Texte intégral
Le Premier ministre a fait de l'emploi à juste titre la priorité absolue du Gouvernement, j'y reviendrai. A cet égard, la bataille pour l'emploi suppose désormais d'agir sans attendre. Les principales mesures annoncées par le Premier ministre seront adoptées par ordonnance avant le 1er septembre. Pour ma part, et pour marquer également cette priorité à l'action, je suis en train de défendre devant le Parlement le projet de loi pour la " modernisation de l'économie et la confiance " qui apporte également des réponses attendues à divers blocages de notre système économique.
Lutter pour l'emploi, cela veut dire apporter les changements nécessaires pour que nos entreprises embauchent, pour qu'elles ne se délocalisent pas, et pour que des entreprises étrangères viennent se localiser chez nous.
La lutte pour l'emploi et l'action en faveur de l'attractivité du territoire vont donc avoir des canaux communs, que je vais vous décrire.
Deux chiffres simples à ce stade suffiront cependant à comprendre pourquoi le renforcement de l'attractivité est un enjeu économique majeur pour la croissance et l'emploi en France :
33 000 : c'est le nombre emplois créés par des projets de créations ou d'extensions liés à des investissements directs étrangers en 2004, chiffre à comparer aux 11 000 emplois supprimés chaque année du fait des délocalisations, 3 % du PIB : c'est ce que représente en moyenne le flux d'investissements étrangers reçus.
J'ai donc choisi de vous parler de notre action, des changements que nous allons apporter pour traiter nos points faibles en termes d'attractivité et renforcer encore nos points forts. Ceux-ci sont réels, et je souhaite ici rendre hommage au dynamisme de Madame Gaymard, qui les met en avant avec talent et objectivité, et combat avec énergie les idées fausses. Cela étant dit, nous avons des points faibles, nous les combattons et c'est mon sujet ce soir.
Je souhaite donc articuler ce propos autour de trois axes de la politique du gouvernement, qui sont les grands axes d'amélioration en termes d'attractivité de notre territoire :
La politique budgétaire et fiscale
La situation du marché du travail
La promotion et l'attraction des activités à forte valeur ajoutée, en particulier la R D.
SITUATION ÉCONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE
1. Maîtriser les dépenses pour maîtriser les prélévements
La plupart des enquêtes d'attractivité pointent sur la lourdeur, réelle ou perçue, des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Pour baisser les prélèvements obligatoires autant que possible, de manière à rester compétitifs, tant pour attirer des investissements étrangers que pour conserver nos propres entreprises sur notre territoire, il nous faut avant tout contrôler les dépenses publiques. Je tiens à vous confirmer que tel est l'engagement pris par le gouvernement.
Les dépenses de l'État en 2005 seront exécutées " à l'euro près " conformément à l'autorisation parlementaire. Pour s'en assurer, le Gouvernement avait d'ailleurs déjà constitué une réserve de précaution de 4 Md d'euros dès le début de l'année.
Concernant les dépenses sociales, le Comité d'alerte de l'assurance maladie vient de rendre un premier avis indiquant que les dépenses devaient pouvoir tenir l'objectif voté de ralentissement.
Ceci traduit la volonté de l'État de faire le maximum d'efforts sur la maîtrise de la dépense, conformément aux engagements de la France dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, malgré les difficultés imposées par une conjoncture moins bonne que prévue.
Avec le même souci de responsabilité et de bonne gestion, le PLF 2006, comme l'a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de Politique générale, respectera pour la 4e année consécutive le principe du " 0 volume ", c'est-à-dire que les dépenses de l'État ne progresseront pas plus vite que l'inflation.
2. réforme de la TP
Lors du conseil stratégique de l'attractivité réuni autour du Premier ministre, plusieurs intervenants ont souligné l'inadaptation de la taxe professionnelle, et son aspect contre-productif lors d'un choix de localisation. Je rappelle que la taxe professionnelle comporte deux défauts majeurs d'une part, elle est due avant même que les investissements qu'elle frappe aient suscité une quelconque création de valeur, d'autre part, elle frappe proportionnellement plus l'industrie que les autres branches de notre économie. Pour moi, la priorité est de corriger prioritairement ces deux principaux dysfonctionnements la TP de manière à alléger durablement la charge de nos entreprises industrielles. Nous y travaillons d'arrache pied comme me l'a demandé le Premier ministre.
