Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de budget de la mission "enseignement scolaire" pour 2006, Paris le 26 octobre 2005.

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Circonstance : Présentation du projet de budget de la mission "Ensignement scolaire" à l'Assemblée nationale le 26 octobre 2005

Texte intégral

Messieurs les présidents,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
J'ai l'honneur vous présenter le budget de la mission " Enseignement scolaire ".
Ce budget est la traduction d'une politique.
Aussi, avant d'en venir aux chiffres, je voudrais vous dire dans quel esprit j'ai préparé ce budget.
L'esprit du budget 2006
Je l'ai fait avec deux idées en tête :
- bien préparer l'avenir de nos enfants ;
- bien utiliser l'argent des Français.
De cet argent, qui est le fruit de leur travail, nous devons faire un usage intelligent et efficace, tourné tout entier vers la réussite des élèves.
L'enseignement scolaire n'est pas une mission parmi d'autres.
Oui, je le dis avec force : la mission dont vous allez examiner le budget est d'une certaine manière la mission fondamentale de notre République : celle qui lui donne son sens et sa grandeur, puisqu'elle vise à supprimer la fatalité de la naissance, au profit de la promotion du mérite !
Sans l'école, la République n'a tout simplement plus de sens.
C'est là le noyau dur de notre idéal : faire en sorte que chacun, quels que soient son lieu et son milieu de naissance, ait les mêmes chances de s'élever, par son propre mérite, dans l'échelle sociale.
Dans une République digne de ce nom, la naissance, la fortune, la religion, la couleur de peau, le handicap, ne doivent en aucun cas être des critères déterminants dans la réussite ; seuls comptent le travail et la motivation.
Cette idée vaut que l'on se batte pour elle - et que l'on trouve des instruments nouveaux pour la rendre chaque jour un peu plus réelle.
Ce combat contre la fatalité, contre le déterminisme social, contre la résignation, le corps enseignant est le premier à le livrer, avec une passion toujours renouvelée : dans les écoles, les collèges et les lycées que je visite, je suis frappé, oui frappé, par l'enthousiasme, la foi dans le métier, le feu sacré qui animent les professeurs.
N'oublions pas que si 93 % des parents d'élèves se sont déclarés satisfaits du déroulement de cette rentrée scolaire, nous le devons d'abord aux chefs d'établissement, aux directeurs d'école, aux enseignants et à l'ensemble de la communauté éducative, qui ont accueilli cette année 12 millions cent mille élèves dans les 1er et 2nd degrés.
Contrairement à une idée répandue, contre vents et marées, contre les prophètes de malheur qui occupent la place publique, la sinistrose ne l'a pas emporté dans les rangs des professeurs ! Le moral est bon. C'est là pour la Nation tout entière une raison d'espérer ! Les professeurs veulent faire progresser leurs élèves, les tirer vers le haut, leur ouvrir l'esprit et leur donner les moyens intellectuels de réussir leur vie !
Ils le font en appliquant la loi que vous avez votée au printemps dernier, et dont de nombreuses dispositions sont entrées en vigueur dès la rentrée : accueil des élèves handicapés, dédoublement de toutes les classes de langues en terminales générales, remplacement des professeurs absents pour assurer la continuité du service public !
Sur ce dernier point, je tiens à préciser que les voix de quelques minoritaires ne doivent pas cacher celles de l'immense majorité des enseignants qui comprennent parfaitement la légitimité et la nécessité d'une telle mesure. A cette date, un quart des établissements scolaires ont déjà passé un protocole d'accord sur le remplacement de courte durée. De nombreux autres suivront, dès la rentrée des congés de la Toussaint.
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous devons toujours rester conscients, dans nos débats - qui se passent bien loin des salles de classe - de ce travail patient de chaque jour, de ce travail incessamment poursuivi auprès des élèves, de ce travail qui est la réalité même des chiffres dont nous parlons.
Ce combat contre la fatalité oriente aussi les grandes lignes de ma politique.
Le budget que je vous présente aujourd'hui est la traduction de cette politique.
Politique que la représentation nationale a elle-même décidée, en votant la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École. Je sais, Monsieur le rapporteur Luca, que la commission des affaires culturelles accorde une attention très vigilante à son application.
