Texte intégral
Pour préciser les choses, il y a eu deux dîners différents ; le dîner de chefs d'Etat et de gouvernement sur la CIG qui est en train de se terminer au moment où je partais et, deuxièmement, le dîner que je présidais, le dernier que je préside au titre de la Présidence sur les questions de politique étrangère et où nous avons parlé de la question du Proche-Orient. Je ne vous surprendrai pas, puisque vous avez lu des déclarations à peine récentes, en vous disant que les quinze ministres sont unanimes à se montrer extrêmement préoccupés de la situation, avec des idées très simples, qui ne sont pas nouvelles, mais malheureusement tant que ces choses ne sont pas réalisées, ce sont des idées qu'il faut répéter. Nous attendons et demandons aux deux parties de mettre en oeuvre, sans délai, sans retard, sans échappatoire les engagements pris à Charm el-Cheikh. Nous leur demandons d'avoir, sur ce plan, des gestes visibles et clairs qui permettraient de reconstituer un climat de sécurité. Nous pensons que les discussions sur le fond devraient reprendre également sans préalable, car si on pose trop de préalables à la reprise des discussions, on risque de se retrouver dans cette situation. L'Europe est, naturellement, disponible pour aider à ce mouvement, à ce processus, d'un côté ou de l'autre.
Nous entendons dire que des contacts auraient repris. Nous en sommes très heureux si c'est exact. Si les Etats-Unis ont rôle à jouer, si l'Europe a un rôle à jouer, si Kofi Annan a un rôle à jouer etc., nous avons toujours pensé que la responsabilité majeure, essentielle, historique devant leur peuple, devant l'Histoire, est celle des Israéliens et des Palestiniens. Nous continuons à le penser.
Mais, ce qui m'a frappé dans ce dîner, alors que chacun sait que cela n'a toujours pas été le cas entre les pays européens, c'est une très grande harmonie de pensée, une très grande cohésion, très importantes pour l'avenir en ce qui concerne l'aide politique européenne par rapport à cette région.
La semaine prochaine, Javier Solana se rend dans la région au titre de la Commission de l'établissement des faits, dirigée par le sénateur Mitchell en début de semaine. Personnellement, je ferai une visite, malheureusement très rapide, ce qui fait que ne je peux pas me rendre dans autant de pays que je l'aurais souhaité. Je ferai une visite très rapide dans la région au titre de la Présidence comme c'est le cas assez souvent au titre des présidences mais jusqu'ici le contexte ne l'a pas permis. Ce sera à la fin de la semaine suivante.
Q - Quels pays visiterez-vous ?
R - Je pense m'y rendre, ce n'est pas tout à fait fixé parce que j'ai des contraintes d'emploi du temps extrêmement compliquées à Paris et à Bruxelles puisqu'il y a aussi en même temps une réunion ministérielle de l'OTAN à laquelle je suis sensé participer. Mais si j'y participe je n'ai plus de créneau disponible du tout pour me rendre au Proche-Orient, puis tout de suite après je me dois aller avec le président de la République à Washington pour le Sommet Union européenne/Etats-Unis. Bref, il me reste très peu de temps. Donc dans l'état actuel des choses, je dois aller en Egypte, en Israël et dans les Territoires palestiniens. C'est d'ailleurs plutôt la version courte de la visite.
Q - Qu'est-ce que vous comptez faire lors de ce voyage ? Est-ce que vous allez répéter ce que vous dites là ? Est-ce que vous êtes mandaté d'un message des Quinze ? Quel est le but exact ?
R - Les positions des Quinze sont très connues. Donc, le message et le mandat, vous pouvez le définir vous-même. Je vais, d'une façon plus précise et plus concrète que ce que j'ai dit là
- c'est simplement un résumé d'une discussion qui a été très longue et très riche- je vais simplement voir avec chacun des protagonistes ce qu'il peut faire pour appliquer les engagements pris à Charm el-Cheikh et quels sont encore les facteurs de blocage, quels sont les facteurs de blocage qui sont en train d'être surmontés, quels sont ceux qui bloquent toujours, et en quoi l'Europe peut agir, en plus de ceux qui agissent déjà - on n'a pas la prétention d'avoir le monopole du bon conseil -, qu'est-ce qu'on peut faire en plus pour débloquer cette situation. C'est quand même extraordinairement pénible : on en est à plus de 300 morts et il est absolument vital pour les peuples de la région de retrouver une perspective. Donc, je vais être, sur la base des principes que j'ai rappelés tout à l'heure mais de façon insistante, amicale mais insistante et plus concrète
Q - Vu la situation actuelle aux Etats-Unis, politique bien sûr, peut-on parler de chance de cette démarche française au Proche-Orient ? Deuxième question, si vous permettez, Monsieur le Ministre : certains journaux arabes ou proches de gouvernements arabes disent qu'aujourd'hui ils sont déçus par la Présidence française de l'Union européenne qui n'a pas fait bouger les choses au Proche-Orient. Qu'est-ce que vous répondez ?
