Texte intégral
Lors d'un précédent colloque sur la gestion des âges, j'avais cité ce mot tiré du rapport annuel de l'Inspection générale des affaires sociales, "le vieillissement de la population n'est pas une malédiction sociale". Madame Lenia Samuel a rappelé fort justement hier que c'était même un progrès et le fruit de l'amélioration des conditions de vie et de la santé. Toutefois, nous devons avoir conscience que les évolutions démographiques à venir sont potentiellement lourdes de conséquences et nous y préparer.
C'est donc tout naturellement et avec le plus grand plaisir que j'ai accepté de clôturer aujourd'hui les travaux de cette manifestation européenne dont le nom, " l'expérience est capital(e) " s'inspire du slogan de la campagne d'information lancée en 1998 par la Finlande " l'expérience, richesse nationale ".
1- Le moment
Cette manifestation, au caractère original, revêt à mes yeux une importance capitale, elle aussi.
Elle a lieu, après que plusieurs rapports ont encore récemment réaffirmé l'urgence et la complexité de la gestion des âges : les recommandations du Conseil économique et social, les travaux du Conseil d'orientation des retraites, le rapport annuel pour 2004 de l'Igas et le récent rapport de l'Ocde soulignent les grandes orientations à prendre.
Cette agora se tient également au moment où, en France, est engagée une importante négociation entre les partenaires sociaux sur le sujet. J'y suis naturellement très attentif. Je suis persuadé que la confrontation d'expériences et le débat d'idées qu'elle va susciter permettre d'aboutir à des propositions constructives et contribuera à mieux orienter nos actions, à tous (politiques, partenaires sociaux, entrepreneurs, salariés, en France comme dans les autres Etats membres).
2- Le diagnostic
D'abord, la prise de conscience des enjeux liés à l'emploi des seniors ne progresse que lentement. Les entreprises et les branches commencent seulement à être sensibilisées, et encore de manière très inégale, elles sont encore à la recherche de nouvelles modalités d'action.
Comme vous le savez, nous nous distinguons en effet de nos voisins européens par un taux d'emploi des plus de 55 ans significativement plus bas : il était en 2003 de 37 % chez nous contre près de 40,2 % en moyenne chez nos partenaires européens. Nous sommes encore bien loin de l'objectif de 50 % fixé en 2001 au sommet de Stockholm pour l'horizon 2010.
Nous nous sommes toutefois fixé des objectifs intermédiaires ambitieux d'ici 2008, dans le cadre du Plan national d'action pour l'emploi : nous avons ainsi prévu de relever de 5 points le taux d'emploi des plus de 55 ans et de faire reculer d'un an et demi l'âge moyen de cessation d'activité en 5 ans (pour le porter à 59 ans).
Ensuite, notre tâche est rendue plus ardue par le maintien d'un taux de chômage élevé. Dire qu'il faut relever le taux d'emploi des seniors quand le taux de chômage global atteint 10 % exige une forte volonté politique en même temps qu'un travail de pédagogie.
Les politiques de lutte contre le chômage menées en France depuis les années 1970 ont pesé sur le taux d'emploi des seniors. Les seniors ont été trop longtemps la variable d'ajustement des restructurations. Nous devons rompre avec ces " mauvaises habitudes ". Le recours massif aux mesures d'âge dans les années 1980 et 1990 a nourri un consensus social autour d'une gestion de l'emploi par les âges et la cessation anticipée d'activité d'autant que cette politique semblait permettre de faire place aux jeunes. C'est également cette représentation collective qu'il nous faut combattre. Je le vis d'ailleurs tous les jours dans l'exercice de mes fonctions ministérielles J'observe que la tentation de la cessation anticipée d'activité demeure prégnante tant pour les entreprises que pour les salariés. Pourtant, l'expérience montre que la pratique généralisée de la cessation anticipée d'activité n'a pas permis dans notre pays de favoriser l'emploi des autres catégories et notamment des jeunes.
Les expériences européennes soulignent, bien au contraire, que les pays qui ont réussi à relever le taux d'emploi des salariés âgés sont aussi ceux qui ont réussi à faire baisser le chômage. Je pense par exemple à la Finlande, aux Pays-Bas ou au Danemark.
