J'observe d'abord que les nouvelles règles de conclusion des accords n'ont pas bloqué le dialogue social comme en témoigne le nombre important d'accords conclus.
Certes, à ce jour, aucun accord étendu modifiant les règles de conclusion des accords de branche ou d'entreprise n'est applicable. Mais plusieurs branches ont d'ores et déjà engagé des négociations sur ce thème.
S'agissant des conditions d'exercice du droit d'opposition, elles sont restées très mesurées. Il est difficile de comptabiliser le nombre d'accords collectifs, aux niveaux des branches et des entreprises, qui ont fait l'objet d'une opposition majoritaire : étant réputés non écrits, ils ne sont pas en principe déposés. Les éléments dont je dispose laissent néanmoins à penser que les accords frappés d'oppositions sont rares.
Ainsi, depuis la publication de la loi, sur 821 textes signés dans les branches, moins de 10 oppositions majoritaires ont été repérées. De même, peu d'accords d'entreprise ont fait l'objet également d'une opposition, même si quelques cas isolés ont été médiatisés (Perrier, Arcelor, Crédit Agricole). J'observe d'ailleurs que, lorsque l'opposition est exercée, cela ne paralyse pas pour autant le dialogue social : cela conduit le plus souvent à une renégociation qui débouche alors fréquemment sur la conclusion d'un nouvel accord.
Sur l'articulation entre les niveaux d'accords collectifs, notamment entre branche et entreprises, je constate que le nombre d'accords dits " dérogatoires " est à ce stade quasi nul, même si les accords de branches en ouvrent régulièrement la possibilité.
Il apparaît en effet que, sur 821 textes signés dans les branches depuis la publication de la loi :
- plus de 50 % des textes portent sur les thèmes réservés à la négociation de branche (salaires minima, classifications, prévoyance et financement de la formation professionnelle) et ne peuvent souffrir d'accords dérogatoires par les entreprises ;
- 137 textes comportent une clause expresse interdisant aux entreprises de déroger, principalement en matière de formation professionnelle ;
- 207 textes ne comportent pas de clause impérative et, par ce silence, autorisent en droit les entreprises d'y déroger par accord collectif.
A ce jour, quasiment aucun accord d'entreprise n'a été signalé comme dérogatoire à une stipulation conventionnelle de branche par les services du ministère : seuls 6 ont fait l'objet d'un tel signalement.
Concernant maintenant la négociation en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, seuls deux accords ont été conclus à ce jour (interbranche des industries alimentaires et branche du négoce et de la distribution des combustibles et produits pétroliers). Ils sont actuellement examinés dans le cadre de la procédure d'extension. Mais plusieurs branches ont d'ores et déjà engagé des négociations sur ce thème ou sont sur le point de le faire.
A ce stade, la mise en oeuvre de la loi du 4 mai n'a donc pas bouleversé le jeu conventionnel. Il est vrai que la formation professionnelle et les retraites, mais aussi les salaires et les classifications dans les branches, ont largement mobilisé les acteurs sociaux et occupé l'ordre du jour des réunions paritaires.
Il n'en demeure pas moins que les conséquences des nouvelles règles de la négociation collective ne pourront être mesurées qu'à moyen terme. Beaucoup dépendra de la manière dont les partenaires sociaux s'en saisiront au niveau des branches professionnelles.
Ce sera à eux en effet de décider comment exploiter les potentialités de la loi du 4 mai 2004, de choisir comment utiliser les nouveaux outils dont ils disposent. Le bilan de l'année 2004 montre que de premiers jalons ont bien été posés.
III - Quelle place au dialogue social pour les mois à venir ?
Au-delà de la seule loi du 4 mai, la démarche du gouvernement est bien de rendre au dialogue social toute la place qui doit être la sienne. C'est la logique suivie depuis 2002. C'est la méthode que nous continuerons à suivre dans les mois à venir.
Cela recouvre à mes yeux une triple exigence :
- ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective
- veiller à ce qu'elle soit effective
- associer les partenaires sociaux aux réformes souhaitées par le Gouvernement
1/ Première exigence : ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective
Ces derniers mois ont vu l'aboutissement de plusieurs chantiers législatifs importants : la loi de cohésion sociale, la loi sur l'organisation du temps de travail, la loi sur le handicap
A chaque fois, soucieux de favoriser un nouvel équilibre entre loi et négociation collective, nous avons privilégié le renvoi au dialogue social.
