Texte intégral
Il y a soixante ans, sur les décombres du conflit le plus meurtrier de l'histoire, la naissance de l'Unesco était un acte de foi dans l'avenir du monde. Et un appel à l'action, sur le fondement de ce principe et de cette conviction : "Les guerres prennent naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix."
Quelle ambition plus haute que de servir la paix et l'unité mondiales, par l'éducation, la science et la culture ? Mais aussi quelle mission plus actuelle dans le monde d'aujourd'hui ? Ne nous y trompons pas : l'une des réponses fondamentales aux défis du terrorisme et aux violences de notre temps, c'est la préservation des identités culturelles. Tel est à mon sens l'enjeu essentiel du projet de convention sur la diversité culturelle soumis d'ici au 20 octobre au vote des 191 Etats de la Conférence générale de l'Unesco, réunie à Paris.
Parce que la question des identités sera sans doute la grande question de ce siècle, au-delà des conditions de la création et de l'expression artistique et culturelle dans un monde qui tend à devenir de plus en plus uniforme et de plus en plus soumis aux règles du commerce, ce texte inscrit dans le droit international la diversité, l'égalité et la dignité des cultures ; et dans le même mouvement le droit des Etats à prendre des mesures de soutien aux politiques culturelles.
"L'ère du monde fini" qu'annonçait Paul Valéry a commencé. La mondialisation nous a rendus à la fois plus proches mais aussi plus dépendants les uns des autres, en conférant à notre génération une responsabilité sans précédent vis-à-vis de notre planète, à l'image de la lutte en faveur de la biodiversité et de la protection de notre environnement naturel.
Inscrire dans le droit international que les oeuvres d'art et de l'esprit ne peuvent être considérées comme des marchandises : c'est, à notre époque où tout s'échange, où tout peut devenir objet de commerce, donner à la culture une place particulière, conforme à la dignité de l'être humain et à notre responsabilité face à l'histoire.
Tel est bien le sens de ce texte dont le président de la République, Jacques Chirac, a proposé l'adoption pour la première fois lors du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg, il y a trois ans.
Notre message n'est pas celui du repli identitaire. Il ne cède pas à la tentation de la fermeture et des particularismes, qui justifieraient toutes sortes de violences et de fanatismes. Notre message, c'est celui de l'attachement pluriséculaire de la France à la liberté, à la tolérance, à la raison, aux valeurs qui fondent la déclaration des Droits de l'Homme, cette déclaration qui appelle à toutes les émancipations et les réunit dans une même universalité.
Dans cet élan de la communauté internationale, auquel l'Union européenne apporte tout son poids, le mérite de la France est d'aider à comprendre que l'adoption du texte de l'Unesco est l'une des conditions essentielles pour parvenir à une mondialisation mieux maîtrisée et plus humaine. La France est ainsi fidèle à une véritable éthique de la culture, en donnant de nouvelles chances de faire vivre cette conviction de Montaigne : "Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition."
Il y a quarante-cinq ans, l'appel lancé par l'Unesco pour sauver Abou Simbel et les monuments de la Haute-Egypte était un appel à la conscience universelle. André Malraux, ministre du général de Gaulle, y répondit à la tribune même de l'Unesco, dans des termes qui allaient permettre quelques années plus tard de créer la notion révolutionnaire de patrimoine mondial de l'humanité : "Vous proposez l'action qui fait appel à tous les hommes contre tous les grands naufrages. Votre appel n'appartient pas à l'histoire de l'esprit parce qu'il veut sauver les temples de Nubie, mais parce qu'avec lui la première civilisation mondiale revendique publiquement l'art mondial comme son indivisible héritage."
Aujourd'hui, il s'agit de faire de cet héritage un projet au service de la création artistique et culturelle, de l'échange des idées et des oeuvres et de l'invention du monde de demain.
