Texte intégral
(Déclaration de Brigitte Girardin, à Nouakchott le 15 juin 2005)
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
Monsieur le Président de la Communauté urbaine de Nouakchott,
Monsieur le Maire du Ksar,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse et fière de participer aujourd'hui à cette inauguration très symbolique.
Très symbolique parce que, nous le savons bien, la voirie urbaine participe de manière très directe au bien être des populations, en facilitant l'accès des quartiers à tous les services publics, et en abaissant leur coût. C'est donc un élément important dans la lutte contre la pauvreté.
Très symbolique aussi parce que, au-delà de cet élément de voirie urbaine de près de 20 km achevés ce mois, l'Agence française de développement (AFD) a aidé la Communauté urbaine de Nouakchott dans d'autres domaines du développement urbain - l'adressage, les ordures ménagères - et elle l'a fait en étroite harmonie avec d'autres intervenants français : non seulement le service de coopération de l'ambassade, qui est venu en appui aux initiatives des associations, mais aussi la Région Ile-de-France, et plusieurs ONG, dont je salue ici l'action très concrète sur le terrain. Cette multiplicité d'intervenants est une caractéristique de la coopération française en Mauritanie, révélatrice d'un fort courant de sympathies et d'amitié entre nos deux pays, ce dont je me réjouis.
Symbolique enfin, parce que ces projets concrets au bénéfice de la population urbaine de Nouakchott - comme ceux menés aussi à Nouadhibou - s'inscrivent parfaitement dans un autre axe stratégique de la coopération française en Mauritanie, qui est le soutien constant à votre politique de déconcentration, comme de décentralisation. C'est à cet échelon local de la commune que les besoins concrets des populations peuvent le mieux se manifester et qu'il faut se donner les moyens d'y répondre.
Pour conclure, je veux vous dire la priorité que j'entends donner à la tête de ce ministère à la réalisation de tels projets concrets de coopération, en veillant à ce que le bénéfice en soit visible sur le terrain, et clairement perceptible pour le plus grand nombre.
C'est ainsi que je conçois le partenariat que j'appelle de mes vux dans le cadre de la coopération entre nos deux pays, et soyez assurés de me trouver à vos côtés pour y contribuer activement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2005)
(Point de presse de Brigitte Girardin, à Nouakchott le 16 juin 2005)
Je voudrais vous remercier d'être présents ce matin, et vous dire tout le plaisir que j'ai à faire cette visite officielle en Mauritanie qui est ma première visite bilatérale depuis ma prise de fonctions en tant que ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie. C'est une visite qui intervient à un moment important. La Mauritanie a connu il y a quelques jours un drame épouvantable. Il était essentiel que la France, après que le président de la République Jacques Chirac ait manifesté toute sa sympathie, tout son soutien et toute son amitié au président de la Mauritanie, il était important que je vienne ici témoigner à mon tour de la solidarité française après l'attentat de Lemgheitty. Il était important, comme nous avons des relations à la fois historiques et amicales entre la France et la Mauritanie, que l'on puisse voir en détail comment la coopération française peut s'articuler, de façon efficace, aux grands objectifs, aux grandes priorités de notre partenaire mauritanien.
J'ai eu de nombreux entretiens avec, bien sûr, le président de la Mauritanie, mais aussi avec plusieurs ministres : le ministre des Affaires étrangères, le ministre des Finances, le ministre de l'Education, et nous avons vu ensemble comment cibler encore mieux notre aide et notre coopération sur les priorités souhaitées par le gouvernement mauritanien. Il est clair que l'éducation est un domaine dans lequel la France est très présente et j'ai pu constater qu'il y a une très forte volonté politique de la Mauritanie de demander à notre coopération de l'appuyer davantage pour tout ce qui concerne l'enseignement du français. Toutefois, les secteurs de la santé, de l'agriculture de l'environnement et tout ce qui concerne la décentralisation et la bonne gouvernance, toutes ces questions ont été évoquées dans les entretiens et, là encore, la France peut construire avec la Mauritanie un partenariat vraiment intéressant et qui peut s'épanouir dans un climat plus mutuel, et de respect, bien évidemment mutuel lui aussi.
La Mauritanie a connu des évolutions récentes, et il était naturellement important de faire le point sur la situation intérieure mais également sur la place de la Mauritanie sur la scène régionale et internationale, sur ses relations avec les institutions financières internationales. Tout cela fait partie des sujets que nous avons abordés. Au total, je retire de cette visite l'impression que la France est appréciée pour ce qu'elle fait ici. Des demandes plus fortes s'expriment à notre égard et, ce que je tiens à dire, c'est que j'ai été impressionnée par la qualité de mes interlocuteurs, la compétence dont ils ont fait preuve en évoquant ces différents dossiers. J'ai été surtout très sensible à l'accueil très chaleureux qui m'a été réservé pour cette visite, sans doute trop brève, mais qui me donne envie de revenir. Voilà ce que je peux vous dire brièvement sur ce déplacement, qui s'inscrit dans une relation d'amitié très forte entre nos deux pays.
Permettez-moi d'ajouter un mot qui n'est pas lié à mon déplacement, mais comme je suis devant vous, je voudrais vous adresser à tous mes profonds remerciements pour la mobilisation que vous avez entreprise ici, pour nous aider à libérer nos otages en Irak. Je sais que beaucoup d'actions ont été engagées ici pour Florence Aubenas et Hussein Hanoun, et je voudrais vous exprimer ma reconnaissance pour la mobilisation dont vous avez fait preuve.
Q - J'avais trois questions à poser à Madame la Ministre. La première question est relative au partenariat économique entre la Mauritanie et la France. Des 25 pays membres de l'Union européenne, la France est le premier partenaire économique du pays. Quel bilan faites-vous de cette coopération avec la Mauritanie ?