Cette manifestation est l'occasion d'insister sur l'engagement actif du Gouvernement français en faveur de l'emploi des seniors. Comme l'a souligné Peter Stub Jorgensen, tout à l'heure, c'est un objectif dans le cadre de la stratégie européenne de l'emploi et la Commission européenne nous invite dans le dernier rapport conjoint sur l'emploi à définir une stratégie globale détaillée en la matière. Certes beaucoup reste à faire, mais nous ne partons pas de zéro, loin s'en faut.
Pour ce faire, le gouvernement s'est engagé depuis maintenant plus de deux ans dans une politique volontariste de réformes visant à améliorer le maintien et le retour à l'emploi des personnes de plus de 50 ans.
3- Politiques mises en uvre
Nous avons agi dans plusieurs directions : incitation individuelles à l'allongement de la vie active, formation tout au long de la vie pour favoriser l'adaptabilité, conditions de travail, amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi et renforcement de la solidarité intergénérationnelle au travers de la loi de cohésion sociale.
D'une part, nous avons considérablement limité l'accès aux préretraites publiques et privées. Nous avons également souhaité favoriser le maintien en activité des salariés âgés. La loi de 2003, sur la réforme des retraites, offre à cet égard de nouveaux outils. Je pense à la création d'une surcôte, à la réforme des conditions de mise à la retraite d'office, à la refonte de la retraite progressive ou encore à l'assouplissement des conditions du cumul entre emploi et retraite.
Ce maintien dans l'emploi est aussi encouragé par un accès renforcé à la formation professionnelle. En cela, la loi de 2004, sur la formation tout au long de la vie, marque une étape importante. Ce n'est, en effet, que si les salariés sont formés tout au long de la vie qu'ils seront réellement armés pour la seconde partie de leur vie professionnelle. Les avancées de la réforme sont les nouvelles dispositions de la loi : bilan de compétences obligatoire après 20 ans de carrière, priorité d'accès à la validation des acquis de l'expérience après 45 ans, mise en place des période de professionnalisation, etc. Parallèlement, l'Etat a réorienté ses propres outils pour appuyer le développement de la formation en faveur des salariés âgés : rénovation des instruments de la politique contractuelle, refonte du dispositif d'appui conseil.
Le maintien en activité des personnes de plus de 50 ans suppose aussi l'adaptation de leurs conditions de travail. L'amélioration des conditions de travail, l'organisation du travail et la qualité de vie au travail pour tous les âges sont des éléments qui contribuent à favoriser le maintien dans l'emploi des salariés dans leur seconde partie de carrière. Dans ce cadre, j'ai présenté le plan de santé au travail 2005-2009, le 17 février 2005, qui prévoit notamment la création d'une agence publique de la santé au travail, le renforcement de l'efficacité du contrôle du respect de la réglementation, par une présence accrue des services de l'Etat sur le terrain et des efforts de formations à leur intention, et la promotion de la culture de prévention en entreprise (par le biais notamment de contrats d'objectifs conclus avec les services de santé au travail).
J'ai en définitive la conviction que ce sont les conditions d'emploi des salariés avant 50 ans qui favoriseront leur maintien ou leur retour dans l'emploi en fin de carrière. Il nous faut donc agir de manière coordonnée sur une multiplicité de leviers.
Mais, au-delà du maintien dans l'emploi, nous avons aussi voulu favoriser le retour à l'emploi des plus de 50 ans en dynamisant le marché du travail. Ce sont aussi les acteurs et les partenaires du service public de l'emploi qui se mobilisent autour de cet objectif.
Il m'apparaît important de rappeler que les réformes entreprises offrent d'ores et déjà de premiers outils. Il nous appartient à tous de nous en saisir.
4- Les expériences d'Equal en Europe à l'origine de l'Agora
Philosophie des projets
Les projets conduits dans le cadre d'Equal, dont les diagnostics et les travaux ont été à la source de cette manifestation, ont constitué un terrain fertile d'expérimentation et d'innovation. Ces projets cofinancés par l'Union européenne, depuis 2001, ont expérimenté des solutions innovantes pour lutter contre toutes les discriminations sur le marché du travail et notamment celles liées à l'âge, pour favoriser le maintien des seniors dans l'emploi.