R - Je pense que je ne m'attache pas à l'atmosphère conjoncturelle, puisque la situation que déplorent les journaux arabes que vous me citez existe depuis plusieurs dizaines d'années, donc cela n'a pas de rapport avec ce que fait la Présidence française ou pas au cours de ces semaines. D'autre part, si j'y vais, c'est au nom de la Présidence, ce n'est pas qu'au nom de la France. Donc, je n'ai pas à fonder ma démarche ou ma politique sur les regrets ou les critiques de tel ou tel journal. Ils ont leurs raisons pour écrire cela, je respecte leurs raisons, mais notre démarche n'est pas celle-là. Par rapport à une situation donnée, que vous connaissez, il s'agit de dire avec beaucoup de clarté, beaucoup de netteté, beaucoup de conviction, ce que nous pensons qui est qu'il faut sortir au plus vite de cette phase tragique, que les peuples israélien et palestinien, de toute façon, doivent coexister et cohabiter. Donc, il n'y a pas d'autre solution possible que la reprise des discussions pour chercher à nouveau des arrangements qui soient justes, équitables, qui passent par un Etat palestinien viable, vous le savez bien naturellement. Et nous avons eu l'occasion de nous exprimer à plusieurs reprises. Malheureusement, les faits sont têtus car, en dépit de nos expressions ou de l'engagement sans précédent du président des Etats-Unis, chacun sait que la situation n'a pas été débloquée. Donc, je ne me situe pas par rapport aux critiques ou aux regrets, je cherche à avoir une démarche positive et de construction.
Q - Monsieur le Ministre, demain il y aura un mois que l'élection américaine a eu lieu. Ne pensez-vous pas que cela a quand même un impact sur le fait qu'il y a une impasse totale au Proche-Orient, qu'il n'y a pas en tout cas de reprise des négociations bilatérales entre Israël et l'Autorité palestinienne ?
R - Je ne pense pas qu'il y ait de lien direct. C'est un problème qui est quand même posé depuis plusieurs dizaines d'années, même quand il y a un président américain de plein exercice, même quand il y a un président américain très engagé.
D'autre part, les conversations de Camp David, même si elles avaient marqué des avancées très importantes par rapport à toutes les conversations du passé, n'ont pas permis quand même d'aboutir à un résultat acceptable par les deux parties, ce n'est pas lié à la situation électorale américaine.
D'autre part, les événements qui se sont produits à partir de fin septembre et cette spirale tragique qu'ils ont entraîné - je le disais, maintenant plus de 300 morts -, ce n'est pas lié à la situation électorale américaine, on ne peut pas se focaliser que là-dessus. Donc, je ne crois pas qu'il y ait de lien direct. Naturellement, cela ne facilite pas les choses : quand on a une situation aussi difficile au Proche-Orient, on voudrait que tous ceux qui pourraient intervenir utilement dans le sens de la paix soient au mieux de leur influence, utile naturellement. Mais ce n'est pas cela le facteur explicite si on a un regard historique rétrospectif. Malheureusement cela nous renvoie à cette remarque simple qui est que nous avons à faire au conflit le plus compliqué à traiter de ceux qui existent aujourd'hui. On arrivera un jour à la solution, mais malheureusement là nous sommes quand même dans une mauvaise passe. Mais ce n'est jamais un argument pour baisser les bras.
Q - Monsieur le Ministre, depuis le Sommet euro-méditerranéen, est-ce qu'il y a des prémisses qui vous laissent penser qu'il pourrait y avoir un encouragement ou un déblocage possible ? Puisque vous parlez de cette visite, est-ce qu'il y a quelques éléments qui vous inspirent un petit espoir fût-il très très mesuré ?
