Texte intégral
Q.- La priorité fixée par Dominique de Villepin pour ses "cent premiers jours" à Matignon était de "redonner confiance aux Français". Quelle serait votre priorité à vous?
R.- Ouvrir une page nouvelle. Quant à la confiance nécessaire, elle n'est toujours pas au rendez-vous. Le sondage publié hier indique que 80 % des Français ne ressentent pas de confiance. D'ailleurs, croire qu'en cent jours on pourrait faire renaître la confiance était un pari impossible. C'est une affaire de beaucoup plus longue haleine et qui nécessite, je le crois, un nouveau contrat avec les Français. Prenez trois sujets cruciaux pour les Français : le chômage, les délocalisations et le pouvoir d'achat. Voilà trois problèmes, sur lesquels jusqu'à ce jour, on n'entend pas de réponse de fond. Je crois pourtant que cette réponse existe : ce qui unit ces trois problèmes, c'est le poids que font peser les charges sociales sur l'emploi. Songez qu'à chiffre d'affaires égal, une entreprise qui crée un emploi subit un malus car elle paye davantage de charges sociales; à l'inverse, une entreprise qui supprime un emploi bénéficie d'un bonus puisqu'elle paiera moins de charges sociales. Mais ce devrait être le contraire ! Concentrer toutes les charges sociales sur l'emploi salarié est un système absurde dans un monde où l'emploi manque tant et où ce dernier constitue le principal facteur de cohésion sociale et d'intégration. C'est pour cette raison que les salaires réels ne permettent plus de faire face au coût de la vie. C'est pour cette raison que les délocalisations sont si attractives pour nombre d'entreprises. Et c'est aussi pour cela que beaucoup d'entreprises ne peuvent pas créer les emplois dont elles auraient besoin. Il s'agit pour moi d'un problème autrement plus lourd dans ses conséquences que de la réforme fiscale qui agite tant le gouvernement
Q.- Quelles mesures concrètes prendriez-vous durant vos cent premiers jours?
R.- Premièrement, une mesure simple et d'application immédiate qui permettrait à tous les employeurs de créer un nombre limité d'emplois sans charges. Je suis certain que l'on pourrait ainsi dégeler des centaines de milliers d'emplois. À plus long terme, il faut déplacer les charges qui sont aujourd'hui concentrées sur le travail vers d'autres bases. L'UDF va étudier toutes les solutions dans ce sens: "TVA sociale", hausse de la CSG, cotisation sociale basée non plus sur le nombre d'emplois mais sur la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise, contribution sociale fondée sur les mouvements bancaires Il ne s'agit évidemment pas d'instaurer une taxe sociale supplémentaire mais de remplacer les charges sociales sur le travail par une autre manière de contribuer à la solidarité nationale. Ainsi, on pourra augmenter nettement le salaire direct. Deuxièmement, une unification des minima sociaux au sein d'une "allocation sociale unique", par points, cumulable de manière dégressive avec le retour à l'emploi. Troisièmement, l'"activité universelle": tout revenu minimum garanti doit, selon moi, donner lieu à une activité dans la société. Quatrièmement, la question du logement va devenir cruciale : c'est une politique de long terme. Mais on peut réfléchir à des mesures d'urgence, par exemple, on exige de plus en plus de cautions extérieures qui font qu'en fait on ne prête qu'aux riches. Pour les loyers, il faut réfléchir à des systèmes de cautions mutuelles. Pour l'accès à la propriété, il faut approfondir l'idée d'emprunt hypothécaire transmissible avec le logement.
Q.- Parler de "cent jours" n'est-ce qu'une formule ou cela peut-il avoir une réalité politique lorsqu'on arrive au pouvoir? On parle souvent d'état de grâce après la nomination d'un nouveau premier ministre
R.- C'est en effet une réalité politique lorsqu'il y a eu un grand débat dans le pays et que le peuple a tranché par son vote en choisissant votre orientation. Dans ce cas, vous bénéficiez d'une période favorable. Autrement, s'il n'y a pas de contrat avec le peuple à travers une élection, c'est malheureusement destiné à ne demeurer qu'une formule.