La réforme de la taxe professionnelle, voulue par le Président de la République, est un levier majeur pour dynamiser la compétitivité de notre économie et l'attractivité de notre territoire.
EMPLOI ET DÉMOGRAPHIE
1. Droit du travail
Les enquêtes d'attractivité mettent aussi en avant la complexité de notre droit du travail. La situation de l'emploi en France, je rappelle juste que le chômage de masse est à 10,2 %, et l'inactivité forcée des jeunes à 74 %, justifie que nous fassions de l'assouplissement de ce droit une priorité, qui va également aller dans le sens de l'attractivité. En effet, dans le Plan d'urgence annoncé par le PM figurent en particulier 2 mesures auxquelles je suis plus particulièrement attaché et que j'ai personnellement soutenues auprès du PM :
- le contrat " nouvelle embauche " dont les termes sont en discussion au Conseil d'État et en concertation avec les partenaires sociaux actuellement. Il propose en effet un nouvel équilibre employeur/employé en offrant plus de souplesse à l'employeur et en même temps de nouvelles sécurités pour le salarié (complément d'allocation chômage doté par l'État et accompagnement personnalisé) ;
- la disparition des effets de seuil financiers au niveau du dixième salarié : le seuil de 10 salariés m'est toujours apparu comme l'archétype du seuil artificiel et très pénalisant financièrement pour la croissance de la petite entreprise. Le lissage financier de cet effet de seuil entre 10 et 20 salariés est une mesure à laquelle je crois et qui était attendu par des dizaines de milliers d'entreprises. C'est pour moi le type même de la démarche pragmatique : on essaie un premier déblocage de notre marché de l'emploi ; si ça marche, il faudra se donner les moyens de discuter pour aller plus loin.
- Au-delà des mesures urgentes, comme le Premier ministre l'a souligné, il faut engager la concertation sur des blocages structurels du marché de l'emploi.
- Enfin, il faut dynamiser la reprise d'activité à travers de vraies incitations y compris financières. N'hésitons pas à donner des primes pour montrer que le travail ça paye mieux que l'assistance : d'où mes deux propositions, d'abord celle d'un crédit d'impôts pour les jeunes qui reprennent un emploi dans un secteur en difficulté de recrutement que le PM a annoncée dans son DPG et puis celle d'exonérer les chômeurs de longue durée mobiles géographiquement.
2. Démographie et immigration choisie (attirer les meilleurs)
Un travailleur de plus c'est de la croissance en plus... et non l'inverse.
Nous avons déjà libéré la durée hebdomadaire du travail, en assouplissant les 35 heures. Il nous faut aussi libérer la durée de la vie de travail, pour que ceux qui veulent travailler plus longtemps le puissent. En effet, le taux de croissance de la population active est proche de 0 sur les prochaines années (+0,2 % en 2004 et +0,4 % en 2005 grâce à la réforme des retraites). Or le taux d'emploi des seniors est très faible : moins de 41 % (taux d'emploi des + 65 ans ridiculement faible : 0,9 %.)
- Je suis pour ma part favorable à la suppression pure et simple de la contribution Delalande, que paient les entreprises quand elles licencient un senior et qui constitue en fait un frein à l'embauche des seniors ;
- Je suis également en faveur d'un assouplissement des conditions du cumul emploi/retraite pour les 60-65 ans (...) et d'une autorisation sans restriction aucune au-delà de 65 ans pour tous ceux qui le souhaitent.
Pour faire face au vieillissement de la population ; l'autre solution, vous la connaissez bien et l'on retrouve la problématique de l'attractivité, c'est la politique migratoire.
Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur se sont récemment exprimés sur ce sujet : je veux dire l'importance pour notre économie d'une telle politique d'immigration choisie.
Vous souligniez tout à l'heure dans un atelier l'importance d'attirer les compétences : je souhaite que soit établie une vision à 10 ans des besoins de formation dans les filières stratégiques (ou dans les secteurs connaissant une pénurie de main d'uvre) et vais ensuite demander au réseau des missions économiques à l'étranger du Minéfi de réorienter leur activité vers l'identification et l'attraction des compétences dont l'économie française a besoin. En coordination avec les ministères concernés, un plan d'action sera mis en uvre d'ici la fin de l'année.