La deuxième question : le procès du capitaine Ely Ould Dah s'ouvre le 30 juin pour finir le 1er juillet prochain. Au terme de ce procès il pourrait écoper d'une condamnation à quinze ans de prison ou d'une condamnation à perpétuité. Ne croyez-vous pas qu'à la suite de ce procès, la coopération franco-mauritanienne puisse être affectée ?
Troisième question : dans le cadre des préparatifs du sommet du G8 à Gleneagle en Ecosse le 8 juillet prochain, les ministres des Finances sont convenus d'un accord portant sur l'annulation immédiate de 40 milliards de dollars de dette pour les pays très endettés. Les raisons invoquées pour expliquer cette générosité étaient que ces pays auraient déjà atteint les objectifs de bonne gouvernance fixés par l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, lancée en 1987 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Croyez-vous franchement aux bonnes raisons avancées par le G8 qui consent des largesses à des pays gangrenés par la corruption ou pensez-vous que ce soit une autre forme de corruption politique, menée par deux alliés, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, pour revendiquer la paternité de l'accord ?
R - Votre première question porte sur le bilan que l'on peut faire de notre partenariat économique. Je crois que c'est vrai, nous sommes le premier partenaire commercial de la Mauritanie, mais je voulais dire qu'il y a sans doute de nouveaux élans à donner à ce partenariat en essayant peut-être de l'affecter aux priorités les plus essentielles pour la Mauritanie. Ce que j'ai suggéré à mes interlocuteurs, c'est qu'on essaye à l'avenir d'avoir un peu plus de visibilité sur le moyen terme. Je crois que, jusqu'à maintenant, notre partenariat s'est construit, année après année, avec une vision plutôt de court terme, avec le souci de répondre à différentes demandes. Peut-être le moment est-il venu maintenant, parce que nous sommes en train de réformer nos procédures, et la Mauritanie, elle aussi, met en place des réformes. Je crois que le moment est venu de mettre en place une stratégie commune avec des objectifs communs pour les cinq ans qui viennent, afin que nous ayons une feuille de route sur ce que nous voulons faire, sur ce que nous pouvons faire, et sur ce à quoi vous voulez que l'on réponde. Donc, je voulais dire que nous sommes tombés d'accord pour mettre en uvre cette méthode de travail dès maintenant, avec le souci d'une plus grande efficacité dans nos relations économiques à l'avenir.
Dans votre deuxième question, vous avez évoqué un sujet évidemment délicat et difficile. J'ai envie de dire que nos relations sont, à ce point, amicales qu'elles ne devraient pas être affectées par un événement qui concerne la justice et sur lequel nous n'avons pas de prise. Je crois que l'avenir des relations franco-mauritaniennes ne devrait pas être affecté par ce type d'événement, qui fait l'objet d'un traitement par la justice qui, comme vous le savez, est indépendante.
En troisième question, vous avez fait allusion à la décision du G8 concernant les problèmes d'annulation de dette pour les pays très fortement endettés. Cela fait de longues années que la France milite pour l'effacement des dettes multilatérales, celles des grandes organisations financières internationales vis à vis des petits pays très fortement endettés. Ce que nous avons pu obtenir grâce à l'appui d'autres Etats membres comme le Royaume-Uni, c'était une revendication de la France depuis de nombreuses années. Ce qui est important dans cet accord, pour répondre à votre préoccupation sur la bonne gouvernance, c'est qu'on ne se contente pas de dire qu'on efface la dette et que les institutions financières se retrouvent avec des créances supprimées du jour au lendemain. Si on avait fait simplement ceci, cela aurait été une mesure purement cosmétique.
Ce que nous avons obtenu, c'est une annulation de dette qui prévoit que chaque créancier puisse apporter une contribution, afin que ces pays fortement endettés, qui en ont besoin, puisse être accompagnés dans leur développement. Le fait que ces annulations de dette soient compensées par des contributions des Etats au profit de ces organisations financières signifie que cela va dégager des marges de manuvre supplémentaires pour aider au développement de ces pays.
Mais ce type de mesure ne suffira pas pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Vous savez qu'une réunion va se tenir à New York au mois de septembre, avec les chefs d'Etat, pour voir où on en est de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. Il est clair que cette mesure d'annulation de dette n'est en aucun cas susceptible, à elle seule, d'atteindre ces objectifs. C'est pour cette raison que la France a proposé - et c'est aussi un élément qui sera évoqué au sommet du G8 - des éléments innovants pour le développement, qu'on peut appeler des "taxations internationales", suite aux propositions du président de la République lors du Sommet de Davos. On essaye d'avancer sur cette idée que la France était seule à défendre jusqu'à il y a peu de temps au sein du G8, mais qui petit à petit fait son chemin et cette idée de taxation internationale commence à être accueillie par nos partenaires de façon ouverte. Nous avons pu obtenir que, publiquement, cette idée soit retenue avec notamment la perspective de taxer les billets d'avion pour dégager des financements supplémentaires pour le développement, surtout de l'Afrique. Donc, nous sommes engagés dans ce combat pour faire reculer la pauvreté, ce qui ne veut pas dire pour autant que nous ne reprenons pas à notre compte tout ce qui a été préconisé par le NEPAD, avec cette idée de bonne gouvernance, qui est essentielle à tout ce qui concerne la paix et la sécurité des Etats africains. Il ne peut y avoir de développement sans paix, sans sécurité et sans bonne gouvernance. Toutes ces idées sont bien intégrées au sein de la communauté internationale et c'est ce qui permet de faire reculer petit à petit la pauvreté, notamment en Afrique.
