Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Dans 49 jours exactement, nous basculerons dans l'euro. Je devrais dire d'ailleurs dans 53 jours pour être tout à fait exact, puisque le "pont" du 1er janvier conduira les opérateurs à coter l'euro sur les marchés seulement le 4 janvier.
L'euro, dans ces dernières semaines avant le big bang, cela peut sembler d'abord l'affaire des hommes de marché, des banquiers, des financiers. C'est vrai, ce sont eux qui sont les plus immédiatement concernés par cette révolution monétaire. Pour eux, l'euro est une préoccupation quotidienne. L'adaptation de leurs équipes, des institutions financières qu'ils dirigent, est une clé de leur bonne insertion dans l'Europe financière et bancaire de demain. Ils le savent. Ils s'y préparent.
1- Mais l'euro, c'est aussi l'affaire de tous, hommes et femmes, consommateurs, salariés, pensionnés, assurés sociaux, bref des 58 millions de Français qui ont l'habitude depuis quelques siècles d'utiliser des francs et des centimes, et vont devoir désormais raisonner en euro.
Notre référence monétaire va changer, et il ne faut pas sous-estimer la difficulté à opérer ce changement, en particulier pour les publics les plus fragiles, les personnes âgées notamment, mais aussi les non-voyants, auprès de qui des actions particulières de sensibilisation devront être menées. Telle est bien la préoccupation qui inspire la campagne lancée aujourd'hui.
Il ne faut pas non plus surestimer la difficulté du changement. Les Français montrent quotidiennement leur formidable capacité d'adaptation aux nouvelles technologies, leur appétence à disposer de nouvelles fonctionnalités toujours plus élaborées dans le domaine des technologies de l'information et de la communication notamment.
Plusieurs éléments très concrets me confortent dans cette opinion :
- Les Français dans leur quasi-totalité savent que l'euro va être là. Et, à une très large majorité, ils veulent l'euro et estiment qu'il sera un élément de changement positif pour eux. Ce sont les enseignements des dernières enquêtes d'opinion qui viennent de nous être présentées. Or il est évident que l'on se prépare mieux et que l'on s'adapte mieux à quelque chose que l'on attend, que l'on anticipe et que l'on désire, plutôt qu'à une échéance à laquelle on tournerait le dos.
- Très peu de changements interviendront dans la vie quotidienne des Français à partir du 1er janvier prochain. La vie quotidienne, ce sont les règlements en espèces, et vous savez tous que les pièces et les billets en euro seront introduits seulement en 2002. Les Français disposeront donc de trois ans pour s'acclimater complètement à ce nouvel environnement monétaire.
2- Les Français vont donc s'approprier individuellement l'euro. Ils vont aussi s'approprier collectivement l'euro. L'euro va devenir notre monnaie, c'est-à-dire un élément important de notre identité. Il faut donc donner du sens à cette formidable entreprise historique.
Le gouvernement y a consacré une part importante de son énergie depuis 18 mois. L'euro, tel que nous le faisons aujourd'hui, n'est pas tout à fait celui qui aurait été fait par d'autres que nous il y a encore un an. L'euro n'est pas une fin en soi. Il doit être un levier pour la croissance et pour l'emploi :
- Un levier pour la croissance :
Nous en bénéficions déjà, car on voit bien aujourd'hui que l'euro nous protège des turbulences monétaires et financières internationales. L'Europe constitue aujourd'hui le principal espace de croissance dans le monde. Elle le doit en grande partie à l'euro, qui diminue dans des proportions considérables notre exposition au risque de change, et nous rend par conséquent moins vulnérable aux aléas de la conjoncture extérieure.
Pour autant, il va de soi que l'Europe ne peut pas, ne doit pas se désintéresser des crises monétaires, financières ou économiques qui affectent d'autres régions du monde. L'Europe doit se poser en pôle de stabilité et de croissance pour elle-même d'abord, mais aussi pour le monde dans son ensemble. C'est ce que je résume parfois sous l'idée d'Europe-puissance, c'est-à-dire d'une Europe qui assume pleinement les responsabilités particulières que lui donne une intégration renforcée. A cet égard, l'euro doit nous inciter à accélérer les travaux sur la réforme institutionnelle de l'Europe et favoriser l'émergence d'une Europe politique, capable de peser de tout son poids dans le concert mondial.
- L'euro doit aussi être un levier pour l'emploi :
Les politiques de croissance mises en oeuvre en Europe doivent être résolument orientées en faveur de l'emploi.
