Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. J.-F. Mattei, bonjour !
- "Bonjour !"
Q- Aujourd'hui, une pétition et quelques manifestants pour protester contre votre plan : " Hôpital horizon 2007 " Mais auparavant Europe 1 a donné une information. D'après P. Douste-Blazy, le plus grand centre anti-cancer devrait être construit à Toulouse. Est-ce que vous confirmez ?
R- "Je confirme que Toulouse a de très grands projets dans le domaine du cancer avec les nouvelles technologies, et que naturellement il y a ces projets, et notamment sur la zone AZF. Toulouse prend, là, une vocation très importante dans le Plan cancer, et va s'intégrer avec toute sa place dans le grand cancéro-pôle du Sud-Ouest, de Montpellier à Bordeaux. Mais des cancéro-pôles, nous en avons pour l'instant, 7 en France, qui commencent à se dessiner. On en a entre Marseille et Nice, on en a dans la région Rhône-Alpes, on en a dans le grand Ouest, Paris Ile-de-France naturellement. Bref, il y en aura 7 au total, c'est un élément essentiel du Plan cancer."
Q- Et cela commence quand ?
R- "Et cela commence tout de suite, c'est fait. D'ailleurs puisqu'on commence à l'annoncer, les projets sont là. Nous avons eu la réponse de ces cancéro-pôles qui ont candidaté, qui ont été retenus. Le projet est lancé, nous ne sommes plus dans le projet, nous sommes dans la réalisation."
Q- Et sur le terrain de l'AZF avec la catastrophe etc, et cela va commencer ?
R- "Et cela va commencer, c'est lancé."
Q- Alors il y a des manifestations aujourd'hui, je crois que c'est la troisième fois que l'on manifeste, je ne sais pas si cela sera aussi important que d'habitude, c'est-à-dire qu'il y avait peu de monde auparavant. On vous reproche de casser l'hôpital public avec votre tarification des activités.
R- "Je pense au contraire que nous faisons tout ce qui est nécessaire pour sauver l'hôpital. L'hôpital jusqu'à présent était financé par une dotation globale, un budget global venu de l'Etat. Et il était utilisé dans la plus parfaite opacité et quelquefois au mois d'octobre, l'argent venait à manquer. Certaines prothèses de hanche étaient reportées au mois de janvier, certaines interventions lourdes étaient reportées, et les hôpitaux les plus dynamiques étaient contraints et freinés dans leur progression."
Q- Donc là, on avantage les hôpitaux qui ont des activités et des secteurs dynamiques. Et ceux qui ne les auront pas, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Parce qu'on vous dit - il y a tout un dossier spécial de L'Humanité, aujourd'hui - il va fermer, il a des arrière-pensées, Mattei ?
R- "Ecoutez, la santé n'est pas une marchandise, un hôpital n'est pas une entreprise à caractère industriel ou commercial, mais néanmoins, c'est de l'argent public, il faut que chaque euro dépensé soit un euro utile. Et donc ces hôpitaux, qui auront quelques difficultés, seront accompagnés par une mission d'expertise, et ils reviendront vers une meilleure gestion. Je pense d'ailleurs que les esprits sont en train de mûrir sur le sujet. Je vous rappelle que la tarification en activité a été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat, que c'était pratiquement le consensus sur ce système nouveau."
Q- La plupart des syndicats ont signé votre plan, j'ai noté en lisant Le Figaro qu'un des plus importants et les plus hostiles, l'INPH, cela doit vouloir dire
R- "C'est l'Intersyndical national des praticiens hospitaliers."
Q- ... A signé hier soir, et pourtant il y a un malaise, il faut bien quand même le reconnaître.
R- "Attendez, je ne le nie pas, et je suis moi-même praticien hospitalier, médecin des hôpitaux. Il y a encore deux ans, j'ai bien vu"
Q- D'ailleurs le malaise, vous le vivez-vous, non ?
R- "J'ai bien vu que j'avais moins d'internes, j'ai bien vu que j'avais moins de personnels, j'ai bien vu qu'il y avait de la difficulté pour fonctionner, et je comprends parfaitement le malaise exprimé encore aujourd'hui par un grand nombre de patrons, de médecins, de praticiens dans nos hôpitaux."