Q - Madame la Ministre, vous venez il y a une heure de rencontrer le président de la République. A-t-il été question au moment où la Mauritanie a subi une agression sur sa frontière Nord, d'une coopération française en matière de recherche de ces terroristes, d'une coopération pouvant aider la Mauritanie et même, au-delà, les pays dans lesquels la France a des intérêts particuliers, tels que le Mali ? A-t-il été question d'une coopération en matière de recherche, d'information ou de tentative de supprimer ce fléau qui est en train de s'attaquer à vos intérêts, je dis bien vos intérêts français, pas simplement aux intérêts mauritaniens et aux autres ? En s'attaquant à un pays comme la Mauritanie, c'est comme si on s'attaquait à un pays comme la France ou à un pays libre qui ne tolère pas ce genre de pratiques. A-t-il été question précisément, dans le dialogue avec le président de la République, d'une contribution française en matière de coopération contre le terrorisme ?
R - Nous avons bien sûr évoqué ce sujet. Vous savez, la lutte contre le terrorisme est une préoccupation de tous les Etats, personne n'est à l'abri et donc, c'est une mobilisation de toute la communauté internationale qui est indispensable.
Nous essayons d'agir en nous coordonnant avec la Mauritanie. Nous avons une coopération militaire et policière, qui est une pièce importante dans ce dispositif de lutte contre le terrorisme. Pour faire reculer ce genre de pratiques inacceptables, il y a tout un contexte qu'il faut améliorer. Je crois que la lutte contre la pauvreté fait partie, aussi, des éléments à prendre en compte pour tenter d'éradiquer ces phénomènes.
Nous avons eu des échanges sur ces questions, avec, là encore, le souci d'une bonne coordination sur, je vous le redis, une matière qui ne laisse personne indifférent, aucun Etat dans le monde, puisque c'est malheureusement une préoccupation qui devient générale.
Q - Il y a eu une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères et dans laquelle il précisait que les auteurs de cette attaque ne sont pas encore connus. Est-ce que ce manque d'information sur l'identité des agresseurs est toujours maintenu à votre niveau ou non ?
Deuxième question: les relations entre la Mauritanie et la France sont des relations séculaires, mais le volume de la coopération ne traduit pas cette ancienneté. Dans le domaine économique, dans le domaine de l'exploitation pétrolière en particulier, les observateurs mauritaniens remarquent que c'est une société australienne qui a obtenu la première un permis et qui a eu la "part du lion" dans cette exploitation, alors que la France devait avoir cette place compte tenu de ses relations séculaires, bien qu'il y ait une entrée tardive de la France avec la société Total.
Troisième question et dernière : bien qu'il y ait un éventail large de coopération, l'administration française met l'accent sur le secteur de l'éducation. Le choix de ce secteur peut mettre à mal cette coopération, car c'est un domaine assez délicat. Chaque pays est souverain pour défendre sa langue. Nous risquons d'avoir une confrontation linguistique. Il y a un aspect positif, c'est que la plupart des ambassadeurs de France en Mauritanie parlent l'arabe, ce qui crée un climat de confiance parmi la population, ce qui nous encourage et ce dont on les félicite.
R - Sur votre première question, concernant l'attentat, vous avez fait allusion à la déclaration du porte-parole. Je voudrais rappeler que c'était une déclaration forcément de prudence, parce qu'elle est intervenue le lundi 6 juin, avant même qu'il y ait une revendication du GSPC. Maintenant, nous connaissons bien tous l'origine de cette attaque. Cette condamnation est intervenue très vite et avant même que l'attentat soit revendiqué.
Sur le volume de notre coopération, que vous estimez insuffisant, vous savez, il y a diverses façons d'apprécier les choses. On peut faire, avec un volume restreint, des choses qui ont beaucoup d'importance et beaucoup de conséquences. Donc, une coopération ne s'apprécie pas que sur une quantité, mais aussi sur des cibles de coopération et le fait que l'on mette un assistant technique sur un secteur essentiel de l'administration de la Mauritanie peut avoir des conséquences positives difficilement mesurables et quantifiables. Donc, l'appréciation doit être globale.
Vous évoquiez la perspective de l'exploitation pétrolière en regrettant que Total ne soit pas arrivé en premier. D'abord, je voudrais vous dire que l'Etat français n'est pas responsable de la stratégie des compagnies pétrolières, qui sont des compagnies privées et qui gèrent leurs affaires comme elles l'entendent. Ce n'est pas parce que l'on n'arrive pas le premier que l'on n'est pas bien placé. Je crois que Total s'intéresse beaucoup à la Mauritanie, et pas seulement d'ailleurs sous l'aspect de l'exploitation pétrolière. Il y a, dans l'accord passé avec Total, un élément important qui concerne la formation des Mauritaniens et j'ai beaucoup entendu parler, au cours de ma visite, de ce besoin de formation professionnelle, notamment pour des secteurs où la Mauritanie va avoir besoin d'expertise, dans la perspective de l'exploitation de ses ressources pétrolières.
Vous semblez regretter que toute notre aide soit fortement concentrée sur l'éducation alors je dirais deux choses sur ce point.
Tout d'abord, je suis vraiment très réceptive quand j'entends les autorités mauritaniennes m'expliquer qu'elles ont un souhait très fort : celui de bien former la jeunesse de ce pays. Je crois que c'est un acte de responsabilité très grand que de s'occuper de former cette jeunesse, parce que c'est quand même votre avenir. Si on n'offre pas de perspective intéressante à la jeunesse, en termes de formation et d'emploi durable, je crois qu'on se trompe d'objectif. Donc, je comprends ce souci des autorités mauritaniennes de mettre l'accent sur la formation de cette jeunesse, et l'action que nous menons pour le développement du français, je tiens à le dire, est une réponse à une demande des autorités de ce pays.