L'équilibre entre l'ambition et la gestion
Deux idées, je le répète, m'ont guidé : la réussite des élèves grâce à l'égalité des chances, l'usage efficient des contributions publiques.
Le budget qui vous est présenté est le fruit d'un équilibre entre ces deux préoccupations.
A ceux qui estimeraient excessives, forcément excessives, les sommes consacrées à l'enseignement scolaire, je rappelle que la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école - que vous avez votée - a défini la feuille de route du Gouvernement ; or la mise en uvre de ses dispositions requiert la mobilisation de moyens importants. Lorsque l'on veut les fins, il faut vouloir les moyens.
Aux autres qui, au contraire, jugeraient insuffisant, forcément insuffisant, l'effort fait par les contribuables, je veux dire qu'il n'est aujourd'hui plus possible de s'inscrire dans une perspective d'accroissement incessant des moyens. Pour deux raisons : d'abord cette politique a amplement prouvé ses limites : la réussite scolaire n'est pas fonction de l'augmentation des moyens ; ensuite, nous ne pouvons pas déséquilibrer l'architecture générale du budget de l'Etat.
Votre assemblée a examiné la première partie du projet de loi de finances pour 2006 : il ne vous a donc pas échappé que la totalité des recettes de l'impôt sur le revenu ne suffit pas à financer le budget de la seule mission " Enseignement scolaire ". Il est difficile d'aller plus loin.
La bonne gestion des ressources humaines, la bonne gestion des services, la gestion prévisionnelle des effectifs, nous permettent de réaliser nos missions sans prolonger indéfiniment la courbe de la hausse. Je me refuse à entrer dans la logique qui voudrait tracer un signe égal entre l'efficacité du système et le pourcentage d'augmentation des moyens ! Cela n'a pas de sens !
Ma logique est différente : il s'agit d'abord de déterminer les missions du système éducatif, de considérer ensuite ce dont nous pouvons raisonnablement disposer sans mettre en péril les finances publiques, et enfin de mettre en uvre l'utilisation la plus efficace de ces moyens pour atteindre nos objectifs.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les députés, l'esprit de ce projet de budget.
J'en viens maintenant aux chiffres et aux mesures elles-mêmes.
Les chiffres
L'enseignement scolaire voit son budget croître, à périmètre constant, de 3,65 %, ce qui est significatif, puisque cette hausse représente 1,9 milliard d'euros supplémentaires, ce qui porte le budget à 58,47 milliards d'euros.
Cette mission est la plus importante de l'Etat ; voilà qui manifeste très clairement le caractère prioritaire de l'éducation dans la politique de la Nation, aux côtés des missions de sécurité intérieure et extérieure.
Aujourd'hui, le budget de l'enseignement scolaire, hors enseignement technique agricole, représente 21,1 % du budget de l'Etat. En terme d'effectifs, il pèse 47,2 % des effectifs de l'Etat.
S'agissant des effectifs, les choses sont simples : l'évolution des effectifs d'enseignants répond à l'évolution démographique des populations d'élèves.
Or, nous connaissons une situation en forme de ciseaux : les effectifs dans le primaire augmenteront en 2006 de 49 900 élèves, tandis que les effectifs du secondaire diminueront de 42 800 élèves, selon les prévisions.
En conséquence, nous allons créer 1 000 postes en 2006 dans le primaire. J'entends d'ici certains protester : " 1 000 postes pour 50 000 élèves, cela fait 50 élèves par classe ! " Mais je les arrête ! L'ensemble des 49 900 nouveaux élèves doit évidemment être réparti sur la totalité des 240 000 classes existantes, dont certaines comportent un nombre assez faible d'élèves. 49 900 élèves de plus dans nos 52 000 écoles, cela fait, en moyenne, moins d'un élève par école !
Ces 1 000 postes supplémentaires permettront donc de maintenir un taux d'encadrement de 23 élèves par classe à l'école primaire.
Symétriquement, la baisse du nombre d'élèves dans le secondaire nous conduit à ne pas remplacer 1 383 professeurs partant à la retraite.