Q- Exemple : le professeur Grimaldi, de la Pitié-Salpetrière - il écrit beaucoup lui - il adresse aujourd'hui une lettre au président de la République, elle est publiée par Le Figaro. Il manque de personnel médical, de spécialiste et d'interne surtout. Comment peut-on faire fonctionner des hôpitaux ?
R- "Mais M. Elkabbach, le professeur Grimaldi - et tous les signataires - exprime une réalité, JE LE SAIS. Alors qu'est-ce qu'il demande ? Il demande de regrouper les activités médicales sous forme de pôle, c'est le coeur de la réforme " Hôpital 2007 " qui est lancée avec la nouvelle gouvernance.... "
Mais alors, il n'a pas lu ? Il ne sait pas ?
R- "... C'est-à-dire les nouvelles responsabilités. Il demande d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine, je les ai augmentés de 900 et je ferai d'autant dans les deux années qui viennent, plus 1800. Ensuite, troisièmement, il demande à ce qu'on embauche des médecins, j'ai créé 2.750 postes, mais ils ne sont pas tous pourvus, car quand on n'a pas assez de médecins, ils ne viennent pas occuper les postes créés. Et enfin, il me demande que les médecins arrivés à 65 ans puissent prolonger d'un, deux ou trois ans leurs activités professionnelles, cela a été voté au Sénat le 15 janvier. Il a donc satisfaction."
Q- Il écrit au président de la République - c'est apparemment une constante de l'esprit des pratiques françaises. On en appelle au sommet, à la bénédiction sacrée et magique du roi, comme si, bon bref ! Mais il y a aussi une menace et on a l'impression que comme chez les chercheurs, il y a une sorte d'exemple qui est en train de jouer : c'est démission, contagion, démission, contagion, il n'y a pas ce risque ?
R- "C'est-à-dire qu'on a peut-être un effet pervers désormais de la démocratie, car désormais, tout le monde veut sur chaque question s'exprimer en se regroupant. C'est vrai que la mode est aux pétitions et menace de démission, selon un système pyramidal qui commence par aboutir au ministre, puis au Premier ministre et puis au président de la République. Il faut quand même essayer de régler les problèmes entre nous, et je vous assure que nous nous y employons."
Q- Alors l'heure de la réforme de l'assurance maladie approche, vous avez commencé la phase de concertation sur la base du rapport très intéressant de B. Fragonard qui était venu, un comité de 53 personnes, quand la réforme sera-t-elle prête d'abord ?
R- "Eh bien, nous aurons un texte d'orientation à partir duquel nous engagerons des négociations courant avril. Depuis plusieurs mois, je suis à la manoeuvre, avec les représentants des salariés, les représentants des employeurs, les professionnels de santé, les associations de patients..."
Q- Oui, mais pourquoi faire ? Est-ce que ce sera la dernière fois qu'on nous dira, une réforme de l'assurance maladie.
R- "Non, je ne dirai pas ça, parce que nos sociétés évoluent, les systèmes de protection évoluent, et je ne suis pas sûr que nous aurons le grand soir de la Sécurité sociale. Nous avons, en revanche, besoin d'adapter notre protection contre la maladie, notre système de santé, et cette réforme, elle est indispensable et elle se fera avant l'été."
Q- Avant l'été ?
R- "Avant l'été !"
Q- Elle sera votée ?
R- "Elle sera votée !"
Q- Et appliquée à la rentrée ?
R- "Et appliquée à la rentrée, progressivement, parce que quand vous faites des réformes sur les installations de médecins, sur les modalités d'exercices, il vous faut du temps."
Q- Au détriment de qui elle se fera ?
R- "Elle se fera au bénéfice des malades."
Q- Des malades, de la société française !
R- "Mais oui, parce que notre seul but, c'est de soigner les malades."
Q- Mais est-ce que vous nous confirmez que chacun devra y mettre un peu du sien ?
R- "Chacun devra s'y impliquer, chacun devra assumer sa responsabilité..."
Q- Mettre du sien et de sa poche.
R- "Et chacun devra comprendre, et vous savez, je viens de parcourir l'Allemagne, les Pays-Bas, le Québec, j'ai invité les ministres de la Santé des pays de l'OCDE, c'est-à-dire les pays les plus avancés sur le plan économique, les soins coûtent de plus en plus cher. La santé coûte de plus en plus cher, la part des dépenses de santé sera croissante de manière inéluctable."
