Texte intégral
Question : Dimanche dernier, lors du premier tour des élections régionales, les électeurs ont préféré les listes de gauche à celles de l'UMP qui soutient votre politique. Depuis lundi, vous enchaînez les réunions et les meetings dans la perspective du second tour de dimanche prochain. Pensez-vous vraiment, Jean-Pierre Raffarin, pouvoir inverser la tendance constatée dimanche dernier ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Nous le pensons. Les choses sont évidemment difficiles. Je vous rappelle les chiffres, parce qu'en fait il y a quatre groupes d'électeurs : 8,2 millions UMP/UDF, c'est-à-dire 8 millions 200.000 personnes qui nous font confiance. 8,9 millions PS/PC d'opposition. Puis 5 millions de Français, un peu désespérés, qui voient la société dans une impasse, et qui votent à l'extrême. Et puis 15 millions et demi d'abstentions. A ceux-là, il faut leur dire que la région c'est important, que le socialisme régional c'est un socialisme fiscal, que le socialisme régional ça coûte cher, et ça ne marche pas ! Voilà ce qu'il faut leur dire.
Question : Alors aux abstentionnistes, il faut leur dire : allez voter pour l'UMP ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je vous remercie de ce message.
Question : C'est ce que vous dites hein. C'est un scrutin régional, et on constate dans les régions des différences très fortes. Par exemple : Poitou-Charentes, c'est votre région, Ségolène Royal, 46 %, Elisabeth Morin, 33 %. 13 points d'écart, ça se remonte en une semaine ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ca je ne le sais pas. Nous le verrons.
Question : C'est plutôt non ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il est évident que Ségolène Royal a profité d'une puissance médiatique de qualité et donc elle a bénéficié de cet apport médiatique contre une candidate qui a fait une campagne courageuse, une campagne créative. Vous savez, Ségolène Royal moi je l'ai battue en 92, au point qu'elle ne s'est pas présentée en 98. Donc je suis aujourd'hui parti de cette région pour assumer d'autres responsabilités. Je crois que cette région a été très bien gérée, elle est en tête des hit-parades. Je souhaite qu'elle soit bien gérée. Les régions de gauche sont trop endettées, sont trop surimposées... Ce qui n'avait pas été le cas du Poitou-Charentes, et je souhaite que le Poitou-Charentes garde sa bonne gestion.
Question : Ce mauvais résultat de dimanche dernier était prévisible Jean-Pierre Raffarin, en tout cas, certains l'avaient prévu: au moment des élections, les Français diront au gouvernement que la confiance est compromise, qu'à trop tirer sur le fil, il se rompt, que "résoudre la question sociale ne consiste pas à punir les chômeurs, mais à leur offrir du travail". Vous savez qui a dit ça Jean-Pierre Raffarin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Oh j'ai entendu ça souvent dans la campagne.
Question : Mais vous ne savez pas qui l'a dit ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non.
Question : C'est François Bayrou qui l'a dit. Le 2 mars à la tribune de l'Assemblée Nationale.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ah je ne connais pas tout le Bayrou par coeur. Mais je le vois fort souvent et je porte attention à ce qu'il dit. Ce que je dois dire c'est que, bien sûr qu'il y avait des choses qui pouvaient être prévisibles, puisque deux ans après une élection présidentielle, celui qui a gagné l'élection présidentielle, cette équipe-là, en général, est en difficulté dans des élections qui arrivent ensuite: 74, échec de 76; 81, échec de 83; 95, échec de 97.
Question : Donc c'est normal ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Deux ans, c'est là où on est en chantier, c'est là où on est en réformes, c'est là où on est en mouvement. On n'a pas encore tous les résultats. On a lancé le "plan cancer", on n'a pas tous les résultats de notre plan cancer. On a lancé notre loi pour les personnes handicapées, on n'a pas tous les résultats. On a mené un certain nombre d'actions, actions fortes puisqu'on a mené l'action pour les retraites et là je crois vraiment et je veux dire parce que vous avez employé le mot de "justice sociale", que la justice sociale c'est ce qui nous a permis de faire cette réforme des retraites. Il y a des nouveaux droits pour ceux qui sont partis à 14, à 15, à 16 ans dans le travail, ceux qui se sont engagés très tôt dans le travail, ceux-là doivent partir plus tôt. C'est un nouveau droit social, c'est de la justice sociale. Nous avons fait un certain nombre de réformes. C'est pour ça que quand j'entends la caricature sur la régression sociale, sur ce matraquage, n'oublions pas que si nous sommes aujourd'hui au pouvoir c'est parce que la politique sociale du socialisme a échoué.
