Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Parisien" du 15 juin 2005, sur ses propositions pour l'Europe après l'échec du référendum sur la constitution européenne.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien.- L'Europe est en crise. Les partisans du oui avaient donc raison ?
Philippe de Villiers.- Pas du tout. Le non n'a pas déclenché la crise, il en est un signal. Ce que le non a mis en évidence, c'est le grand décrochage des peuples par rapport à cette Europe qui a trahi toutes ses promesses (croissance, emploi, sécurité, puissance). La crise de l'Europe, c'est d'une part Bruxelles qui n'écoute personne et veut tout commander, d'autre part les politiciens qui restent sourds aux aspirations des peuples. Ainsi, Jacques Chirac demande-t-il que le processus de négociation se poursuive, feignant de ne pas entendre le message du peuple.
Le Parisien.- La France est affaiblie... Est-elle devenue le "mouton noir" ?
Philippe de Villiers.- Ce n'est pas la France qui est affaiblie, c'est Chirac. En prenant parti pour le oui de façon outrancière, il s'est affaibli lui-même. Au lieu de rester au-dessus de la mêlée, il a dramatisé. Il a menti aux Français en disant que notre pays serait isolé. On voit bien que c'est l'inverse. Outre les Pays-Bas, d'autres peuples s'apprêtent à dire non. A commencer par le Luxembourg et le Danemark.
Le Parisien.- Le fameux plan B est introuvable...
Philippe de Villiers.- Le seul plan qui vaille pour l'Europe, c'est le plan B comme bon sens. Il faut réorienter l'Europe. Or, la classe politique française, qui vient de composer un gouvernement du oui, et la commission de Bruxelles continuent comme avant. On a l'impression que le non est considéré comme une parenthèse, un grumeau sur la purée. Dès le 30 mai, Chirac aurait dû proposer de jeter les bases d'une autre Europe en tentant compte du message du non. Cela aurait permis à la France de reprendre la main. C'est encore possible.
Le Parisien.- Que devrait-il proposer ?
Philippe de Villiers.- Une vraie rupture qui pourrait prendre la forme d'une charte fondatrice avec les trois principes contenus dans le non : le respect des démocraties nationales, la coopération libre entre les Etats, les peuples et les entreprises, et enfin la préférence communautaire.

Le Parisien.- Faut-il mettre un terme à l'élargissement ?
Philippe de Villiers.- Oui. L'une des grandes raisons du non a été le trouble des peuples français et néerlandais au sujet de l'élargissement. Et bien sûr l'entêtement des politiciens à vouloir poursuivre les négociations avec la Turquie.
Le Parisien.- Et l'euro ?
Philippe de Villiers.- Pour moi, l'euro est un échec. En Allemagne et en Italie, on en parle ouvertement. En Angleterre, au Danemark ou en Suède, on en rit. Mais le sujet reste tabou en France. C'est malsain. Du coup, le non est en train de se durcir et je pense que l'élection présidentielle sera le deuxième tour du référendum. Si, une fois de plus, le message du peuple n'est pas entendu, cela se traduira par un vote de radicalité en 2007. Jusqu'au 29 mai, ma mission était de faire gagner le non.

(Source http://www.mpf-villiers.com, le 4 juillet 2005)