Ainsi, le Gouvernement a souhaité, plutôt que de tout définir dans la loi, confier de nouvelles responsabilités aux partenaires sociaux en matière de négociation collective, aussi bien dans les branches professionnelles que dans les entreprises, sur des sujets aussi cruciaux que les restructurations, la situation des personnes handicapées ou l'égalité entre les femmes et les hommes :
- la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences une négociation triennale obligatoire dans les branches, les entreprises et les groupes ;
- la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées institue une obligation de négociation triennale dans les branches et annuelle dans les entreprises ; elle doit porter notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail, d'emploi et de maintien dans l'emploi ;
- le projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en cours de discussion au Parlement, rend une négociation obligatoire dans les branches et les entreprises, afin de réduire les écarts de rémunération constatés d'ici 5 ans.
De la même manière, nous avons souhaité ouvrir de nouvelles potentialités à la négociation collective :
- C'est le cas dans le domaine de l'emploi et des restructurations : la loi du 18 janvier 2005 pérennise ainsi les " accords de méthode " et les étend au niveau de la branche. Il s'agit de donner aux partenaires sociaux de nouveaux outils pour anticiper et accompagner, par la négociation, les restructurations et leurs conséquences.
- C'est aussi le cas en matière d'organisation du temps de travail dans l'entreprise : la loi du 31 mars 2005 ouvre de nouvelles facultés au dialogue social pour favoriser, là encore par accords, une organisation du temps de travail au plus près des besoins des entreprises et des aspirations des salariés.
2/ Deuxième exigence : veiller à l'effectivité des négociations
Le ministre du travail a pour responsabilité de veiller à la tenue des négociations obligatoires et de favoriser leur bon déroulement en jouant le rôle de facilitateur qui est le sien.
La relance de la négociation sur les salaires et les classifications que j'ai appelé de mes vux s'inscrit pleinement dans cette perspective. Il est en effet de mon devoir de rester vigilant sur l'existence et le contenu des négociations sur ces sujets essentiels qui déterminent les grands équilibres économiques et sociaux de notre pays. C'est là tout l'enjeu des négociations en cours sur les salaires.
J'ai tenu, par deux fois, à m'exprimer devant les membres de la sous-commission des salaires de la CNNC sur ce chantier. Nous avons procédé ensemble à un état des lieux. Sur cette base, avec les moyens qui sont les miens, j'ai fait en sorte que les négociations puissent reprendre là où elles étaient bloquées.
Les résultats sont positifs mais ne doivent pas masquer la persistance de réelles difficultés dans certaines branches. Ce qui relève de l'Etat, c'est la fixation du SMIC. Nous y reviendrons tout à l'heure. Mais devant vous, je veux seulement et fermement rappeler la détermination du Gouvernement en la matière.
Comme je l'ai annoncé le 10 juin dernier, je vais pérenniser le dispositif d'alerte et de suivi des négociations salariales de branche mis en place à la suite de la réunion du 18 mars, je compte continuer à demander, quand le besoin s'en fera sentir, la réunion ou la mise en place de commissions mixtes paritaires et je n'hésiterai pas à faire du respect des obligations de mise en conformité des grilles de salaire un critère d'examen des demandes d'extension, en particulier des accords salariaux.
Ma détermination est tout aussi forte concernant le temps partiel. Vous avez dans votre dossier l'analyse actualisée sur le temps partiel effectuée par la DARES. Conformément à mes engagements, j'ai réuni vendredi dernier les représentants des principaux secteurs concernés- et en premier chef la grande distribution et la propreté. Mon objectif est d'examiner comment améliorer la qualité des emplois proposés, d'identifier les " bonnes pratiques " qui pourraient être mieux diffusées, de faire le point sur l'état du dialogue social en la matière. Sur la base des travaux qui seront réalisés d'ici septembre, il m'appartiendra notamment de voir s'il y a matière à favoriser la relance du dialogue social en la matière.
3/ Troisième exigence : associer les partenaires sociaux aux réformes souhaitées par le Gouvernement
L'an passé, pour la préparation du Plan de cohésion sociale, nous avions, avec Jean-Louis Borloo, veillé à associer les partenaires sociaux, en utilisant tous les moyens de la consultation et en privilégiant le renvoi à la négociation collective. Cette démarche est d'ailleurs pour partie à l'origine des importantes négociations interprofessionnelles en cours sur la pénibilité au travail et l'emploi des seniors.
