Texte intégral
Q- Est-ce le fait que l'actualité était ailleurs - Katrina, le pétrole etc.,- qui fait que l'on n'a pas vu passer la rentrée scolaire ? Où est-ce parce que vos troupes étaient en ordre de bataille et que tout s'est bien passé ?
R- Je n'aime pas beaucoup le terme de "bataille", pour l'Education nationale, pour l'éducation en général. Non, elle était, c'est vrai, bien préparée, et bien préparée par mon prédécesseur, elle a été bien préparée par l'ensemble de la communauté éducative. Et puis, je crois que l'on a vraiment répondu, on a beaucoup expliqué les mesures nouvelles de cette rentrée scolaire dans les établissements, à travers une lettre personnalisée que j'ai faite auprès des enseignants. Du coup, le climat était à la fois calme, serein, toujours empreint d'un peu d'inquiétude à cause des nouveautés, mais je crois que, vraiment, l'Education nationale évolue. Tous les ans, il y a toujours un peu d'inquiétude devant ces nouveautés, et il y a même beaucoup de nouveautés cette année, mais malgré cela, ou avec tout cela, on peut dire que c'est une bonne rentrée.
Q- C'est vrai que d'habitude, il y a toujours la petite classe, perdue au fin fond de la campagne, qui ferme. Il y en a une ou deux, bien sûr, il y a eu quelques "râle rie", mais globalement, il n'y a pas eu une "râle rie" généralisée.
R- Peut-être qu'il y a eu des problèmes dans une cinquantaine d'écoles. Mais je vous rappelle quand même qu'il y a environ 300.000 classes en France, il y a plus de 60.000 écoles en tout. Il peut y avoir des exceptions, c'est 1 pour 1.000 à peine. Mais je tiens à souligner que dans la très, très grande majorité, c'est une bonne rentrée, calme et sereine.
Q- "Calme et sereine", néanmoins, il y en a qui - si j'en crois le titre du Monde - en ont un peu ras-le-bol, ce sont vos directeurs d'école, les 52.000, en grève administrative depuis pas mal d'années. Que leur répondez-vous, puisque aujourd'hui c'est une journée d'action pour eux ?
R- Les directeurs d'école connaissent des problèmes depuis maintenant bien longtemps ; ils sont en grève depuis 1999, cela fait six ans. Il est vrai que quatre ministres successifs ont essayé, en vain, de régler ce problème.
Q- Pourquoi n'arrive-t-on pas à le régler ?
R- Parce qu'il est complexe, il est assez difficile à régler. Mais je crois que l'on va y arriver. D'abord, j'ai la ferme intention d'ouvrir le dossier...
Q- Si l'on résume, en gros, ils disent : on est à la fois professeur et directeur, on fait un double métier, avec...
R- Voilà. [Ils ont] des difficultés à assumer les deux fonctions : directeur d'un établissement, quand même - même s'il y a peu de classes, mais enfin, il y a les enfants -, et puis, en même temps, d'enseigner. On a déjà amélioré pas mal de choses. Par exemple, le régime indemnitaire des directeurs d'école a été amélioré depuis 2002. Et depuis la rentrée 2005, tous les directeurs d'école, de cinq classes ou plus, ont au moins une journée par semaine de décharge d'enseignement, c'est-à-dire que pendant ce temps-là, ils peuvent faire leur travail, leurs travaux administratifs ou autre, de directeur d'école. Il y a aussi des conditions d'accès à l'emploi de directeur d'école qui ont été assouplies, et surtout, il y a deux moyens supplémentaires - on va dire ça comme ça - qui sont arrivés. D'abord, la généralisation d'un nouveau système d'information en ligne qui va les soulager et qui va leur permettre de gérer de façon plus moderne leur établissement...
Q- Parce qu'il y en a qui reçoivent les fournisseurs, les représentants...
R- Oui, qui doivent tenir des statistiques pour la rentrée, etc. Et on l'on va affecter dans les écoles, pour aider, pour soutenir et soulager les directeurs d'école, des emplois de vie scolaire. Ce sont des adultes qui vont venir dans les écoles et qui vont pouvoir décharger les directeurs de certaines tâches administratives. Tout cela est à mettre dans la corbeille d'une négociation générale.