Par ailleurs, je souhaite proposer aux ministres de l'Intérieur et de l'Enseignement supérieur de travailler ensemble sur plusieurs pistes de mesures fortement incitatives en faveur d'une immigration qualifiée :
Une fois identifiées, nos dispositifs de bourses sur les étudiants étrangers pourraient d'abord être recentrés sur les filières stratégiques ;
Pourquoi enfin ne pas octroyer un titre de résident (soit 10 ans) à tout manager ou scientifique étranger, ou à toute personne ayant investi 1 M d'euros en France ou créé au moins 10 emplois ?
Attractivité des activités innovantes :
MA STRATÉGIE INDUSTRIELLE
Alors que la compétitivité est la clé de la croissance dans un monde ouvert et concurrentiel, nous avons laissé nos dépenses de recherche trop longtemps stagner à un niveau incompatible (2.2 % du PIB) avec nos ambitions pour l'avenir et - surtout - avec les efforts de nos grands concurrents.
La France consacre environ 2,2 % de son PIB à la recherche, ce qui la situe dans la moyenne européenne, mais loin derrière le Japon, les États-Unis ou les pays nordiques ; par ailleurs, autant le niveau de notre recherche publique qui est d'environ 1 % du PIB, est déjà l'un des niveaux élevés de l'OCDE, autant notre faiblesse apparaît criante dans le niveau de R D des entreprises.
Il nous faut plus de chercheurs dans les entreprises ; et que la recherche publique soit plus tournée vers les entreprises, afin de rendre notre sol plus attractif pour les centres de recherche et les activités à forte valeur ajoutée.
Cet environnement peut se définir autour (1) d'une ambition incarnée dans de grands projets, (2) d'outils de financement rénovés et (3) d'une politique publique réorientée vers la mise en réseau des acteurs et l'accompagnement de la croissance des PME-PMI. Deux ateliers cet après-midi étaient consacrés l'un au financement et à la promotion de l'innovation, l'autre à la diffusion de l'innovation dans les PME : c'est mon propos.
1. Grands projets
Sur les deux premiers points, le travail est largement engagé en ce sens avec les agences de moyens, notamment l'AII dont le Premier ministre a annoncé la semaine dernière le doublement de la dotation initiale (1Md dès 2005) compte tenu du succès de la cession d'une partie nouvelle du capital de France Télécom (Citer également OSEO, ANR). Afin de promouvoir la mise en réseau et la diffusion de l'innovation au plus profond de notre tissu économique, j'ai fixé comme objectif à l'AII, qui contractera avec des grandes entreprises, que 25 % des financements qu'elle accordera se traduisent par des commandes à des PME innovantes.
S'agissant de grands projets, c'est une évidemment une très bonne nouvelle pour la France que la localisation d'Iter à Cadarrache. Je me félicite qu'un accord ait été trouvé en bonne intelligence avec nos collègues japonais, leur garantissant une participation importante au projet. Nous aurons le plaisir d'accueillir sur notre sol des chercheurs japonais de renommée mondiale, et de leur faire partager les attraits de cette très belle région.
2. Nouveaux financements
J'ai en outre mis à l'étude dans la perspective du volet fiscal du prochain PLF, le renforcement du Crédit Impôt Recherche, qui est, de l'avis de tous, le principal outil incitatif à la disposition des entreprises: il a évolué récemment vers la prise en compte du volume de la dépense et non plus seulement de l'augmentation. Cela a eu pour effet de baisser structurellement le coût de la R D dans les entreprises.
Je soumettrai bien évidemment cette proposition importante au Premier ministre dans le cadre des arbitrages fiscaux du PLF 2006, mais je pense pour ma part qu'il pourrait être intéressant de porter la part volume du CIR à un niveau de 10 % des dépenses de recherche des entreprises réalisées à partir de 2006. Il est aujourd'hui de 5 %.
Je souhaite aussi que l'on examine la possibilité de relever le plafonnement de la prise en compte des dépenses de sous-traitance, aujourd'hui fixé à 2M , pour les dépenses de recherche confiées à l'extérieur des groupes, notamment à des PME innovantes ou à des laboratoires publics.
Enfin, je proposerai de porter de 3 à 5 ans le délai pendant lequel le CIR est immédiatement remboursé aux entreprises nouvelles. Cela leur donnera un gain de trésorerie pendant les premières années de leur développement.