Je mesure pleinement l'importance de ces négociations. J'y suis naturellement très attentif et souhaite qu'elles puissent se concrétiser rapidement par des propositions fortes et innovantes. Pour sa part, au vu du résultat des négociations et comme il l'a fait par le passé, l'Etat prendra bien entendu ses responsabilités dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Car - et je tiens à le redire ici très clairement-, sur ces sujets cruciaux, la démarche de l'Etat et celle des partenaires sociaux ont bien vocation à converger et se compléter.
Je voulais vous réaffirmer ici qu'il est bien dans notre intention de continuer à avancer dans la voie ainsi tracée sur les nouveaux sujets à l'ordre du jour de l'agenda gouvernemental.
Vous le savez, la priorité absolue que s'est fixée le Gouvernement est celle de l'emploi.
Le 8 juin dernier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a donc annoncé une nouvelle étape dans la politique de l'emploi. Il a notamment dressé les grands axes d'un plan d'urgence pour l'emploi qui, compte tenu de l'urgence liée à une situation de l'emploi durablement dégradée, sera mis en uvre par ordonnances pour être effectif au 1er septembre prochain. Le projet de loi d'habilitation sera d'ailleurs examiné par l'Assemblée nationale à partir de demain.
Pour autant, le recours aux ordonnances ne signifie en rien que la démarche de concertation qui est la nôtre ne sera pas respectée. Le Premier ministre a d'ailleurs été très clair sur ce point en déclarant : " chacun mesure aussi que la concertation avec les partenaires sociaux est le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions ". Il m'a chargé, avec Jean-Louis Borloo, de mener cette concertation. Un premier cycle de consultations sur les grandes lignes du plan d'urgence a d'ores et déjà eu lieu. Sur cette base, nous rencontrerons à nouveau les partenaires sociaux. Le mois de juillet sera ainsi très largement consacré à cette concertation. Et je vous réunirai, au sein de la Commission nationale de la négociation collective, d'ici la fin du mois pour examiner les projets d'ordonnance.
Voilà, Mesdames, Messieurs, les points que je souhaitais porter à votre connaissance, au titre du bilan et des perspectives de la négociation collective, dans le cadre de cette réunion de notre commission.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 28 juin 2005)
Comme tous les ans, la réunion de juin de la Commission nationale de la négociation collective est l'occasion d'examiner le bilan annuel de l'activité contractuelle dans notre pays au niveau interprofessionnel, des branches et des entreprises.
Au-delà de ce bilan, notre réunion d'aujourd'hui sera aussi pour moi l'occasion d'aborder deux autres sujets : d'abord, un premier point d'étape sur l'application de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social, ensuite les réformes que le Gouvernement vient d'engager, et auxquelles il entend associer les partenaires sociaux.
I - L'essor de la négociation collective en 2004
J'avais souhaité ici même l'année passée que l'année 2004 puisse être une étape dans le développement de la négociation collective.
Le bilan, établi par la DRT et la DARES, témoigne, à tous les niveaux, de son dynamisme et du rôle structurant qu'elle joue dans la régulation des relations du travail. Je n'insisterai donc ici que sur les points qui me paraissent les plus significatifs.
La négociation au niveau interprofesionnel
L'année 2003 avait été particulièrement riche, avec notamment les accords sur la formation professionnelle tout au long de la vie et sur les retraites complémentaires. Même si le nombre d'accords conclus a légèrement diminué, l'année 2004 a vu la conclusion d'autres accords interprofessionnels importants comme celui sur la mixité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (accord du 1er mars 2004).
L'année écoulée a surtout été marquée par une relance du dialogue social interprofessionnel. Si elle a vu l'échec de la négociation sur les restructurations, elle a été le point d'ouverture d'un nouveau cycle de négociation - pénibilité, gestion des âges, télétravail, convention de reclassement personnalisé- dont je souhaite qu'il puisse aboutir cette année. L'accord d'avril sur la CRP en est une première concrétisation.
La négociation au niveau des branches professionnelles
La négociation de branche est en forte hausse avec 1 046 accords signés en 2004, soit 162 de plus qu'en 2003.
Si le nombre élevé d'accords est déjà pour moi un motif de satisfaction, j'observe surtout que les thèmes de négociation témoignent de la capacité des acteurs des branches à s'approprier les nouveaux champs ouverts par la législation. Je note ainsi :
- une négociation très active en matière de formation professionnelle, 210 accords contre 89 en 2003 ;
- une négociation aussi soutenue sur la question des retraites avec 69 textes de plus qu'en 2003.