R - Peut-être un léger changement de ton, d'un côté comme de l'autre, quelques contacts bilatéraux ou multilatéraux régionaux qui ont été repris, quelques messages qui sont passés d'un côté et de l'autre, pas assez pour inverser tout à fait le cours des événements, pas assez encore pour reprendre le fil de la discussion dont je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'elle puisse être reprise là où elle était arrêtée, j'en doute même. Mais il y a en tout cas une discussion à reprendre même si ce n'est pas exactement la même.
Mais cela n'a pas de rapport direct avec la réunion de Marseille, parce qu'à Marseille il s'agissait d'autre chose en réalité. A Marseille, la question qui se posait pour nous en tant que Présidence, c'était de savoir si nous arrivions à sauver le processus et l'instrument de la coopération euro-méditerranéenne. Un certain nombre d'arguments - nous en avions notamment du côté arabe - auraient pu militer pour un report de cette réunion à cause de ce contexte.
Mais, vu du point de vue européen et notamment du point de vue de la Présidence, reporter cette réunion dans ce contexte c'était risquer de ne pas pouvoir la tenir avant un avenir imprévisible en réalité. Cela au moment même où les Quinze débattaient entre eux de leur action extérieure, notamment par rapport à la Méditerranée, par rapport aux Balkans, et il fallait que nous débattions entre nous des sommes à consacrer à ces différents programmes. Cela au moment même où nous avions besoin d'apporter notre appui, de conforter le commissaire Patten dans le travail très remarquable de réforme de l'action extérieure de l'Union européenne qu'il avait entrepris. D'autre part, cette idée euro-méditerranéenne, qui est une idée très ancienne globalement mais qui, en termes pratiques et opérationnels, remonte à la Conférence de Barcelone de 1995, reste une grande idée d'avenir, une grande idée stratégique. Bref, nous avons conclu à Quinze - et la Présidence a agi en conséquence - qu'il fallait préserver cet instrument, même si cela tombait très mal, pour dire les choses simplement pour le moment.
Je suis très reconnaissant aux pays arabes qui sont venus à cette conférence de Marseille
- c'est-à-dire presque tous - d'avoir compris ce raisonnement et d'avoir montré leur attachement à la relation euro-méditerranéenne et, en ce qui les concerne, euro-arabe, plus forte que la conjoncture tragique. Donc, c'était cela l'enjeu. Mais nous n'avions pas pensé que cette réunion de Marseille pouvait débloquer les choses radicalement en ce qui concerne le Proche-Orient, même si cela a été l'occasion d'échanges, d'échanges très denses, émouvants, difficiles, mais qui ont eu lieu, qui ont existé, qui peut-être sont peut-être une petite pierre blanche sur le chemin quand les Israéliens et les Palestiniens réussiront à reparler utilement.
Q - Avez-vous discuté de la Côte d'Ivoire ?
R - Il y a une position de la Commission peut-être un peu autonome et précipitée par rapport à la Côte d'Ivoire, et il y a une réflexion en cours au niveau des ministres des Quinze pour savoir comment traiter le sujet, cela dépend un petit peu de l'évolution politique qui pourrait avoir lieu en Côte d'Ivoire et qui aboutirait à une situation moins critiquable.
Q - Le président Arafat a appelé aujourd'hui l'Union européenne à jouer un rôle plus efficace pour débloquer le processus de paix. Comment voyez-vous cet appel, notamment quand il y a de nombreux appels des pays arabes pour un rôle plus efficace européen ?
R - Je crois que, tant que la paix n'est pas trouvée, il serait bien que tout le monde joue un rôle plus efficace. Vous ne pouvez pas concentrer cet appel uniquement sur l'Europe. Ce serait bien que les Israéliens et les Palestiniens jouent un rôle plus efficace aussi pour débloquer la paix. Il y a aussi les Etats-Unis, il y a aussi la Russie, il y a aussi les Nations Unies. Je veux dire par là que c'est une bonne question mais elle ne s'applique pas qu'à l'Europe, mais nous faisons de notre mieux.
Q - Le sommet va-t-il évoquer la question du Proche Orient ?