Dans la logique expérimentale d'Equal, ces projets ont joué pleinement leur rôle de laboratoire de la gestion active des âges et ont montré qu'il fallait également développer le lien intergénérationnel. Il ne faut pas, en effet, opposer les générations mais les faire travailler ensemble, chacune enrichissant l'autre. Ces projets ont réussi à susciter des prises de conscience et à éveiller un intérêt de la part d'acteurs jusqu'alors peu impliqués. Ils ont pu élaborer et tester de nouvelles activités pour les seniors, imaginer des méthodes de gestion de la mi-carrière et de transmission des savoirs adaptées au contexte du monde moderne, rénover astucieusement le concept du tutorat.
Progressivement, des organisations du travail mieux adaptées au vieillissement se sont mises en place. Ces projets ont ainsi fait la démonstration que, loin d'être un handicap pour l'entreprise, " l'expérience est capitale ".
Plusieurs expérimentations m'ont ainsi semblé particulièrement intéressantes et par exemple :
- Le projet irlandais qui a mis en place une agence de recrutement gérée par des seniors pour des seniors, pour mieux faire circuler l'information entre les travailleurs expérimentés qui cherchent du travail et les employeurs qui recrutent ; il est vrai que les irlandais traitent la question de l'âge en se fondant sur la diversité. Et, pour former les employeurs à la diversité, un projet Equal a conçu un outil de diagnostic en ligne. Cet outil permet aux responsables des ressources humaines de s'assurer que leur gestion du personnel est conforme aux obligations légales en matière de non-discrimination et de connaître les meilleures pratiques ;
- Les projets finlandais se préoccupent, quant à eux, de la meilleure façon de bien vieillir au travail. Un projet Equal organise même des cours de formation destinés aux salariés pour leur apprendre à rester le plus longtemps possible actifs et en bonne santé. La formation est également une priorité : avec le programme Noste, 400 000 finlandais de 25 à 59 ans retournent sur les bancs de l'école, pour donner une chance à ceux qui ont quitté le lycée à 16 ans de compléter leur éducation. La Finlande et la Grèce ont même travaillé de concert pour élaborer une méthode commune de transfert des savoirs entre les seniors et les jeunes générations dans le secteur de la construction navale.
- En Espagne, dans le secteur de la conserverie, un projet Equal a concentré ses actions sur des femmes, de plus de 45 ans, dont le niveau de formation ne leur permettait pas d'accéder aux formations traditionnelles de l'entreprise. En créant une salle de classe virtuelle, le projet a permis de motiver ces femmes, de leur redonner confiance en elle mêmes pour les inciter à se former et à utiliser davantage les outils informatiques.
- Dans la région de Trieste, un projet italien a créé un modèle de réintégration des seniors au chômage sur le marché de l'emploi. A Turin, un projet expérimente la validation de toute l'expérience professionnelle des seniors depuis le début de leur vie au travail.
- En Pologne, entrée ans l'Union européenne depuis un peu plus d'un an seulement, les tous nouveaux projets Equal semblent également très prometteurs.
Que faire de ces expériences ?
Toutes ces expériences méritent d'être largement diffusées, c'est aussi l'un des objectifs du programme Equal, car elle sont sources d'inspiration et d'échanges dans le cadre des politiques nationales en faveur du vieillissement actif. Cette agora aura permis de faire largement connaître la richesse des expérimentations que le Fonds social européen a contribué à mettre en uvre.
Je crois possible de tirer des enseignements de ces expériences, tant pour enrichir et faire évoluer la politique du gouvernement, que pour aider les agents à prendre conscience et à donner corps à une action résolue en matière de vieillissement actif. En effet, il n'y a pas de modèle unique de réussite, et les politiques sont stériles si les acteurs n'en partagent pas les enjeux et ne peuvent se les approprier.
On peut donc, me semble-t-il, identifier des facteurs de succès en observant les pays ayant réussi à relever sensiblement le taux d'emploi des seniors dans les années récentes. C'est pourquoi la manifestation d'aujourd'hui est importante. Car elle a permis de démontrer, de manière très concrète, les résultats des expériences conduites tant du point de vue des entreprises que des individus et des territoires sur la base de partenariats européens.