Question : "Caricature" disiez-vous. "La question sociale ne consiste pas à punir les chômeurs, mais à leur offrir du travail". François Bayrou a caricaturé votre politique ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je pense qu'il y a un certain nombre de propos qui ont caricaturé notre politique.
Question : J'aimerais vous faire parler de François Bayrou. Vous lui en voulez de la campagne qu'il a menée ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non pas du tout. Pas du tout ! Moi je ne suis pas un homme de rancune. J'ai tendu la main avec Jean-Claude Gaudin à François Bayrou. Nous avons souhaité des listes d'union, il a préféré une logique de primaires. Il parle aujourd'hui de pacte de confiance, moi je suis pour la confiance. La fonction de Premier ministre est une fonction marquée par la confiance. La confiance du chef de l'Etat, la confiance de la majorité. Ma légitimité, c'est le chef de l'Etat, et c'est le vote de confiance de ma majorité. Donc je souhaite la confiance. Et donc je suis attentif à ce que disent les uns et les autres. Mais je suis aussi attentif à ce qu'on puisse dans notre pays se rassembler pour agir. Vous savez, moi je suis un militant de l'union. C'est pour ça que j'ai participé à la création de l'UMP. Pourquoi? Parce que l'union, c'est la condition de l'action. Quand on se divise, quand on se paralyse, quand il y a des "chicaillas", quand il y a des divisions, c'est l'action, c'est-à-dire le service des Français, qui est ralentie. C'est pour ça que je me bats pour l'union, et que je souhaite qu'elle soit la plus large possible.
Question : Dimanche, on dépouillera les urnes. Est-ce que votre sort à Matignon dépend du résultat électoral de dimanche soir Jean-Pierre Raffarin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ecoutez. Vous auriez dû inviter ce matin Jacques Chirac, le président de la République. C'est lui qui désigne le Premier ministre.
Question : S'il veut venir dans la journée, l'invitation est faite.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il vous répondrait. Mais moi ce que j'ai fait : j'ai engagé une politique pour une législature. Je suis chef de la majorité. La majorité elle est construite pour cinq ans. J'ai un programme de travail pour cinq ans. C'est un programme de travail important pour moderniser la société. J'ai trouvé une France en mauvais état. Il faut dire la vérité aux Français, et notamment à tous ceux qui font ce matraquage contre notre action, sociale notamment. J'ai trouvé une France en rupture de croissance. Il y avait 4 % de croissance en 2000, et 0 % de réformes ! Et en 2001, il n'y avait plus que 2 %... et en 2002 : 1 %... Une croissance divisée par quatre ! Un point de croissance, c'est 150.000 emplois ! il y a donc eu des destructions. Il faut reconstruire. L'élan a été cassé par les socialistes, il faut rebâtir, il faut du temps.
Question : L'héritage, toujours l'héritage, c'est difficile à gérer l'héritage.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais ce n'est pas de l'héritage seulement. Vous savez quand vous regardez la situation de l'hôpital aujourd'hui, vous vous rendez compte combien les 35 heures ont eu des effets désastreux sur l'hôpital. Les socialistes n'ont pas anticipé. Par exemple, un sujet qui était pourtant posé dans notre démographie : le vieillissement. Ils n'ont pas traité le dossier des retraites. Ils n'ont pas traité le dossier de l'emploi des seniors. Ils n'ont pas traité le dossier de la santé, et pourtant, le vieillissement ce n'est pas quelque chose de nouveau ! le baby-boom, on le connaît. Et donc il y avait des mesures à prendre. Ils n'ont pas voulu le faire. L'immobilisme a conduit à l'échec. Je suis dans l'action. Cela prend, évidemment, du temps.
