Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur la mise en place du club de discussion "Les Européens" et sur le projet d'une Europe politique, à Paris le 4 octobre 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Lancement du club "Les Européens", à Paris le 4 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre, Cher Philippe,
Messieurs les Parlementaires,
Merci de votre présence à tous. Comme Philippe Douste-Blazy l'a souligné à juste titre, l'idée est simple, il n'était pas question de laisser aux seuls eurosceptiques ou aux anciens partisans du "non" le soin de débattre de l'Europe. Le débat sur l'Europe appartient à tous. Il nous concerne tous. Il est de notre responsabilité à tous d'y participer et de le nourrir. C'est ce que nous voulons faire avec ce club.
Je suis en effet convaincue que le pire ennemi de l'Europe, c'est le silence. C'est lui qui permet l'exploitation des peurs et des démagogies. Le pire service que l'on puisse rendre à l'Europe, c'est de ne pas parler d'elle. Et le meilleur service que l'on puisse lui rendre, c'est au contraire, je le crois, d'en parler davantage qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Il faut parler d'Europe, en parler ouvertement, régulièrement, dire ce qu'elle fait, dire ce qu'elle nous apporte, dire ce qu'elle ne fait pas et ce qu'elle pourrait faire et ne fait pas, mais aussi ce qu'elle ne devrait pas faire. Parlons-en ! Non de façon théorique mais concrètement, à partir de projets précis visant à répondre aux attentes des citoyens. C'est ainsi que nous saurons à nouveau convaincre, et montrer que l'Europe peut répondre aux aspirations des peuples.
Donc, ne laissons pas le débat sur l'Europe retomber. Puisque nous croyons à la construction européenne, parce que c'est l'intérêt de la France, faisons des propositions, échangeons des idées, faisons progresser les choses.
La mise en place de ce club s'inscrit parfaitement dans la dynamique que nous voulons créer. Il sera pour nous l'occasion d'échanger avec les parlementaires français et européens, de recueillir leurs points de vue sur les grandes questions qui concernent l'Europe, les grands débats de l'actualité européenne et donc aussi, comme l'ont souhaité le président de la République et le Premier ministre, de mieux les associer aux processus de décisions européens. C'est un point fondamental. D'autres décisions ont été prises, par exemple pour permettre au Parlement de se prononcer sur davantage de textes européens ou pour offrir aux parlementaires qui le souhaiteraient des sessions de sensibilisation aux problématiques européennes dans le cadre d'un déplacement à Bruxelles ou à Strasbourg.
Comme nous tous ici, je souhaite donc que ce club soit un lieu de dialogue, ouvert, franc, vivant et qu'il constitue une vraie force de propositions sur l'Europe, et qu'il permette d'aider à la prise de décision politique sur l'Europe.
A chaque réunion, l'éclairage sur un thème précis viendra de personnalités européennes éminentes et contribuera à l'enrichissement de notre dialogue.
Ce soir, nous avons la chance de recevoir le président Martens, et vous nous ferez part de vos réflexions sur le premier thème que nous avons retenu : comment relancer l'Europe politique ?
Je ne veux pas anticiper sur nos échanges mais je souhaite vous dire quelques mots sur ce thème car la France a un projet pour l'Europe. Et ce projet, c'est celui d'une Europe politique, ambitieuse, solidaire, forte.
Alors, commençons par réaffirmer que l'Europe politique est notre projet. En ces temps d'incertitudes, jamais il n'a été aussi important de réaffirmer que tel est bien le cap. Et ce cap, il faut non seulement le définir mais le tenir. Le gouvernement le fait. Nous assumons pleinement nos choix européens.
L'Europe ne se résume pas à la mise en place d'un grand marché ou d'une zone de libre-échange. Elle est depuis l'origine beaucoup plus que cela, les solidarités concrètes ayant pour objectif de servir un projet de nature politique. Car quoi de plus politique que d'avoir l'ambition d'assurer la paix, la démocratie et le progrès économique et social sur le continent européen ? L'Europe n'est donc pas qu'un marché, même si elle est aussi un marché, c'est aussi une histoire, une culture, des principes, des valeurs communes, des politiques communes et un objectif d'intégration.
L'Europe politique, c'est donc d'abord une conviction. La conviction que nous sommes plus efficaces quand nous unissons nos forces, quand nous défendons nos intérêts. D'où les politiques que nous mettons en place, année après année, et qui façonnent notre vie quotidienne. Je pense notamment, pour prendre un exemple, à ce qui constitue l'une des préoccupations majeures de nos citoyens : la sécurité. Sécurité dans la lutte contre le terrorisme, la protection de l'environnement, la lutte contre l'immigration clandestine, la sécurité en matière maritime et aérienne, la lutte contre les catastrophes naturelles, la sécurité civile, la sécurité alimentaire, je pourrais allonger la liste. Dans tous ces domaines, l'Europe nous offre un cadre d'action efficace en complément des actions nationales. Et elle agit.
L'Europe politique, c'est aussi une méthode : une méthode sans précédent qui n'a pas d'équivalent dans le monde. Une méthode où les Etats européens se retrouvent autour de valeurs et s'engagent dans un processus, qui n'est pas une simple coopération intergouvernementale, mais une démarche d'harmonisation et d'intégration, un processus où, en effet, les Etats acceptent souverainement, volontairement, de transférer certaines de leurs compétences pour un surcroît d'efficacité. Je ne prendrai que deux exemples, l'euro dont on a tendance à oublier un peu trop les avantages, l'euro qui nous a mis à l'abri de l'instabilité monétaire et des dévaluations compétitives qui ont dans le passé fait tant de mal à notre économie. Autre exemple, la PAC, régulièrement objet de critiques non dénuées d'arrière-pensées, la PAC qui, pourtant, nous apporte l'autonomie alimentaire, des exportations, la sécurité alimentaire, des emplois, des millions d'emplois ne serait-ce qu'en France et des perspectives d'avenir dans le domaine, par exemple, de la recherche sur les biocarburants.
Enfin, l'Europe politique, c'est une ambition : bâtir une entité qui affirme sa voix sur la scène internationale et qui pèse sur les affaires du monde, au nom des valeurs et des principes qu'elle défend. Nous l'avons fait aussi. Les exemples sont nombreux : la lutte contre le changement climatique, la justice internationale, avec la mise en place de la Cour pénale internationale, la maîtrise de la mondialisation, la solidarité et le développement, autant de sujets sur lesquels l'Europe a agi. Voilà autant d'actions qui, au-delà de nos différences, nous rassemblent, nous, les Européens, c'est le nom de ce club, et autant d'actions dont l'Europe doit assurer la promotion au-delà de ses frontières.
Un dernier mot parce que nous savons bien que pour faire vivre pleinement cette ambition, il faudra aussi se doter d'une vraie politique étrangère et de sécurité commune. Nous avons mis en place un cadre d'action, nous nous sommes dotés des premiers instruments, mais il faudra faire davantage. L'absence de traité le permet même si elle ne facilite pas les choses, c'est un domaine dans lequel nous pouvons et devons continuer à progresser. Fidèle à sa tradition, la France continuera à travailler dans ce sens, nous l'avons dit encore il y a quelques jours avec Philippe Douste-Blazy, à Javier Solana et aux représentants européens.
Voilà donc quelle est notre ambition. Voilà l'Europe que nous voulons construire et je souhaite, simplement, pour conclure ce propos introductif, que notre dîner-débat, ce soir, nous permette de nourrir cette ambition, nourrir par les oeuvres de l'esprit, cela va de soi !
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 octobre 2005)