Texte intégral
J.-M. Aphatie - D. de Villepin était donc, hier soir, l'invité de France 2. "Rien de nouveau" pour Force Ouvrière ; "Rien de concret" pour la CGC ; "Message creux" pour FSU. Et pour le Medef, c'est quoi ?
L. Parisot - On a vu un Premier ministre plein d'énergie, plein d'élan, qui a fait un certain nombre de propositions, notamment aux partenaires sociaux, mais nous n'en savons pas assez. Je crois que le Premier ministre a demandé à ce que nous réfléchissions ensemble à la sécurisation des parcours professionnels...
Q- Qu'est-ce que cela veut dire ? Pour le coup, je n'ai pas bien compris, c'est quoi "la sécurisation des parcours professionnels" ?
R- L'expression est peut-être un peu étrange...
Q- ...Si vous le dites !
R- Mais cela veut dire au moins une chose, c'est que tous, nous sommes d'accord pour dire que dans le monde économique d'aujourd'hui, nous n'aurons pas toujours le même métier, nous ne travaillerons pas toujours dans le même secteur d'activité économique. Donc, ce qu'il faut, c'est permettre les passages d'une expérience à une autre, d'une compétence à une autre. La seule chose que je dirais d'emblée au Premier ministre, c'est que les partenaires sociaux ont déjà réfléchi à ces questions. C'est ce qu'ils ont fait quand ils ont signé, tous ensemble - "tous ensemble", comme dirait la CGT... -, c'est-à-dire le Medef et les grandes centrales syndicales, l'accord très important sur la formation, le droit individuel à la formation ; il s'agit bien de cela. Et puis, quand, aujourd'hui, nous sommes en train de discuter du statut et du parcours professionnel des seniors, nous incluons cette dimension-là. C'est même le titre du projet d'accord que nous sommes en train de préparer qui s'appelle ainsi.
Q- Donc, de votre point de vue et du point de vue du Medef, cela veut dire que là-dessus, il n'est pas nécessaire d'ouvrir des négociations particulières sur la sécurisation des parcours professionnels ?
R- Je ne sais pas ce que veut dire le Premier ministre quand il dit qu'il faut qu'on discute des sujets. Moi, je crois qu'il est bien d'accepter le dialogue, on en a besoin, aujourd'hui, dans notre pays. Il faut échanger les idées, échanger les points de vue et essayer de trouver des solutions. Donc, il ne faut surtout pas fermer la porte.
Q- L'autre chantier, selon le Premier ministre, concerne ce "sentiment d'injustice", a-t-il dit, qui existe aujourd'hui dans la société française. "Les entreprises gagnent beaucoup d'argent et les salariés n'en voient pas beaucoup la couleur dans l'augmentation du pouvoir d'achat. Il faut mieux récompenser le travail". Est-ce que ce sentiment d'injustice, vous le percevez, vous aussi ?
R- D'abord, dire les choses comme ça, c'est vraiment avoir une totale méconnaissance de la réalité économique. Il y a, d'une part, des grandes entreprises qui ont effectivement des profits qui impressionnent. Mais heureusement, heureusement que ces grandes entreprises, qui ont des combats mondiaux, dégagent des taux de profits qui leur permettent d'investir en permanence. Il faut se rendre compte que certains métiers demandent de dégager des profits pour, sans arrêt, préparer de nouvelles conquêtes, être prêt à réagir à des évolutions de marché. Donc, ça, il faut plutôt s'en féliciter. Par ailleurs, dans la plupart des entreprises petites et moyennes de notre pays, aujourd'hui, quand nous avons un taux de croissance de 1,5 %, il est difficile d'avoir des résultats significatifs. Et malheureusement - parce que je peux vous dire que les chefs d'entreprise ne demandent qu'une chose, c'est de pouvoir augmenter significativement les salaires de leurs salariés - malheureusement, nous sommes aujourd'hui dans des croissances - parce que c'est quand même des croissances de salaire - qui sont plus faibles que celles que nous avons connues il y a quelques années.
Q- Le Premier ministre vous a paru mal connaître la réalité économique hier soir ?
R- Je pense que le Premier ministre ne connaît peut-être pas assez l'environnement dans lequel fonctionne une entreprise, ses contraintes. On est tous préoccupés par la question du chômage, on est tous préoccupés par la mollesse de la croissance de notre pays. Eh bien réfléchissons aux vrais problèmes qui nous empêchent de libérer les énergies. Par exemple, nous savons que dans notre pays, il y a une hyper réglementation qui freine beaucoup les initiatives, qui freine beaucoup les possibilités d'avancer. Je crois que c'est plutôt sur ce genre de question qu'il faudrait travailler.
Q- Donc, vous êtes prête à discuter avec les partenaires sociaux, avec le Premier ministre, mais pas forcément des thèmes qu'il vous suggère ?
R- Le Premier ministre a évoqué un certain nombre de thèmes, nous n'en
connaissons pas beaucoup le contenu...
Q- C'est un peu flou ?