Les salaires restent toutefois le thème le plus fréquemment abordé (399 textes).
On peut également constater des progrès de la négociation sur l'égalité professionnelle femmes/hommes et sur la prévoyance complémentaire, alors que les thèmes de l'emploi, de la maladie et des conditions de travail sont moins présents.
La négociation au niveau des entreprises
Près de 15 000 accords d'entreprise ont été recensés en 2004 par le Ministère, soit une baisse de 10 % par rapport à 2003 en raison du repli notable de la négociation sur le temps de travail après 10 années de focalisation sur le sujet. Le niveau de l'année 2004 rejoint celui des années précédant la première loi d'incitation à la RTT datant de 1996.
Ces accords ont été conclus dans environ 9 000 entreprises et concernent 3,7 millions de salariés. Dans cet ensemble, la part des petites entreprises (moins de 50 salariés) ne représente que 18 %. C'est certes faible, mais cela montre aussi que la négociation est possible dans les PME. Je suis persuadé que les nouvelles dispositions de la loi du 4 mai 2004 permettront de renforcer encore cette situation.
L'épargne salariale est le thème le plus fréquemment abordé (plus de 40 % des accords). Ces accords concernent principalement la participation et l'intéressement, plus rarement le nouveau plan d'épargne retraite collectif (PERCO).
Le thème des salaires est traité dans 30 % des accords, celui du temps de travail dans 23 %. Cela fait presque 10 ans que le thème des salaires et des rémunérations n'avait plus dépassé le thème du temps de travail.
II - La nouvelle donne apportée par le volet " dialogue social " de la loi du 4 mai 2004
Ce dynamisme du dialogue social à tous les niveaux doit être apprécié au regard des nouvelles règles du jeu conventionnel posées par la loi du 4 mai 2004. Ces nouvelles règles répondent, je vous le rappelle, à un triple objectif :
- renforcer la légitimité des accords collectifs par l'instauration d'un principe majoritaire ;
- donner davantage d'autonomie aux différents niveaux conventionnels ;
- développer la possibilité de négocier même dans les petites et très petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux.
S'il est encore trop tôt pour effectuer un véritable bilan de sa mise en uvre, il apparaît que les dispositions de la loi commencent à produire leurs effets. L'année 2004 m'apparaît à cet égard comme une année d'apprentissage.
J'observe d'abord que les nouvelles règles de conclusion des accords n'ont pas bloqué le dialogue social comme en témoigne le nombre important d'accords conclus.
Certes, à ce jour, aucun accord étendu modifiant les règles de conclusion des accords de branche ou d'entreprise n'est applicable. Mais plusieurs branches ont d'ores et déjà engagé des négociations sur ce thème.
S'agissant des conditions d'exercice du droit d'opposition, elles sont restées très mesurées. Il est difficile de comptabiliser le nombre d'accords collectifs, aux niveaux des branches et des entreprises, qui ont fait l'objet d'une opposition majoritaire : étant réputés non écrits, ils ne sont pas en principe déposés. Les éléments dont je dispose laissent néanmoins à penser que les accords frappés d'oppositions sont rares.
Ainsi, depuis la publication de la loi, sur 821 textes signés dans les branches, moins de 10 oppositions majoritaires ont été repérées. De même, peu d'accords d'entreprise ont fait l'objet également d'une opposition, même si quelques cas isolés ont été médiatisés (Perrier, Arcelor, Crédit Agricole). J'observe d'ailleurs que, lorsque l'opposition est exercée, cela ne paralyse pas pour autant le dialogue social : cela conduit le plus souvent à une renégociation qui débouche alors fréquemment sur la conclusion d'un nouvel accord.
Sur l'articulation entre les niveaux d'accords collectifs, notamment entre branche et entreprises, je constate que le nombre d'accords dits " dérogatoires " est à ce stade quasi nul, même si les accords de branches en ouvrent régulièrement la possibilité.
Il apparaît en effet que, sur 821 textes signés dans les branches depuis la publication de la loi :
- plus de 50 % des textes portent sur les thèmes réservés à la négociation de branche (salaires minima, classifications, prévoyance et financement de la formation professionnelle) et ne peuvent souffrir d'accords dérogatoires par les entreprises ;
- 137 textes comportent une clause expresse interdisant aux entreprises de déroger, principalement en matière de formation professionnelle ;
- 207 textes ne comportent pas de clause impérative et, par ce silence, autorisent en droit les entreprises d'y déroger par accord collectif.
