Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le dialogue Nord Sud, les relations Union européenne-ACP, le renouvellement de la convention de Lomé et l'évolution de la Zone franc, Malabo (Guinée orientale) le 4 avril 2000.

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Intervenant(s) : 
  • Charles Josselin - Ministre délégué à la coopération et à la francophonie

Circonstance : Réunion des ministres des finances de la zone franc à Malabo (Guinée équatoriale) le 4 avril 2000

Texte intégral

Messieurs les Gouverneurs,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Experts,
Chers amis,

Je suis heureux de me retrouver parmi vous pour cette nouvelle réunion de la Zone franc. C'est la première de l'an 2000. Pour ce qui me concerne, c'est la 6ème à laquelle je participe.
Ces réunions ont le mérite de nous aider à faire le point, à jalonner de diagnostics partagés la route commune de notre coopération monétaire. Je tiens, moi aussi, à remercier les autorités équato-guinéennes de leur accueil. Elles n'ont pas ménagé leurs efforts. Ne leur ménageons pas notre gratitude.
Autorisez-moi à dire un mot pour regretter moi aussi l'absence de Laurent Fabius, dont la prise de fonction, pratiquement concomitante de notre réunion, a rendu la participation impossible.
Cette réunion intervient dans un contexte intéressant du point de vue du dialogue Nord-Sud. On sent, à plusieurs signes, que le cadre et les conditions de ce dialogue sont en passe de bouger. Il y a eu, en 1999, l'adoption, puis le renforcement de l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés (PPTE). Il y a eu également l'épisode Seattle, avec ses deux grains de sable : l'irruption de la société civile et celle du monde en développement, dans la mécanique jusqu'alors bien huilée des négociations de l'OMC.
L'échec de Seattle - regrettable en lui-même - peut représenter une chance s'il amène les pays du Nord à tenir davantage compte des intérêts et des préoccupations des pays du Sud. C'est, vous le savez, la démarche de la France et, avec elle, celle de l'Union européenne dont nous nous apprêtons à prendre la présidence. Dans cette démarche, l'aboutissement des négociations Union européenne-ACP sur le renouvellement de la Convention de Lomé constitue une étape importante. Il me semble qu'elle "valide" la méthode du partenariat qui inspire les relations entre l'Europe et le Sud. La preuve a été apportée que cette méthode n'est pas seulement gage de respect mutuel, mais qu'elle peut également devenir synonyme de rénovation, de réformes, bref d'exigence mutuelle.
Nous avons tous contribué à ce résultat, en militant en faveur de la rénovation, nous au sein de l'Union européenne et vous au sein du groupe ACP. Le 9 juin prochain, nous signerons à Suva, aux îles Fidji, la nouvelle convention. Je m'y rendrai pour signer l'accord au nom de la France. Je le ferai avec une pointe de regret quant au lieu, en constatant que le choix des pays ACP n'a pas pu se porter sur une capitale africaine alors que votre continent représente près de 95% de la population totale du groupe. Je n'y insiste pas car les regrets sont stériles.
Pour l'avenir, l'important est l'usage que l'Afrique saura faire de la nouvelle convention Union européenne-ACP. Son architecture repose sur la promotion de l'intégration régionale. C'est évidemment un atout pour la Zone franc et ce n'est pas tout à fait un hasard. Il y a deux ans exactement, à Libreville, nous avions identifié cette étoile dans le firmament et nous avions convenu d'en faire le repère de notre navigation. Le bateau de la coopération Union européenne-ACP est arrivé à bon port. Maintenant, sachons, sachez ! vous en servir.
Dès lors qu'elle privilégie l'intégration régionale, la nouvelle architecture des relations Union européenne-ACP procure un regain d'actualité à la Zone franc. Ce faisant, elle est aussi un défi car l'histoire est ainsi faite que les chances qui nous sont offertes, quand on ne les saisit pas, deviennent des handicaps. C'est dans ce contexte que je placerai, si vous me le permettez, le débat sur la convergence. Quand on observe l'évolution récente de la Zone franc on est frappé par deux choses.

- Première chose : les bienfaits de la coopération monétaire quand elle s'assortit d'efforts de bonne gestion. Avec quelques exceptions et en regardant la "moyenne", cela fût globalement le cas depuis 1994. Et je constate que, malgré tous les avatars, la croissance est globalement restée au rendez-vous. Elle a fléchi, nous devons nous en préoccuper, mais - sauf exception et jusqu'en juin 1999 -, elle est demeurée positive même en terme de produit par tête, ce qui est loin d'être partout le cas ailleurs en Afrique.

- Deuxième chose qui me frappe : le facteur monétaire externe a joué un rôle particulier de protection. Cela s'est vérifié en 1998 pour la Zone prise dans son ensemble : elle a pu traverser sans trop d'encombres la crise asiatique, alors que certaines économies en développement subissaient un coup de torchon. La même protection a joué ensuite en faveur de certains pays de la Zone, dont l'économie s'était fortement dégradée sous l'effet de facteurs en partie nationaux, parfois non dénués de gravité. J'observe que ces pays, que je ne nommerai pas, ont conservé tout au long de leur crise, une monnaie convertible et stable, ainsi qu'une situation interne "acceptable" du point de vue de la liquidité.
Je vous invite à méditer le privilège que cela représente. Si je dis cela, ce n'est pas pour mettre en exergue la garantie que la France accorde au Franc CFA. C'est plutôt pour insister sur votre responsabilité les uns vis-à-vis des autres. En matière monétaire comme en d'autres domaines, la solidarité cela se mérite et cela se préserve. Quand on en abuse, on la mine. C'est tout l'enjeu de la convergence.
Nous allons traiter ce sujet au fond et je n'épiloguerai pas. Mais j'avancerai deux observations simples, qui me sont dictées par l'expérience.
- D'abord, quand on pilote un budget, on doit avoir le compas des prévisions dans l'il. Pardonnez-moi cette remarque de bon sens, mais on voit encore trop de cas où des gouvernants savent que la situation se dégrade et continuent à dépenser comme si de rien n'était. Et ce pour des actions qui, convenons-en, n'ont pas toujours un caractère social. Il faut adapter son comportement financier aux prévisions.
- Ensuite, la convergence est un art tout d'exécution. Je veux dire par là que l'on peut débattre des critères. On peut en débattre à l'infini. Il n'y a pas de critère idéal. En revanche, une fois que des critères ont été fixés d'un commun accord, il faut tout faire pour les respecter. Je me méfie comme de la peste du perfectionnisme des objectifs auquel succède le laisser-aller du suivi et des moyens. Et si nous avions à nous faire à nous-mêmes une recommandation, choisissons des critères de bons sens, assurons-nous qu'ils sont clairs et précis, ne produisent pas des résultats trop aberrants et concentrons toute notre énergie dans la surveillance et la mise en application. Vous avez la chance de disposer d'institutions régionales qui vous permettent de jouer cette carte. Si vous le faites, vous serez étonnés du résultat en termes d'image et, partant, en termes de croissance.
Je suis convaincu que c'est là-dessus que se joue l'avenir de la Zone franc. Je suis convaincu que vous avez la capacité d'en faire une zone de confiance.
Je vous remercie.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2000)