Q- Mais regardez, la une du Point aujourd'hui : " la vérité sur les médecins : prescriptions, arrêts de travail.... Arrêts de travail, j'ai noté que c'est 16 milliards d'euros par an, l'équivalent de 300 Airbus A320. Des dépenses, 11 milliards aujourd'hui d'euros de déficit, des dépenses en progression de 6 à 7% par an. Le titre du Point : " abusent-ils ? "
R- "Oui, mais je ne suis pas favorable à la politique des boucs émissaires."
Q- Mais il y a des abus !
R- "Il y a des abus c'est vrai, mais pas toujours ceux que l'on montre. Ils contribuent pour certains, mais il y a aussi des patients, des usagers du système qui abusent et on ne peut pas dire non plus que les administrations simplifient toujours la tâche, et on ne peut pas dire que l'Etat soit très clair dans ses responsabilités ou ses interventions."
Q- D'accord, le patient, il abuse, mais il va chercher une ordonnance chez quelqu'un qui la lui signe, qui fait des prescriptions. J.-F. Mattei, est-ce que la vraie réforme de la Sécurité sociale, elle ne commence pas d'abord par la réforme de l'Etat, en fonction de ses missions ?
R- "Elle implique la réforme de l'Etat. L'Etat ne doit plus s'occuper de tout. L'Etat doit être une garantie, la garantie de l'égalité d'accès aux soins pour tous, tout le monde doit pouvoir être soigné."
Q- Oui, mais c'est le contraire, parce qu'aujourd'hui l'Etat gère l'hôpital, le médicament, un peu tout et la CNAM de J.-M. Spaeth s'occupe des médecins de ville, il devrait y avoir une continuité. Donc on a l'impression que l'Etat devrait plus déléguer.
R- "C'est tout l'enjeu, il faut naturellement que l'Etat garantisse mais ne gère plus. L'hôpital est une question particulière, puisqu'il appartient à la fonction publique hospitalière. Mais il faut en tout cas articuler véritablement, et mettre en cohérence la ville et l'hôpital, mais c'est un enjeu considérable, c'est une réforme considérable. C'est d'ailleurs pour ça que je la prépare depuis plusieurs mois et qu'il va bien falloir très rapidement que nous trouvions une solution. Je la voudrais la plus consensuelle possible."
Q- Mais cela va être dur. J.-P. Raffarin et vous-même, J.-F. Mattei, vous répétez souvent : ni étatisation, ni privatisation. Cela s'appelle comment alors ?
R- "Cela veut dire que les médecins libéraux n'ont pas vocation à être des fonctionnaires et qu'on ne peut pas étatiser le système. Cela veut dire que les hospitaliers sont des fonctionnaires et qu'ils n'ont pas vocation à être des entreprises privées, et qu'en définitive, ce sont les partenaires sociaux essentiellement, qui doivent, parce que ce sont des cotisations sociales, dans le cadre de la protection sociale, de notre Sécurité sociale à la française, qui doivent prendre leurs responsabilités de gestionnaires."
Q- Un mot. Hier, au Conseil des ministres avec F. Fillon, vous avez parlé de ce que le président de la République appelait l'épreuve nationale, vous, vous disiez une tragédie qui n'est pas prête de s'effacer de votre mémoire, la canicule ! Et vous paraissez d'ailleurs avoir du mal à vous en remettre. Est-ce que vous êtes sûr, vous nous garantissez que cela ne se reproduira plus, M. Mattei ?
R- "Nous sommes en train de terminer la mise au point du Plan anti canicule avec des modifications dans l'alerte et la veille sanitaire. C'est une mobilisation sans précédent, notre pays est capable d'y faire face naturellement. La seule chose, oui, c'est un drame, mais nous n'étions pas préparés à lutter contre"
Q- Est-ce qu'il est vrai que les maisons de retraite ne toucheront pas avant septembre prochain, on l'a dit hier sur EUROPE 1, l'argent promis, qu'elles n'auront ni les lits, ni les personnels, ni les climatiseurs annoncés ?
R- "Ce n'est pas exact, le secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, H. Falco a annoncé que depuis le 1er janvier les crédits étaient débloqués, et je pense que cela va continuer naturellement."
Q- Merci bonne journée, vous êtes optimiste, c'est peut-être l'optimisme des pessimistes, une qualité.
R- "Je suis tonique et actif."
Bonne journée !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2004)
- "Bonjour !"