A ce jour, quasiment aucun accord d'entreprise n'a été signalé comme dérogatoire à une stipulation conventionnelle de branche par les services du ministère : seuls 6 ont fait l'objet d'un tel signalement.
Concernant maintenant la négociation en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, seuls deux accords ont été conclus à ce jour (interbranche des industries alimentaires et branche du négoce et de la distribution des combustibles et produits pétroliers). Ils sont actuellement examinés dans le cadre de la procédure d'extension. Mais plusieurs branches ont d'ores et déjà engagé des négociations sur ce thème ou sont sur le point de le faire.
A ce stade, la mise en oeuvre de la loi du 4 mai n'a donc pas bouleversé le jeu conventionnel. Il est vrai que la formation professionnelle et les retraites, mais aussi les salaires et les classifications dans les branches, ont largement mobilisé les acteurs sociaux et occupé l'ordre du jour des réunions paritaires.
Il n'en demeure pas moins que les conséquences des nouvelles règles de la négociation collective ne pourront être mesurées qu'à moyen terme. Beaucoup dépendra de la manière dont les partenaires sociaux s'en saisiront au niveau des branches professionnelles.
Ce sera à eux en effet de décider comment exploiter les potentialités de la loi du 4 mai 2004, de choisir comment utiliser les nouveaux outils dont ils disposent. Le bilan de l'année 2004 montre que de premiers jalons ont bien été posés.
III - Quelle place au dialogue social pour les mois à venir ?
Au-delà de la seule loi du 4 mai, la démarche du gouvernement est bien de rendre au dialogue social toute la place qui doit être la sienne. C'est la logique suivie depuis 2002. C'est la méthode que nous continuerons à suivre dans les mois à venir.
Cela recouvre à mes yeux une triple exigence :
- ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective
- veiller à ce qu'elle soit effective
- associer les partenaires sociaux aux réformes souhaitées par le Gouvernement
1/ Première exigence : ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective
Ces derniers mois ont vu l'aboutissement de plusieurs chantiers législatifs importants : la loi de cohésion sociale, la loi sur l'organisation du temps de travail, la loi sur le handicap
A chaque fois, soucieux de favoriser un nouvel équilibre entre loi et négociation collective, nous avons privilégié le renvoi au dialogue social.
Ainsi, le Gouvernement a souhaité, plutôt que de tout définir dans la loi, confier de nouvelles responsabilités aux partenaires sociaux en matière de négociation collective, aussi bien dans les branches professionnelles que dans les entreprises, sur des sujets aussi cruciaux que les restructurations, la situation des personnes handicapées ou l'égalité entre les femmes et les hommes :
- la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences une négociation triennale obligatoire dans les branches, les entreprises et les groupes ;
- la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées institue une obligation de négociation triennale dans les branches et annuelle dans les entreprises ; elle doit porter notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail, d'emploi et de maintien dans l'emploi ;
- le projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en cours de discussion au Parlement, rend une négociation obligatoire dans les branches et les entreprises, afin de réduire les écarts de rémunération constatés d'ici 5 ans.
De la même manière, nous avons souhaité ouvrir de nouvelles potentialités à la négociation collective :
- C'est le cas dans le domaine de l'emploi et des restructurations : la loi du 18 janvier 2005 pérennise ainsi les " accords de méthode " et les étend au niveau de la branche. Il s'agit de donner aux partenaires sociaux de nouveaux outils pour anticiper et accompagner, par la négociation, les restructurations et leurs conséquences.
- C'est aussi le cas en matière d'organisation du temps de travail dans l'entreprise : la loi du 31 mars 2005 ouvre de nouvelles facultés au dialogue social pour favoriser, là encore par accords, une organisation du temps de travail au plus près des besoins des entreprises et des aspirations des salariés.
2/ Deuxième exigence : veiller à l'effectivité des négociations
Le ministre du travail a pour responsabilité de veiller à la tenue des négociations obligatoires et de favoriser leur bon déroulement en jouant le rôle de facilitateur qui est le sien.
La relance de la négociation sur les salaires et les classifications que j'ai appelé de mes vux s'inscrit pleinement dans cette perspective. Il est en effet de mon devoir de rester vigilant sur l'existence et le contenu des négociations sur ces sujets essentiels qui déterminent les grands équilibres économiques et sociaux de notre pays. C'est là tout l'enjeu des négociations en cours sur les salaires.