Q- Quand va-t-elle commencer ?
R- Dans les semaines qui viennent. En tout cas, je peux dire que j'ai la ferme volonté d'aboutir. On va ouvrir une phase de négociations, on va tout mettre sur la table. Et je pense qu'il y a déjà des choses à discuter sur la table, avec lesquelles on peut forcément négocier ; je crois que l'on pourrait aboutir. Je ne voudrais pas être le cinquième ministre qui aura vu passer son temps ou sa fonction de ministre sans avoir réglé le problème des directeurs d'écoles. Ils méritent bien, en tout cas, notre attention.
Q- N'y a-t-il pas aussi le fait qu'ils doivent se sentir un peu seuls ?
R- Ils sont seuls, mais il y a quand même la communauté éducative dans l'établissement, il y a des professeurs...
Q- Ils ont peut-être le sentiment que dès qu'un professeur est malade,
ce sont eux qui doivent le remplacer, dès qu'il y a une fuite d'eau,
ce sont eux qui doivent aller chercher...
R- Ils ont quand même avec eux des inspecteurs de l'Education nationale. Ils ont, pour les soutenir, l'inspecteur d'académie, au-dessus il y a le recteur. La communauté éducative, c'est une administration de l'Education nationale qui est extrêmement déconcentrée. Et donc, c'est vrai que l'on attend beaucoup "du terrain", comme l'on dit, c'est-à-dire des établissements, mais il y a, avec les établissements, tout un réseau tout à fait performant, qui peut aider, soutenir, accompagner des problèmes comme ceux que connaissent aujourd'hui les directeurs d'école. En tout cas, il y a quelques pistes qui permettent d'ouvrir une discussion positive.
Q- On passe de l'autre côté du spectre, avec la rentrée universitaire : est-elle bien préparée ? Il y en a déjà pas mal qui sont rentrées d'ailleurs, mais il y a quelques petites grognes, à droite et à gauche.
R- La rentrée universitaire s'étale dans le temps. Elle a déjà commencé et elle se passe bien. J'ai évidemment conscience qu'il y a des problèmes à régler aussi, là encore, notamment pour les conditions de vie des étudiants.
Q- A Rouen, on a vu qu'il y avait un peu de tirage...
R- Rouen, c'est un cas tout à fait particulier, c'est vraiment un problème local, ce n'est pas un problème d'enseignement supérieur. Je crois qu'à Rouen, il y a d'ailleurs eu hier une assemblée qui a permis de dire qu'ils ne fermaient pas les facultés. En tout cas, je voulais saluer leur sens des responsabilités, à la fois des enseignants et des étudiants de l'université de Rouen. C'est un problème local qui doit se régler au niveau local. Mais plus généralement, pour l'université, il y a des problèmes à régler pour les étudiants ; j'en ai réglé quelques-uns, par exemple, il y a un manque crucial de logements. Progressivement, ce que l'on appelle "le plan Onciaux" est en train de se mettre en place. Ce plan Onciaux dit qu'il faut construire au moins 5.000 logements, 5.000 chambres d'étudiant par an - c'est commencé et bien commencé -, que l'on doit en rénover 5 à 7.000 par an - c'est bien commencé. On a apporté cette année deux mesures très positives : l'une qui consiste à déplafonner ce que l'on appelle "l'ALS" ou "l'APL" - l'aide personnalisée au logement - pour les étudiants. Ce déplafonnement permet d'avoir une allocation supplémentaire de l'ordre de 50 euros par mois pour se loger lorsque l'on a une chambre rénovée qui coûte forcément plus cher qu'une chambre vétuste et insalubre ; c'est donc une première mesure. La deuxième mesure, c'est "le Locapass", une sorte de système qui permet un accès facilité à la location pour les étudiants boursiers et qui permet, maintenant, d'anticiper le versement de l'allocation logement pour les étudiants. Voilà en tout cas deux bonnes mesures, qui sont reconnues comme telles par le monde étudiant.
Q- Plus largement, on est un des rares pays - si ce n'est le seul pays développé - où un étudiant coûte moins cher qu'un lycéen, globalement. Beaucoup de professeurs d'université, à commencer par les membres du Cercle des économistes, qui sont tous universitaires, le déplorent un peu. Que leur répondez-vous ?