Loin de nous l'idée de vouloir vous imposer le français ! Je constate que, dans ce pays, il y a deux langues. Il y en a d'autres mais il y a deux langues qui sont parlées de façon importante : l'arabe et le français. A partir du moment où les autorités de Mauritanie souhaitent fortement que le français soit davantage parlé, ce n'est pas au Japon qu'elles vont demander une aide en matière d'enseignement du français. Donc, c'est normal qu'on s'adresse à nous pour vous aider à développer la langue française. Je n'oublie pas que je suis ministre en charge de la Francophonie, et je suis forcément réceptive à cette demande. Nous la satisferons parce que, encore une fois, on nous le demande. Je crois que c'est la stratégie actuelle du gouvernement et du président mauritaniens et nous allons essayer de répondre du mieux possible à cette demande d'aide pour l'enseignement du français, pour la formation des enseignants mauritaniens dans ces disciplines.
Q - Vous l'avez dit, il y a une relation historique entre la Mauritanie et la France mais la France a surtout des intérêts Il y a eu des coups d'Etat et dernièrement une attaque. Est-ce que la France n'éprouve pas une certaine réticence dans son investissement, sa coopération économique ?
R - Ecoutez, si nous avions des réticences, comme vous le dites, suite aux événements de ces derniers jours, je pense que je ne serais pas ici aujourd'hui. Je crois qu'il faut justement surmonter ensemble les difficultés et il n'y a absolument pas de la part de la France de frilosité dans son souhait d'avoir une bonne coopération et un bon partenariat avec la Mauritanie. Le fait que je sois ici, quelques jours après cet attentat, illustre ce soutien, cette solidarité, cette volonté de poursuivre notre partenariat et notre coopération avec la Mauritanie.
Q - Je voudrais connaître votre appréciation sur le rôle que jouent les Alliances françaises en Afrique.
R - Ce que j'ai vu ce matin m'a fait plaisir. Je suis allé à l'Alliance franco-mauritanienne de Nouakchott et j'ai vu un outil extraordinaire, qui me paraît très bien fonctionner. J'ai vu des élèves, des jeunes en formation, qui me paraissaient très motivés, avec des enseignants de qualité qui viennent donner un sérieux "coup de main" pour faciliter l'enseignement du français. J'ai vu de jeunes diplômés chômeurs qui ont besoin d'apprendre le français pour avoir de plus grandes perspectives d'emploi. Et je crois que ce type d'instrument est efficace. Quand tout à l'heure on me parlait du volume insuffisant de la coopération, vous voyez, qu'avec des moyens qui ne sont pas importants en volume, on arrive à être très efficaces, très performants, et à former beaucoup de Mauritaniens, à les aider à apprendre le français. Donc, je porte un jugement très positif sur ces structures et j'ai le sentiment qu'ici, cela a beaucoup de succès et fonctionne bien.
Q - Je voudrais exprimer une crainte plus que poser une question. Ma crainte c'est de savoir si l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est ne va pas se faire au détriment du "pré-carré" et est-ce que le "pré-carré" existe toujours ?
R - Je comprends votre crainte, mais vous savez, l'Europe s'est élargie à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, et chaque fois qu'il y a eu un élargissement, les mêmes craintes surgissaient. Quand l'Europe s'est élargie à l'Espagne et au Portugal, on a dit : "c'est épouvantable, le niveau de vie des Espagnols et des Portugais est tellement faible par rapport aux autres Européens, que cela va se faire au détriment de tous les autres". Il n'en a rien été. Ils sont arrivés bien au-delà du niveau de vie de la moyenne communautaire et finalement, tout s'est fait de façon sereine. Je crois qu'il en sera de même pour le récent élargissement. Chacun y trouve son compte, et cela ne peut pas se faire au détriment de ce que nous faisons pour les pays du Sud. L'Union européenne a une part essentielle dans le financement du développement du Sud, et la France continuera à militer pour que les moyens d'intervention communautaire soient maintenus et ne subissent pas la concurrence de l'élargissement. Je reste confiante sur ce point, et l'Europe a bien compris que c'était son intérêt.
Q - Les Mauritaniens avaient beaucoup d'attentes vis-à-vis de la France, ils ont reçu une aide mais en attendaient encore plus. Avez-vous entendu ces rumeurs selon lesquelles l'attaque de Lemgheitti a coïncidé avec l'octroi de permis de recherche à la compagnie Total dans la même région ?
R - Je ne suis pas au courant de ces rumeurs. Les rumeurs, ce n'est pas de l'information. Je crois savoir que le permis de recherche de Total était antérieur à cet attentat.
Q - La gifle qu'a représenté le rejet de la Constitution européenne par la France aura-t-elle des conséquences sur le partenariat euroméditerranéen ?
R - Je ne vois pas le rapport entre ce que vous appelez "la gifle" de la Constitution européenne et ce partenariat.
La construction européenne est en crise. Il ne faut pas se le cacher. L'Europe a toujours progressé avec des crises. Notre partenariat avec la Méditerranée n'a pas à être affecté. Il y a une relation ancienne et un partenariat privilégié entre l'Europe et la Méditerranée, qui vont se poursuivre. Ce n'est pas parce que la construction a les difficultés que vous savez, que les cinquante ans qui viennent de s'écouler n'existent plus. Nous sommes dans une situation où on a du mal à mettre en place des règles de fonctionnement mais tout l'acquis historique n'est pas remis en cause. Donc, je ne vois pas en quoi notre partenariat avec la Méditerranée serait menacé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2005)
Monsieur le Ministre de l'Intérieur,
Monsieur le Président de la Communauté urbaine de Nouakchott,
Monsieur le Maire du Ksar,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse et fière de participer aujourd'hui à cette inauguration très symbolique.