Question : Je reviens à la question précédente : êtes vous assuré, Jean-Pierre Raffarin, de rester à Matignon ? Ou admettez-vous l'idée que le président de la République, au vu des résultats, puisse faire cesser votre mission dimanche soir ? Admettez-vous l'idée ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Evidemment. Le Président de la République est en charge de l'essentiel. C'est lui qui choisit le Premier Ministre. Sa légitimité au Premier Ministre, elle dépend du président de la République. J'ai des relations de confiance avec le Président de la République. J'ai des relations de confiance avec ma majorité.
Question : Si six régions sont perdues par la droite, et si l'Ile de France n'est pas gagnée par la gauche, pensez-vous posséder l'autorité nécessaire pour rester à Matignon ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je ne crois pas que des élections territoriales aient des conséquences nationales. Elections territoriales, conséquences territoriales.
Question : Vous maintenez ce point de vue.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Bien sûr. Donc c'est au Président de la République de décider comment nous mènerons la politique que nous avons à mener dans les mois prochains. Ce qui est important, c'est le pacte majoritaire. Ce pacte maintenant, nous sommes en quinquennat, c'est un pacte de cinq ans. Le vrai jugement sur notre politique, sur notre majorité, sera dans cinq ans ! c'est là que nous pourrons voir les résultats en matière d'emploi. La création d'entreprises redémarre, le développement de l'emploi est en train aujourd'hui d'inverser la courge du chômage. J'ai entendu ce qu'ont dit les Français. J'ai entendu les souffrances, j'ai entendu les inquiétudes, j'ai entendu aussi les irritations. Je suis à l'écoute de la société française, je sais qu'il faut aller plus vite dans un plus grand nombre de domaines. Je suis prêt à m'engager, si le Président de la République le souhaite.
Question : Si vous écoutez tout le monde, il ne vous a pas échappé que ces derniers jours Nicolas Sarkozy parle comme un futur Premier Ministre. Il évoque "un nouvel horizon" qu'il serait nécessaire selon lui de montrer aux Français. Comment recevez-vous ce suractivisme de Nicolas Sarkozy pendant cette semaine ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : J'y suis habitué. Nicolas Sarkozy est très actif. Il a toujours parlé avec autorité.
Question : Comme un Premier ministre. C'est terrible, c'est rare de voir ça.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais écoutez, réjouissons-nous qu'il y ait des gens de qualité au sein de mon gouvernement. L'ensemble des équipes ce soir, naturellement Nicolas Sarkozy, qui a fait preuve d'efficacité, et aussi de popularité. Je pense à beaucoup d'autres : à Dominique de Villepin, à François Fillon, à quelques autres. Nous avons une équipe de qualité.
Question : Non. Nicolas Sarkozy est un peu au-dessus de tout le monde, et quand il parle "d'un nouvel horizon".
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il a une place spéciale parce qu'il a une réussite exceptionnelle, et je travaille bien avec lui.
Question : Vous le sentez ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Vous ne nous opposerez pas ! Nous sommes dans une équipe, cette équipe, elle fonctionne. Ca fait deux ans que je travaille sur des dossiers particulièrement difficiles. Ensemble nous avons traité le problème de l'insécurité. Ca a été l'un de nos premiers textes. Nos prédécesseurs avaient mésestimé, sous-estimé l'insécurité. Et l'insécurité notamment qui touche les plus faibles. Avec Nicolas Sarkozy nous avons bâti cette politique. Il est normal que Nicolas Sarkozy, avec la popularité, avec l'efficacité qu'il a, parle avec autorité !
Question : Nicolas Sarkozy parle avec autorité. Et il y ait engagé par Bernadette Chirac, qui lui dit : "heureusement qu'on vous a". Elle dit ça à Nicolas Sarkozy, elle ne vous le dit pas à vous Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Elle n'a pas tort. Mais vous savez, quelquefois...
Question : Ca vous blesse ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Les relations d'affection vous savez, pour moi, elles sont discrètes.
Question : Ce qui veut dire que nous ne saurons pas ce que Bernadette Chirac vous dit.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Eh bien écoutez, moi je ne mets pas sur la scène publique des relations qui me sont "personnelles". La relation avec Mme Bernadette Chirac n'est pas une relation politique. C'est une relation personnelle. Et j'ai pour elle, respect et affection.
