Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la restauration du grand orgue de la cathédrale Notre-Dame, Saint-Dié le 2 décembre 2000.

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  • Michel Duffour - secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle

Circonstance : Inauguration du grand orgue restauré de la cathédrale Notre-Dame à Saint-Dié le 2 décembre 2000

Texte intégral

C'est très volontiers que je me suis rendu à l'invitation de Christian Pierret, pour découvrir le projet de reconstruction du grand orgue de la Cathédrale Notre-Dame, monument historique classé, appartenant à l'Etat.
C'est d'abord rendre hommage à la ténacité des habitants de Saint-Dié qui ont souhaité que soit restauré cet orgue qui fut dynamité en novembre 44 lors de la retraite allemande. S'il fallait un " coup de grâce " pour citer le film superbe de Schroeder, tiré du roman de Schlöndorffer, ce fut celui de détruire le dernier témoin de la très longue histoire des orgues de cette cathédrale romano-gothique édifiée dans la pierre superbe du grès des Vosges. Cette dernière trace d'une histoire qu'on ne saurait édulcorer à force de révisionnisme scandaleux ou de mémoires délibérément lacunaires, Saint-Dié a tenu à la restaurer et à l'inscrire dans une démarche, certes de longue haleine, mais aussi contemporaine de restauration et d'ouverture au futur.
J'ai dit que ce fut une démarche de longue haleine, certains pourraient y voir - et regretter - des lenteurs administratives dès lors que l'Etat, sur vos propositions, décidait de s'engager dans la restauration de cet orgue dès 1987.
Je crois que si les projets furent nombreux, ils se sont heurtés à chaque fois au poids financier d'une telle restauration -5,4 MF pris en charge à 100% par l'Etat - aussi bien qu'aux débats passionnants à mon sens au cur de l'approche patrimoniale des puissances publiques - entre reconstitution à l'identique ou bien restauration actualisée. Autres débats, encore que de même nature, tenant cette fois davantage à la dimension architecturale de l'orgue, singulièrement de l'orgue attaché à un monument d'une dimension patrimoniale significative de notre histoire.
Aujourd'hui, nous saluons enfin Monsieur le Maire - Robert Bernard -cher Christian Pierret, " l'issue lumineuse " de Vieira da Silva : le dépassement des débats spécialisés qui tous ont leurs arguments et leurs contre-arguments et répondent à une ambition : rendre accessible le patrimoine et l'écriture musicale pour orgue dans sa dimension historique et permettre à l'écriture contemporaine de s'inspirer de cet orgue historique, de l'inclure, et en quelque sorte de le pousser au plus loin de ses possibilités, au delà d'une vision strictement conservatrice dont on sait combien elle serait stérilisante pour la création et les expressions artistiques contemporaines.
- C'est ce qui a fondé le dernier projet proposé par Monsieur Decavèle : permettre la continuité entre mémoire et projet, à l'instar des ambitions que porte le ministère de la Culture en matière architecturale et patrimoniale. - C'est ce qui a fondé l'engagement résolu et entier de l'Etat,
- C'est aujourd'hui ce qui fonde les missions du comité de pilotage que vous avez mis en place Madame le Préfet.
Je dois dire avoir été impressionné par le détail organologique de cet orgue dont le nombre de jeux -42- le nombre de claviers -3- impressionnent le néophyte. Vous dire aussi que j'ai été fasciné par le pédalier dont il m'est dit qu'il est " avec console en fenêtre et positif dorsal "... Affaire de spécialistes de toute évidence plus que du grand public, il reste que cet orgue sera polyphonique et permettra tant d'interpréter la littérature ancienne que la musique du répertoire romantique et grand romantique en offrant, en outre, de larges possibilités au répertoire moderne et contemporain.
L'emplacement pour sa part respecte autant la qualité acoustique que l'équilibre de l'architecture intérieure de la cathédrale dans un rapport harmonieux avec la nef et je tiens à remercier là le remarquable travail de collaboration qui s'est engagé entre l'expert-organier et l'architecte des bâtiments de France.
Certes, il m'a été difficile de saisir dans un premier temps toute la valeur architecturale d'une disposition " en élévation prenant assise sur le sol dans la perspective de confondre en un geste créateur unique l'orgue et la structure auto-porteuse le soutenant ", mais je suis convaincu, à présent, par l'élégance d'un orgue sans tribune, en adossé sur le mur occidental de la nef de la cathédrale.
J'aimerais souligner enfin qu'il est encore un lieu de conciliation entre histoire et présent, tradition et novation. Il s'agit de la facture même de l'orgue qui, sur la base d'un appel d'offre, permettra de recourir aux compétences artisanales et artistiques avec une règle que je trouve pour ma part symbolique et émouvante : la facture contemporaine de cet orgue devra privilégier l'emploi d'essences variées de bois originaires de Lorraine.
C'est bel et bien au rendez-vous de la mémoire et du projet que vous m'avez convié, Monsieur le Maire.
Et de cela aussi, merci.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 5 décembre 2000)