Très symbolique parce que, nous le savons bien, la voirie urbaine participe de manière très directe au bien être des populations, en facilitant l'accès des quartiers à tous les services publics, et en abaissant leur coût. C'est donc un élément important dans la lutte contre la pauvreté.
Très symbolique aussi parce que, au-delà de cet élément de voirie urbaine de près de 20 km achevés ce mois, l'Agence française de développement (AFD) a aidé la Communauté urbaine de Nouakchott dans d'autres domaines du développement urbain - l'adressage, les ordures ménagères - et elle l'a fait en étroite harmonie avec d'autres intervenants français : non seulement le service de coopération de l'ambassade, qui est venu en appui aux initiatives des associations, mais aussi la Région Ile-de-France, et plusieurs ONG, dont je salue ici l'action très concrète sur le terrain. Cette multiplicité d'intervenants est une caractéristique de la coopération française en Mauritanie, révélatrice d'un fort courant de sympathies et d'amitié entre nos deux pays, ce dont je me réjouis.
Symbolique enfin, parce que ces projets concrets au bénéfice de la population urbaine de Nouakchott - comme ceux menés aussi à Nouadhibou - s'inscrivent parfaitement dans un autre axe stratégique de la coopération française en Mauritanie, qui est le soutien constant à votre politique de déconcentration, comme de décentralisation. C'est à cet échelon local de la commune que les besoins concrets des populations peuvent le mieux se manifester et qu'il faut se donner les moyens d'y répondre.
Pour conclure, je veux vous dire la priorité que j'entends donner à la tête de ce ministère à la réalisation de tels projets concrets de coopération, en veillant à ce que le bénéfice en soit visible sur le terrain, et clairement perceptible pour le plus grand nombre.
C'est ainsi que je conçois le partenariat que j'appelle de mes vux dans le cadre de la coopération entre nos deux pays, et soyez assurés de me trouver à vos côtés pour y contribuer activement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2005)
(Point de presse de Brigitte Girardin, à Nouakchott le 16 juin 2005)
Je voudrais vous remercier d'être présents ce matin, et vous dire tout le plaisir que j'ai à faire cette visite officielle en Mauritanie qui est ma première visite bilatérale depuis ma prise de fonctions en tant que ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie. C'est une visite qui intervient à un moment important. La Mauritanie a connu il y a quelques jours un drame épouvantable. Il était essentiel que la France, après que le président de la République Jacques Chirac ait manifesté toute sa sympathie, tout son soutien et toute son amitié au président de la Mauritanie, il était important que je vienne ici témoigner à mon tour de la solidarité française après l'attentat de Lemgheitty. Il était important, comme nous avons des relations à la fois historiques et amicales entre la France et la Mauritanie, que l'on puisse voir en détail comment la coopération française peut s'articuler, de façon efficace, aux grands objectifs, aux grandes priorités de notre partenaire mauritanien.
J'ai eu de nombreux entretiens avec, bien sûr, le président de la Mauritanie, mais aussi avec plusieurs ministres : le ministre des Affaires étrangères, le ministre des Finances, le ministre de l'Education, et nous avons vu ensemble comment cibler encore mieux notre aide et notre coopération sur les priorités souhaitées par le gouvernement mauritanien. Il est clair que l'éducation est un domaine dans lequel la France est très présente et j'ai pu constater qu'il y a une très forte volonté politique de la Mauritanie de demander à notre coopération de l'appuyer davantage pour tout ce qui concerne l'enseignement du français. Toutefois, les secteurs de la santé, de l'agriculture de l'environnement et tout ce qui concerne la décentralisation et la bonne gouvernance, toutes ces questions ont été évoquées dans les entretiens et, là encore, la France peut construire avec la Mauritanie un partenariat vraiment intéressant et qui peut s'épanouir dans un climat plus mutuel, et de respect, bien évidemment mutuel lui aussi.
La Mauritanie a connu des évolutions récentes, et il était naturellement important de faire le point sur la situation intérieure mais également sur la place de la Mauritanie sur la scène régionale et internationale, sur ses relations avec les institutions financières internationales. Tout cela fait partie des sujets que nous avons abordés. Au total, je retire de cette visite l'impression que la France est appréciée pour ce qu'elle fait ici. Des demandes plus fortes s'expriment à notre égard et, ce que je tiens à dire, c'est que j'ai été impressionnée par la qualité de mes interlocuteurs, la compétence dont ils ont fait preuve en évoquant ces différents dossiers. J'ai été surtout très sensible à l'accueil très chaleureux qui m'a été réservé pour cette visite, sans doute trop brève, mais qui me donne envie de revenir. Voilà ce que je peux vous dire brièvement sur ce déplacement, qui s'inscrit dans une relation d'amitié très forte entre nos deux pays.
Permettez-moi d'ajouter un mot qui n'est pas lié à mon déplacement, mais comme je suis devant vous, je voudrais vous adresser à tous mes profonds remerciements pour la mobilisation que vous avez entreprise ici, pour nous aider à libérer nos otages en Irak. Je sais que beaucoup d'actions ont été engagées ici pour Florence Aubenas et Hussein Hanoun, et je voudrais vous exprimer ma reconnaissance pour la mobilisation dont vous avez fait preuve.
Q - J'avais trois questions à poser à Madame la Ministre. La première question est relative au partenariat économique entre la Mauritanie et la France. Des 25 pays membres de l'Union européenne, la France est le premier partenaire économique du pays. Quel bilan faites-vous de cette coopération avec la Mauritanie ?