Question : Les ministres mercredi vous ont trouvé, et ils l'on dit, "fatigué, l'air un peu abattu au conseil des ministres".
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Est-ce que j'ai l'air abattu Monsieur Aphatie ce matin ? est-ce que j'ai l'air abattu, et pourtant encore hier soir j'étais en meeting très tard. Et j'ai parlé de ce que j'ai à la fois comme projets, et également de nos positions sur les socialistes.
Question : Ce matin vous êtes en forme Jean-Pierre Raffarin. Mais dans les semaines, avez-vous douté ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais, je me bats. Vous vous rendez compte de ce que c'est la vie d'un premier ministre ? Le jour, tous les dossiers, les dossiers difficiles, les dossier internationaux, la lutte contre le terrorisme, le développement de l'emploi, les grands acteurs industriels pour construire une industrie pharmaceutique dans notre pays à la hauteur de nos ambitions. Tout ce travail-là, gouvernemental, le jour. Et la nuit, un jour Troyes, l'autre jour Limoges, après, Bordeaux. Tout ceci, naturellement, fait que les nuits sont courtes ! mais je peux vous dire que j'ai du coeur à l'ouvrage. Et que je ne me démonte pas facilement ! J'ai de la résistance ! J'ai appris ça au rugby ! il faut être vaillant. Je suis de cette culture !
Question : D'un mot : Alain Duhamel disait que le service minimum au sortir de ces élections c'était un vaste remaniement. Vous êtes d'accord avec Alain Duhamel ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : D'abord je suis favorable au service minimum.
Question : Premier point. Deuxième point ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : C'est au Président de la République de le dire. Je crois qu'il est important que nous puissions engager une nouvelle mobilisation de notre gouvernement sur des objectifs précis. Je pense notamment à la cohésion sociale. Un, on a fait l'autorité républicaine. il fallait la rétablir. Deux, on a permis le retour de la croissance. Nous sommes sur le rythme de 2 % de croissance. Aujourd'hui, nous avons les moyens de mettre la justice sociale et la cohésion sociale au coeur des priorités gouvernementales
(source http://www.u-m-p.org, le 26 mars 2004)
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Nous le pensons. Les choses sont évidemment difficiles. Je vous rappelle les chiffres, parce qu'en fait il y a quatre groupes d'électeurs : 8,2 millions UMP/UDF, c'est-à-dire 8 millions 200.000 personnes qui nous font confiance. 8,9 millions PS/PC d'opposition. Puis 5 millions de Français, un peu désespérés, qui voient la société dans une impasse, et qui votent à l'extrême. Et puis 15 millions et demi d'abstentions. A ceux-là, il faut leur dire que la région c'est important, que le socialisme régional c'est un socialisme fiscal, que le socialisme régional ça coûte cher, et ça ne marche pas ! Voilà ce qu'il faut leur dire.
Question : Alors aux abstentionnistes, il faut leur dire : allez voter pour l'UMP ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je vous remercie de ce message.
Question : C'est ce que vous dites hein. C'est un scrutin régional, et on constate dans les régions des différences très fortes. Par exemple : Poitou-Charentes, c'est votre région, Ségolène Royal, 46 %, Elisabeth Morin, 33 %. 13 points d'écart, ça se remonte en une semaine ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ca je ne le sais pas. Nous le verrons.
Question : C'est plutôt non ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il est évident que Ségolène Royal a profité d'une puissance médiatique de qualité et donc elle a bénéficié de cet apport médiatique contre une candidate qui a fait une campagne courageuse, une campagne créative. Vous savez, Ségolène Royal moi je l'ai battue en 92, au point qu'elle ne s'est pas présentée en 98. Donc je suis aujourd'hui parti de cette région pour assumer d'autres responsabilités. Je crois que cette région a été très bien gérée, elle est en tête des hit-parades. Je souhaite qu'elle soit bien gérée. Les régions de gauche sont trop endettées, sont trop surimposées... Ce qui n'avait pas été le cas du Poitou-Charentes, et je souhaite que le Poitou-Charentes garde sa bonne gestion.