Je précise qu'en toute logique, à taux d'encadrement égal, nous aurions pu porter ce nombre à 2 500.
Mais pour pouvoir mettre en uvre les programmes personnalisés de réussite éducative (prévus par la Loi Ecole) et l'accueil des handicapés (prévu par la Loi de février 2005), que vous nous avez demandés, nous avons dû garder un potentiel supérieur (de 1 117 postes).
Sur la question générale de l'encadrement des élèves, je souhaite appliquer un principe simple, que tout le monde comprendra : un professeur doit être en priorité devant des élèves !
Or, le rapport de la Cour des comptes, ainsi que l'excellent rapport du député Chamard sur la question, ont souligné qu'il y a encore de nombreux professeurs sans élèves. Nous avons là un potentiel inemployé ; je souhaite lui redonner la possibilité d'enseigner.
Sur cette question nous avons déjà fait des progrès, puisque le taux d'occupation des titulaires en zone de remplacement (TZR), qui devrait atteindre 84 % pour cette année scolaire, a augmenté de 12 points en 3 ans. Nous ne saurions évidemment nous en contenter.
J'ai donc demandé aux recteurs de tenir compte des conclusions de ces deux rapports et de me proposer avant la fin décembre des objectifs chiffrés et significatifs de retour d'un plus grand nombre de professeurs devant les élèves.
Les mesures pédagogiques
J'en viens maintenant aux mesures nouvelles proprement dites, contenues dans ce budget.
Elles sont l'incarnation pédagogique de notre politique en faveur de l'égalité des chances. Ces mesures ont un coût ; elles sont les moyens qui nous permettront de réaliser les ambitions de la loi pour l'avenir de l'école.
Si la rentrée 2005 a déjà vu l'entrée en vigueur d'un certain nombre de mesures - l'allègement des classes pour l'enseignement des langues vivantes en classe de terminales générales, la mise en uvre d'un dispositif de remplacement des enseignants absents pour de courtes durées sur la base du volontariat - la rentrée 2006 sera marquée par de nouvelles étapes.
Elles résultent pour l'essentiel de la mise en uvre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école :
Ces mesures ont trois objectifs pédagogiques majeurs :
- renforcer le soutien aux élèves en difficulté ;
- aider les élèves particulièrement méritants à poursuivre leurs études au lycée ;
- améliorer la qualité de l'enseignement en langues vivantes.
Pour renforcer le soutien scolaire :
A l'école primaire, nous avons décidé de généraliser, à la rentrée 2006, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) à tous les élèves en difficulté des classes de CP ou de CE1 (au choix des conseils d'école). Ils seront également appliqués à tous les élèves redoublants.
Au collège, les PPRE seront également étendus à tous les élèves en difficulté à l'entrée en 6è, ainsi qu'à tous les élèves redoublants.
Par ailleurs, nous créerons 200 classes ou ateliers " relais " supplémentaires et 200 unités pédagogiques d'intégration complémentaires pour les élèves handicapés.
Pour aider les élèves méritants issus de familles modestes :
Nous allons augmenter le nombre de bourses au mérite et en revaloriser le taux : cela représentera un effort de 4,7 M . Cette mesure en faveur des élèves déjà boursiers, devrait donc toucher 16 700 élèves de plus, soit 45 300 au total.
Pour améliorer l'apprentissage des langues vivantes :
Nous allons généraliser l'enseignement en petits groupes, qui est beaucoup plus efficace puisqu'il permet une pratique orale de la langue beaucoup plus intense. A partir de la rentrée 2006, toutes les terminales générales bénéficieront de ce type d'enseignement, qui sera aussi étendu aux terminales technologiques et professionnelles.
Outre ces mesures qui concernent directement l'égalité des chances et la qualité des enseignements, je veux évoquer un certain nombre de dispositions très importantes qui touchent à la vie des élèves et à celle des enseignants.
Pour améliorer l'encadrement des élèves au sein des établissements, le projet de loi de finances consolide la création des nouveaux contrats " emplois vie scolaire " créés lors de cette rentrée (CA et CAE). Il est ainsi prévu de rémunérer en moyenne sur l'année 28 500 emplois de ce type en 2006 ; les 16 500 autres " emplois vie scolaire " correspondent à des tâches qui vont relever des collectivités territoriales.