Nous avons initié au niveau européen une démarche commune lors du Sommet extraordinaire de Luxembourg en novembre de l'année dernière. Nous y avons adopté des objectifs communs dans le domaine de l'emploi et des politiques de l'emploi que je rappelle : nouveau départ offert aux jeunes chômeurs, nouveau départ offert aux chômeurs de longue durée, effort de formation en direction des chômeurs.
Nous avons ensuite élaboré un plan national d'action qui décrit aussi précisément que possible notre cheminement pour satisfaire à ces objectifs communs. La qualité de notre plan national a été saluée à juste titre par la Commission européenne. Et nous allons évaluer les premiers résultats des plans nationaux des Quinze au Conseil européen de Vienne dans cinq semaines.
Il faut maintenant faire vivre cette démarche communautaire profondément novatrice sur les questions d'emploi, épanouir toutes ses potentialités et l'enrichir progressivement.
Nos partenaires européens y sont disposés, l'Allemagne de Gerhard Schroeder en tête.
Chez nous, l'attente créée dans le monde du travail commence à grandir. Je l'ai constaté moi-même, il y a trois semaines, lorsque j'ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur la procédure de Luxembourg.
Du reste, l'euro rend cette concertation sociale absolument indispensable sur l'ensemble des questions européennes, et tout particulièrement sur l'accompagnement social de l'euro. Nous devons rénover de fond en comble le dialogue social sur les questions européennes, l'améliorer rapidement en régularité, en densité, et lui assurer un ancrage par rapport aux nouveaux espaces de décision publique que crée l'euro. C'est le sens des propositions formulées très récemment par Philippe Herzog, à qui j'avais confié l'année dernière la mission de faire rapport au gouvernement sur ces questions.
Incontestablement, une étape s'achève le 1er janvier prochain, avec le lancement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Elle a été conduite avec succès, et c'est à l'évidence une grande chance pour l'Europe.
Il faut maintenant que cet investissement porte tous ses fruits. Les Français sont en droit maintenant d'attendre les dividendes de l'euro, pour l'emploi, pour une croissance plus forte et plus équilibrée, pour la promotion d'un modèle social européen que nous devons défendre et consolider. C'est le principal défi européen qui nous attend demain. Le gouvernement auquel Dominique Strauss-Kahn et moi-même appartenons, sera attentif à ne pas l'esquiver, soyez-en certains.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
Dans 49 jours exactement, nous basculerons dans l'euro. Je devrais dire d'ailleurs dans 53 jours pour être tout à fait exact, puisque le "pont" du 1er janvier conduira les opérateurs à coter l'euro sur les marchés seulement le 4 janvier.
L'euro, dans ces dernières semaines avant le big bang, cela peut sembler d'abord l'affaire des hommes de marché, des banquiers, des financiers. C'est vrai, ce sont eux qui sont les plus immédiatement concernés par cette révolution monétaire. Pour eux, l'euro est une préoccupation quotidienne. L'adaptation de leurs équipes, des institutions financières qu'ils dirigent, est une clé de leur bonne insertion dans l'Europe financière et bancaire de demain. Ils le savent. Ils s'y préparent.
1- Mais l'euro, c'est aussi l'affaire de tous, hommes et femmes, consommateurs, salariés, pensionnés, assurés sociaux, bref des 58 millions de Français qui ont l'habitude depuis quelques siècles d'utiliser des francs et des centimes, et vont devoir désormais raisonner en euro.
Notre référence monétaire va changer, et il ne faut pas sous-estimer la difficulté à opérer ce changement, en particulier pour les publics les plus fragiles, les personnes âgées notamment, mais aussi les non-voyants, auprès de qui des actions particulières de sensibilisation devront être menées. Telle est bien la préoccupation qui inspire la campagne lancée aujourd'hui.
Il ne faut pas non plus surestimer la difficulté du changement. Les Français montrent quotidiennement leur formidable capacité d'adaptation aux nouvelles technologies, leur appétence à disposer de nouvelles fonctionnalités toujours plus élaborées dans le domaine des technologies de l'information et de la communication notamment.
Plusieurs éléments très concrets me confortent dans cette opinion :
- Les Français dans leur quasi-totalité savent que l'euro va être là. Et, à une très large majorité, ils veulent l'euro et estiment qu'il sera un élément de changement positif pour eux. Ce sont les enseignements des dernières enquêtes d'opinion qui viennent de nous être présentées. Or il est évident que l'on se prépare mieux et que l'on s'adapte mieux à quelque chose que l'on attend, que l'on anticipe et que l'on désire, plutôt qu'à une échéance à laquelle on tournerait le dos.