C'est en effet, en mettant l'accent sur l'évolution des mentalités, et la lutte contre les discriminations, c'est en mobilisant activement les services de l'emploi, c'est en traitant simultanément d'amélioration des conditions de travail, d'accès à la formation, d'assouplissement des organisations du travail, c'est en donnant la priorité à une politique active de l'emploi pour l'ensemble des classes d'âge que l'on progresse pour l'emploi des seniors. En effet, c'est en s'engageant dans des stratégies globales de vieillissement actif que nous pourrons progresser.
De fait, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Les politiques mise en uvre par le Gouvernement français depuis plusieurs années ouvrent une voie dans laquelle les acteurs doivent s'inscrire avec imagination en reprenant à leur compte les expériences réussies chez nos partenaires européens.
Nous ne pouvons nous limiter à une approche strictement centrée sur les seniors. Cela reviendrait en définitive à déplacer les difficultés d'une classe d'âge vers une autre. Je crois au contraire qu'il nous faut aborder les différentes problématiques de manière transversale concernant tous les âges.
5- La suite pour le gouvernement
Comme vous le savez le Premier ministre, dans son discours de politique général, a réinsisté avec force sur notre objectif pour les mois à venir. Il est très clair : tout faire pour lever les obstacles à l'embauche et au maintien des seniors dans l'emploi.
Ce message politique me conforte dans l'action que j'ai entrepris. Je mesure aussi pleinement l'ampleur de la tâche qui nous reste à accomplir. C'est pourquoi, avec Jean-Louis Borloo, nous avons décidé, dès notre entrée en fonctions, d'inscrire la question des seniors en tête de nos préoccupations. Et, pour cela, nous avons retenu une méthode : celle du dialogue social.
Nous avons donc consulté les partenaires sociaux pour voir avec eux s'ils souhaitaient engager une négociation interprofessionnelle sur ce sujet. Je me félicite qu'ils aient répondu à l'invitation du Gouvernement, faisant en cela la preuve de leur sens des responsabilités. L'Etat prendra aussi, le Premier ministre l'a rappelé, ses responsabilités au vu des résultats des négociations. La démarche de l'Etat et celle des partenaires sociaux ont bien vocation à converger et se compléter afin d'assurer une mobilisation générale en faveur d'une remontée substantielle du taux d'emploi des seniors. Soyons clairs. Je souhaite que les leviers d'action qui seront examinés dans ce cadre le soient sans tabou. Je considère en effet que les pistes que nous avons à explorer doivent l'être tout à la fois de manière large et de manière exhaustive.
Vous le voyez, beaucoup a déjà été fait. Mais beaucoup reste à faire. Dans tous les pays confrontés au vieillissement démographique, il s'agit de procéder à une véritable " révolution culturelle ", c'est dire l'ampleur de la tâche. Voilà pourquoi nous engagerons d'ici la fin de l'année une grande campagne nationale d'information et de sensibilisation pour montrer que les seniors sont une richesse pour l'emploi et l'économie. Il faut mettre à bas les préjugés et valoriser l'expérience. Nous devons faire en sorte de bâtir un nouveau consensus social.
Vos travaux d'aujourd'hui participent pleinement de cette démarche. Vos débats ont ainsi été l'occasion d'examiner dans le détail, au delà des expériences et des méthodes, les différents leviers d'actions, mais aussi de rappeler l'importance des défis à venir.
Voilà pourquoi je souhaitais vous remercier pour votre implication, avec bien entendu une mention toute particulière pour la Dgefp et la Dagemo en lien avec la Commission européenne et avec l'appui de l'assistance technique nationale du Fonds social européen, Racine, pour avoir organisé cette manifestation.
Je souhaite également remercier l'ensemble des 150 intervenants et des 500 participants venus témoigner de leur action des quatre coins de l'Europe qui agissent au quotidien pour valoriser l'expérience. Je salue aussi les journalistes, présents aujourd'hui, qui relayeront les conclusions de ces journées centrées sur : l'expérience est capitale.
Je remercie aussi l'ensemble des équipes techniques, aménagement de l'espace, son, lumières, accueil, éditions qui sont associées à la réussite de cette Agora et bien sur les interprètes qui ont facilité les échanges durant cette manifestation.
Je tiens à ce sujet à vous féliciter pour la qualité de la conception et la scénographie de cette manifestation et en particulier le choix de " l'arbre des rencontres " aux feuilles de Matisse (un festival de couleur réalisé dans la toute dernière partie de sa vie) une référence au temps et aux racines comme un signal, un symbole, une matérialisation des idées exprimées...