J'ai tenu, par deux fois, à m'exprimer devant les membres de la sous-commission des salaires de la CNNC sur ce chantier. Nous avons procédé ensemble à un état des lieux. Sur cette base, avec les moyens qui sont les miens, j'ai fait en sorte que les négociations puissent reprendre là où elles étaient bloquées.
Les résultats sont positifs mais ne doivent pas masquer la persistance de réelles difficultés dans certaines branches. Ce qui relève de l'Etat, c'est la fixation du SMIC. Nous y reviendrons tout à l'heure. Mais devant vous, je veux seulement et fermement rappeler la détermination du Gouvernement en la matière.
Comme je l'ai annoncé le 10 juin dernier, je vais pérenniser le dispositif d'alerte et de suivi des négociations salariales de branche mis en place à la suite de la réunion du 18 mars, je compte continuer à demander, quand le besoin s'en fera sentir, la réunion ou la mise en place de commissions mixtes paritaires et je n'hésiterai pas à faire du respect des obligations de mise en conformité des grilles de salaire un critère d'examen des demandes d'extension, en particulier des accords salariaux.
Ma détermination est tout aussi forte concernant le temps partiel. Vous avez dans votre dossier l'analyse actualisée sur le temps partiel effectuée par la DARES. Conformément à mes engagements, j'ai réuni vendredi dernier les représentants des principaux secteurs concernés- et en premier chef la grande distribution et la propreté. Mon objectif est d'examiner comment améliorer la qualité des emplois proposés, d'identifier les " bonnes pratiques " qui pourraient être mieux diffusées, de faire le point sur l'état du dialogue social en la matière. Sur la base des travaux qui seront réalisés d'ici septembre, il m'appartiendra notamment de voir s'il y a matière à favoriser la relance du dialogue social en la matière.
3/ Troisième exigence : associer les partenaires sociaux aux réformes souhaitées par le Gouvernement
L'an passé, pour la préparation du Plan de cohésion sociale, nous avions, avec Jean-Louis Borloo, veillé à associer les partenaires sociaux, en utilisant tous les moyens de la consultation et en privilégiant le renvoi à la négociation collective. Cette démarche est d'ailleurs pour partie à l'origine des importantes négociations interprofessionnelles en cours sur la pénibilité au travail et l'emploi des seniors.
Je mesure pleinement l'importance de ces négociations. J'y suis naturellement très attentif et souhaite qu'elles puissent se concrétiser rapidement par des propositions fortes et innovantes. Pour sa part, au vu du résultat des négociations et comme il l'a fait par le passé, l'Etat prendra bien entendu ses responsabilités dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Car - et je tiens à le redire ici très clairement-, sur ces sujets cruciaux, la démarche de l'Etat et celle des partenaires sociaux ont bien vocation à converger et se compléter.
Je voulais vous réaffirmer ici qu'il est bien dans notre intention de continuer à avancer dans la voie ainsi tracée sur les nouveaux sujets à l'ordre du jour de l'agenda gouvernemental.
Vous le savez, la priorité absolue que s'est fixée le Gouvernement est celle de l'emploi.
Le 8 juin dernier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a donc annoncé une nouvelle étape dans la politique de l'emploi. Il a notamment dressé les grands axes d'un plan d'urgence pour l'emploi qui, compte tenu de l'urgence liée à une situation de l'emploi durablement dégradée, sera mis en uvre par ordonnances pour être effectif au 1er septembre prochain. Le projet de loi d'habilitation sera d'ailleurs examiné par l'Assemblée nationale à partir de demain.
Pour autant, le recours aux ordonnances ne signifie en rien que la démarche de concertation qui est la nôtre ne sera pas respectée. Le Premier ministre a d'ailleurs été très clair sur ce point en déclarant : " chacun mesure aussi que la concertation avec les partenaires sociaux est le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions ". Il m'a chargé, avec Jean-Louis Borloo, de mener cette concertation. Un premier cycle de consultations sur les grandes lignes du plan d'urgence a d'ores et déjà eu lieu. Sur cette base, nous rencontrerons à nouveau les partenaires sociaux. Le mois de juillet sera ainsi très largement consacré à cette concertation. Et je vous réunirai, au sein de la Commission nationale de la négociation collective, d'ici la fin du mois pour examiner les projets d'ordonnance.
Voilà, Mesdames, Messieurs, les points que je souhaitais porter à votre connaissance, au titre du bilan et des perspectives de la négociation collective, dans le cadre de cette réunion de notre commission.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 28 juin 2005)