R- D'abord, que notre système ou le système de formation ou la qualité de notre système de formation, ne se résout pas à un seul problème de financement. Il faut faire la différence ou la complémentarité entre le qualitatif et le quantitatif. C'est vrai que l'on dépense moins, en moyenne, en France, pour les étudiants que pour les élèves du secondaire. On dépense quand même 8.600 euros par an, en moyenne annuelle, pour les étudiants ; ce n'est pas une somme négligeable. Il y a certainement des efforts à faire dans cette matière, peut-être davantage dans la gestion des moyens que l'on accorde à l'Education plutôt qu'une augmentation pure et simple des moyens. Je pense que l'on peut optimiser beaucoup de moyens existants et on arrivera très probablement comme cela à mieux satisfaire les étudiants et les professeurs.
Q- Il y a seize ans, quand l'information économique a été créée sur Radio Classique, on a beaucoup parlé des rapports entre les entreprises, l'école et les universités. C'était déjà un souci et au centre d'un grand débat ; j'ai l'impression que cela continue à l'être quinze ans plus tard ?
R- C'est vraiment un grand bonheur de constater, à l'Education nationale, tous les rapprochements qu'il peut y avoir entre l'Education nationale et le monde de l'entreprise. Je crois que le temps où certains craignaient l'arrivée du "grand capital" dans l'Education nationale est vraiment fini ! Je crois qu'il y a une soixantaine de conventions entre des organismes professionnels et l'Education nationale. Pour prendre deux ou trois exemples, cette année, je l'ai constaté moi-même à travers les douze ou treize académies que j'ai visitées, il y a par exemple la mise en place, dans tous les collèges de France, de trois heures par semaine de découverte professionnelle. Ce sont des entreprises, des entrepreneurs, des contremaîtres, des artisans, des commerçants, qui vont venir pendant ces trois heures, expliquer ce qu'ils font, à quoi cela sert, comment ils sont arrivés là, par quel type de formation, pour faire découvrir à des adolescents des métiers dont ils ne soupçonneraient probablement pas l'existence. Ce sont trois heures de découverte professionnelle par semaine, et cela n'empêchera pas les professeurs d'emmener lesdits élèves dans les entreprises, sur des chantiers ou ailleurs, justement pour découvrir très concrètement ce que font les entreprises et leur donner le goût, ou au moins, déjà, la possibilité de choisir une orientation. Deuxièmement, il y a maintenant la mise en place des lycées des métiers ; j'en ai visité un à Lille, par exemple. C'est un lycée qui est bien typé dans un type d'activités, avec une labellisation "lycée des métiers", en partenariat avec le monde professionnel, qui répond parfaitement, à la fois aux désirs des élèves et de leurs parents, mais en même temps aux débouchés professionnels dans lesdits métiers. Et l'on va continuer cette politique de rapprochement des entreprises avec l'école, de façon à ce que sortent de l'école, des gens à la fois motivés, qui ont pu acquérir une vocation ou une pré vocation, et pouvoir s'engager dans une vie professionnelle en étant à peu près sûrs de leur choix. Je rappelle aussi qu'il y a l'apprentissage. L'apprentissage a fait des progrès considérables...
Q- On va rappeler que l'on peut aller jusqu'à ingénieur, via les filières d'apprentissage...
R- Et le chiffre d'augmentation des apprentis, en cinq ans, est de 50 %. Alors, quand on dit que l'apprentissage est vraiment la voie secondaire et que peu s'y engage, c'est faux. Vraiment, + 50 % en cinq ans, c'est vous dire le bel avenir de l'apprentissage et l'adéquation entre la formation et le métier, avec les débouchés qui s'en suivent.
Q- On vous a vu, hier, au premier rang aux Journées parlementaires
de l'UMP, à Evian. Comment était l'ambiance ?
R- D'abord, c'est une question de courtoisie. Quand on est dans la majorité, et surtout membre du Gouvernement, avec l'UMP, il est normal que l'on rende visite aux amis parlementaires de la majorité. L'ambiance était à la fois très positive, dans le sens où vraiment, on parlait beaucoup de l'avenir, on parlait beaucoup de l'état de la France et des solutions pour essayer d'améliorer l'état de la France et aussi le moral des Français. Et puis, bien sûr, dans un esprit "d'émulation" - je vais dire ça comme ça...
