Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur RTL le 21 octobre 2005, sur la communication relative à la prévention de l'épizootie (grippe aviaire), notamment l'état d'avancement des plans nationaux des Etats membres de l'Union européenne et la nature du risque encouru.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie - Bonjour, Xavier Bertrand.
Xavier Bertrand - Bonjour, Jean-Michel Aphatie.
Q - Vous avez évoqué, hier, avec vos homologues européens l'état d'avancée de l'épidémie de grippe aviaire. L'Europe est prête, Xavier Bertrand ?
R - L'Europe se prépare? Et l'Europe se prépare à améliorer également ses plans. Les plans nationaux, prévus dans chaque pays, et puis, aussi, améliorer le plan européen.
Q - A propos des plans nationaux, le Commissaire Européen à la Santé, Markos Kyprianou, a dit que "la préparation était variable selon les Etats" et puis, il a même eu cette phrase : "dans certains pays, les plans sont encore à l'état de brouillon". Cela est inquiétant, Xavier Bertrand ?
R - Ce qu'il faut retenir d'hier, c'est qu'il faut, à la fois améliorer la communication, la coordination et la coopération. Sur la communication c'est, bien sûr, la communication vis-à-vis du grand public, et là, d'ailleurs, il faut remettre les choses à leur place, à leur juste place. Ce dont nous parlons, aujourd'hui, c'est bien l'épizootie, c'est-à-dire le virus qui touche les volailles.
Tous les ministres de la Santé, hier, ont bien voulu rappeler qu'il ne s'agit pas du risque auquel nous devons nous préparer, celui d'une transmission à l'homme ou de l'homme à l'homme qui, aujourd'hui, n'a été constatée nulle part sur la planète. Il faut bien le rappeler.
Et puis aussi améliorer la communication entre nous. Savoir, exactement, comment chacun des pays européens est préparé parce que, même si on se prépare au mieux à l'intérieur de nos frontières nationales, il faut aussi que l'on ait cette coordination européenne, et Markos Kyprianou a eu raison de rappeler cette exigence : nous avons besoin de savoir comment chacun des pays est préparé.
Q - Quels sont les pays dont "les plans sont encore à l'état de brouillon", Xavier Bertrand ?
R - Il ne s'agit pas de désigner des "bons" ou des "mauvais".
Q - Vous êtes diplomate !
R - Non, il ne s'agit pas de désigner des bons ou des mauvais élèves. D'ailleurs, Markos Kyprianou, en la matière, n'a cité personne, hier. Par contre, il y a une exigence : c'est que, pour le prochain sommet européen de la santé, qui aura lieu tout début décembre les 7 et 8 décembre là, il faut savoir. Il faut qu'on puisse mettre en ligne à la fois les plans nationaux, aussi le plan européen avec les préconisations de l'Organisation Mondiale de la Santé. Il faut jouer la transparence vis-à-vis du grand public, mais aussi entre nous.
Q - Alors, toujours communication : Patricia Hewitt qui est, elle, secrétaire britannique à la Santé, a dit, hier, cette phrase. J'aimerais bien que vous nous expliquiez un petit peu : "pour la population en général, a-t-elle dit, le risque de grippe aviaire est de fait très bas". Alors, on s'inquiète pour rien ? On fait de la mousse pour rien, Xavier Bertrand ?
R - C'est ce que je vous indiquais à l'instant. Il faut, aujourd'hui, remettre les choses à leur juste place. Et nous voulons informer, dire les choses mais dire, exactement, de quoi il s'agit. Et, aujourd'hui, le risque qui a été constaté en Turquie, en Roumanie, c'est bien l'épizootie qui frappe les volailles : et ça n'est rien d'autre que cela.
Q - Est-ce qu'on peut dire que le risque de grippe aviaire est, de fait, très bas pour les populations en général ?
R - C'est ce que nous disent, aujourd'hui, les scientifiques. C'est ce que nous disait, hier après-midi, le docteur Chan qui est la responsable de l'Organisation Mondiale de la Santé chargée, notamment, des vaccins et de la grippe aviaire, nous dit ça. Mais vous savez, à partir du moment où un risque existe, il faut se préparer.
Et nous appliquons ce que le président de la république a indiqué très clairement, cet été : le principe de précaution. Ce qui doit guider notre action, c'est ce principe de précaution. Car nous sommes aussi dans une nouvelle forme de gestion des risques. Il ne s'agit pas de réagir au mieux ou au plus vite quand c'est arrivé, il faut anticiper et se préparer avant.