A ce jour, 15 000 emplois vie scolaire ont déjà été recrutés, en priorité pour l'aide aux directeurs d'école en milieu rural (les RPI) et pour l'aide aux équipes pédagogiques accueillant des élèves handicapés.
Par ailleurs, pour améliorer la prévention et le suivi de la santé des élèves, nous avons prévu, à la rentrée 2006, la création de 300 emplois d'infirmières, comme vous l'aviez vous-mêmes souhaité par un amendement au rapport annexé au projet de loi d'orientation.
Pour garantir la continuité de l'enseignement, j'ai fait inscrire 51 M pour payer les heures supplémentaires majorées des professeurs qui remplacent leurs collègues absents pour une courte durée.
Par mesure d'équité entre les enseignants du primaire, nous poursuivons la constitution du corps des professeurs des écoles : 20 375 emplois d'instituteurs seront ainsi transformés en emplois de professeurs des écoles, avec toutes les prérogatives attachées à ce statut. A ce rythme, l'ensemble des instituteurs sera intégré au corps des professeurs des écoles d'ici 2007.
J'en viens à présent au budget de l'enseignement agricole.
Budget de l'enseignement agricole
Ces crédits ne figurent pas au budget de l'Education nationale, mais, en l'absence de mon collègue Dominique Bussereau, qui m'a demandé de l'excuser, j'ai l'honneur de vous les présenter.
Au demeurant, l'enseignement et la formation agricoles font partie intégrante du service public national d'éducation. Les 848 établissements de l'enseignement agricole scolarisent en effet près de 180 000 élèves, dont 38 % dans le secteur public et 62 % dans le secteur privé.
Du point de vue de la gestion, l'enseignement agricole fait figure de pionnier puisque les moyens y sont totalement déconcentrés, par région, et placés sous la responsabilité des directeurs régionaux de l'agriculture.
Mais passons aux grandes lignes de ce projet de budget pour 2006, qui s'élèvera à 1 259 millions d'euros :
Les évolutions traduisent trois priorités :
1. La consolidation de l'encadrement des élèves (49 M )
2. Le confortement des décisions prises pour l'enseignement privé en 2005 (14 M )
3. Le renforcement de l'aide sociale aux élèves (4,5 M )
1. S'agissant de l'encadrement, l'année 2006 sera marquée par la mise en place des assistants d'éducation. Ils remplaceront progressivement les maîtres et surveillants d'externat. Une dotation totale de 20 M leur est consacrée, soit 5 M de plus qu'en 2005.
Par ailleurs, l'augmentation du programme d'encadrement est essentiellement liée à la revalorisation des salaires et à la budgétisation de nouvelles cotisations sociales.
2. En ce qui concerne l'enseignement privé : les revalorisations prévues par les protocoles signés avec les fédérations de l'enseignement agricole entraînent une augmentation de la dotation de 2 M . En outre, 12 M supplémentaires sont consacrés aux dépenses de personnel de droit public dans les établissements privés.
3. Enfin, les crédits consacrés aux aides sociales en faveur des élèves boursiers sont augmentés de 6 % ; cela permettra de répondre aux besoins exprimés et de réduire les délais de versement aux familles.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les grandes lignes du budget de l'enseignement agricole.
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous l'aurez compris, le budget 2006 marque très clairement la priorité donnée par le gouvernement à l'éducation et à la formation des jeunes. La hausse de 3,65 % des crédits de l'enseignement scolaire manifeste d'autant plus fortement la résolution de nos choix que la situation budgétaire est celle que vous savez.
Cet effort exceptionnel n'est pas séparable, dans mon esprit, d'un souci constant d'efficience dans l'utilisation des contributions publiques.
Nous le faisons pour une raison simple : nous avons la conviction que la cohésion nationale et la prospérité économique trouvent leurs racines les plus profondes dans l'efficacité du système scolaire.
Je serai heureux d'écouter maintenant vos commentaires et de répondre à vos questions.
Je vous remercie.

(Source http://www.education.gouv.fr, le 27 octobre 2005)