R- ... Mais je suis prête, bien sûr, avec lui-même ou ses services, à entendre ses idées. Mais je voudrais aussi dire que nous, le Medef, n'avons pas attendu le Premier ministre pour discuter avec les grandes centrales syndicales. Par exemple, quand nous proposons d'engager une négociation sur la diversité, c'est tout à fait important, c'est aussi une façon de réduire certaines formes d'inégalité qu'il y a dans notre pays. De la même façon, quand nous disons que nous allons instaurer, avec les grandes centrales syndicales, un dialogue économique, eh bien c'est aussi une possibilité de fixer un nouveau cadre d'échanges et de discussions. Je crois qu'on a tous envie de la même chose - en tout cas, je l'espère -, c'est trouver des solutions qui nous permettent de faire baisser le taux de chômage dans notre pays.
Q- Bien sûr, mais on n'a pas les mêmes réponses, forcément, quand est au Medef, quand on est au Gouvernement ou quand on est syndicaliste.
R- Mais discutons, confrontons nos idées et, éventuellement, trouvons de nouvelles idées ensemble.
Q- Le Premier ministre a également évoqué le dossier de la SNCM ; il a rappelé simplement la position du Gouvernement. La grève se poursuit : 18ème jour, aujourd'hui, au port de Marseille, ses ports corses sont aussi bloqués. Cela vous inquiète-t-il ?
R- Il y a une chose très importante à dire ce matin, et je le dis d'une manière très solennelle : je demande aux pouvoirs publics de faire tout pour permettre de débloquer, le plus vite possible, le fonctionnement du port autonome de Marseille et du port de Bastia. Ce sont des dizaines, peut-être des centaines d'entreprises, dont la vie est en jeu et dont l'avenir professionnel de leurs salariés est mis en péril aujourd'hui. On ne peut pas empêcher les gens de travailler ! Que l'on respecte le droit de grève, c'est très bien ; que l'on respecte aussi le droit au travail.
Q- Faire tout, c'est l'intervention de la force publique éventuellement ?
R- C'est la responsabilité du Gouvernement, c'est à lui d'évaluer la situation et de prendre des décisions en conséquence.
Q- Mais selon vous, ce matin, il y a urgence ?
R- Il y a tout à fait urgence. J'ai des appels, depuis plusieurs jours, de nombreux présidents de Medef territoriaux, pas seulement de ceux des Bouches-du-Rhône et de Corse - bien que ceux-ci soient extrêmement inquiets - mais de toute la France, parce que les produits ne sont plus livrés, les matières premières n'arrivent plus. C'est une perte de chiffre d'affaires, ce sont des pénalités qui sont souvent infligées par les clients. Ce sont des clients que nous perdons ! Aujourd'hui, il faut bien comprendre que le port de Marseille est en train de perdre des clients au profit d'Amsterdam, de Valence ou de Barcelone !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2005)
L. Parisot - On a vu un Premier ministre plein d'énergie, plein d'élan, qui a fait un certain nombre de propositions, notamment aux partenaires sociaux, mais nous n'en savons pas assez. Je crois que le Premier ministre a demandé à ce que nous réfléchissions ensemble à la sécurisation des parcours professionnels...
Q- Qu'est-ce que cela veut dire ? Pour le coup, je n'ai pas bien compris, c'est quoi "la sécurisation des parcours professionnels" ?
R- L'expression est peut-être un peu étrange...
Q- ...Si vous le dites !
R- Mais cela veut dire au moins une chose, c'est que tous, nous sommes d'accord pour dire que dans le monde économique d'aujourd'hui, nous n'aurons pas toujours le même métier, nous ne travaillerons pas toujours dans le même secteur d'activité économique. Donc, ce qu'il faut, c'est permettre les passages d'une expérience à une autre, d'une compétence à une autre. La seule chose que je dirais d'emblée au Premier ministre, c'est que les partenaires sociaux ont déjà réfléchi à ces questions. C'est ce qu'ils ont fait quand ils ont signé, tous ensemble - "tous ensemble", comme dirait la CGT... -, c'est-à-dire le Medef et les grandes centrales syndicales, l'accord très important sur la formation, le droit individuel à la formation ; il s'agit bien de cela. Et puis, quand, aujourd'hui, nous sommes en train de discuter du statut et du parcours professionnel des seniors, nous incluons cette dimension-là. C'est même le titre du projet d'accord que nous sommes en train de préparer qui s'appelle ainsi.
Q- Donc, de votre point de vue et du point de vue du Medef, cela veut dire que là-dessus, il n'est pas nécessaire d'ouvrir des négociations particulières sur la sécurisation des parcours professionnels ?
R- Je ne sais pas ce que veut dire le Premier ministre quand il dit qu'il faut qu'on discute des sujets. Moi, je crois qu'il est bien d'accepter le dialogue, on en a besoin, aujourd'hui, dans notre pays. Il faut échanger les idées, échanger les points de vue et essayer de trouver des solutions. Donc, il ne faut surtout pas fermer la porte.
Q- L'autre chantier, selon le Premier ministre, concerne ce "sentiment d'injustice", a-t-il dit, qui existe aujourd'hui dans la société française. "Les entreprises gagnent beaucoup d'argent et les salariés n'en voient pas beaucoup la couleur dans l'augmentation du pouvoir d'achat. Il faut mieux récompenser le travail". Est-ce que ce sentiment d'injustice, vous le percevez, vous aussi ?
