Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur la commémoration du soixantième anniversaire de la libération des camps d'extermination nazis et sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, Strasbourg le 9 juin 2005.

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Circonstance : Réunion du Conseil représentatif des Institutions Juives de France (CRIF), à Strasbourg le 9 juin 2005

Texte intégral

Monsieur le Député-maire,
Madame la Députée,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Messieurs les Préfets,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Procureur,
Messieurs les Représentants des cultes,
Monsieur le Président, mon cher Roger Cukierman,
Monsieur le Consul honoraire,
Mesdames, Messieurs, mes chers amis,
C'est avec un immense plaisir que tout nouveau Ministre de la République, je m'adresse à vous ce soir. Permettez-moi de vous remercier de votre invitation et de votre accueil si chaleureux.
Bravo aux organisateurs pour cette très belle initiative régionale! Elle me permet de revoir entre autres le Président de votre Conseil, M. Roger Cukierman, un homme courageux dont j'admire profondément le combat.
Je suis particulièrement heureux de me retrouver en votre compagnie dans cette région que je connais bien. Député européen depuis plusieurs années, je me rends régulièrement à Strasbourg pour y exercer mon mandat. Il s'agit là d'une ville et d'une région que je considère et affectionne tout particulièrement.
Aujourd'hui Ministre délégué auprès du Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, chargé des Collectivités territoriales, j'ai tenu à honorer l'invitation que vous aviez lancée à mon prédécesseur. L'identité française mais aussi régionale de la communauté juive d'Alsace est profonde. Forts d'un solide enracinement local et rural, les juifs d'Alsace ressentent intensément cette identité et peuvent en être fiers.
L'année 2005 marque le soixantième anniversaire de la libération des camps nazis. Le 27 janvier 1945, Auschwitz était libéré par l'Armée rouge. Soixante ans plus tard, jour pour jour, une cérémonie internationale commémorait cette libération en présence notamment des derniers survivants des camps, au premier rang desquels Madame Simone Veil que j'ai eu le plaisir de revoir il y a une quinzaine de jours à peine.
D'autres célébrations suivirent ou précédèrent cet événement, conjurant la jeune génération de ne jamais oublier et l'encourageant à transmettre l'histoire.
En se souvenant et en partageant leurs émotions avec le monde entier, les survivants et les associations pour la mémoire de la Shoah doivent ressentir une grande fierté face à l'uvre réalisée : un interminable travail d'archivage, un difficile effort de témoignage. Désormais, ils ne seront plus les seuls à porter la mémoire des atrocités de la seconde Guerre mondiale.
Ce sentiment de mémoire est heureux mais ne suffit pas, les commémorations sont émouvantes mais ont trait au passé. En 2004, 770 actions ou menaces antisémites étaient recensées sur notre territoire national, en plus de toutes celles que les victimes n'osent évidemment pas dénoncer. La même année, étaient dénombrées en France 426 actions ou menaces de nature raciste et xénophobe. Face à cet antisémitisme et à ce racisme qui sévissent aujourd'hui, vous voulez une action de l'Etat exemplaire, vous exigez de nous des résultats.
Vos souhaits et vos exigences sont légitimes. Soixante ans après la libération des camps, l'antisémitisme sévit toujours en France de manière déroutante.
Le 29 avril 2004, la bête immonde s'abattait sur vous, chez vous, dans le cimetière d'Herrlisheim. 127 tombes du cimetière de la ville étaient lâchement recouvertes d'inscriptions à caractère nazi. Un affront aux valeurs de la république, une humiliation pour les membres de votre communauté disparus et pour leurs familles.
Votre région a été dernièrement victime, à de nombreuses reprises, de dégradations de monuments aux morts et profanations de cimetières. uvres de groupuscules néo-nazis nostalgiques du 3ème Reich, ces actes inadmissibles furent maintes fois imités par des mineurs manipulés ou en perdition.
Le 4 janvier dernier, toujours dans votre région, trois enfants âgés de 9 à 10 ans insultaient, frappaient et crachaient sur deux enfants du rabbin de Saint-Louis, M. Breisacher.