Q.- La semaine dernière vous avez esquissé un "projet de rupture". Dimanche dernier, Nicolas Sarkozy a également proposé une "stratégie de rupture"
R.- J'ai vu avec un certain amusement que le mot avait beaucoup de succès. Tout le monde parle désormais de rupture, même ceux qui ont au pouvoir Avouez que c'est assez drôle ! Lorsqu'on est au gouvernement, pourquoi ne pas appliquer tout de suite ce qu'on annonce ? J'ai d'ailleurs observé qu'un consensus pouvait se dégager autour de trois idées, aussi bien à l'UMP qu'à l'UDF et peut-être même au centre-gauche: un service garanti dans les transports, l'"activité universelle" et la question du logement dont je viens de parler. Je propose donc qu'on les mette en oeuvre sans plus tarder.
Q.- L'hospitalisation de Jacques Chirac a-t-elle des conséquences politiques?
R.- Ce qui me frappe le plus c'est l'accélération que ce problème de santé a donné à la guerre de succession au sein du gouvernement. Mais ceci était attendu.
Q.- Vous avez dit que devant un problème de cet ordre, la transparence devrait être
" naturelle "
R.- L'absence de transparence, c'est une des pires traditions du pouvoir à la française. Je m'empresse de dire que je ne crois guère aux bulletins de santé auxquels les présidents jurent, la main sur le cur, qu'ils se soumettront ! On a vu avec François Mitterrand que des bulletins de santé réguliers pouvaient régulièrement mentir comme des arracheurs de dents. Mais une conception plus directe et plus simple du pouvoir doit permettre aux citoyens de savoir ce qui se passe, sans avoir besoin de commission médicale spéciale et de bulletins officiels. Au fond, tout cela est affaire de bon sens : un président peut être malade, à n'importe quel âge. Mais le rapport qui unit un président à ceux qui l'ont élu doit être un rapport de confiance, qui ne s'accommode pas, sur ce plan, du secret d'Etat.
Propos recueillis par Laurent de Boissieu et Marine Lamoureux
(Source http://www.udf.org, le 14 septembre 2005)
R.- Ouvrir une page nouvelle. Quant à la confiance nécessaire, elle n'est toujours pas au rendez-vous. Le sondage publié hier indique que 80 % des Français ne ressentent pas de confiance. D'ailleurs, croire qu'en cent jours on pourrait faire renaître la confiance était un pari impossible. C'est une affaire de beaucoup plus longue haleine et qui nécessite, je le crois, un nouveau contrat avec les Français. Prenez trois sujets cruciaux pour les Français : le chômage, les délocalisations et le pouvoir d'achat. Voilà trois problèmes, sur lesquels jusqu'à ce jour, on n'entend pas de réponse de fond. Je crois pourtant que cette réponse existe : ce qui unit ces trois problèmes, c'est le poids que font peser les charges sociales sur l'emploi. Songez qu'à chiffre d'affaires égal, une entreprise qui crée un emploi subit un malus car elle paye davantage de charges sociales; à l'inverse, une entreprise qui supprime un emploi bénéficie d'un bonus puisqu'elle paiera moins de charges sociales. Mais ce devrait être le contraire ! Concentrer toutes les charges sociales sur l'emploi salarié est un système absurde dans un monde où l'emploi manque tant et où ce dernier constitue le principal facteur de cohésion sociale et d'intégration. C'est pour cette raison que les salaires réels ne permettent plus de faire face au coût de la vie. C'est pour cette raison que les délocalisations sont si attractives pour nombre d'entreprises. Et c'est aussi pour cela que beaucoup d'entreprises ne peuvent pas créer les emplois dont elles auraient besoin. Il s'agit pour moi d'un problème autrement plus lourd dans ses conséquences que de la réforme fiscale qui agite tant le gouvernement
Q.- Quelles mesures concrètes prendriez-vous durant vos cent premiers jours?
