Texte intégral
Q- Nous allons évoquer le discours de politique générale que prononcera le Premier ministre, D. de Villepin, dans quelques heures à l'Assemblée nationale. On connaîtra à ce moment-là le ton de "l'impulsion nouvelle" voulue par J. Chirac. On vous a beaucoup vu hier, aux côtés de D. de Villepin. Vous l'accompagnez beaucoup. Est-ce parce qu'il y a une réelle proximité entre vous deux ?
R- Il y a deux raisons. D'abord parce que j'ai beaucoup d'amitié pour D. de Villepin, que je connais depuis longtemps. Et puis parce que nous sommes tous rassemblés autour de lui, dans cette épreuve, parce que derrière tout cela, il y a notre volonté, notre souhait d'être tous ensemble pour améliorer la situation de l'emploi en France.
Q- Ce sera le thème de son discours : essentiellement des mesures concernant l'emploi. Pas de choses à attendre sur des dispositions fiscales. On va évoquer des mesures rapidement : on dit qu'il y aurait des dispositions pour l'embauche des plus de cinquante ans, une augmentation de la prime à l'emploi, la simplification de l'embauche, notamment pour les très petites entreprises, des aides spécifiques dans le secteur textile et électronique...
C'est à peu près cela ?
R- Je ne sais pas, puisqu'il va le dire tout à l'heure. Je crois qu'il faut qu'il y ait deux volets. A la fois le fond, c'est-à-dire des mesures concernant l'emploi, l'emploi des jeunes, l'emploi des seniors, la prime à l'emploi peut-être, c'est pour le fond ; et puis je crois qu'il faut aussi une méthode. Nous n'avons plus le temps d'attendre. Il faut aller vite, parce qu'il y a une désespérance, une inquiétude et une angoisse. Et il faut répondre à ce que les Français nous ont notamment dit le 29 mai. Il y a à préparer l'avenir des Français, et notamment en ayant une action efficace, rapide, simple à mettre en uvre en ce qui concerne l'emploi de tous les Français.
Q- Vous parlez de "méthode". Y a-t-il aussi un "style Villepin", une énergie, quelque chose qui est en effet susceptible de rassembler et de donner la fameuse impulsion dont on parlait ?
R- Oui, je pense. D'abord, c'est le langage de la vérité : nous n'avons plus le temps d'attendre. Dans ce que je dis, il n'y a pas une critique du gouvernement précédent...
Q- Encore que le gouvernement précédent, vous ne l'avez pas épargné ! Quand vous parliez de J.-P. Raffarin en disant que sa politique n'avait pas de visibilité, que c'était un "boutiquier", Ce n'était pas très chaleureux franchement !
R- Je pense que des réformes importantes ont été faites par le gouvernement précédent, notamment pour le maintien de la retraite par répartition, notamment pour la sauvegarde de l'assurance maladie. Mais nous sommes maintenant à une autre étape. Face à une conjoncture internationale du point de vue économique qui n'est pas bonne, il faut qu'en France, nous prenions les mesures qui permettent d'améliorer la situation de l'emploi, de l'emploi des jeunes et de l'emploi des seniors.
Q- Peut-on dire que le gaulliste que vous êtes se reconnaît davantage dans le "style Villepin" qu'il ne se reconnaissait dans le "style Raffarin" ?
R- J'ai une proximité avec D. de Villepin, qui vient de notre collaboration autour du président de la République, de J. Chirac, mais aussi de ce langage, de cette méthode qui est le langage et la méthode propre à D. de Villepin : la vérité, l'efficacité et la culture du résultat. C'est ce qui est important.
Q- Beaucoup de ces mesures vont sans doute être prises par décret ou par ordonnance, c'est-à-dire sans passer par l'Assemblée nationale. Cela pourrait a priori blesser le président de l'Assemblée nationale que vous êtes ?
R- Si telle était le cas, ce n'est pas la première fois dans l'histoire de France et, encore une fois, je viens de vous dire qu'il y a la culture du résultat. Les Français attendent, ils veulent des résultats rapides. Alors, on peut passer par l'Assemblée nationale, je pense que c'est une bonne méthode. Mais si la Constitution prévoit d'autres possibilités, ce qui m'importe aujourd'hui, ce n'est pas de sauvegarder mon pré carré, ce qui m'importe aujourd'hui, c'est que dans trois mois, les Français puissent dire "Ils nous ont entendu, cela va mieux" et que les mesures qui sont prises, parce qu'elles sont simples, parce qu'elles sont efficaces, parce qu'elles sont faciles à mettre en uvre, parce qu'elles sont rapides, commencent à régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés, auxquels nos enfants sont confrontés.
