Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à RTL le 17 octobre 2000, sur le départ de Martine Aubry, la préparation des élections municipales à Paris, le statut de la Corse et les agressions contre les synagogues.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Bonjour Charles Pasqua.
Bonjour.
Tous les journaux sont pleins ce matin du départ de Martine Aubry, c'est un rude coup pour le gouvernement.
Je crois que c'était prévu donc on ne peut pas dire que ce soit un rude coup, c'était une personnalité importante. Elle sera difficile à remplacer tout de même, c'est clair.
Si c'est Elisabeth Guigou qui la remplace, celle ci a déjà dit qu'elle entendait en cas d'élection assurer son rôle de maire d'Avignon, c'est la fin du mandat unique ?
Pour rester fidèle à la règle du non-cumul, il y a une solution très simple, c'est de faire en sorte que madame Guigou soit battue à Avignon.
Comme cela, elle aura tout le temps nécessaire à consacrer à ses activités gouvernementales. Elle est décidément très boulimique.
C'est une pirouette.
Non, ce n'est pas une pirouette du tout. Je crois que c'est d'abord à Lionel Jospin de voir s'il veut rester fidèle à la ligne qu'il avait définie ou s'il accepte un certain nombre d'accommodements.
Manifestement il est plutôt porté aux accommodements
Alors vous même, allez vous en tant que président du RPF vous engager dans la bataille de Paris aux côtés de Jean Tibéri ?
Non, je n'ai pas du tout l'intention de m'engager dans la bataille de Paris.
Ce que je souhaite c'est que dans deux grandes villes au moins où la pagaille règne, c'est-à-dire Paris d'une part et Lyon, d'autre part, je souhaite qu'il y ait de la part des dirigeants de l'opposition un ressaisissement parce qu'il me semble que la machine à perdre s'est mise en marche et si on continue à Paris à avoir cet affrontement entre Seguin et Tibéri et à Lyon incapacité d'arriver à rassembler tout le monde dans une seule liste, il est clair que ces deux villes risquent d'être perdues, ce qui serait quand même à la fois un coup sensible pour l'opposition et pour le président de la République.
Je ne pense pas que l'on puisse laisser se développer cette situation sans intervenir. Je considère qu'à Paris le RPR s'est très mal conduit envers Tibéri, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, on ne se comporte pas comme ça, s'ils considéraient que ce n'était pas le meilleur candidat pour garder la capitale, il s'agit d'une analyse politique, on en tire les leçons, on essaie de trouver les solutions.
Mais vous ne considérez pas qu'il est plombé par les affaires ?
Mais, oui c'est possible. Si j'en juge par les sondages, ca n'est pas le cas mais de toute façon, je dis simplement qu'on ne peut pas transformer Tibéri en bouc émissaire et dans le même temps il n'est pas raisonnable de la part de Seguin de dire, quoi qu'il arrive, il n'y aura pas d'entente au second tour.
Cela, c'est une démarche suicidaire.
Alors vous allez jouer les médiateurs entre les deux ?
Je jouerais les médiateurs, je n'ai pas vocation à jouer les médiateurs.
Vous connaissez bien Philippe Seguin et vous aimez bien Jean Tibéri
Je les aime bien tous les deux mais ils ne sont pas les seuls en cause, je veux dire qu'il y a aussi les dirigeants des formations nationales de l'opposition.
Je pense qu'ils auraient intérêt de se réunir et à faire en sorte pour une fois qu'aussi bien à Paris qu'à Lyon, il y ait un minimum d'accords de façon à ce que les électeurs de l'opposition ne se sentent pas floués et ne décident pas en définitive de rester chez eux le jour des élections parce que cette tendance a déjà trop est visible. Alors, ce n'est pas la peine d'en rajouter.
Attendez, je ne comprends plus. Vous étiez président du RPF, décidé à affirmer une ligne originale, marginale par rapport à d'autres et puis là aujourd'hui vous êtes presque le leader de l'opposition en disant "mais on va perdre".
Je ne suis pas le leader de l'opposition, Dieu m'en préserve, tous les jours je me réjouis d'ailleurs d'avoir quitté le RPR.
Alors vous voyez, vous divisez aussi.
Non, je ne divise pas étant donné que je n'envisage pas de présenter des listes pour ajouter à la confusion mais je n'ai pas créé le RPF, peut être cela vous a échappéje n'ai pas créé le RPF pour fournir des postes d'adjoints au maire ou de conseillers municipaux.