Q- J'étais curieux du mot que vous alliez trouver !
R- Eh bien, voilà : "émulation" ! Vous êtes comblé, cela vous va ?!
Q- Très bien, oui ! Parce que quand même, d'un côté, il y a N. Sarkozy, membre du Gouvernement, qui dit qu'il faut une rupture ; de l'autre côté, D. de Villepin, patron du Gouvernement...
R- Tout ne peut pas se réduire non plus à une compétition. Il y a du fond derrière tout cela. Il y a des postures politiques, mais il y a du fond. Et donc, "rupture", ce n'est pas rupture avec la majorité. La rupture est peut-être une question de rythme, etc. Chacun doit expliquer son style et sa façon d'aborder les deux années qui viennent. Mais faisons confiance, il y a deux très grandes personnalités, à la tête du Gouvernement et à la tête de l'UMP. Et le mot qui est finalement revenu le plus souvent, c'est celui de "complémentarité".
Q- Il y a aujourd'hui, cette fois à Reims, les Journées parlementaires de l'UDF, votre parti. Vous m'avez expliqué ce qu'était l'ambiance à EVian. Avec un peu d'avance, quelle sera l'ambiance à Reims, [inaud.] entre F. Bayrou et vous ?
R- Je pourrai vous le raconter demain ! Mais j'espère surtout que cela va être constructif. Et j'espère deux choses : à la fois que l'on affirme très clairement - un peu plus - notre appartenance à la majorité, parce qu'en dehors de la majorité, il n'y a pas d'avenir. On a vu des essais, par exemple, dans une circonscription du Nord, où il a manqué des points, tout simplement parce que le candidat, de talent, s'est carrément posté comme un opposant numéro un, au risque même d'éliminer le PS : eh bien, c'est l'échec au deuxième tour. Donc, je pense que les députés vont prendre acte que c'est une impasse. Donc, affirmer notre présence dans la majorité et deuxième espérance de mon côté - et d'ailleurs, le président Morin le dit maintenant -, c'est faire des propositions. Car lorsque l'on parle de "rupture", c'est négatif, lorsque l'on parle de "projets" et de "propositions", là, on peut commencer à intéresser les Français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 septembre 2005)
R- Je n'aime pas beaucoup le terme de "bataille", pour l'Education nationale, pour l'éducation en général. Non, elle était, c'est vrai, bien préparée, et bien préparée par mon prédécesseur, elle a été bien préparée par l'ensemble de la communauté éducative. Et puis, je crois que l'on a vraiment répondu, on a beaucoup expliqué les mesures nouvelles de cette rentrée scolaire dans les établissements, à travers une lettre personnalisée que j'ai faite auprès des enseignants. Du coup, le climat était à la fois calme, serein, toujours empreint d'un peu d'inquiétude à cause des nouveautés, mais je crois que, vraiment, l'Education nationale évolue. Tous les ans, il y a toujours un peu d'inquiétude devant ces nouveautés, et il y a même beaucoup de nouveautés cette année, mais malgré cela, ou avec tout cela, on peut dire que c'est une bonne rentrée.
Q- C'est vrai que d'habitude, il y a toujours la petite classe, perdue au fin fond de la campagne, qui ferme. Il y en a une ou deux, bien sûr, il y a eu quelques "râle rie", mais globalement, il n'y a pas eu une "râle rie" généralisée.
R- Peut-être qu'il y a eu des problèmes dans une cinquantaine d'écoles. Mais je vous rappelle quand même qu'il y a environ 300.000 classes en France, il y a plus de 60.000 écoles en tout. Il peut y avoir des exceptions, c'est 1 pour 1.000 à peine. Mais je tiens à souligner que dans la très, très grande majorité, c'est une bonne rentrée, calme et sereine.
Q- "Calme et sereine", néanmoins, il y en a qui - si j'en crois le titre du Monde - en ont un peu ras-le-bol, ce sont vos directeurs d'école, les 52.000, en grève administrative depuis pas mal d'années. Que leur répondez-vous, puisque aujourd'hui c'est une journée d'action pour eux ?