Q- On a pu pointer du doigt, notamment N. Sarkozy, que D. de Villepin n'avait pas été élu. Peut-on dire qu'il ne connaît pas forcément tous les parlementaires et est-ce un désavantage ou, ou contraire, un avantage ?
R- D'abord, nous avons eu dans l'histoire de nombreux Premier ministre qui n'étaient pas parlementaires. Je pense à un qui a particulièrement bien réussi, puisqu'il est devenu président de la République : G. Pompidou. Il y a une volonté, qui est celle de D. de Villepin et de ses ministres - puisque c'est un gouvernement ramassé - d'entendre, d'écouter et de comprendre les préoccupations des députés. C'est ce qu'il a fait hier longuement et j'étais très frappé du fait que sa déclaration de politique générale n'était pas entièrement écrite et qu'il a dû l'écrire cette nuit, en fonction de ce qu'ont dit les députés, leurs remarques. Il y avait, dans les propositions d'un certain nombre de députés, des propositions intéressantes et efficaces.
Q- L'amertume de la dissolution de 1997, dont on lui prête, en quelque sorte, la paternité, tout cela est passé ?
R- On ne va pas continuer indéfiniment à construire l'avenir en regardant par le passé. Ce qui m'importe, c'est de trouver des solutions dans les trois mois, quatre mois ou cinq mois qui viennent. Voilà le problème. Après, laissons les historiens ou les chroniqueurs regarder ce qui s'est passé avant.
Q- Une dernière question sur ce qui s'est passé avant mais qui, peut-être, va peser sur après : Sarkozy-Villepin, ce n'était pas l'amour fou, pour dire les choses de façon un peu allusive. On sait qu'il y avait une rivalité, pour ne pas dire plus, entre eux. Le début de leur collaboration, de ce que vous vous en voyez, se passe-t-il bien ?
R- Cela se passe bien et je souhaite que pour la France, pour les Français, cela continue. Chacun peut avoir ses ambitions, chacun peut avoir ses arrière-pensées ou ses pensées. Ce qui importe aujourd'hui, c'est que l'on arrête, que l'on assume ses responsabilités et que l'on prenne les mesures nécessaires. Il est tard mais il n'est pas trop tard pour améliorer la situation.
Q- Vous avez le sentiment que J. Chirac a fait le bon choix en prenant ce Premier ministre et en organisant le Gouvernement autour de lui avec cette configuration un peu particulière ?
R- J. Chirac a assumé sa fonction pleinement, de rassembleur des talents, et des talents qui sont parfois opposés. On s'unit. On est plus forts unis que divisés.
Q- Mais c'est une machine qui peut avancer, qui ne peut pas...
R- Pourvu que les hommes mettent à l'écart leurs ambitions immédiates et
pensent à l'intérêt des Français et de la France, oui, on avancera.
Q- L'UDF va s'abstenir...
R- Oui, ce n'est pas très courageux.
Q- Pourquoi ?
R- Parce que quand on est confrontés à un obstacle, on ne part pas sur les côtés. Je pense que les Français jugeront mal ces attitudes qui sont des attitudes de l'ancien temps.
Q- Bayrou a-t-il tort de jouer la carte de l'affrontement ?
R- Je ne parle pas de noms. Vous m'interrogez, je dis que, aujourd'hui, on est pour ou on est contre, mais on ne dit pas : attendons pour voir ! On n'a plus le temps d'attendre, il faut assumer ses responsabilités face aux Français et prendre les mesures qui vont améliorer rapidement la situation de l'emploi, compte tenu d'une conjoncture économique qui n'est pas extrêmement favorable.
Q- Je vois que cette nouvelle impulsion cela met en forme !
Je suis en pleine forme parce que je veux que le Gouvernement réussisse !
Très bien. C'est la nouvelle impulsion de J.-L. Debré.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juin 2005)