Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur la place des femmes dans l'activité économique et la promotion de l'égalité professionnelle hommes-femmes, Paris le 8 juin 2005.

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Circonstance : Remise du prix Excellencia à Paris le 8 juin 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Soyez les bienvenus au Ministère déléguée à la cohésion sociale et à la parité ! La magnificence de cette salle est à la mesure de la qualité des femmes que nous allons honorer ce soir.
Je vous avoue que j'ai découvert l'existence de ce prix très récemment mais sa remise arrive à un moment très opportun, à un double titre :
- Cet après-midi, dans sa déclaration de politique générale, le Premier Ministre a engagé notre pays dans une mobilisation sans précédent pour l'emploi. Il a annoncé une série de mesures concrètes et fortes destinées à relancer la création d'emplois et à supprimer les blocages qui l'entravent aujourd'hui.
Il a également insisté sur la Justice sociale et dénoncé les discriminations persistantes qui touchent les femmes à leur travail. J'aurai à coeur de défendre très prochainement au Sénat le projet de loi pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, que le Premier Ministre souhaite voir adopter rapidement. Il vous apportera, Mesdames, une plus grande justice dans votre parcours professionnel.
- La remise de ce prix est également opportune pour moi puisqu'il illustre et justifie parfaitement le contenu de mon nouveau ministère, le ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité.
En effet, il n'y a pas de cohésion sociale sans un haut niveau d'emplois ni sans participation de tous, et bien sûr des femmes, à l'activité économique.
Et il n'y a pas de créations d'emplois sans priorité donnée à l'économie de la connaissance, dans laquelle toutes les femmes que nous allons honorer se sont brillamment illustrées.
C'est pourquoi en l'an 2000 le Conseil européen de Lisbonne s'est fixé comme objectif stratégique de " devenir d'ici 2010 l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. "
L'économie de la connaissance, c'est l'économie de demain. Dans cette nouvelle économie, le savoir n'est plus un simple facteur de production mais une production à part entière. L'innovation est désormais au coeur de la croissance ; c'est un processus continu déterminant le développement concurrentiel.
Notre réussite dans ce domaine est subordonnée à plusieurs conditions que le récent rapport de Michel Camdessus, " Le sursaut : Vers une économie de la connaissance ", a bien mis en évidence :
- Il nous faut mettre plus que jamais la priorité sur les nouvelles technologies dans tous les secteurs de l'économie.
Cela passe par le développement soutenu de la recherche fondamentale et de la formation dans ces domaines, notamment pour les femmes, qui en sont davantage exclues. Le Premier Ministre vient de rappeler que " notre pays doit atteindre les objectifs qu'elle s'est fixée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne afin de porter son effort de recherche et de développement à 3% de sa richesse nationale d'ici 2010."
Cela exige aussi qu'on facilite et qu'on encourage fortement les initiatives et les créations d'entreprises.
- Mais le développement efficace et harmonieux de cette nouvelle économie impose également que l'on préserve et que l'on garantisse la cohésion sociale, en permettant à chaque femme et chaque homme de trouver un emploi et de participer à la création de richesses.
Croissance de l'économie et cohésion sociale vont de pair : on créera d'autant plus de richesses que tout le monde y participera et que la société sera unie et soudée pour affronter les enjeux de la concurrence internationale.
Ces conditions, les femmes réunies ce soir les illustrent avec brio. Je ne peux citer en détail les réussites de chacune d'elles, mais quelques exemples suffiront à montrer le dynamisme et l'excellence de toutes :
- Isabelle est responsable de travaux sur l'irradiation pour tester les matériaux du nucléaire et occupe un poste de responsable de faisceau auprès du Grand Accélérateur National d'Ions Lourds.
- Véronique mène des travaux très poussés sur la vérification automatique des protocoles cryptographiques.
- Alice a une activité de modélisation et de simulation en recherche et développement pure et développe des logiciels adaptés aux ingénieurs de production.
- Cécile illustre le transfert réussi de la recherche fondamentale à l'économie puisqu'elle a découvert une technologie biomédicale et créé son entreprise qui comprend aujourd'hui près de trente salariés.
- Isabel, d'origine espagnole, s'occupe notamment de l'implantation des nouvelles technologies chez ses clients.
- Catherine construit des serveurs informatiques adaptés aux besoins des entreprises.
- Françoise a créé le premier " campus virtuel ", mettant les dernières technologies au service de l'innovation pédagogique.
Bravo à chacune d'entre elles.
Mais si leur réussite mérite particulièrement d'être soulignée, c'est aussi parce que les femmes demeurent insuffisamment impliquées dans cette nouvelle économie. Et ce alors même que l'économie de la connaissance leur est beaucoup plus favorable que les anciennes industries " masculines " qui demandaient souvent plus d'engagement physique.
