Article de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, dans "Le Monde" du 30 septembre 2000, sur la négociation sur l'assurance chômge et la mise en place du PARE.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Les turbulences autour de la convention Unedic se focalisent sur le Plan daide au retour à lemploi (Pare). Normal, il sagit là du cur du dispositif proposé par les signataires de laccord, linnovation qui lui donne sens. Il suscite contre vérités partisanes et interrogations légitimes, il est donc utile de recentrer le débat sur ses véritables enjeux.
Le Pare, un droit nouveau pour le demandeur demploi
Le Pare nest pas quun nouveau sigle. Cest la volonté incarnée dans un dispositif de faire accéder un demandeur demploi à un droit nouveau - une aide personnalisée au retour à lemploi - en même temps quà ses droits à lindemnisation, dailleurs améliorés par la suppression de la dégressivité de lallocation. Au même moment où il sinscrit à son Assedic, il sengage dans le Pare, comme il sengageait jusquà aujourdhui «à entreprendre toutes les démarches de nature à favoriser sa reprise demploi». Mais ce faisant il bénéficiera maintenant dun droit automatique à un plan daction personnalisé (Pap).
La nécessité de mettre en place ce droit nouveau est née dune évidence : tous les chômeurs nont pas des chances égales de retrouver un emploi. Malgré le retour de la croissance et le développement des embauches, fleurit linsupportable paradoxe demplois non pourvus et de demandeurs demploi durablement exclus du marché du travail. Si lon ne veut pas enfermer dans lexclusion des milliers de citoyens, il est impératif daméliorer la mise en correspondance des offres et des demandes. Peut-on pour cela sen remettre entièrement au marché du travail en comptant quil résoudra mécaniquement, ces dysfonctionnements ? A lévidence non. Le prétendre relève dune vision libérale qui renvoie chacun à la recherche solitaire du chemin vers lemploi.
Offrir une prise en charge adaptée à chaque personne
La croissance offre des marges de manuvre qui doivent permettre de généraliser, en les diversifiant, les politiques actives mises en uvre avec succès. En ce sens, nous nous retrouvons pleinement dans le rapport publié en 2000 par lInspection générale des Affaires sociales. Il recommande doffrir aux demandeurs demploi «une prise en charge la plus individualisée possible, plus active» et de «mettre en place un plan daction assorti dun suivi personnalisé».
La CFDT sest inspirée de toutes ces expériences, de ces acquis, de ces préconisations. Nous proposons non seulement de mieux indemniser, mais de surcroît doffrir un ensemble de prestations à la carte, utilisées selon les besoins de chacun, du sur mesure en quelque sorte. Cest cela le Pare : la généralisation de démarches qui ont fait leur preuve et la personnalisation des services et des actions à mener en faveur des demandeurs demploi.
Dans ce système, pas de formule standard, pas de fast food du retour à lemploi. Mais un plan daction personnalisé, résultat dun échange, dun travail commun du demandeur demploi et de lagent qui laccompagnera. Tout le monde aura compris que, selon quil sagit dun informaticien qualifié, dune salariée licenciée de lindustrie textile, ou dun jeune sans projet professionnel défini, le plan ne sera pas identique. Il ira de la simple présentation doffres demploi pour le premier, à une évaluation du niveau des compétences que lANPE pratique déjà quotidiennement, suivie peut-être dune formation complémentaire pour la seconde, jusquà un bilan complet de compétences pour le troisième.
Et cependant le Pare est lobjet de contestations, tant dans son principe que sur son champ dapplication.
On dit que les allocations sont un droit acquis par des cotisations et que cet argent ne doit servir quà lindemnisation. Celle-ci devrait rester la seule mission de lassurance chômage. Nous ne pouvons adhérer à cette objection. Dans un contexte de chômage massif, où certains senfoncent très tôt et sans le percevoir tout de suite dans la solitude du chômage de longue durée, cette conception statique des missions de lassurance chômage contribue à alimenter lexclusion. Elle ne répond pas à la demande la plus pressante des chômeurs : retrouver au plus vite un emploi.
Une logique dinsertion et dintégration
Le Pare serait encore une contrainte insupportable, imposée à ceux qui sont déjà frappés par la souffrance du chômage. Si tel était le cas, il y aurait certes matière à le contester, mieux, à le combattre. Les exemples de politique de lutte contre le chômage qui existent ailleurs dans le monde nous permettent de faire le tri, entre les démarches qui relèvent de la contrainte et de la culpabilisation, et celles qui obéissent à une logique dinsertion et dintégration. Le Pare appartient sans conteste à la deuxième catégorie, cest la raison de notre accord profond avec sa philosophie. Il est caractérisé par la démarche émancipatrice développée par de nombreuses associations de lutte contre lexclusion, qui travaillent à la réinsertion de publics souvent en grandes difficultés. Une démarche qui fait du demandeur demploi, aidé par des professionnels, un acteur dans la construction de son projet.
Pour certains, aussi, la simple idée de la déclinaison personnelle des droits collectifs est une atteinte à ce droit. Et pourtant, aujourdhui, certaines garanties collectives ne trouvent leur pleine efficacité que dans lindividualisation de leur application.
«Salaire normalement pratiqué dans la profession et la région»
On entend encore affirmer que le système contraindrait les chômeurs à accepter nimporte quel emploi, nimporte où, à nimporte quel salaire. Et quimporte, pour ces pourfendeurs du Pare, que le texte affirme clairement que les propositions demploi doivent «correspondre à ses qualifications», et «être rétribuées au salaire normalement pratiqué dans la profession et la région» ; quimporte quil soit en pleine conformité avec le Code du Travail ; quimporte que le pouvoir de sanction soit aux mains des services de lEtat. Les procès dintention font, cest normal, mauvais ménage avec la réalité des textes.
Enfin, le Pare instaurerait un système à deux vitesses. Cette attaque ressemble fort à un compliment. Cela voudrait-il dire que ce dispositif est meilleur que le précédent ? Pour notre part, nous en sommes convaincus. Et cest bien pour cela que le Pare peut être ouvert aussi aux chômeurs relevant de la Solidarité nationale, si lEtat dont ils dépendent le souhaite. Il le pourra grâce à une partie des excédents de lUnedic dégagés à cet effet
Pour la CFDT, dabord le souci de lemploi pour tous
Ce qui a guidé la CFDT dans lélaboration de ce dispositif, et cela nétonnera personne, cest dabord le souci de lemploi, de lemploi pour tous. Le Pare est le résultat dune négociation avec le patronat, qui, comme tout exercice de ce genre, a été rude et conflictuel. Il est le fruit de cette confrontation entre les partenaires sociaux qui ont ainsi pleinement assumé leurs responsabilités en trouvant un compromis positif en faveur des chômeurs. Avec un noyau dur de chômeurs, la société de plein emploi que la CFDT appelle de ses vux ne serait quun leurre, et la fracture sociale une réalité persistante car le chômage nourrit lexclusion. Cest le sens de notre démarche depuis plus de dix ans en faveur des politiques actives. Cette revendication, nous lavons portée avec dautres : avec ceux qui croyaient à la nécessité du I de RMI, avec ceux qui ont élaboré et soutenu la loi contre les exclusions, avec tous ceux qui choisissent la logique de lémancipation plutôt que celle de lassistance, avec ceux qui savent que, dans un monde qui bouge, il y a nécessité à inventer des droits nouveaux adaptés aux nouveaux défis. Tous ceux-là savent que le Pare est pour toutes ces raisons un vrai progrès social. n
Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT
(Source cfdt://www,cfdt,fr, le 16 janvier 2001)