Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans "Les Echos" du 15 septembre 2005, sur l'annonce par le gouvernement de la réforme fiscale.

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Texte intégral

Comment jugez-vous la refonte de l'impôt sur le revenu ?
Certaines intentions sont bonnes. C'est le cas de la réduction du nombre de tranches, que j'avais proposée en 2002. J'y ajoutais la retenue à la source, facteur de modernisation et de réforme de l'Etat, dont je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi on s'obstine à ne pas la mettre en oeuvre. Le problème, c'est qu'au niveau de la méthode cette réforme est largement improvisée. Toute réforme fiscale impose une réflexion approfondie en raison des conséquences en chaîne qu'elle déclenche nécessairement. Or on dit, à Bercy, que la première demande a été formulée au mois d'août ! En outre, la réforme, destinée à un affichage électoral, n'est pas financée ou financée à crédit. On nous annonce qu'elle va coûter 3,5 milliards d'euros au budget ? certaines estimations vont très au-delà ?, alors que nous sommes dans un pays en désarroi du point de vue des finances publiques, qui est obligé d'emprunter tous les jours 20% de plus que ce qui rentre dans ses caisses. Et dans ce pays en banqueroute, il n'est question que de dépenses supplémentaires et de cadeaux fiscaux ! Je trouve cela inquiétant. Chaque fois que l'on présente une réforme non financée, on ne fait pas progresser la vérité. Chaque fois que l'on concentre les avantages sur les plus hauts revenus, on ne fait pas progresser l'idée de justice.
La priorité n'est-elle pas donnée aux classes moyennes ?
Tant qu'on ne me dira pas qui va payer à la place de ceux qui gagneraient sur leur feuille d'impôt, je serai réservé face aux annonces. Ensuite quand on dit " classes moyennes ", il faut savoir de quoi on parle ! En réalité profitent de la réforme les revenus supérieurs à 50.000 euros après abattement, jusqu'à 66.000 euros. Ceux-là voient leur impôt diminuer de 18,09%. Je ne suis pas sûr que, pour les Français, ce soit là exactement des " classes moyennes ". Il faut ajouter que la disparition de l'abattement de 20% représente un effet d'optique. Les taux affichés sont plus près des taux européens, mais le montant de l'impôt payé réellement ne change pas.
La réforme peut-elle redonner du pouvoir d'achat aux Français ?
Tant qu'on n'aura pas rétabli l'équilibre des finances publiques, tout allégement sera illusoire. On assistera à des transferts, et au bout du compte, à une diminution du pouvoir d'achat en termes réels.
Le gouvernement qualifie la réforme de " profonde "...
Elle est surtout confuse. Deux questions essentielles restent sans réponse. D'abord celle des " niches fiscales " que le gouvernement va plafonner, paraît-il, à 8.000 euros. L'Etat s'est engagé sur le long terme, en matière de logement, d'investissements dans les DOM-TOM ou pour la plantation de forêts. Je suis pour que l'Etat respecte sa parole et que, donc, il n'y ait pas de rétroactivité de cette mesure. Sans cela, la confiance est sapée. Ensuite, en matière de plafonnement, il y a une véritable interrogation sur l'amalgame entre impôts nationaux et impôts locaux, dont les plus aisés se trouveraient ainsi dispensés, sans qu'on dise comment sera compensé cet avantage. La réforme élude la question de l'ISF, qu'elle supprime pour les plus hauts revenus et qu'elle maintient pour les revenus moyens. Ce qui est, avouons-le, un paradoxe.
(Source http://www.udf.org, le 15 septembre 2005)