Q - Dans votre tour de table, quand vous avez échangé des informations : pas de nouveau cas de grippe aviaire parmi les volailles, en Europe. On ne sait pas encore, en Grèce, si c'est un cas de grippe aviaire ou pas.
R - Le Commissaire Européen nous a indiqué, hier, que pour la Grèce, les résultats étaient négatifs. Et là aussi, un point est important, c'est que les différents ministres de la santé ont souhaité qu'il y ait une communication et une information qui soient plus rapides encore, et qui soient encore plus transparentes pour éviter toute interprétation.
Parce que, vous voyez, pendant quelques jours, on a parlé que dans une île grecque, un cas aurait été révélé. Ce n'est pas la grippe aviaire du type H5N1, mais c'est pour ça qu'il faut, aussi, ne pas s'emballer quand il y a des informations. Il faut attendre que ces informations soient confirmées par les scientifiques d'où l'intérêt d'avoir, dans chacun des pays, ce que la France a proposé hier : un coordinateur national.
Et puis, encore une fois, qu'on ait un renforcement du réseau d'alerte pour avoir une information plus fiable, et une information beaucoup plus rapide avec, encore, ce maître mot : de la transparence.

Q - Vous avez décidé, hier, d'interdire la présence de volatiles vivants sur les marchés, sauf autorisation. En France, par exemple, les volatiles vivants sont encore permis sur les marchés ?
R - Aujourd'hui, il faut savoir qu'en France nous n'avons aucun cas d'épizootie. Nous avons eu, hier, une réunion du Comité Vétérinaire Européen. Il faut savoir qu'en France, bien évidemment comme dans l'Europe, on peut consommer de la volaille, on peut en manger. Alors, je ne sais pas si c'était fait exprès mais, hier midi, quand nous sommes arrivés, il y avait du poulet qui était au menu du sommet européen.
Q - On ne mange plus que du poulet dans les ministères. Tout le monde nous le dit !
R - On en mangeait déjà avant et nous n'avons pas changé les habitudes : je crois que c'est ça aussi qu'il est important de rappeler.
Q - Moi aussi, j'aime beaucoup le poulet. L'Union Européenne a également décidé de soutenir la recherche pour la découverte d'un futur vaccin. Concrètement, ça veut dire que l'Union Européenne va dégager un peu d'argent pour aider à la recherche ? Combien ?
R - C'est un appel qui a été fait, hier, par le Commissaire Européen. Nous sommes dans le cadre d'un sommet informel : les décisions seront prises au prochain sommet qui sera début décembre. Mais, effectivement, c'est une proposition qui a recueilli un avis favorable. Comme il est important, en plus des stocks nationaux vous savez que la France, depuis maintenant un an, a commencé à constituer des stocks. Nous aurons, à la fin de l'année, 14 millions de traitements, de médicaments anti-viraux.
Mais, non seulement il faut aller plus loin pour la France, mais il faut, en plus, à côté, avoir des stocks européens. A la fois pour pouvoir intervenir dans certains pays européens et puis, aussi, pour être capables de prendre le mal à la racine dans des pays qui seraient moins préparés que nous, parce que c'est aussi une façon de jouer la solidarité internationale, mais aussi de protéger l'Europe. Là encore, cette coopération a besoin d'être renforcée.
Mais la France a fait aussi d'autres propositions, hier. Notamment si nous étions face à des risques de pandémie dans certains pays qui connaissent la grippe aviaire depuis longtemps je pense notamment à l'Asie du Sud-Est. Il faut que l'on pense à nos compatriotes qui sont là-bas et, plutôt que chaque pays travaille de son côté pour leur assurer une présence médicale, des médicaments ou les rapatrier, j'ai proposé, effectivement, que nous y réfléchissions et que nous soyons capables d'agir ensemble pour l'ensemble des ressortissants européens.
Q - Vous êtes à Londres encore aujourd'hui. Au fait, c'est bon le poulet préparé par les anglais parce que le chef de l'Etat avait dit que la cuisine anglaise n'était pas terrible ?
R - Je suis très attaché à la cuisine française, mais c'était bien !
Q - Bonne fin de séjour à Londres, Xavier Bertrand. Bonne journée sur RTL.

(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 25 octobre 2005)