La deuxième question : le procès du capitaine Ely Ould Dah s'ouvre le 30 juin pour finir le 1er juillet prochain. Au terme de ce procès il pourrait écoper d'une condamnation à quinze ans de prison ou d'une condamnation à perpétuité. Ne croyez-vous pas qu'à la suite de ce procès, la coopération franco-mauritanienne puisse être affectée ?
Troisième question : dans le cadre des préparatifs du sommet du G8 à Gleneagle en Ecosse le 8 juillet prochain, les ministres des Finances sont convenus d'un accord portant sur l'annulation immédiate de 40 milliards de dollars de dette pour les pays très endettés. Les raisons invoquées pour expliquer cette générosité étaient que ces pays auraient déjà atteint les objectifs de bonne gouvernance fixés par l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, lancée en 1987 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Croyez-vous franchement aux bonnes raisons avancées par le G8 qui consent des largesses à des pays gangrenés par la corruption ou pensez-vous que ce soit une autre forme de corruption politique, menée par deux alliés, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, pour revendiquer la paternité de l'accord ?
R - Votre première question porte sur le bilan que l'on peut faire de notre partenariat économique. Je crois que c'est vrai, nous sommes le premier partenaire commercial de la Mauritanie, mais je voulais dire qu'il y a sans doute de nouveaux élans à donner à ce partenariat en essayant peut-être de l'affecter aux priorités les plus essentielles pour la Mauritanie. Ce que j'ai suggéré à mes interlocuteurs, c'est qu'on essaye à l'avenir d'avoir un peu plus de visibilité sur le moyen terme. Je crois que, jusqu'à maintenant, notre partenariat s'est construit, année après année, avec une vision plutôt de court terme, avec le souci de répondre à différentes demandes. Peut-être le moment est-il venu maintenant, parce que nous sommes en train de réformer nos procédures, et la Mauritanie, elle aussi, met en place des réformes. Je crois que le moment est venu de mettre en place une stratégie commune avec des objectifs communs pour les cinq ans qui viennent, afin que nous ayons une feuille de route sur ce que nous voulons faire, sur ce que nous pouvons faire, et sur ce à quoi vous voulez que l'on réponde. Donc, je voulais dire que nous sommes tombés d'accord pour mettre en uvre cette méthode de travail dès maintenant, avec le souci d'une plus grande efficacité dans nos relations économiques à l'avenir.
Dans votre deuxième question, vous avez évoqué un sujet évidemment délicat et difficile. J'ai envie de dire que nos relations sont, à ce point, amicales qu'elles ne devraient pas être affectées par un événement qui concerne la justice et sur lequel nous n'avons pas de prise. Je crois que l'avenir des relations franco-mauritaniennes ne devrait pas être affecté par ce type d'événement, qui fait l'objet d'un traitement par la justice qui, comme vous le savez, est indépendante.
En troisième question, vous avez fait allusion à la décision du G8 concernant les problèmes d'annulation de dette pour les pays très fortement endettés. Cela fait de longues années que la France milite pour l'effacement des dettes multilatérales, celles des grandes organisations financières internationales vis à vis des petits pays très fortement endettés. Ce que nous avons pu obtenir grâce à l'appui d'autres Etats membres comme le Royaume-Uni, c'était une revendication de la France depuis de nombreuses années. Ce qui est important dans cet accord, pour répondre à votre préoccupation sur la bonne gouvernance, c'est qu'on ne se contente pas de dire qu'on efface la dette et que les institutions financières se retrouvent avec des créances supprimées du jour au lendemain. Si on avait fait simplement ceci, cela aurait été une mesure purement cosmétique.
Ce que nous avons obtenu, c'est une annulation de dette qui prévoit que chaque créancier puisse apporter une contribution, afin que ces pays fortement endettés, qui en ont besoin, puisse être accompagnés dans leur développement. Le fait que ces annulations de dette soient compensées par des contributions des Etats au profit de ces organisations financières signifie que cela va dégager des marges de manuvre supplémentaires pour aider au développement de ces pays.
Mais ce type de mesure ne suffira pas pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Vous savez qu'une réunion va se tenir à New York au mois de septembre, avec les chefs d'Etat, pour voir où on en est de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. Il est clair que cette mesure d'annulation de dette n'est en aucun cas susceptible, à elle seule, d'atteindre ces objectifs. C'est pour cette raison que la France a proposé - et c'est aussi un élément qui sera évoqué au sommet du G8 - des éléments innovants pour le développement, qu'on peut appeler des "taxations internationales", suite aux propositions du président de la République lors du Sommet de Davos. On essaye d'avancer sur cette idée que la France était seule à défendre jusqu'à il y a peu de temps au sein du G8, mais qui petit à petit fait son chemin et cette idée de taxation internationale commence à être accueillie par nos partenaires de façon ouverte. Nous avons pu obtenir que, publiquement, cette idée soit retenue avec notamment la perspective de taxer les billets d'avion pour dégager des financements supplémentaires pour le développement, surtout de l'Afrique. Donc, nous sommes engagés dans ce combat pour faire reculer la pauvreté, ce qui ne veut pas dire pour autant que nous ne reprenons pas à notre compte tout ce qui a été préconisé par le NEPAD, avec cette idée de bonne gouvernance, qui est essentielle à tout ce qui concerne la paix et la sécurité des Etats africains. Il ne peut y avoir de développement sans paix, sans sécurité et sans bonne gouvernance. Toutes ces idées sont bien intégrées au sein de la communauté internationale et c'est ce qui permet de faire reculer petit à petit la pauvreté, notamment en Afrique.