Je tiens à rappeler que l'entrée des femmes dans les écoles d'ingénieurs et leur accès aux professions supérieures sont très récents. Ce n'est que dans les années 60 et 70 que les plus grandes écoles sont devenus mixtes : l'école des Ponts et Chaussées en 1962, l'Ecole des Mines en 1969 et l'Ecole Polytechnique en 1972. Tout le monde se souvient d'Anne Chopinet, major de l'école polytechnique : elle a été un modèle pour de nombreuses générations de femmes.
En outre, des freins subsistent puisque le taux de féminisation de l'ensemble de ces écoles n'atteint que 25 % actuellement.
16 % seulement des ingénieurs en activité sont des femmes. C'est trop peu. Ces résultats montrent clairement que les représentations sociales liées aux métiers d'ingénieur ont la vie dure.
C'est au lycée, lors de l'orientation que cela bloque encore : il arrive que les enseignants sous-évaluent le potentiel des jeunes filles. Et puis les schémas sociaux traditionnels subsistent : les filles seraient plutôt destinées aux lettres tandis qu'aux garçons seraient réservées les filières scientifiques plus valorisées professionnellement.
Deux exemples suffiront :
- En 2003-2004, en classe de terminale, les filles sont nettement majoritaires dans la série littéraire - plus de 80 % -, dans la série économique et social - près de deux tiers - et dans les séries tertiaires - plus de 60 %. Mais elles sont plus faiblement représentées dans la série scientifique : moins de 45 %.
- De même, la part des filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles n'est que d'un peu plus d'un quart.
La mixité véritable reste donc devant nous.
C'est pourquoi mon ministère agit avec vigueur pour la diversification des choix d'orientation scolaire et professionnelle des jeunes filles. Nous y travaillons en lien avec les ministères qui ont signé la convention du 25 février 2000 pour la promotion de l'égalité des chances dans le système éducatif (Education nationale, Recherche, Agriculture, Equipement, Culture et Justice).
Trois axes sont privilégiés :
1) Nous agissons tout d'abord pour modifier les représentations des rôles assignés aux deux sexes. Les actions menées, nombreuses et diversifiées, touchent un public de plus en plus large.
2) Nous devons aussi améliorer l'information donnée aux filles et aux garçons. Les partenaires sociaux s'y sont engagés, dans l'Accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et l'égalité professionnelle. Ils travaillent avec l'Education Nationale pour que les branches professionnelles puissent venir y valoriser les différents corps de métiers qui les composent.
3) Nous allons enfin augmenter la proportion des jeunes filles et des femmes dans les filières scientifiques et techniques. La loi d'orientation sur l'avenir de l'école fixe un objectif de progression de 20 % d'ici 2010. Nous y travaillons avec le Ministère délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche et avec le CNRS.
Pour soutenir les jeunes filles qui ont choisi des filières atypiques au regard de leur sexe, mon ministère organise également le Prix de la vocation scientifique et technique des filles, qui récompense chaque année 600 bachelières s'orientant vers les filières scientifiques et techniques. L'objectif est d'encourager ces jeunes filles qui, malgré les doutes et les réticences de leur entourage, ont décidé de réaliser leur projet.
Nous tentons aussi de remédier à la faible présence des jeunes filles dans les filières de formation menant aux secteurs des technologies de l'information et de la communication : en 2003-2004, elles ne représentaient qu'un dixième des étudiants en DUT informatique. C'est très insuffisant. Si vous prenez l'Inde, pays traditionnellement hostile à la femme, 27 % des programmeurs seraient des femmes selon l'Organisation Internationale du Travail.
Nous devons donc aujourd'hui poursuivre nos efforts avec toujours en tête l'idée essentielle que c'est de la cohésion sociale et de la participation de tous à l'activité économique que nous tirerons notre croissance et nos emplois et que c'est par l'investissement tous azimuts dans l'économie de la connaissance que nous créerons les emplois et la richesse de demain, garant du maintien d'une cohésion sociale forte et harmonieuse.
Comme l'a dit le Premier Ministre cet après-midi, " Nous n'avons pas à choisir entre volonté de justice et liberté d'entreprendre. La force de notre histoire, la force de notre société reposent sur notre capacité à concilier ces deux exigences. Solidarité et initiative, protection et audace, c'est le génie français. Pour le préserver, nous devons aller plus loin dans l'initiative, plus loin dans la solidarité. " C'est ce que vous faites Mesdames ; c'est ce à quoi je m'engage avec le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir.
(Source http://www.femmes-egalite.gouv.fr, le 27 juin 2005)