Q- Aujourd'hui, une pétition et quelques manifestants pour protester contre votre plan : " Hôpital horizon 2007 " Mais auparavant Europe 1 a donné une information. D'après P. Douste-Blazy, le plus grand centre anti-cancer devrait être construit à Toulouse. Est-ce que vous confirmez ?
R- "Je confirme que Toulouse a de très grands projets dans le domaine du cancer avec les nouvelles technologies, et que naturellement il y a ces projets, et notamment sur la zone AZF. Toulouse prend, là, une vocation très importante dans le Plan cancer, et va s'intégrer avec toute sa place dans le grand cancéro-pôle du Sud-Ouest, de Montpellier à Bordeaux. Mais des cancéro-pôles, nous en avons pour l'instant, 7 en France, qui commencent à se dessiner. On en a entre Marseille et Nice, on en a dans la région Rhône-Alpes, on en a dans le grand Ouest, Paris Ile-de-France naturellement. Bref, il y en aura 7 au total, c'est un élément essentiel du Plan cancer."
Q- Et cela commence quand ?
R- "Et cela commence tout de suite, c'est fait. D'ailleurs puisqu'on commence à l'annoncer, les projets sont là. Nous avons eu la réponse de ces cancéro-pôles qui ont candidaté, qui ont été retenus. Le projet est lancé, nous ne sommes plus dans le projet, nous sommes dans la réalisation."
Q- Et sur le terrain de l'AZF avec la catastrophe etc, et cela va commencer ?
R- "Et cela va commencer, c'est lancé."
Q- Alors il y a des manifestations aujourd'hui, je crois que c'est la troisième fois que l'on manifeste, je ne sais pas si cela sera aussi important que d'habitude, c'est-à-dire qu'il y avait peu de monde auparavant. On vous reproche de casser l'hôpital public avec votre tarification des activités.
R- "Je pense au contraire que nous faisons tout ce qui est nécessaire pour sauver l'hôpital. L'hôpital jusqu'à présent était financé par une dotation globale, un budget global venu de l'Etat. Et il était utilisé dans la plus parfaite opacité et quelquefois au mois d'octobre, l'argent venait à manquer. Certaines prothèses de hanche étaient reportées au mois de janvier, certaines interventions lourdes étaient reportées, et les hôpitaux les plus dynamiques étaient contraints et freinés dans leur progression."
Q- Donc là, on avantage les hôpitaux qui ont des activités et des secteurs dynamiques. Et ceux qui ne les auront pas, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Parce qu'on vous dit - il y a tout un dossier spécial de L'Humanité, aujourd'hui - il va fermer, il a des arrière-pensées, Mattei ?
R- "Ecoutez, la santé n'est pas une marchandise, un hôpital n'est pas une entreprise à caractère industriel ou commercial, mais néanmoins, c'est de l'argent public, il faut que chaque euro dépensé soit un euro utile. Et donc ces hôpitaux, qui auront quelques difficultés, seront accompagnés par une mission d'expertise, et ils reviendront vers une meilleure gestion. Je pense d'ailleurs que les esprits sont en train de mûrir sur le sujet. Je vous rappelle que la tarification en activité a été votée à l'Assemblée nationale et au Sénat, que c'était pratiquement le consensus sur ce système nouveau."
Q- La plupart des syndicats ont signé votre plan, j'ai noté en lisant Le Figaro qu'un des plus importants et les plus hostiles, l'INPH, cela doit vouloir dire
R- "C'est l'Intersyndical national des praticiens hospitaliers."
Q- ... A signé hier soir, et pourtant il y a un malaise, il faut bien quand même le reconnaître.
R- "Attendez, je ne le nie pas, et je suis moi-même praticien hospitalier, médecin des hôpitaux. Il y a encore deux ans, j'ai bien vu"
Q- D'ailleurs le malaise, vous le vivez-vous, non ?
R- "J'ai bien vu que j'avais moins d'internes, j'ai bien vu que j'avais moins de personnels, j'ai bien vu qu'il y avait de la difficulté pour fonctionner, et je comprends parfaitement le malaise exprimé encore aujourd'hui par un grand nombre de patrons, de médecins, de praticiens dans nos hôpitaux."