R- Les directeurs d'école connaissent des problèmes depuis maintenant bien longtemps ; ils sont en grève depuis 1999, cela fait six ans. Il est vrai que quatre ministres successifs ont essayé, en vain, de régler ce problème.
Q- Pourquoi n'arrive-t-on pas à le régler ?
R- Parce qu'il est complexe, il est assez difficile à régler. Mais je crois que l'on va y arriver. D'abord, j'ai la ferme intention d'ouvrir le dossier...
Q- Si l'on résume, en gros, ils disent : on est à la fois professeur et directeur, on fait un double métier, avec...
R- Voilà. [Ils ont] des difficultés à assumer les deux fonctions : directeur d'un établissement, quand même - même s'il y a peu de classes, mais enfin, il y a les enfants -, et puis, en même temps, d'enseigner. On a déjà amélioré pas mal de choses. Par exemple, le régime indemnitaire des directeurs d'école a été amélioré depuis 2002. Et depuis la rentrée 2005, tous les directeurs d'école, de cinq classes ou plus, ont au moins une journée par semaine de décharge d'enseignement, c'est-à-dire que pendant ce temps-là, ils peuvent faire leur travail, leurs travaux administratifs ou autre, de directeur d'école. Il y a aussi des conditions d'accès à l'emploi de directeur d'école qui ont été assouplies, et surtout, il y a deux moyens supplémentaires - on va dire ça comme ça - qui sont arrivés. D'abord, la généralisation d'un nouveau système d'information en ligne qui va les soulager et qui va leur permettre de gérer de façon plus moderne leur établissement...
Q- Parce qu'il y en a qui reçoivent les fournisseurs, les représentants...
R- Oui, qui doivent tenir des statistiques pour la rentrée, etc. Et on l'on va affecter dans les écoles, pour aider, pour soutenir et soulager les directeurs d'école, des emplois de vie scolaire. Ce sont des adultes qui vont venir dans les écoles et qui vont pouvoir décharger les directeurs de certaines tâches administratives. Tout cela est à mettre dans la corbeille d'une négociation générale.
Q- Quand va-t-elle commencer ?
R- Dans les semaines qui viennent. En tout cas, je peux dire que j'ai la ferme volonté d'aboutir. On va ouvrir une phase de négociations, on va tout mettre sur la table. Et je pense qu'il y a déjà des choses à discuter sur la table, avec lesquelles on peut forcément négocier ; je crois que l'on pourrait aboutir. Je ne voudrais pas être le cinquième ministre qui aura vu passer son temps ou sa fonction de ministre sans avoir réglé le problème des directeurs d'écoles. Ils méritent bien, en tout cas, notre attention.
Q- N'y a-t-il pas aussi le fait qu'ils doivent se sentir un peu seuls ?
R- Ils sont seuls, mais il y a quand même la communauté éducative dans l'établissement, il y a des professeurs...
Q- Ils ont peut-être le sentiment que dès qu'un professeur est malade,
ce sont eux qui doivent le remplacer, dès qu'il y a une fuite d'eau,
ce sont eux qui doivent aller chercher...
R- Ils ont quand même avec eux des inspecteurs de l'Education nationale. Ils ont, pour les soutenir, l'inspecteur d'académie, au-dessus il y a le recteur. La communauté éducative, c'est une administration de l'Education nationale qui est extrêmement déconcentrée. Et donc, c'est vrai que l'on attend beaucoup "du terrain", comme l'on dit, c'est-à-dire des établissements, mais il y a, avec les établissements, tout un réseau tout à fait performant, qui peut aider, soutenir, accompagner des problèmes comme ceux que connaissent aujourd'hui les directeurs d'école. En tout cas, il y a quelques pistes qui permettent d'ouvrir une discussion positive.
Q- On passe de l'autre côté du spectre, avec la rentrée universitaire : est-elle bien préparée ? Il y en a déjà pas mal qui sont rentrées d'ailleurs, mais il y a quelques petites grognes, à droite et à gauche.
R- La rentrée universitaire s'étale dans le temps. Elle a déjà commencé et elle se passe bien. J'ai évidemment conscience qu'il y a des problèmes à régler aussi, là encore, notamment pour les conditions de vie des étudiants.
Q- A Rouen, on a vu qu'il y avait un peu de tirage...