R - Un moment est prévu pour qu'il puisse y avoir un échange sur ces sujets, qui est le déjeuner. Vous savez que, comme aujourd'hui nous avons bien travaillé sur les sujets économiques, sociaux, sur la Charte, sur la défense, nous avons pu avancer plus vite que prévu. Donc dès demain matin nous allons nous attaquer aux conclusions de cette première partie du Conseil européen, donc on va commencer la Conférence intergouvernementale plus tôt, après le dîner qui se termine. Et au déjeuner - c'est un déjeuner chefs d'Etat, Premiers ministres, ministres des Affaires étrangères - nous allons parler des questions de politique étrangère et donc du Proche-Orient, et je leur ferai au début un compte-rendu du dîner et je pense qu'on parlera pendant ce déjeuner, à la fois de la visite que je dois y faire la semaine prochaine et en même temps du travail de la Commission de l'établissement des faits qui doit s'y rendre en début de semaine si tout va bien.
Q - Le Sommet va-t-il approuver une déclaration ?
R - Je ne sais pas, ce n'est pas décidé, il n'y a pas automatiquement des déclarations. Nos positions sont très bien connues, il y a toutes sortes d'occasions de les exprimer et ce n'est pas automatique, dans les Conseils européens, qu'il y ait des déclarations, ce n'est pas le centre du Conseil européen. Mais, en revanche, il y a de vraies discussions prévues entre les chefs d'Etat et de gouvernement et ce sont eux qui décideront si c'est important de faire une déclaration ou si les choses peuvent être dites par une déclaration de la présidence à la fin, par exemple ; ce sont deux formules possibles.
Q - (inaudible)
R - On a parlé du Proche-Orient par ce qu'on a essayé de faire un vrai travail intellectuel historique en reprenant les différentes tentatives de paix, quand cela a failli marcher, ce qui n'avait pas marché, une analyse plus poussée, plus fouillée, pour essayer d'affiner notre action a venir. Donc ça a occupé tout le dîner
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2000)
Nous entendons dire que des contacts auraient repris. Nous en sommes très heureux si c'est exact. Si les Etats-Unis ont rôle à jouer, si l'Europe a un rôle à jouer, si Kofi Annan a un rôle à jouer etc., nous avons toujours pensé que la responsabilité majeure, essentielle, historique devant leur peuple, devant l'Histoire, est celle des Israéliens et des Palestiniens. Nous continuons à le penser.
Mais, ce qui m'a frappé dans ce dîner, alors que chacun sait que cela n'a toujours pas été le cas entre les pays européens, c'est une très grande harmonie de pensée, une très grande cohésion, très importantes pour l'avenir en ce qui concerne l'aide politique européenne par rapport à cette région.
La semaine prochaine, Javier Solana se rend dans la région au titre de la Commission de l'établissement des faits, dirigée par le sénateur Mitchell en début de semaine. Personnellement, je ferai une visite, malheureusement très rapide, ce qui fait que ne je peux pas me rendre dans autant de pays que je l'aurais souhaité. Je ferai une visite très rapide dans la région au titre de la Présidence comme c'est le cas assez souvent au titre des présidences mais jusqu'ici le contexte ne l'a pas permis. Ce sera à la fin de la semaine suivante.
Q - Quels pays visiterez-vous ?
R - Je pense m'y rendre, ce n'est pas tout à fait fixé parce que j'ai des contraintes d'emploi du temps extrêmement compliquées à Paris et à Bruxelles puisqu'il y a aussi en même temps une réunion ministérielle de l'OTAN à laquelle je suis sensé participer. Mais si j'y participe je n'ai plus de créneau disponible du tout pour me rendre au Proche-Orient, puis tout de suite après je me dois aller avec le président de la République à Washington pour le Sommet Union européenne/Etats-Unis. Bref, il me reste très peu de temps. Donc dans l'état actuel des choses, je dois aller en Egypte, en Israël et dans les Territoires palestiniens. C'est d'ailleurs plutôt la version courte de la visite.
Q - Qu'est-ce que vous comptez faire lors de ce voyage ? Est-ce que vous allez répéter ce que vous dites là ? Est-ce que vous êtes mandaté d'un message des Quinze ? Quel est le but exact ?