Q- Exemple : le professeur Grimaldi, de la Pitié-Salpetrière - il écrit beaucoup lui - il adresse aujourd'hui une lettre au président de la République, elle est publiée par Le Figaro. Il manque de personnel médical, de spécialiste et d'interne surtout. Comment peut-on faire fonctionner des hôpitaux ?
R- "Mais M. Elkabbach, le professeur Grimaldi - et tous les signataires - exprime une réalité, JE LE SAIS. Alors qu'est-ce qu'il demande ? Il demande de regrouper les activités médicales sous forme de pôle, c'est le coeur de la réforme " Hôpital 2007 " qui est lancée avec la nouvelle gouvernance.... "
Mais alors, il n'a pas lu ? Il ne sait pas ?
R- "... C'est-à-dire les nouvelles responsabilités. Il demande d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine, je les ai augmentés de 900 et je ferai d'autant dans les deux années qui viennent, plus 1800. Ensuite, troisièmement, il demande à ce qu'on embauche des médecins, j'ai créé 2.750 postes, mais ils ne sont pas tous pourvus, car quand on n'a pas assez de médecins, ils ne viennent pas occuper les postes créés. Et enfin, il me demande que les médecins arrivés à 65 ans puissent prolonger d'un, deux ou trois ans leurs activités professionnelles, cela a été voté au Sénat le 15 janvier. Il a donc satisfaction."
Q- Il écrit au président de la République - c'est apparemment une constante de l'esprit des pratiques françaises. On en appelle au sommet, à la bénédiction sacrée et magique du roi, comme si, bon bref ! Mais il y a aussi une menace et on a l'impression que comme chez les chercheurs, il y a une sorte d'exemple qui est en train de jouer : c'est démission, contagion, démission, contagion, il n'y a pas ce risque ?
R- "C'est-à-dire qu'on a peut-être un effet pervers désormais de la démocratie, car désormais, tout le monde veut sur chaque question s'exprimer en se regroupant. C'est vrai que la mode est aux pétitions et menace de démission, selon un système pyramidal qui commence par aboutir au ministre, puis au Premier ministre et puis au président de la République. Il faut quand même essayer de régler les problèmes entre nous, et je vous assure que nous nous y employons."
Q- Alors l'heure de la réforme de l'assurance maladie approche, vous avez commencé la phase de concertation sur la base du rapport très intéressant de B. Fragonard qui était venu, un comité de 53 personnes, quand la réforme sera-t-elle prête d'abord ?
R- "Eh bien, nous aurons un texte d'orientation à partir duquel nous engagerons des négociations courant avril. Depuis plusieurs mois, je suis à la manoeuvre, avec les représentants des salariés, les représentants des employeurs, les professionnels de santé, les associations de patients..."
Q- Oui, mais pourquoi faire ? Est-ce que ce sera la dernière fois qu'on nous dira, une réforme de l'assurance maladie.
R- "Non, je ne dirai pas ça, parce que nos sociétés évoluent, les systèmes de protection évoluent, et je ne suis pas sûr que nous aurons le grand soir de la Sécurité sociale. Nous avons, en revanche, besoin d'adapter notre protection contre la maladie, notre système de santé, et cette réforme, elle est indispensable et elle se fera avant l'été."
Q- Avant l'été ?
R- "Avant l'été !"
Q- Elle sera votée ?
R- "Elle sera votée !"
Q- Et appliquée à la rentrée ?
R- "Et appliquée à la rentrée, progressivement, parce que quand vous faites des réformes sur les installations de médecins, sur les modalités d'exercices, il vous faut du temps."
Q- Au détriment de qui elle se fera ?
R- "Elle se fera au bénéfice des malades."
Q- Des malades, de la société française !
R- "Mais oui, parce que notre seul but, c'est de soigner les malades."
Q- Mais est-ce que vous nous confirmez que chacun devra y mettre un peu du sien ?
R- "Chacun devra s'y impliquer, chacun devra assumer sa responsabilité..."
Q- Mettre du sien et de sa poche.
R- "Et chacun devra comprendre, et vous savez, je viens de parcourir l'Allemagne, les Pays-Bas, le Québec, j'ai invité les ministres de la Santé des pays de l'OCDE, c'est-à-dire les pays les plus avancés sur le plan économique, les soins coûtent de plus en plus cher. La santé coûte de plus en plus cher, la part des dépenses de santé sera croissante de manière inéluctable."