A la même période, quelques élèves du collège Grunenwald de Guebwiller émettaient des saluts hitlériens, dessinaient des croix gammées, entonnaient des chants néo-nazis dans l'établissement.
Doit-on tolérer ces saluts, ces croix, ces chants sur notre sol national? Peut-on laisser se produire de telles violences routinières, s'exprimer un antisémitisme quotidien, une haine qui se voudrait ordinaire?
Lorsque l'on crache sur vos enfants, lorsque l'on salit les sépultures de vos ancêtres, c'est tout l'honneur de la République que l'on bafoue.
Votre communauté est inquiète. Déconcertée. Sachez que le Ministre d'Etat Nicolas Sarkozy, le gouvernement et tous les services de l'Etat comprennent pleinement ces inquiétudes et se mobilisent pour effacer vos angoisses et celles de vos enfants.
Les forces de police mettant tout en uvre pour neutraliser les suspects d'actes racistes et antisémites, les interpellations peuvent avoir lieu et la justice sanctionner les coupables.
Les peines prononcées sont à la hauteur de notre politique de fermeté. Janvier 2004 : le Tribunal de Lyon condamne un homme à six mois de prison ferme pour avoir lancé une pierre contre un juif après l'avoir insulté. Quelques semaines plus tôt, une personne était condamnée à six mois fermes pour avoir dégradé une synagogue.
Ceux qui croient pouvoir inoculer à notre pays le virus de la haine raciale se trompent. Ils seront arrêtés et punis de manière exemplaire.
En 2003, lorsque Nicolas Sarkozy était déjà Ministre de l'Intérieur, nous avions mené un combat diligent et enregistré une baisse de 37 % des violences antisémites sur l'ensemble du territoire national.
En Alsace, alors que 14 actions antisémites étaient recensées en 2002, le chiffre baissait à 5 en 2003.
Il est du devoir de notre pays, il est de l'ordre de la République de faire toujours plus, de faire encore davantage. Nous nous y attelons chaque jour et demanderons à être jugés sur nos résultats.
Soyez tous bien convaincus que le Ministre d'Etat Nicolas Sarkozy mobilisera tous les services de l'Etat et chacune des collectivités pour qu'elles agissent ensemble, rapidement et efficacement.
Notre lutte est totale. Elle n'épargnera aucune violence, même la plus sournoise. Elle s'attaquera avec la même vigueur à ce que Nicolas Sarkozy a très justement fustigé comme "l'antisémitisme mondain", celui des salons où l'on cause, celui qui se dessine trop souvent dans les media et à travers les forums de discussion sur Internet.
Notre lutte s'attaquera, enfin, à ceux qui mettent leur haine en spectacle, comme le prétendu humoriste Dieudonné, sanctionné depuis par la justice. On ne divertit avec de la haine, on ne badine pas avec l'intolérance.
Nous n'admettrons aucune entrave au pacte républicain. Notre fermeté sera sans faille, notre vigilance sans relâche.
Mais notre action ne doit pas se cantonner à la seule répression. Bien entendu, les sanctions ne suffisent pas. Il nous faut agir en amont, restaurer la tolérance là où elle n'existe plus ou pas assez, c'est-à-dire dans les cours de récréations des écoles, dans les halls d'immeubles des quartiers sensibles, mais aussi dans les beaux quartiers, sur les planches et sur les plateaux de télévision.
L'Etat ne doit pas seulement punir, il doit avant tout insuffler un vent de tolérance et restaurer les valeurs humaines qui font l'histoire et la grandeur de notre patrie.
Nous avons un devoir vital de pédagogie quant au respect absolu dû à chacun, en raison de ce qu'il est et de ce à quoi il croit.
Mes chers amis, vous pouvez compter, aujourd'hui plus que jamais, sur notre détermination totale à combattre les maux du racisme et de l'antisémitisme. Nous ne vous abandonnerons pas car votre combat est le nôtre.
Peut-être certains d'entre vous, en ce moment même, s'interrogent. Ne voyez pas dans mes propos des mots de circonstance. Ils expriment simplement des convictions anciennes et fortes, gravées dans mon cur et ma mémoire, qui n'ont d'égal que ma détermination - que notre détermination avec Nicolas Sarkozy - à répondre à une aspiration légitime, simple et vraie: permettre à votre communauté non pas d'oublier ni d'effacer mais d'assumer et de surmonter.
Voici tout simplement, en décidant d'honorer cette invitation malgré les difficultés et les impératifs liés à tout changement de gouvernement, ce que je souhaitais partager, exprimer et témoigner avec vous et auprès de vous.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 16 juin 2005)