Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "L'Express" du 15 mars 2004, sur l'égalité homme femme dans le travail, notamment les discriminations à l'embauche, les écarts de salaires et les carrières professionnelles des femmes.

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Média : Emission Forum RMC L'Express - L'Express

Texte intégral

Qu'est-ce qui vous gêne dans cet accord sur l'égalité hommes-femmes dans le travail, négocié entre le Medef et les syndicats de salariés ?
Les intentions des partenaires sociaux sont bonnes, qu'il s'agisse de lutter contre les discriminations à l'embauche, de réduire l'écart des salaires, de permettre aux femmes d'avoir de vraies carrières, etc. Mais il n'y a aucune obligation d'y parvenir, ni chiffrage ni calendrier! Cet accord est en deçà de la directive européenne imposant aux Etats de diminuer de moitié l'écart salarial hommes-femmes d'ici à 2010. Rappelons qu'en France cette différence atteint 25%!
Faut-il des objectifs chiffrés pour d'autres dispositions ?
L'écart de salaire est la clef de tout; il vient, en grande partie, de l'insuffisante promotion des femmes à des postes de responsabilité et de l'accès plus difficile à certaines professions. Pour le réduire, on est obligé d'améliorer l'embauche, la formation, le déroulement des carrières, de permettre la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. C'est pour cela qu'il faut absolument une obligation de résultat. Un simple engagement à bien faire ne suffit pas. On ne peut pas, non plus, se contenter d'attendre le retournement démographique des prochaines années en se disant que les entreprises auront besoin des femmes. Elles en embaucheront peut-être davantage, mais, si l'on ne fait rien, ce sera toujours à des postes moins qualifiés.
Iriez-vous jusqu'à ne pas signer cet accord ?
Chez nous, certains se posent la question, estimant que le texte actuel est seulement incitatif. D'autres pensent qu'on peut l'améliorer. La décision finale sera prise par notre bureau national des 17 et 18 mars.
Comment améliorer le texte ?
Selon la procédure habituelle, les partenaires sociaux vont adresser une "lettre paritaire" à l'Etat afin qu'il donne son agrément à l'accord. Le patronat doit accepter de reprendre les objectifs de la directive européenne sur la réduction de l'écart salarial pour que le gouvernement les inscrive dans la future loi de mobilisation pour l'emploi. Ainsi, l'obligation s'imposera à tous et les branches professionnelles négocieront sur la meilleure manière d'y parvenir.
Les autres syndicats sont-ils d'accord ?
Je l'espère! Pourquoi ne pas être aussi exigeant sur ce sujet que sur d'autres négociations ?
Si la CFDT ne signe pas, ne craignez-vous pas qu'on ne l'accuse de prendre cette position pour des raisons tactiques : montrer qu'elle sait aussi dire non, après qu'on lui a tant reproché d'avoir dit oui à la réforme des retraites ?
Comme d'habitude, la CFDT se décidera, au final, en fonction des résultats obtenus.
(Source http://wwwcfdt.fr, le 16 mars 2004)