Question : Ce mauvais résultat de dimanche dernier était prévisible Jean-Pierre Raffarin, en tout cas, certains l'avaient prévu: au moment des élections, les Français diront au gouvernement que la confiance est compromise, qu'à trop tirer sur le fil, il se rompt, que "résoudre la question sociale ne consiste pas à punir les chômeurs, mais à leur offrir du travail". Vous savez qui a dit ça Jean-Pierre Raffarin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Oh j'ai entendu ça souvent dans la campagne.
Question : Mais vous ne savez pas qui l'a dit ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non.
Question : C'est François Bayrou qui l'a dit. Le 2 mars à la tribune de l'Assemblée Nationale.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ah je ne connais pas tout le Bayrou par coeur. Mais je le vois fort souvent et je porte attention à ce qu'il dit. Ce que je dois dire c'est que, bien sûr qu'il y avait des choses qui pouvaient être prévisibles, puisque deux ans après une élection présidentielle, celui qui a gagné l'élection présidentielle, cette équipe-là, en général, est en difficulté dans des élections qui arrivent ensuite: 74, échec de 76; 81, échec de 83; 95, échec de 97.
Question : Donc c'est normal ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Deux ans, c'est là où on est en chantier, c'est là où on est en réformes, c'est là où on est en mouvement. On n'a pas encore tous les résultats. On a lancé le "plan cancer", on n'a pas tous les résultats de notre plan cancer. On a lancé notre loi pour les personnes handicapées, on n'a pas tous les résultats. On a mené un certain nombre d'actions, actions fortes puisqu'on a mené l'action pour les retraites et là je crois vraiment et je veux dire parce que vous avez employé le mot de "justice sociale", que la justice sociale c'est ce qui nous a permis de faire cette réforme des retraites. Il y a des nouveaux droits pour ceux qui sont partis à 14, à 15, à 16 ans dans le travail, ceux qui se sont engagés très tôt dans le travail, ceux-là doivent partir plus tôt. C'est un nouveau droit social, c'est de la justice sociale. Nous avons fait un certain nombre de réformes. C'est pour ça que quand j'entends la caricature sur la régression sociale, sur ce matraquage, n'oublions pas que si nous sommes aujourd'hui au pouvoir c'est parce que la politique sociale du socialisme a échoué.
Question : "Caricature" disiez-vous. "La question sociale ne consiste pas à punir les chômeurs, mais à leur offrir du travail". François Bayrou a caricaturé votre politique ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je pense qu'il y a un certain nombre de propos qui ont caricaturé notre politique.
Question : J'aimerais vous faire parler de François Bayrou. Vous lui en voulez de la campagne qu'il a menée ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Non pas du tout. Pas du tout ! Moi je ne suis pas un homme de rancune. J'ai tendu la main avec Jean-Claude Gaudin à François Bayrou. Nous avons souhaité des listes d'union, il a préféré une logique de primaires. Il parle aujourd'hui de pacte de confiance, moi je suis pour la confiance. La fonction de Premier ministre est une fonction marquée par la confiance. La confiance du chef de l'Etat, la confiance de la majorité. Ma légitimité, c'est le chef de l'Etat, et c'est le vote de confiance de ma majorité. Donc je souhaite la confiance. Et donc je suis attentif à ce que disent les uns et les autres. Mais je suis aussi attentif à ce qu'on puisse dans notre pays se rassembler pour agir. Vous savez, moi je suis un militant de l'union. C'est pour ça que j'ai participé à la création de l'UMP. Pourquoi? Parce que l'union, c'est la condition de l'action. Quand on se divise, quand on se paralyse, quand il y a des "chicaillas", quand il y a des divisions, c'est l'action, c'est-à-dire le service des Français, qui est ralentie. C'est pour ça que je me bats pour l'union, et que je souhaite qu'elle soit la plus large possible.
Question : Dimanche, on dépouillera les urnes. Est-ce que votre sort à Matignon dépend du résultat électoral de dimanche soir Jean-Pierre Raffarin ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Ecoutez. Vous auriez dû inviter ce matin Jacques Chirac, le président de la République. C'est lui qui désigne le Premier ministre.