- Très peu de changements interviendront dans la vie quotidienne des Français à partir du 1er janvier prochain. La vie quotidienne, ce sont les règlements en espèces, et vous savez tous que les pièces et les billets en euro seront introduits seulement en 2002. Les Français disposeront donc de trois ans pour s'acclimater complètement à ce nouvel environnement monétaire.
2- Les Français vont donc s'approprier individuellement l'euro. Ils vont aussi s'approprier collectivement l'euro. L'euro va devenir notre monnaie, c'est-à-dire un élément important de notre identité. Il faut donc donner du sens à cette formidable entreprise historique.
Le gouvernement y a consacré une part importante de son énergie depuis 18 mois. L'euro, tel que nous le faisons aujourd'hui, n'est pas tout à fait celui qui aurait été fait par d'autres que nous il y a encore un an. L'euro n'est pas une fin en soi. Il doit être un levier pour la croissance et pour l'emploi :
- Un levier pour la croissance :
Nous en bénéficions déjà, car on voit bien aujourd'hui que l'euro nous protège des turbulences monétaires et financières internationales. L'Europe constitue aujourd'hui le principal espace de croissance dans le monde. Elle le doit en grande partie à l'euro, qui diminue dans des proportions considérables notre exposition au risque de change, et nous rend par conséquent moins vulnérable aux aléas de la conjoncture extérieure.
Pour autant, il va de soi que l'Europe ne peut pas, ne doit pas se désintéresser des crises monétaires, financières ou économiques qui affectent d'autres régions du monde. L'Europe doit se poser en pôle de stabilité et de croissance pour elle-même d'abord, mais aussi pour le monde dans son ensemble. C'est ce que je résume parfois sous l'idée d'Europe-puissance, c'est-à-dire d'une Europe qui assume pleinement les responsabilités particulières que lui donne une intégration renforcée. A cet égard, l'euro doit nous inciter à accélérer les travaux sur la réforme institutionnelle de l'Europe et favoriser l'émergence d'une Europe politique, capable de peser de tout son poids dans le concert mondial.
- L'euro doit aussi être un levier pour l'emploi :
Les politiques de croissance mises en oeuvre en Europe doivent être résolument orientées en faveur de l'emploi.
Nous avons initié au niveau européen une démarche commune lors du Sommet extraordinaire de Luxembourg en novembre de l'année dernière. Nous y avons adopté des objectifs communs dans le domaine de l'emploi et des politiques de l'emploi que je rappelle : nouveau départ offert aux jeunes chômeurs, nouveau départ offert aux chômeurs de longue durée, effort de formation en direction des chômeurs.
Nous avons ensuite élaboré un plan national d'action qui décrit aussi précisément que possible notre cheminement pour satisfaire à ces objectifs communs. La qualité de notre plan national a été saluée à juste titre par la Commission européenne. Et nous allons évaluer les premiers résultats des plans nationaux des Quinze au Conseil européen de Vienne dans cinq semaines.
Il faut maintenant faire vivre cette démarche communautaire profondément novatrice sur les questions d'emploi, épanouir toutes ses potentialités et l'enrichir progressivement.
Nos partenaires européens y sont disposés, l'Allemagne de Gerhard Schroeder en tête.
Chez nous, l'attente créée dans le monde du travail commence à grandir. Je l'ai constaté moi-même, il y a trois semaines, lorsque j'ai réuni les partenaires sociaux pour faire le point sur la procédure de Luxembourg.
Du reste, l'euro rend cette concertation sociale absolument indispensable sur l'ensemble des questions européennes, et tout particulièrement sur l'accompagnement social de l'euro. Nous devons rénover de fond en comble le dialogue social sur les questions européennes, l'améliorer rapidement en régularité, en densité, et lui assurer un ancrage par rapport aux nouveaux espaces de décision publique que crée l'euro. C'est le sens des propositions formulées très récemment par Philippe Herzog, à qui j'avais confié l'année dernière la mission de faire rapport au gouvernement sur ces questions.
Incontestablement, une étape s'achève le 1er janvier prochain, avec le lancement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Elle a été conduite avec succès, et c'est à l'évidence une grande chance pour l'Europe.
Il faut maintenant que cet investissement porte tous ses fruits. Les Français sont en droit maintenant d'attendre les dividendes de l'euro, pour l'emploi, pour une croissance plus forte et plus équilibrée, pour la promotion d'un modèle social européen que nous devons défendre et consolider. C'est le principal défi européen qui nous attend demain. Le gouvernement auquel Dominique Strauss-Kahn et moi-même appartenons, sera attentif à ne pas l'esquiver, soyez-en certains.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)