Q - Madame la Ministre, vous venez il y a une heure de rencontrer le président de la République. A-t-il été question au moment où la Mauritanie a subi une agression sur sa frontière Nord, d'une coopération française en matière de recherche de ces terroristes, d'une coopération pouvant aider la Mauritanie et même, au-delà, les pays dans lesquels la France a des intérêts particuliers, tels que le Mali ? A-t-il été question d'une coopération en matière de recherche, d'information ou de tentative de supprimer ce fléau qui est en train de s'attaquer à vos intérêts, je dis bien vos intérêts français, pas simplement aux intérêts mauritaniens et aux autres ? En s'attaquant à un pays comme la Mauritanie, c'est comme si on s'attaquait à un pays comme la France ou à un pays libre qui ne tolère pas ce genre de pratiques. A-t-il été question précisément, dans le dialogue avec le président de la République, d'une contribution française en matière de coopération contre le terrorisme ?
R - Nous avons bien sûr évoqué ce sujet. Vous savez, la lutte contre le terrorisme est une préoccupation de tous les Etats, personne n'est à l'abri et donc, c'est une mobilisation de toute la communauté internationale qui est indispensable.
Nous essayons d'agir en nous coordonnant avec la Mauritanie. Nous avons une coopération militaire et policière, qui est une pièce importante dans ce dispositif de lutte contre le terrorisme. Pour faire reculer ce genre de pratiques inacceptables, il y a tout un contexte qu'il faut améliorer. Je crois que la lutte contre la pauvreté fait partie, aussi, des éléments à prendre en compte pour tenter d'éradiquer ces phénomènes.
Nous avons eu des échanges sur ces questions, avec, là encore, le souci d'une bonne coordination sur, je vous le redis, une matière qui ne laisse personne indifférent, aucun Etat dans le monde, puisque c'est malheureusement une préoccupation qui devient générale.
Q - Il y a eu une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères et dans laquelle il précisait que les auteurs de cette attaque ne sont pas encore connus. Est-ce que ce manque d'information sur l'identité des agresseurs est toujours maintenu à votre niveau ou non ?
Deuxième question: les relations entre la Mauritanie et la France sont des relations séculaires, mais le volume de la coopération ne traduit pas cette ancienneté. Dans le domaine économique, dans le domaine de l'exploitation pétrolière en particulier, les observateurs mauritaniens remarquent que c'est une société australienne qui a obtenu la première un permis et qui a eu la "part du lion" dans cette exploitation, alors que la France devait avoir cette place compte tenu de ses relations séculaires, bien qu'il y ait une entrée tardive de la France avec la société Total.
Troisième question et dernière : bien qu'il y ait un éventail large de coopération, l'administration française met l'accent sur le secteur de l'éducation. Le choix de ce secteur peut mettre à mal cette coopération, car c'est un domaine assez délicat. Chaque pays est souverain pour défendre sa langue. Nous risquons d'avoir une confrontation linguistique. Il y a un aspect positif, c'est que la plupart des ambassadeurs de France en Mauritanie parlent l'arabe, ce qui crée un climat de confiance parmi la population, ce qui nous encourage et ce dont on les félicite.
R - Sur votre première question, concernant l'attentat, vous avez fait allusion à la déclaration du porte-parole. Je voudrais rappeler que c'était une déclaration forcément de prudence, parce qu'elle est intervenue le lundi 6 juin, avant même qu'il y ait une revendication du GSPC. Maintenant, nous connaissons bien tous l'origine de cette attaque. Cette condamnation est intervenue très vite et avant même que l'attentat soit revendiqué.
Sur le volume de notre coopération, que vous estimez insuffisant, vous savez, il y a diverses façons d'apprécier les choses. On peut faire, avec un volume restreint, des choses qui ont beaucoup d'importance et beaucoup de conséquences. Donc, une coopération ne s'apprécie pas que sur une quantité, mais aussi sur des cibles de coopération et le fait que l'on mette un assistant technique sur un secteur essentiel de l'administration de la Mauritanie peut avoir des conséquences positives difficilement mesurables et quantifiables. Donc, l'appréciation doit être globale.
Vous évoquiez la perspective de l'exploitation pétrolière en regrettant que Total ne soit pas arrivé en premier. D'abord, je voudrais vous dire que l'Etat français n'est pas responsable de la stratégie des compagnies pétrolières, qui sont des compagnies privées et qui gèrent leurs affaires comme elles l'entendent. Ce n'est pas parce que l'on n'arrive pas le premier que l'on n'est pas bien placé. Je crois que Total s'intéresse beaucoup à la Mauritanie, et pas seulement d'ailleurs sous l'aspect de l'exploitation pétrolière. Il y a, dans l'accord passé avec Total, un élément important qui concerne la formation des Mauritaniens et j'ai beaucoup entendu parler, au cours de ma visite, de ce besoin de formation professionnelle, notamment pour des secteurs où la Mauritanie va avoir besoin d'expertise, dans la perspective de l'exploitation de ses ressources pétrolières.
Vous semblez regretter que toute notre aide soit fortement concentrée sur l'éducation alors je dirais deux choses sur ce point.
Tout d'abord, je suis vraiment très réceptive quand j'entends les autorités mauritaniennes m'expliquer qu'elles ont un souhait très fort : celui de bien former la jeunesse de ce pays. Je crois que c'est un acte de responsabilité très grand que de s'occuper de former cette jeunesse, parce que c'est quand même votre avenir. Si on n'offre pas de perspective intéressante à la jeunesse, en termes de formation et d'emploi durable, je crois qu'on se trompe d'objectif. Donc, je comprends ce souci des autorités mauritaniennes de mettre l'accent sur la formation de cette jeunesse, et l'action que nous menons pour le développement du français, je tiens à le dire, est une réponse à une demande des autorités de ce pays.