Question : S'il veut venir dans la journée, l'invitation est faite.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il vous répondrait. Mais moi ce que j'ai fait : j'ai engagé une politique pour une législature. Je suis chef de la majorité. La majorité elle est construite pour cinq ans. J'ai un programme de travail pour cinq ans. C'est un programme de travail important pour moderniser la société. J'ai trouvé une France en mauvais état. Il faut dire la vérité aux Français, et notamment à tous ceux qui font ce matraquage contre notre action, sociale notamment. J'ai trouvé une France en rupture de croissance. Il y avait 4 % de croissance en 2000, et 0 % de réformes ! Et en 2001, il n'y avait plus que 2 %... et en 2002 : 1 %... Une croissance divisée par quatre ! Un point de croissance, c'est 150.000 emplois ! il y a donc eu des destructions. Il faut reconstruire. L'élan a été cassé par les socialistes, il faut rebâtir, il faut du temps.
Question : L'héritage, toujours l'héritage, c'est difficile à gérer l'héritage.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais ce n'est pas de l'héritage seulement. Vous savez quand vous regardez la situation de l'hôpital aujourd'hui, vous vous rendez compte combien les 35 heures ont eu des effets désastreux sur l'hôpital. Les socialistes n'ont pas anticipé. Par exemple, un sujet qui était pourtant posé dans notre démographie : le vieillissement. Ils n'ont pas traité le dossier des retraites. Ils n'ont pas traité le dossier de l'emploi des seniors. Ils n'ont pas traité le dossier de la santé, et pourtant, le vieillissement ce n'est pas quelque chose de nouveau ! le baby-boom, on le connaît. Et donc il y avait des mesures à prendre. Ils n'ont pas voulu le faire. L'immobilisme a conduit à l'échec. Je suis dans l'action. Cela prend, évidemment, du temps.
Question : Je reviens à la question précédente : êtes vous assuré, Jean-Pierre Raffarin, de rester à Matignon ? Ou admettez-vous l'idée que le président de la République, au vu des résultats, puisse faire cesser votre mission dimanche soir ? Admettez-vous l'idée ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Evidemment. Le Président de la République est en charge de l'essentiel. C'est lui qui choisit le Premier Ministre. Sa légitimité au Premier Ministre, elle dépend du président de la République. J'ai des relations de confiance avec le Président de la République. J'ai des relations de confiance avec ma majorité.
Question : Si six régions sont perdues par la droite, et si l'Ile de France n'est pas gagnée par la gauche, pensez-vous posséder l'autorité nécessaire pour rester à Matignon ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Je ne crois pas que des élections territoriales aient des conséquences nationales. Elections territoriales, conséquences territoriales.
Question : Vous maintenez ce point de vue.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Bien sûr. Donc c'est au Président de la République de décider comment nous mènerons la politique que nous avons à mener dans les mois prochains. Ce qui est important, c'est le pacte majoritaire. Ce pacte maintenant, nous sommes en quinquennat, c'est un pacte de cinq ans. Le vrai jugement sur notre politique, sur notre majorité, sera dans cinq ans ! c'est là que nous pourrons voir les résultats en matière d'emploi. La création d'entreprises redémarre, le développement de l'emploi est en train aujourd'hui d'inverser la courge du chômage. J'ai entendu ce qu'ont dit les Français. J'ai entendu les souffrances, j'ai entendu les inquiétudes, j'ai entendu aussi les irritations. Je suis à l'écoute de la société française, je sais qu'il faut aller plus vite dans un plus grand nombre de domaines. Je suis prêt à m'engager, si le Président de la République le souhaite.
Question : Si vous écoutez tout le monde, il ne vous a pas échappé que ces derniers jours Nicolas Sarkozy parle comme un futur Premier Ministre. Il évoque "un nouvel horizon" qu'il serait nécessaire selon lui de montrer aux Français. Comment recevez-vous ce suractivisme de Nicolas Sarkozy pendant cette semaine ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : J'y suis habitué. Nicolas Sarkozy est très actif. Il a toujours parlé avec autorité.