J'ai créé le RPF pour défendre un certain nombre de principes quant à la politique nationale
Et vous êtes de l'opposition.
Je ne suis pas dans la majorité, c'est clair.
Non, mais vous n'êtes pas à côté de l'opposition.
Je suis à côté à l'opposition, en tous les cas je ne suis pas dedans si c'est ce que vous essayez de me faire dire.
Bien et estimez vous pour votre part
Je ne suis pas tenu par les décisions prises par les uns ou les autres.
que compte tenu du climat d'ensemble comme certains le préconisent, il faudrait les échéances électorales, législatives et présidentielles ?
Non, je ne crois pas. Je pense que les échéances doivent être respectées, la législature doit aller à son terme, je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait d'accélérer le processus.
Et le calendrier les législatives avant les présidentielles, cela vous convient ?
Moi je n'étais pas favorable à la réduction du mandat présidentiel, tout le monde le sait, mais à partir du moment où cette réforme a été décidée, je pense que la logique, c'est que les élections présidentielles aient lieu avant les élections législatives.
Je vois bien naturellement les raisons pour lesquelles ni le président de la République, ni Lionel Jospin ne le souhaitent parce que tous les deux comptent utiliser les élections législatives pour bien contrôler leur camp respectif, cela, c'est visible à l'il nu, si j'ose dire. Mais je ne crois pas que ce soit conforme à l'esprit des institutions.
L'esprit des institutions, c'est que le président de la République est la poutre maîtresse et par conséquent il doit être élu avant l'Assemblée.
Et s'il ne veut pas ?
Ecoutez je n'en sais rien moi, je ne suis pas chargé de parler au nom du président de la République, ni du Premier ministre. Je dis simplement que ce serait logique, la logique anime t elle les hommes politiques, c'est un autre problème, ce n'est pas sûr.
Bon. Mais vous êtes homme politique vous même ?
Oui, mais moi j'essaie d'être animé par la logique ainsi que vous le voyez.
Alors la logique, le gouvernement lui s'en tient à son processus concernant la Corse, Daniel Vaillant qui était hier matin à votre place a dit: "moi je prépare un projet de loi qui va être présenté à l'Assemblée nationale et qui sera conforme au texte signé à Matignon".
Oui et alors ?
Vous allez continuer à lutter contre ?
Tout à fait oui, je considère qu'il ne s'agit pas d'accords qui ont été signés à Matignon, à Matignon il s'est agit de la part du gouvernement de s'aligner complètement sur les positions des nationalistes, ce qui est rejeté par la très grande majorité des Corses. Moi je ne demande qu'une seule chose, au moins si un projet de loi est présenté à l'Assemblée nationale, chacun aura l'occasion de se déterminer et nous verrons bien qui soutient ce processus.
Mais, d'autre part, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, l'Assemblée de Corse n'a pas été mandatée pour engager quelques négociations ou quoi que ce soit, c'est une assemblée administrative, la solution c'est de la dissoudre et de revenir devant les électeurs. Ensuite chacun y verra plus clair.
Le conflit au Proche-Orient a des répercutions sur le territoire français puisqu'il y a eu des agressions contre des synagogues, vous avez vous-même manifesté votre inquiétude mais est ce que vous êtes rassuré par les déclarations notamment hier des responsables religieux, du président de la République, du Premier ministre ?
Oui, enfin vous savez les déclarations, il vaut mieux qu'il y ait des déclarations telles qu'elles ont été faites, c'est préférable que l'on essaie de rassurer mais dans le même temps, le gouvernement a d'autres responsabilités, ses responsabilités sont celles du maintien de l'ordre et il est bien évident que l'on ne soit tolérer en aucun cas des agressions contre des édifices religieux.
Aujourd'hui ce sont nos compatriotes de confession juive qui sont les plus menacés, le devoir du gouvernement c'est de prendre les mesures nécessaires et je ne suis pas sûr qu'elles aient toutes étaient prises.
Qu'est ce qu'il faudrait faire ?
Ecoutez, demandez au gouvernement, moi j'ai été ministre de l'Intérieur je considère qu'à l'heure actuelle, les mesures de précaution ou de protection concernant les édifices religieux sont insuffisantes.
Et je crois que la priorité des priorités comme nous sommes dans une période de tension j'espère qu'elle ne durera pas mais tant que cette période de tension existe, nous avons le devoir à la fois de protéger les édifices religieux et les écoles. C'est une nécessité absolue.
Merci, Charles Pasqua.
Je vous en prie. Merci.
(source http://www.rpfie.org, le 18 octobre 2000)