Q- Mais regardez, la une du Point aujourd'hui : " la vérité sur les médecins : prescriptions, arrêts de travail.... Arrêts de travail, j'ai noté que c'est 16 milliards d'euros par an, l'équivalent de 300 Airbus A320. Des dépenses, 11 milliards aujourd'hui d'euros de déficit, des dépenses en progression de 6 à 7% par an. Le titre du Point : " abusent-ils ? "
R- "Oui, mais je ne suis pas favorable à la politique des boucs émissaires."
Q- Mais il y a des abus !
R- "Il y a des abus c'est vrai, mais pas toujours ceux que l'on montre. Ils contribuent pour certains, mais il y a aussi des patients, des usagers du système qui abusent et on ne peut pas dire non plus que les administrations simplifient toujours la tâche, et on ne peut pas dire que l'Etat soit très clair dans ses responsabilités ou ses interventions."
Q- D'accord, le patient, il abuse, mais il va chercher une ordonnance chez quelqu'un qui la lui signe, qui fait des prescriptions. J.-F. Mattei, est-ce que la vraie réforme de la Sécurité sociale, elle ne commence pas d'abord par la réforme de l'Etat, en fonction de ses missions ?
R- "Elle implique la réforme de l'Etat. L'Etat ne doit plus s'occuper de tout. L'Etat doit être une garantie, la garantie de l'égalité d'accès aux soins pour tous, tout le monde doit pouvoir être soigné."
Q- Oui, mais c'est le contraire, parce qu'aujourd'hui l'Etat gère l'hôpital, le médicament, un peu tout et la CNAM de J.-M. Spaeth s'occupe des médecins de ville, il devrait y avoir une continuité. Donc on a l'impression que l'Etat devrait plus déléguer.
R- "C'est tout l'enjeu, il faut naturellement que l'Etat garantisse mais ne gère plus. L'hôpital est une question particulière, puisqu'il appartient à la fonction publique hospitalière. Mais il faut en tout cas articuler véritablement, et mettre en cohérence la ville et l'hôpital, mais c'est un enjeu considérable, c'est une réforme considérable. C'est d'ailleurs pour ça que je la prépare depuis plusieurs mois et qu'il va bien falloir très rapidement que nous trouvions une solution. Je la voudrais la plus consensuelle possible."
Q- Mais cela va être dur. J.-P. Raffarin et vous-même, J.-F. Mattei, vous répétez souvent : ni étatisation, ni privatisation. Cela s'appelle comment alors ?
R- "Cela veut dire que les médecins libéraux n'ont pas vocation à être des fonctionnaires et qu'on ne peut pas étatiser le système. Cela veut dire que les hospitaliers sont des fonctionnaires et qu'ils n'ont pas vocation à être des entreprises privées, et qu'en définitive, ce sont les partenaires sociaux essentiellement, qui doivent, parce que ce sont des cotisations sociales, dans le cadre de la protection sociale, de notre Sécurité sociale à la française, qui doivent prendre leurs responsabilités de gestionnaires."
Q- Un mot. Hier, au Conseil des ministres avec F. Fillon, vous avez parlé de ce que le président de la République appelait l'épreuve nationale, vous, vous disiez une tragédie qui n'est pas prête de s'effacer de votre mémoire, la canicule ! Et vous paraissez d'ailleurs avoir du mal à vous en remettre. Est-ce que vous êtes sûr, vous nous garantissez que cela ne se reproduira plus, M. Mattei ?
R- "Nous sommes en train de terminer la mise au point du Plan anti canicule avec des modifications dans l'alerte et la veille sanitaire. C'est une mobilisation sans précédent, notre pays est capable d'y faire face naturellement. La seule chose, oui, c'est un drame, mais nous n'étions pas préparés à lutter contre"
Q- Est-ce qu'il est vrai que les maisons de retraite ne toucheront pas avant septembre prochain, on l'a dit hier sur EUROPE 1, l'argent promis, qu'elles n'auront ni les lits, ni les personnels, ni les climatiseurs annoncés ?
R- "Ce n'est pas exact, le secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, H. Falco a annoncé que depuis le 1er janvier les crédits étaient débloqués, et je pense que cela va continuer naturellement."
Q- Merci bonne journée, vous êtes optimiste, c'est peut-être l'optimisme des pessimistes, une qualité.
R- "Je suis tonique et actif."
Bonne journée !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mars 2004)