Nul doute, en effet, que cette manifestation, promise à une large diffusion européenne, constituera une étape de référence pour l'emploi des seniors en France comme en Europe.
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 27 juin 2005)
C'est donc tout naturellement et avec le plus grand plaisir que j'ai accepté de clôturer aujourd'hui les travaux de cette manifestation européenne dont le nom, " l'expérience est capital(e) " s'inspire du slogan de la campagne d'information lancée en 1998 par la Finlande " l'expérience, richesse nationale ".
1- Le moment
Cette manifestation, au caractère original, revêt à mes yeux une importance capitale, elle aussi.
Elle a lieu, après que plusieurs rapports ont encore récemment réaffirmé l'urgence et la complexité de la gestion des âges : les recommandations du Conseil économique et social, les travaux du Conseil d'orientation des retraites, le rapport annuel pour 2004 de l'Igas et le récent rapport de l'Ocde soulignent les grandes orientations à prendre.
Cette agora se tient également au moment où, en France, est engagée une importante négociation entre les partenaires sociaux sur le sujet. J'y suis naturellement très attentif. Je suis persuadé que la confrontation d'expériences et le débat d'idées qu'elle va susciter permettre d'aboutir à des propositions constructives et contribuera à mieux orienter nos actions, à tous (politiques, partenaires sociaux, entrepreneurs, salariés, en France comme dans les autres Etats membres).
2- Le diagnostic
D'abord, la prise de conscience des enjeux liés à l'emploi des seniors ne progresse que lentement. Les entreprises et les branches commencent seulement à être sensibilisées, et encore de manière très inégale, elles sont encore à la recherche de nouvelles modalités d'action.
Comme vous le savez, nous nous distinguons en effet de nos voisins européens par un taux d'emploi des plus de 55 ans significativement plus bas : il était en 2003 de 37 % chez nous contre près de 40,2 % en moyenne chez nos partenaires européens. Nous sommes encore bien loin de l'objectif de 50 % fixé en 2001 au sommet de Stockholm pour l'horizon 2010.
Nous nous sommes toutefois fixé des objectifs intermédiaires ambitieux d'ici 2008, dans le cadre du Plan national d'action pour l'emploi : nous avons ainsi prévu de relever de 5 points le taux d'emploi des plus de 55 ans et de faire reculer d'un an et demi l'âge moyen de cessation d'activité en 5 ans (pour le porter à 59 ans).
Ensuite, notre tâche est rendue plus ardue par le maintien d'un taux de chômage élevé. Dire qu'il faut relever le taux d'emploi des seniors quand le taux de chômage global atteint 10 % exige une forte volonté politique en même temps qu'un travail de pédagogie.
Les politiques de lutte contre le chômage menées en France depuis les années 1970 ont pesé sur le taux d'emploi des seniors. Les seniors ont été trop longtemps la variable d'ajustement des restructurations. Nous devons rompre avec ces " mauvaises habitudes ". Le recours massif aux mesures d'âge dans les années 1980 et 1990 a nourri un consensus social autour d'une gestion de l'emploi par les âges et la cessation anticipée d'activité d'autant que cette politique semblait permettre de faire place aux jeunes. C'est également cette représentation collective qu'il nous faut combattre. Je le vis d'ailleurs tous les jours dans l'exercice de mes fonctions ministérielles J'observe que la tentation de la cessation anticipée d'activité demeure prégnante tant pour les entreprises que pour les salariés. Pourtant, l'expérience montre que la pratique généralisée de la cessation anticipée d'activité n'a pas permis dans notre pays de favoriser l'emploi des autres catégories et notamment des jeunes.
Les expériences européennes soulignent, bien au contraire, que les pays qui ont réussi à relever le taux d'emploi des salariés âgés sont aussi ceux qui ont réussi à faire baisser le chômage. Je pense par exemple à la Finlande, aux Pays-Bas ou au Danemark.
Cette manifestation est l'occasion d'insister sur l'engagement actif du Gouvernement français en faveur de l'emploi des seniors. Comme l'a souligné Peter Stub Jorgensen, tout à l'heure, c'est un objectif dans le cadre de la stratégie européenne de l'emploi et la Commission européenne nous invite dans le dernier rapport conjoint sur l'emploi à définir une stratégie globale détaillée en la matière. Certes beaucoup reste à faire, mais nous ne partons pas de zéro, loin s'en faut.