Question : Comme un Premier ministre. C'est terrible, c'est rare de voir ça.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais écoutez, réjouissons-nous qu'il y ait des gens de qualité au sein de mon gouvernement. L'ensemble des équipes ce soir, naturellement Nicolas Sarkozy, qui a fait preuve d'efficacité, et aussi de popularité. Je pense à beaucoup d'autres : à Dominique de Villepin, à François Fillon, à quelques autres. Nous avons une équipe de qualité.
Question : Non. Nicolas Sarkozy est un peu au-dessus de tout le monde, et quand il parle "d'un nouvel horizon".
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Il a une place spéciale parce qu'il a une réussite exceptionnelle, et je travaille bien avec lui.
Question : Vous le sentez ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Vous ne nous opposerez pas ! Nous sommes dans une équipe, cette équipe, elle fonctionne. Ca fait deux ans que je travaille sur des dossiers particulièrement difficiles. Ensemble nous avons traité le problème de l'insécurité. Ca a été l'un de nos premiers textes. Nos prédécesseurs avaient mésestimé, sous-estimé l'insécurité. Et l'insécurité notamment qui touche les plus faibles. Avec Nicolas Sarkozy nous avons bâti cette politique. Il est normal que Nicolas Sarkozy, avec la popularité, avec l'efficacité qu'il a, parle avec autorité !
Question : Nicolas Sarkozy parle avec autorité. Et il y ait engagé par Bernadette Chirac, qui lui dit : "heureusement qu'on vous a". Elle dit ça à Nicolas Sarkozy, elle ne vous le dit pas à vous Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Elle n'a pas tort. Mais vous savez, quelquefois...
Question : Ca vous blesse ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Les relations d'affection vous savez, pour moi, elles sont discrètes.
Question : Ce qui veut dire que nous ne saurons pas ce que Bernadette Chirac vous dit.
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Eh bien écoutez, moi je ne mets pas sur la scène publique des relations qui me sont "personnelles". La relation avec Mme Bernadette Chirac n'est pas une relation politique. C'est une relation personnelle. Et j'ai pour elle, respect et affection.
Question : Les ministres mercredi vous ont trouvé, et ils l'on dit, "fatigué, l'air un peu abattu au conseil des ministres".
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Est-ce que j'ai l'air abattu Monsieur Aphatie ce matin ? est-ce que j'ai l'air abattu, et pourtant encore hier soir j'étais en meeting très tard. Et j'ai parlé de ce que j'ai à la fois comme projets, et également de nos positions sur les socialistes.
Question : Ce matin vous êtes en forme Jean-Pierre Raffarin. Mais dans les semaines, avez-vous douté ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : Mais, je me bats. Vous vous rendez compte de ce que c'est la vie d'un premier ministre ? Le jour, tous les dossiers, les dossiers difficiles, les dossier internationaux, la lutte contre le terrorisme, le développement de l'emploi, les grands acteurs industriels pour construire une industrie pharmaceutique dans notre pays à la hauteur de nos ambitions. Tout ce travail-là, gouvernemental, le jour. Et la nuit, un jour Troyes, l'autre jour Limoges, après, Bordeaux. Tout ceci, naturellement, fait que les nuits sont courtes ! mais je peux vous dire que j'ai du coeur à l'ouvrage. Et que je ne me démonte pas facilement ! J'ai de la résistance ! J'ai appris ça au rugby ! il faut être vaillant. Je suis de cette culture !
Question : D'un mot : Alain Duhamel disait que le service minimum au sortir de ces élections c'était un vaste remaniement. Vous êtes d'accord avec Alain Duhamel ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : D'abord je suis favorable au service minimum.
Question : Premier point. Deuxième point ?
Jean-Pierre Raffarin (Réponse) : C'est au Président de la République de le dire. Je crois qu'il est important que nous puissions engager une nouvelle mobilisation de notre gouvernement sur des objectifs précis. Je pense notamment à la cohésion sociale. Un, on a fait l'autorité républicaine. il fallait la rétablir. Deux, on a permis le retour de la croissance. Nous sommes sur le rythme de 2 % de croissance. Aujourd'hui, nous avons les moyens de mettre la justice sociale et la cohésion sociale au coeur des priorités gouvernementales
(source http://www.u-m-p.org, le 26 mars 2004)