3. Pôles de compétitivité
C'est surtout sur le troisième pilier sur lequel je souhaitais insister aujourd'hui, il nous faut des politiques publiques de recherche et de compétitivité profondément redéfinies vers la mise en réseau des acteurs à travers les pôles de compétitivité.
La démarche a rencontré un beau succès en France, mais je la rappelle brièvement pour nos amis étrangers : nous sommes partis du constat que notre recherche était trop fragmentée, et qu'il fallait que les acteurs locaux joignent leurs forces pour créer des centres attractifs, où une masse critique de connaissances et de savoir-faire drainera encore davantage de compétences françaises, européennes ou étrangères. Nous allons donc labelliser, avant la mi-juillet, et à la suite d'un appel à candidatures, un certain nombre de pôles, qui bénéficieront de la concentration des moyens de l'État : les moyens d'intervention de l'État, directs ou par l'intermédiaire des agences (AII et ANR) financeront des projets coopératifs entre les différents acteurs du pôle. Des exonérations de prélèvements obligatoires seront aussi accordées. Nous allons ainsi dessiner une carte nouvelle, celle de la France de la matière grise, de l'innovation et de l'excellence industrielle. Une France visible au plan international et encore plus attractive pour les talents.
Nous avons lancé un appel à candidatures, 105 candidatures ont été reçues, ce qui est un grand succès car la mobilisation autour de projets de R D est déjà une grande partie de ce que nous souhaitions faire.
Les ministères concernés, et en particulier le mien, se mettent en ordre de bataille pour soutenir concrètement les pôles dès leur labellisation. Des contrats de pôles seront préparés, les organismes appelés à participer au financement des projets seront mobilisés. Par ailleurs, un accompagnement sera prévu pour apporter les améliorations nécessaires aux projets qui n'auront pas été labellisés mais qui en ont le potentiel, voire aussi à de nouveaux projets, apparus depuis. Nous comptons donner un tel rôle à ce dispositif qu'il ne serait pas réaliste de considérer que l'appel à projets de février dernier fige à jamais la carte de la France de l'innovation !
Par ailleurs, Il y a urgence à agir, notamment dans certains secteurs très concurrentiels en matière de R D (l'innovation est une course de vitesse) ou soumis à une concurrence internationale très sévère (textile, biotechnologies...) :
J'ai donc demandé au ministère de l'industrie de commencer l'instruction de projets de R D présentés dans des candidatures de pôles, suffisamment mûrs et relevants de ce type de secteurs, dès maintenant, sans préjudice de la labellisation à venir. Le ministère de l'Industrie engagera ainsi 30 M d'euros d'aide dès 2005 par redéploiement de ses crédits.
Arrivé au terme de cette intervention, je souhaite partager avec vous un point du tableau de bord de l'attractivité réalisé par l'AFII et mes services, il s'agit de l'indicateur de ce tableau en plus forte progression. Ce n'est probablement pas le déterminant de la localisation auquel vous serez généralement le plus sensibles, mais c'est une très bonne nouvelle pour le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit de l'indicateur relatif au capital-investissement, qui montre une progression de la France de la 8e à la 5e place entre l'édition 2004 et l'édition 2005 du tableau de bord.
Par ailleurs, si l'on prend comme mesure non pas le poids relatif du capital-investissement par rapport au PIB comme dans le tableau de bord, mais les montants de capital-risque, capital-développement et capital-transmission investis en valeur absolue, la France est le deuxième pays européen derrière le Royaume-Uni. Les investissements ont cru en moyenne de 13 % par an depuis 1997 en capital-risque de démarrage, et de 22 % en incluant le capital-développement et le capital-transmission.
Ces bons résultats s'expliquent notamment grâce aux efforts fournis de façon continue par le gouvernement pour que les capital-investisseurs disposent d'un véhicule d'investissement compétitif au niveau international, le Fonds commun de placement à risques (FCPR) - à cet égard, il faut souligner que les équipes de capital-investissement françaises peuvent lever une part substantielle de leur ressources auprès d'investisseurs étrangers (environ 60 % des fonds levés en 2002), et qu'un flux financier régulier soit investi dans les fonds de capital-risque technologique, via des fonds de fonds public et des incitations fiscales aux investisseurs. Le succès de cette politique ne manquera pas de bénéficier au développement des entreprises qui constituent notre potentiel de croissance.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 1er juillet 2005)