Pour ce faire, le gouvernement s'est engagé depuis maintenant plus de deux ans dans une politique volontariste de réformes visant à améliorer le maintien et le retour à l'emploi des personnes de plus de 50 ans.
3- Politiques mises en uvre
Nous avons agi dans plusieurs directions : incitation individuelles à l'allongement de la vie active, formation tout au long de la vie pour favoriser l'adaptabilité, conditions de travail, amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi et renforcement de la solidarité intergénérationnelle au travers de la loi de cohésion sociale.
D'une part, nous avons considérablement limité l'accès aux préretraites publiques et privées. Nous avons également souhaité favoriser le maintien en activité des salariés âgés. La loi de 2003, sur la réforme des retraites, offre à cet égard de nouveaux outils. Je pense à la création d'une surcôte, à la réforme des conditions de mise à la retraite d'office, à la refonte de la retraite progressive ou encore à l'assouplissement des conditions du cumul entre emploi et retraite.
Ce maintien dans l'emploi est aussi encouragé par un accès renforcé à la formation professionnelle. En cela, la loi de 2004, sur la formation tout au long de la vie, marque une étape importante. Ce n'est, en effet, que si les salariés sont formés tout au long de la vie qu'ils seront réellement armés pour la seconde partie de leur vie professionnelle. Les avancées de la réforme sont les nouvelles dispositions de la loi : bilan de compétences obligatoire après 20 ans de carrière, priorité d'accès à la validation des acquis de l'expérience après 45 ans, mise en place des période de professionnalisation, etc. Parallèlement, l'Etat a réorienté ses propres outils pour appuyer le développement de la formation en faveur des salariés âgés : rénovation des instruments de la politique contractuelle, refonte du dispositif d'appui conseil.
Le maintien en activité des personnes de plus de 50 ans suppose aussi l'adaptation de leurs conditions de travail. L'amélioration des conditions de travail, l'organisation du travail et la qualité de vie au travail pour tous les âges sont des éléments qui contribuent à favoriser le maintien dans l'emploi des salariés dans leur seconde partie de carrière. Dans ce cadre, j'ai présenté le plan de santé au travail 2005-2009, le 17 février 2005, qui prévoit notamment la création d'une agence publique de la santé au travail, le renforcement de l'efficacité du contrôle du respect de la réglementation, par une présence accrue des services de l'Etat sur le terrain et des efforts de formations à leur intention, et la promotion de la culture de prévention en entreprise (par le biais notamment de contrats d'objectifs conclus avec les services de santé au travail).
J'ai en définitive la conviction que ce sont les conditions d'emploi des salariés avant 50 ans qui favoriseront leur maintien ou leur retour dans l'emploi en fin de carrière. Il nous faut donc agir de manière coordonnée sur une multiplicité de leviers.
Mais, au-delà du maintien dans l'emploi, nous avons aussi voulu favoriser le retour à l'emploi des plus de 50 ans en dynamisant le marché du travail. Ce sont aussi les acteurs et les partenaires du service public de l'emploi qui se mobilisent autour de cet objectif.
Il m'apparaît important de rappeler que les réformes entreprises offrent d'ores et déjà de premiers outils. Il nous appartient à tous de nous en saisir.
4- Les expériences d'Equal en Europe à l'origine de l'Agora
Philosophie des projets
Les projets conduits dans le cadre d'Equal, dont les diagnostics et les travaux ont été à la source de cette manifestation, ont constitué un terrain fertile d'expérimentation et d'innovation. Ces projets cofinancés par l'Union européenne, depuis 2001, ont expérimenté des solutions innovantes pour lutter contre toutes les discriminations sur le marché du travail et notamment celles liées à l'âge, pour favoriser le maintien des seniors dans l'emploi.
Dans la logique expérimentale d'Equal, ces projets ont joué pleinement leur rôle de laboratoire de la gestion active des âges et ont montré qu'il fallait également développer le lien intergénérationnel. Il ne faut pas, en effet, opposer les générations mais les faire travailler ensemble, chacune enrichissant l'autre. Ces projets ont réussi à susciter des prises de conscience et à éveiller un intérêt de la part d'acteurs jusqu'alors peu impliqués. Ils ont pu élaborer et tester de nouvelles activités pour les seniors, imaginer des méthodes de gestion de la mi-carrière et de transmission des savoirs adaptées au contexte du monde moderne, rénover astucieusement le concept du tutorat.