R.- Premièrement, une mesure simple et d'application immédiate qui permettrait à tous les employeurs de créer un nombre limité d'emplois sans charges. Je suis certain que l'on pourrait ainsi dégeler des centaines de milliers d'emplois. À plus long terme, il faut déplacer les charges qui sont aujourd'hui concentrées sur le travail vers d'autres bases. L'UDF va étudier toutes les solutions dans ce sens: "TVA sociale", hausse de la CSG, cotisation sociale basée non plus sur le nombre d'emplois mais sur la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise, contribution sociale fondée sur les mouvements bancaires Il ne s'agit évidemment pas d'instaurer une taxe sociale supplémentaire mais de remplacer les charges sociales sur le travail par une autre manière de contribuer à la solidarité nationale. Ainsi, on pourra augmenter nettement le salaire direct. Deuxièmement, une unification des minima sociaux au sein d'une "allocation sociale unique", par points, cumulable de manière dégressive avec le retour à l'emploi. Troisièmement, l'"activité universelle": tout revenu minimum garanti doit, selon moi, donner lieu à une activité dans la société. Quatrièmement, la question du logement va devenir cruciale : c'est une politique de long terme. Mais on peut réfléchir à des mesures d'urgence, par exemple, on exige de plus en plus de cautions extérieures qui font qu'en fait on ne prête qu'aux riches. Pour les loyers, il faut réfléchir à des systèmes de cautions mutuelles. Pour l'accès à la propriété, il faut approfondir l'idée d'emprunt hypothécaire transmissible avec le logement.
Q.- Parler de "cent jours" n'est-ce qu'une formule ou cela peut-il avoir une réalité politique lorsqu'on arrive au pouvoir? On parle souvent d'état de grâce après la nomination d'un nouveau premier ministre
R.- C'est en effet une réalité politique lorsqu'il y a eu un grand débat dans le pays et que le peuple a tranché par son vote en choisissant votre orientation. Dans ce cas, vous bénéficiez d'une période favorable. Autrement, s'il n'y a pas de contrat avec le peuple à travers une élection, c'est malheureusement destiné à ne demeurer qu'une formule.
Q.- La semaine dernière vous avez esquissé un "projet de rupture". Dimanche dernier, Nicolas Sarkozy a également proposé une "stratégie de rupture"
R.- J'ai vu avec un certain amusement que le mot avait beaucoup de succès. Tout le monde parle désormais de rupture, même ceux qui ont au pouvoir Avouez que c'est assez drôle ! Lorsqu'on est au gouvernement, pourquoi ne pas appliquer tout de suite ce qu'on annonce ? J'ai d'ailleurs observé qu'un consensus pouvait se dégager autour de trois idées, aussi bien à l'UMP qu'à l'UDF et peut-être même au centre-gauche: un service garanti dans les transports, l'"activité universelle" et la question du logement dont je viens de parler. Je propose donc qu'on les mette en oeuvre sans plus tarder.
Q.- L'hospitalisation de Jacques Chirac a-t-elle des conséquences politiques?
R.- Ce qui me frappe le plus c'est l'accélération que ce problème de santé a donné à la guerre de succession au sein du gouvernement. Mais ceci était attendu.
Q.- Vous avez dit que devant un problème de cet ordre, la transparence devrait être
" naturelle "
R.- L'absence de transparence, c'est une des pires traditions du pouvoir à la française. Je m'empresse de dire que je ne crois guère aux bulletins de santé auxquels les présidents jurent, la main sur le cur, qu'ils se soumettront ! On a vu avec François Mitterrand que des bulletins de santé réguliers pouvaient régulièrement mentir comme des arracheurs de dents. Mais une conception plus directe et plus simple du pouvoir doit permettre aux citoyens de savoir ce qui se passe, sans avoir besoin de commission médicale spéciale et de bulletins officiels. Au fond, tout cela est affaire de bon sens : un président peut être malade, à n'importe quel âge. Mais le rapport qui unit un président à ceux qui l'ont élu doit être un rapport de confiance, qui ne s'accommode pas, sur ce plan, du secret d'Etat.
Propos recueillis par Laurent de Boissieu et Marine Lamoureux
(Source http://www.udf.org, le 14 septembre 2005)