Loin de nous l'idée de vouloir vous imposer le français ! Je constate que, dans ce pays, il y a deux langues. Il y en a d'autres mais il y a deux langues qui sont parlées de façon importante : l'arabe et le français. A partir du moment où les autorités de Mauritanie souhaitent fortement que le français soit davantage parlé, ce n'est pas au Japon qu'elles vont demander une aide en matière d'enseignement du français. Donc, c'est normal qu'on s'adresse à nous pour vous aider à développer la langue française. Je n'oublie pas que je suis ministre en charge de la Francophonie, et je suis forcément réceptive à cette demande. Nous la satisferons parce que, encore une fois, on nous le demande. Je crois que c'est la stratégie actuelle du gouvernement et du président mauritaniens et nous allons essayer de répondre du mieux possible à cette demande d'aide pour l'enseignement du français, pour la formation des enseignants mauritaniens dans ces disciplines.
Q - Vous l'avez dit, il y a une relation historique entre la Mauritanie et la France mais la France a surtout des intérêts Il y a eu des coups d'Etat et dernièrement une attaque. Est-ce que la France n'éprouve pas une certaine réticence dans son investissement, sa coopération économique ?
R - Ecoutez, si nous avions des réticences, comme vous le dites, suite aux événements de ces derniers jours, je pense que je ne serais pas ici aujourd'hui. Je crois qu'il faut justement surmonter ensemble les difficultés et il n'y a absolument pas de la part de la France de frilosité dans son souhait d'avoir une bonne coopération et un bon partenariat avec la Mauritanie. Le fait que je sois ici, quelques jours après cet attentat, illustre ce soutien, cette solidarité, cette volonté de poursuivre notre partenariat et notre coopération avec la Mauritanie.
Q - Je voudrais connaître votre appréciation sur le rôle que jouent les Alliances françaises en Afrique.
R - Ce que j'ai vu ce matin m'a fait plaisir. Je suis allé à l'Alliance franco-mauritanienne de Nouakchott et j'ai vu un outil extraordinaire, qui me paraît très bien fonctionner. J'ai vu des élèves, des jeunes en formation, qui me paraissaient très motivés, avec des enseignants de qualité qui viennent donner un sérieux "coup de main" pour faciliter l'enseignement du français. J'ai vu de jeunes diplômés chômeurs qui ont besoin d'apprendre le français pour avoir de plus grandes perspectives d'emploi. Et je crois que ce type d'instrument est efficace. Quand tout à l'heure on me parlait du volume insuffisant de la coopération, vous voyez, qu'avec des moyens qui ne sont pas importants en volume, on arrive à être très efficaces, très performants, et à former beaucoup de Mauritaniens, à les aider à apprendre le français. Donc, je porte un jugement très positif sur ces structures et j'ai le sentiment qu'ici, cela a beaucoup de succès et fonctionne bien.
Q - Je voudrais exprimer une crainte plus que poser une question. Ma crainte c'est de savoir si l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est ne va pas se faire au détriment du "pré-carré" et est-ce que le "pré-carré" existe toujours ?
R - Je comprends votre crainte, mais vous savez, l'Europe s'est élargie à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, et chaque fois qu'il y a eu un élargissement, les mêmes craintes surgissaient. Quand l'Europe s'est élargie à l'Espagne et au Portugal, on a dit : "c'est épouvantable, le niveau de vie des Espagnols et des Portugais est tellement faible par rapport aux autres Européens, que cela va se faire au détriment de tous les autres". Il n'en a rien été. Ils sont arrivés bien au-delà du niveau de vie de la moyenne communautaire et finalement, tout s'est fait de façon sereine. Je crois qu'il en sera de même pour le récent élargissement. Chacun y trouve son compte, et cela ne peut pas se faire au détriment de ce que nous faisons pour les pays du Sud. L'Union européenne a une part essentielle dans le financement du développement du Sud, et la France continuera à militer pour que les moyens d'intervention communautaire soient maintenus et ne subissent pas la concurrence de l'élargissement. Je reste confiante sur ce point, et l'Europe a bien compris que c'était son intérêt.
Q - Les Mauritaniens avaient beaucoup d'attentes vis-à-vis de la France, ils ont reçu une aide mais en attendaient encore plus. Avez-vous entendu ces rumeurs selon lesquelles l'attaque de Lemgheitti a coïncidé avec l'octroi de permis de recherche à la compagnie Total dans la même région ?
R - Je ne suis pas au courant de ces rumeurs. Les rumeurs, ce n'est pas de l'information. Je crois savoir que le permis de recherche de Total était antérieur à cet attentat.
Q - La gifle qu'a représenté le rejet de la Constitution européenne par la France aura-t-elle des conséquences sur le partenariat euroméditerranéen ?
R - Je ne vois pas le rapport entre ce que vous appelez "la gifle" de la Constitution européenne et ce partenariat.
La construction européenne est en crise. Il ne faut pas se le cacher. L'Europe a toujours progressé avec des crises. Notre partenariat avec la Méditerranée n'a pas à être affecté. Il y a une relation ancienne et un partenariat privilégié entre l'Europe et la Méditerranée, qui vont se poursuivre. Ce n'est pas parce que la construction a les difficultés que vous savez, que les cinquante ans qui viennent de s'écouler n'existent plus. Nous sommes dans une situation où on a du mal à mettre en place des règles de fonctionnement mais tout l'acquis historique n'est pas remis en cause. Donc, je ne vois pas en quoi notre partenariat avec la Méditerranée serait menacé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2005)