Tribune de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Figaro" du 30 novembre 2000, sur l'antimilitarisme de Lionel Jospin, la réorganisation de l'armée et le débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie, intitulée "Il y a erreur sur la repentance".

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On s'est d'abord attaqué aux frontières, au franc, à l'économie (on le voit aujourd'hui avec la paralysie des gouvernements face à la crise de la viande bovine ou à la pollution internationale) ; au nom de l'édification d'une Europe supranationale, les dirigeants français - de gauche comme de droite - s'évertuent depuis dix ans à démanteler les prérogatives régaliennes de la nation. On passe aujourd'hui à l'étape suivante : l'amoindrissement de l'armée, symbole par excellence de la souveraineté.
Ce fut d'abord, voilà deux ans, le Premier ministre Lionel Jospin, exaltant l'insoumission à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de l'armistice de 1918, en réclamant le pardon pour les mutins baissant les crosses face à l'ennemi qui foulait le sol de la patrie. Le même chef du gouvernement français est venu à Coëtquidan, il y a quelques semaines, exhorter les futurs officiers à changer de mentalité, à s'adapter aux contingences du politiquement correct et au démantèlement des valeurs de défense nationale.
Monsieur Jospin, ce faisant, s'inscrit dans la logique d'une certaine tradition du socialisme français, antimilitariste et pacifiste, largement responsable de la débâcle de mai 1940. Mais ce qui est grave, c'est qu'il ne fait que mettre ses pas dans ceux d'un supposé héritier du gaullisme.
L'actuel président de la République n'a-t-il pas choisi la voie du renoncement national, sous couvert d'une prétendue restructuration des armées, en annonçant la suppression du service militaire, la réduction des crédits de la Défense et, lui qui d'après la Constitution est chef des armées, en entretenant le flou intégral sur la mission de ces armées ?
Cette opération en douceur d'amoindrissement du prestige et du rôle de l'armée est relayée par de la grosse artillerie, celle de l'extrême gauche. Une campagne se développe depuis quelques mois, appuyée sur des organes de presse dirigés par d'anciens trotskistes ou maoïstes, comme Le Monde ou Libération, pour accuser l'armée française de graves forfaits lors de la guerre d'Algérie : on suscite des " témoignages " sur des viols, des brutalités, la torture On met en cause des officiers supérieurs, on réclame des sanctions pénales plus de quarante ans après. L'opération est classique : il s'agit, à travers l'armée, de salir l'honneur de la France et d'avilir tout ce qui contribue à la défense de la nation.
Et qui lance ces accusations ? D'anciens " porteurs de valises ", supplétifs à l'époque des fellaghas et à ce titre non seulement traîtres à leur patrie mais aussi complices moraux d'attentats terroristes perpétrés contre les militaires et les civils français, contre la population algérienne. Ces belles consciences ne feraient-elles pas mieux de dénoncer la situation dans l'Algérie d'aujourd'hui, avec une guerre civile, un terrorisme, une intolérance qui sont autant de fruits vénéneux du régime FLN qu'elles ont contribué à porter au pouvoir ? N'ont-elles aucun regret, aucun remords pour les massacres de harkis en 1962, pour les effets d'un régime totalitaire assassin qui a provoqué l'émergence d'un terrorisme islamique non moins assassin ?
Qui d'autre encore lance ces accusations ? Les dirigeants du Parti communiste français, qui ont le front de réclamer une commission d'enquête. N'est-ce pas le comble de l'indécence de la part de gens qui se refusent à désavouer officiellement les crimes d'un communisme international qui a causé la mort de cent millions d'êtres humains ? A l'heure où l'on exige des excuses et des regrets à tout propos, le PCF est le seul à refuser de s'engager dans la voie de la repentance. Que ne réclame-t-il des commissions d'enquête sur Katyn, sur la famine organisée par l'Etat soviétique en 1933 pour éliminer la paysannerie d'Ukraine (un livre terrible vient d'être publié à ce sujet), sur le goulag, sur la torture dans les caves de Loubianka ?
Qui d'autre encore s'associe à cette campagne ? Les socialistes, associés aux communistes au sein de l'actuelle majorité gouvernementale. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, vient de déclarer que " le travail de mémoire grandit les peuples qui acceptent de s'y livrer ". Est-ce à dire que M . Jospin et ses amis, au lieu de charger les chefs militaires survivants, vont exercer ce devoir de mémoire à l'égard des dirigeants politiques qui ont donné le feu vert aux actions de maintien de l'ordre en Algérie entre 1956 et 1958 : les socialistes Guy Mollet, président du Conseil ; Robert Lacoste, ministre résident en Algérie ; Max Lejeune, secrétaire d'Etat aux Forces armées ; le radical de gauche Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de l'Intérieur, puis président du Conseil, et un certain François Mitterrand, futur patron du PS et, au sein du Front républicain, ministre de la Justice, qui professait à l'époque que " l'Algérie c'est la France " ?
Il y a manifestement erreur sur la repentance. Si des actes de violence condamnables ont eu lieu, pour répondre à des actes de terrorisme, ils n'entachent pas l'honneur de l'armée française, qui a eu à répliquer par la force aux horreurs perpétrées par le FLN contre les populations civiles d'Algérie. Si repentance il doit y avoir, ce n'est pas celle des généraux Massu et Bigeard, qui ont fait leur devoir d'officiers en assumant la politique du gouvernement de gauche de l'époque, mais MM. Jospin, au nom des socialistes, et Hue, au nom des communistes.
(source http://www.mpf-villiers.org, le 5 janvier 2001)