Progressivement, des organisations du travail mieux adaptées au vieillissement se sont mises en place. Ces projets ont ainsi fait la démonstration que, loin d'être un handicap pour l'entreprise, " l'expérience est capitale ".
Plusieurs expérimentations m'ont ainsi semblé particulièrement intéressantes et par exemple :
- Le projet irlandais qui a mis en place une agence de recrutement gérée par des seniors pour des seniors, pour mieux faire circuler l'information entre les travailleurs expérimentés qui cherchent du travail et les employeurs qui recrutent ; il est vrai que les irlandais traitent la question de l'âge en se fondant sur la diversité. Et, pour former les employeurs à la diversité, un projet Equal a conçu un outil de diagnostic en ligne. Cet outil permet aux responsables des ressources humaines de s'assurer que leur gestion du personnel est conforme aux obligations légales en matière de non-discrimination et de connaître les meilleures pratiques ;
- Les projets finlandais se préoccupent, quant à eux, de la meilleure façon de bien vieillir au travail. Un projet Equal organise même des cours de formation destinés aux salariés pour leur apprendre à rester le plus longtemps possible actifs et en bonne santé. La formation est également une priorité : avec le programme Noste, 400 000 finlandais de 25 à 59 ans retournent sur les bancs de l'école, pour donner une chance à ceux qui ont quitté le lycée à 16 ans de compléter leur éducation. La Finlande et la Grèce ont même travaillé de concert pour élaborer une méthode commune de transfert des savoirs entre les seniors et les jeunes générations dans le secteur de la construction navale.
- En Espagne, dans le secteur de la conserverie, un projet Equal a concentré ses actions sur des femmes, de plus de 45 ans, dont le niveau de formation ne leur permettait pas d'accéder aux formations traditionnelles de l'entreprise. En créant une salle de classe virtuelle, le projet a permis de motiver ces femmes, de leur redonner confiance en elle mêmes pour les inciter à se former et à utiliser davantage les outils informatiques.
- Dans la région de Trieste, un projet italien a créé un modèle de réintégration des seniors au chômage sur le marché de l'emploi. A Turin, un projet expérimente la validation de toute l'expérience professionnelle des seniors depuis le début de leur vie au travail.
- En Pologne, entrée ans l'Union européenne depuis un peu plus d'un an seulement, les tous nouveaux projets Equal semblent également très prometteurs.
Que faire de ces expériences ?
Toutes ces expériences méritent d'être largement diffusées, c'est aussi l'un des objectifs du programme Equal, car elle sont sources d'inspiration et d'échanges dans le cadre des politiques nationales en faveur du vieillissement actif. Cette agora aura permis de faire largement connaître la richesse des expérimentations que le Fonds social européen a contribué à mettre en uvre.
Je crois possible de tirer des enseignements de ces expériences, tant pour enrichir et faire évoluer la politique du gouvernement, que pour aider les agents à prendre conscience et à donner corps à une action résolue en matière de vieillissement actif. En effet, il n'y a pas de modèle unique de réussite, et les politiques sont stériles si les acteurs n'en partagent pas les enjeux et ne peuvent se les approprier.
On peut donc, me semble-t-il, identifier des facteurs de succès en observant les pays ayant réussi à relever sensiblement le taux d'emploi des seniors dans les années récentes. C'est pourquoi la manifestation d'aujourd'hui est importante. Car elle a permis de démontrer, de manière très concrète, les résultats des expériences conduites tant du point de vue des entreprises que des individus et des territoires sur la base de partenariats européens.
C'est en effet, en mettant l'accent sur l'évolution des mentalités, et la lutte contre les discriminations, c'est en mobilisant activement les services de l'emploi, c'est en traitant simultanément d'amélioration des conditions de travail, d'accès à la formation, d'assouplissement des organisations du travail, c'est en donnant la priorité à une politique active de l'emploi pour l'ensemble des classes d'âge que l'on progresse pour l'emploi des seniors. En effet, c'est en s'engageant dans des stratégies globales de vieillissement actif que nous pourrons progresser.