R- Rouen, c'est un cas tout à fait particulier, c'est vraiment un problème local, ce n'est pas un problème d'enseignement supérieur. Je crois qu'à Rouen, il y a d'ailleurs eu hier une assemblée qui a permis de dire qu'ils ne fermaient pas les facultés. En tout cas, je voulais saluer leur sens des responsabilités, à la fois des enseignants et des étudiants de l'université de Rouen. C'est un problème local qui doit se régler au niveau local. Mais plus généralement, pour l'université, il y a des problèmes à régler pour les étudiants ; j'en ai réglé quelques-uns, par exemple, il y a un manque crucial de logements. Progressivement, ce que l'on appelle "le plan Onciaux" est en train de se mettre en place. Ce plan Onciaux dit qu'il faut construire au moins 5.000 logements, 5.000 chambres d'étudiant par an - c'est commencé et bien commencé -, que l'on doit en rénover 5 à 7.000 par an - c'est bien commencé. On a apporté cette année deux mesures très positives : l'une qui consiste à déplafonner ce que l'on appelle "l'ALS" ou "l'APL" - l'aide personnalisée au logement - pour les étudiants. Ce déplafonnement permet d'avoir une allocation supplémentaire de l'ordre de 50 euros par mois pour se loger lorsque l'on a une chambre rénovée qui coûte forcément plus cher qu'une chambre vétuste et insalubre ; c'est donc une première mesure. La deuxième mesure, c'est "le Locapass", une sorte de système qui permet un accès facilité à la location pour les étudiants boursiers et qui permet, maintenant, d'anticiper le versement de l'allocation logement pour les étudiants. Voilà en tout cas deux bonnes mesures, qui sont reconnues comme telles par le monde étudiant.
Q- Plus largement, on est un des rares pays - si ce n'est le seul pays développé - où un étudiant coûte moins cher qu'un lycéen, globalement. Beaucoup de professeurs d'université, à commencer par les membres du Cercle des économistes, qui sont tous universitaires, le déplorent un peu. Que leur répondez-vous ?
R- D'abord, que notre système ou le système de formation ou la qualité de notre système de formation, ne se résout pas à un seul problème de financement. Il faut faire la différence ou la complémentarité entre le qualitatif et le quantitatif. C'est vrai que l'on dépense moins, en moyenne, en France, pour les étudiants que pour les élèves du secondaire. On dépense quand même 8.600 euros par an, en moyenne annuelle, pour les étudiants ; ce n'est pas une somme négligeable. Il y a certainement des efforts à faire dans cette matière, peut-être davantage dans la gestion des moyens que l'on accorde à l'Education plutôt qu'une augmentation pure et simple des moyens. Je pense que l'on peut optimiser beaucoup de moyens existants et on arrivera très probablement comme cela à mieux satisfaire les étudiants et les professeurs.
Q- Il y a seize ans, quand l'information économique a été créée sur Radio Classique, on a beaucoup parlé des rapports entre les entreprises, l'école et les universités. C'était déjà un souci et au centre d'un grand débat ; j'ai l'impression que cela continue à l'être quinze ans plus tard ?
R- C'est vraiment un grand bonheur de constater, à l'Education nationale, tous les rapprochements qu'il peut y avoir entre l'Education nationale et le monde de l'entreprise. Je crois que le temps où certains craignaient l'arrivée du "grand capital" dans l'Education nationale est vraiment fini ! Je crois qu'il y a une soixantaine de conventions entre des organismes professionnels et l'Education nationale. Pour prendre deux ou trois exemples, cette année, je l'ai constaté moi-même à travers les douze ou treize académies que j'ai visitées, il y a par exemple la mise en place, dans tous les collèges de France, de trois heures par semaine de découverte professionnelle. Ce sont des entreprises, des entrepreneurs, des contremaîtres, des artisans, des commerçants, qui vont venir pendant ces trois heures, expliquer ce qu'ils font, à quoi cela sert, comment ils sont arrivés là, par quel type de formation, pour faire découvrir à des adolescents des métiers dont ils ne soupçonneraient probablement pas l'existence. Ce sont trois heures de découverte professionnelle par semaine, et cela n'empêchera pas les professeurs d'emmener lesdits élèves dans les entreprises, sur des chantiers ou ailleurs, justement pour découvrir très concrètement ce que font les entreprises et leur donner le goût, ou au moins, déjà, la possibilité de choisir une orientation. Deuxièmement, il y a maintenant la mise en place des lycées des métiers ; j'en ai visité un à Lille, par exemple. C'est un lycée qui est bien typé dans un type d'activités, avec une labellisation "lycée des métiers", en partenariat avec le monde professionnel, qui répond parfaitement, à la fois aux désirs des élèves et de leurs parents, mais en même temps aux débouchés professionnels dans lesdits métiers. Et l'on va continuer cette politique de rapprochement des entreprises avec l'école, de façon à ce que sortent de l'école, des gens à la fois motivés, qui ont pu acquérir une vocation ou une pré vocation, et pouvoir s'engager dans une vie professionnelle en étant à peu près sûrs de leur choix. Je rappelle aussi qu'il y a l'apprentissage. L'apprentissage a fait des progrès considérables...