R- D'abord, dire les choses comme ça, c'est vraiment avoir une totale méconnaissance de la réalité économique. Il y a, d'une part, des grandes entreprises qui ont effectivement des profits qui impressionnent. Mais heureusement, heureusement que ces grandes entreprises, qui ont des combats mondiaux, dégagent des taux de profits qui leur permettent d'investir en permanence. Il faut se rendre compte que certains métiers demandent de dégager des profits pour, sans arrêt, préparer de nouvelles conquêtes, être prêt à réagir à des évolutions de marché. Donc, ça, il faut plutôt s'en féliciter. Par ailleurs, dans la plupart des entreprises petites et moyennes de notre pays, aujourd'hui, quand nous avons un taux de croissance de 1,5 %, il est difficile d'avoir des résultats significatifs. Et malheureusement - parce que je peux vous dire que les chefs d'entreprise ne demandent qu'une chose, c'est de pouvoir augmenter significativement les salaires de leurs salariés - malheureusement, nous sommes aujourd'hui dans des croissances - parce que c'est quand même des croissances de salaire - qui sont plus faibles que celles que nous avons connues il y a quelques années.
Q- Le Premier ministre vous a paru mal connaître la réalité économique hier soir ?
R- Je pense que le Premier ministre ne connaît peut-être pas assez l'environnement dans lequel fonctionne une entreprise, ses contraintes. On est tous préoccupés par la question du chômage, on est tous préoccupés par la mollesse de la croissance de notre pays. Eh bien réfléchissons aux vrais problèmes qui nous empêchent de libérer les énergies. Par exemple, nous savons que dans notre pays, il y a une hyper réglementation qui freine beaucoup les initiatives, qui freine beaucoup les possibilités d'avancer. Je crois que c'est plutôt sur ce genre de question qu'il faudrait travailler.
Q- Donc, vous êtes prête à discuter avec les partenaires sociaux, avec le Premier ministre, mais pas forcément des thèmes qu'il vous suggère ?
R- Le Premier ministre a évoqué un certain nombre de thèmes, nous n'en
connaissons pas beaucoup le contenu...
Q- C'est un peu flou ?
R- ... Mais je suis prête, bien sûr, avec lui-même ou ses services, à entendre ses idées. Mais je voudrais aussi dire que nous, le Medef, n'avons pas attendu le Premier ministre pour discuter avec les grandes centrales syndicales. Par exemple, quand nous proposons d'engager une négociation sur la diversité, c'est tout à fait important, c'est aussi une façon de réduire certaines formes d'inégalité qu'il y a dans notre pays. De la même façon, quand nous disons que nous allons instaurer, avec les grandes centrales syndicales, un dialogue économique, eh bien c'est aussi une possibilité de fixer un nouveau cadre d'échanges et de discussions. Je crois qu'on a tous envie de la même chose - en tout cas, je l'espère -, c'est trouver des solutions qui nous permettent de faire baisser le taux de chômage dans notre pays.
Q- Bien sûr, mais on n'a pas les mêmes réponses, forcément, quand est au Medef, quand on est au Gouvernement ou quand on est syndicaliste.
R- Mais discutons, confrontons nos idées et, éventuellement, trouvons de nouvelles idées ensemble.
Q- Le Premier ministre a également évoqué le dossier de la SNCM ; il a rappelé simplement la position du Gouvernement. La grève se poursuit : 18ème jour, aujourd'hui, au port de Marseille, ses ports corses sont aussi bloqués. Cela vous inquiète-t-il ?
R- Il y a une chose très importante à dire ce matin, et je le dis d'une manière très solennelle : je demande aux pouvoirs publics de faire tout pour permettre de débloquer, le plus vite possible, le fonctionnement du port autonome de Marseille et du port de Bastia. Ce sont des dizaines, peut-être des centaines d'entreprises, dont la vie est en jeu et dont l'avenir professionnel de leurs salariés est mis en péril aujourd'hui. On ne peut pas empêcher les gens de travailler ! Que l'on respecte le droit de grève, c'est très bien ; que l'on respecte aussi le droit au travail.
Q- Faire tout, c'est l'intervention de la force publique éventuellement ?
R- C'est la responsabilité du Gouvernement, c'est à lui d'évaluer la situation et de prendre des décisions en conséquence.
Q- Mais selon vous, ce matin, il y a urgence ?
R- Il y a tout à fait urgence. J'ai des appels, depuis plusieurs jours, de nombreux présidents de Medef territoriaux, pas seulement de ceux des Bouches-du-Rhône et de Corse - bien que ceux-ci soient extrêmement inquiets - mais de toute la France, parce que les produits ne sont plus livrés, les matières premières n'arrivent plus. C'est une perte de chiffre d'affaires, ce sont des pénalités qui sont souvent infligées par les clients. Ce sont des clients que nous perdons ! Aujourd'hui, il faut bien comprendre que le port de Marseille est en train de perdre des clients au profit d'Amsterdam, de Valence ou de Barcelone !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 octobre 2005)