De fait, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Les politiques mise en uvre par le Gouvernement français depuis plusieurs années ouvrent une voie dans laquelle les acteurs doivent s'inscrire avec imagination en reprenant à leur compte les expériences réussies chez nos partenaires européens.
Nous ne pouvons nous limiter à une approche strictement centrée sur les seniors. Cela reviendrait en définitive à déplacer les difficultés d'une classe d'âge vers une autre. Je crois au contraire qu'il nous faut aborder les différentes problématiques de manière transversale concernant tous les âges.
5- La suite pour le gouvernement
Comme vous le savez le Premier ministre, dans son discours de politique général, a réinsisté avec force sur notre objectif pour les mois à venir. Il est très clair : tout faire pour lever les obstacles à l'embauche et au maintien des seniors dans l'emploi.
Ce message politique me conforte dans l'action que j'ai entrepris. Je mesure aussi pleinement l'ampleur de la tâche qui nous reste à accomplir. C'est pourquoi, avec Jean-Louis Borloo, nous avons décidé, dès notre entrée en fonctions, d'inscrire la question des seniors en tête de nos préoccupations. Et, pour cela, nous avons retenu une méthode : celle du dialogue social.
Nous avons donc consulté les partenaires sociaux pour voir avec eux s'ils souhaitaient engager une négociation interprofessionnelle sur ce sujet. Je me félicite qu'ils aient répondu à l'invitation du Gouvernement, faisant en cela la preuve de leur sens des responsabilités. L'Etat prendra aussi, le Premier ministre l'a rappelé, ses responsabilités au vu des résultats des négociations. La démarche de l'Etat et celle des partenaires sociaux ont bien vocation à converger et se compléter afin d'assurer une mobilisation générale en faveur d'une remontée substantielle du taux d'emploi des seniors. Soyons clairs. Je souhaite que les leviers d'action qui seront examinés dans ce cadre le soient sans tabou. Je considère en effet que les pistes que nous avons à explorer doivent l'être tout à la fois de manière large et de manière exhaustive.
Vous le voyez, beaucoup a déjà été fait. Mais beaucoup reste à faire. Dans tous les pays confrontés au vieillissement démographique, il s'agit de procéder à une véritable " révolution culturelle ", c'est dire l'ampleur de la tâche. Voilà pourquoi nous engagerons d'ici la fin de l'année une grande campagne nationale d'information et de sensibilisation pour montrer que les seniors sont une richesse pour l'emploi et l'économie. Il faut mettre à bas les préjugés et valoriser l'expérience. Nous devons faire en sorte de bâtir un nouveau consensus social.
Vos travaux d'aujourd'hui participent pleinement de cette démarche. Vos débats ont ainsi été l'occasion d'examiner dans le détail, au delà des expériences et des méthodes, les différents leviers d'actions, mais aussi de rappeler l'importance des défis à venir.
Voilà pourquoi je souhaitais vous remercier pour votre implication, avec bien entendu une mention toute particulière pour la Dgefp et la Dagemo en lien avec la Commission européenne et avec l'appui de l'assistance technique nationale du Fonds social européen, Racine, pour avoir organisé cette manifestation.
Je souhaite également remercier l'ensemble des 150 intervenants et des 500 participants venus témoigner de leur action des quatre coins de l'Europe qui agissent au quotidien pour valoriser l'expérience. Je salue aussi les journalistes, présents aujourd'hui, qui relayeront les conclusions de ces journées centrées sur : l'expérience est capitale.
Je remercie aussi l'ensemble des équipes techniques, aménagement de l'espace, son, lumières, accueil, éditions qui sont associées à la réussite de cette Agora et bien sur les interprètes qui ont facilité les échanges durant cette manifestation.
Je tiens à ce sujet à vous féliciter pour la qualité de la conception et la scénographie de cette manifestation et en particulier le choix de " l'arbre des rencontres " aux feuilles de Matisse (un festival de couleur réalisé dans la toute dernière partie de sa vie) une référence au temps et aux racines comme un signal, un symbole, une matérialisation des idées exprimées...
Nul doute, en effet, que cette manifestation, promise à une large diffusion européenne, constituera une étape de référence pour l'emploi des seniors en France comme en Europe.
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 27 juin 2005)