Q- On va rappeler que l'on peut aller jusqu'à ingénieur, via les filières d'apprentissage...
R- Et le chiffre d'augmentation des apprentis, en cinq ans, est de 50 %. Alors, quand on dit que l'apprentissage est vraiment la voie secondaire et que peu s'y engage, c'est faux. Vraiment, + 50 % en cinq ans, c'est vous dire le bel avenir de l'apprentissage et l'adéquation entre la formation et le métier, avec les débouchés qui s'en suivent.
Q- On vous a vu, hier, au premier rang aux Journées parlementaires
de l'UMP, à Evian. Comment était l'ambiance ?
R- D'abord, c'est une question de courtoisie. Quand on est dans la majorité, et surtout membre du Gouvernement, avec l'UMP, il est normal que l'on rende visite aux amis parlementaires de la majorité. L'ambiance était à la fois très positive, dans le sens où vraiment, on parlait beaucoup de l'avenir, on parlait beaucoup de l'état de la France et des solutions pour essayer d'améliorer l'état de la France et aussi le moral des Français. Et puis, bien sûr, dans un esprit "d'émulation" - je vais dire ça comme ça...
Q- J'étais curieux du mot que vous alliez trouver !
R- Eh bien, voilà : "émulation" ! Vous êtes comblé, cela vous va ?!
Q- Très bien, oui ! Parce que quand même, d'un côté, il y a N. Sarkozy, membre du Gouvernement, qui dit qu'il faut une rupture ; de l'autre côté, D. de Villepin, patron du Gouvernement...
R- Tout ne peut pas se réduire non plus à une compétition. Il y a du fond derrière tout cela. Il y a des postures politiques, mais il y a du fond. Et donc, "rupture", ce n'est pas rupture avec la majorité. La rupture est peut-être une question de rythme, etc. Chacun doit expliquer son style et sa façon d'aborder les deux années qui viennent. Mais faisons confiance, il y a deux très grandes personnalités, à la tête du Gouvernement et à la tête de l'UMP. Et le mot qui est finalement revenu le plus souvent, c'est celui de "complémentarité".
Q- Il y a aujourd'hui, cette fois à Reims, les Journées parlementaires de l'UDF, votre parti. Vous m'avez expliqué ce qu'était l'ambiance à EVian. Avec un peu d'avance, quelle sera l'ambiance à Reims, [inaud.] entre F. Bayrou et vous ?
R- Je pourrai vous le raconter demain ! Mais j'espère surtout que cela va être constructif. Et j'espère deux choses : à la fois que l'on affirme très clairement - un peu plus - notre appartenance à la majorité, parce qu'en dehors de la majorité, il n'y a pas d'avenir. On a vu des essais, par exemple, dans une circonscription du Nord, où il a manqué des points, tout simplement parce que le candidat, de talent, s'est carrément posté comme un opposant numéro un, au risque même d'éliminer le PS : eh bien, c'est l'échec au deuxième tour. Donc, je pense que les députés vont prendre acte que c'est une impasse. Donc, affirmer notre présence dans la majorité et deuxième espérance de mon côté - et d'ailleurs, le président Morin le dit maintenant -, c'est faire des propositions. Car lorsque l'on parle de "rupture", c'est négatif, lorsque l'on parle de "projets" et de "propositions", là, on peut commencer à intéresser les Français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 septembre 2005)