Créée au lendemain de la guerre, l'Unesco devait servir l'unité du monde. Elle doit maintenant en sauver la pluralité. Ce projet n'est pas uniquement culturel. Il est profondément politique, au sens le plus élevé de ce terme. Parce qu'il est le fondement même de la paix. La diversité culturelle n'est pas une arrogance. Elle n'est pas un réflexe de survie. Elle n'est pas un cri minoritaire. C'est une main tendue. Une marque de respect. Une urgence, dans le monde d'aujourd'hui, pour enrayer la spirale des intégrismes et enclencher celle de la paix et de l'humanisme.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2005)
Quelle ambition plus haute que de servir la paix et l'unité mondiales, par l'éducation, la science et la culture ? Mais aussi quelle mission plus actuelle dans le monde d'aujourd'hui ? Ne nous y trompons pas : l'une des réponses fondamentales aux défis du terrorisme et aux violences de notre temps, c'est la préservation des identités culturelles. Tel est à mon sens l'enjeu essentiel du projet de convention sur la diversité culturelle soumis d'ici au 20 octobre au vote des 191 Etats de la Conférence générale de l'Unesco, réunie à Paris.
Parce que la question des identités sera sans doute la grande question de ce siècle, au-delà des conditions de la création et de l'expression artistique et culturelle dans un monde qui tend à devenir de plus en plus uniforme et de plus en plus soumis aux règles du commerce, ce texte inscrit dans le droit international la diversité, l'égalité et la dignité des cultures ; et dans le même mouvement le droit des Etats à prendre des mesures de soutien aux politiques culturelles.
"L'ère du monde fini" qu'annonçait Paul Valéry a commencé. La mondialisation nous a rendus à la fois plus proches mais aussi plus dépendants les uns des autres, en conférant à notre génération une responsabilité sans précédent vis-à-vis de notre planète, à l'image de la lutte en faveur de la biodiversité et de la protection de notre environnement naturel.
Inscrire dans le droit international que les oeuvres d'art et de l'esprit ne peuvent être considérées comme des marchandises : c'est, à notre époque où tout s'échange, où tout peut devenir objet de commerce, donner à la culture une place particulière, conforme à la dignité de l'être humain et à notre responsabilité face à l'histoire.
Tel est bien le sens de ce texte dont le président de la République, Jacques Chirac, a proposé l'adoption pour la première fois lors du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg, il y a trois ans.
Notre message n'est pas celui du repli identitaire. Il ne cède pas à la tentation de la fermeture et des particularismes, qui justifieraient toutes sortes de violences et de fanatismes. Notre message, c'est celui de l'attachement pluriséculaire de la France à la liberté, à la tolérance, à la raison, aux valeurs qui fondent la déclaration des Droits de l'Homme, cette déclaration qui appelle à toutes les émancipations et les réunit dans une même universalité.
Dans cet élan de la communauté internationale, auquel l'Union européenne apporte tout son poids, le mérite de la France est d'aider à comprendre que l'adoption du texte de l'Unesco est l'une des conditions essentielles pour parvenir à une mondialisation mieux maîtrisée et plus humaine. La France est ainsi fidèle à une véritable éthique de la culture, en donnant de nouvelles chances de faire vivre cette conviction de Montaigne : "Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition."
Il y a quarante-cinq ans, l'appel lancé par l'Unesco pour sauver Abou Simbel et les monuments de la Haute-Egypte était un appel à la conscience universelle. André Malraux, ministre du général de Gaulle, y répondit à la tribune même de l'Unesco, dans des termes qui allaient permettre quelques années plus tard de créer la notion révolutionnaire de patrimoine mondial de l'humanité : "Vous proposez l'action qui fait appel à tous les hommes contre tous les grands naufrages. Votre appel n'appartient pas à l'histoire de l'esprit parce qu'il veut sauver les temples de Nubie, mais parce qu'avec lui la première civilisation mondiale revendique publiquement l'art mondial comme son indivisible héritage."
Aujourd'hui, il s'agit de faire de cet héritage un projet au service de la création artistique et culturelle, de l'échange des idées et des oeuvres et de l'invention du monde de demain.
Créée au lendemain de la guerre, l'Unesco devait servir l'unité du monde. Elle doit maintenant en sauver la pluralité. Ce projet n'est pas uniquement culturel. Il est profondément politique, au sens le plus élevé de ce terme. Parce qu'il est le fondement même de la paix. La diversité culturelle n'est pas une arrogance. Elle n'est pas un réflexe de survie. Elle n'est pas un cri minoritaire. C'est une main tendue. Une marque de respect. Une urgence, dans le monde d'aujourd'hui, pour enrayer la spirale des intégrismes et enclencher celle de la paix et de l'humanisme.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2005)