R - Les positions des Quinze sont très connues. Donc, le message et le mandat, vous pouvez le définir vous-même. Je vais, d'une façon plus précise et plus concrète que ce que j'ai dit là
- c'est simplement un résumé d'une discussion qui a été très longue et très riche- je vais simplement voir avec chacun des protagonistes ce qu'il peut faire pour appliquer les engagements pris à Charm el-Cheikh et quels sont encore les facteurs de blocage, quels sont les facteurs de blocage qui sont en train d'être surmontés, quels sont ceux qui bloquent toujours, et en quoi l'Europe peut agir, en plus de ceux qui agissent déjà - on n'a pas la prétention d'avoir le monopole du bon conseil -, qu'est-ce qu'on peut faire en plus pour débloquer cette situation. C'est quand même extraordinairement pénible : on en est à plus de 300 morts et il est absolument vital pour les peuples de la région de retrouver une perspective. Donc, je vais être, sur la base des principes que j'ai rappelés tout à l'heure mais de façon insistante, amicale mais insistante et plus concrète
Q - Vu la situation actuelle aux Etats-Unis, politique bien sûr, peut-on parler de chance de cette démarche française au Proche-Orient ? Deuxième question, si vous permettez, Monsieur le Ministre : certains journaux arabes ou proches de gouvernements arabes disent qu'aujourd'hui ils sont déçus par la Présidence française de l'Union européenne qui n'a pas fait bouger les choses au Proche-Orient. Qu'est-ce que vous répondez ?
R - Je pense que je ne m'attache pas à l'atmosphère conjoncturelle, puisque la situation que déplorent les journaux arabes que vous me citez existe depuis plusieurs dizaines d'années, donc cela n'a pas de rapport avec ce que fait la Présidence française ou pas au cours de ces semaines. D'autre part, si j'y vais, c'est au nom de la Présidence, ce n'est pas qu'au nom de la France. Donc, je n'ai pas à fonder ma démarche ou ma politique sur les regrets ou les critiques de tel ou tel journal. Ils ont leurs raisons pour écrire cela, je respecte leurs raisons, mais notre démarche n'est pas celle-là. Par rapport à une situation donnée, que vous connaissez, il s'agit de dire avec beaucoup de clarté, beaucoup de netteté, beaucoup de conviction, ce que nous pensons qui est qu'il faut sortir au plus vite de cette phase tragique, que les peuples israélien et palestinien, de toute façon, doivent coexister et cohabiter. Donc, il n'y a pas d'autre solution possible que la reprise des discussions pour chercher à nouveau des arrangements qui soient justes, équitables, qui passent par un Etat palestinien viable, vous le savez bien naturellement. Et nous avons eu l'occasion de nous exprimer à plusieurs reprises. Malheureusement, les faits sont têtus car, en dépit de nos expressions ou de l'engagement sans précédent du président des Etats-Unis, chacun sait que la situation n'a pas été débloquée. Donc, je ne me situe pas par rapport aux critiques ou aux regrets, je cherche à avoir une démarche positive et de construction.
Q - Monsieur le Ministre, demain il y aura un mois que l'élection américaine a eu lieu. Ne pensez-vous pas que cela a quand même un impact sur le fait qu'il y a une impasse totale au Proche-Orient, qu'il n'y a pas en tout cas de reprise des négociations bilatérales entre Israël et l'Autorité palestinienne ?
R - Je ne pense pas qu'il y ait de lien direct. C'est un problème qui est quand même posé depuis plusieurs dizaines d'années, même quand il y a un président américain de plein exercice, même quand il y a un président américain très engagé.
D'autre part, les conversations de Camp David, même si elles avaient marqué des avancées très importantes par rapport à toutes les conversations du passé, n'ont pas permis quand même d'aboutir à un résultat acceptable par les deux parties, ce n'est pas lié à la situation électorale américaine.
D'autre part, les événements qui se sont produits à partir de fin septembre et cette spirale tragique qu'ils ont entraîné - je le disais, maintenant plus de 300 morts -, ce n'est pas lié à la situation électorale américaine, on ne peut pas se focaliser que là-dessus. Donc, je ne crois pas qu'il y ait de lien direct. Naturellement, cela ne facilite pas les choses : quand on a une situation aussi difficile au Proche-Orient, on voudrait que tous ceux qui pourraient intervenir utilement dans le sens de la paix soient au mieux de leur influence, utile naturellement. Mais ce n'est pas cela le facteur explicite si on a un regard historique rétrospectif. Malheureusement cela nous renvoie à cette remarque simple qui est que nous avons à faire au conflit le plus compliqué à traiter de ceux qui existent aujourd'hui. On arrivera un jour à la solution, mais malheureusement là nous sommes quand même dans une mauvaise passe. Mais ce n'est jamais un argument pour baisser les bras.
Q - Monsieur le Ministre, depuis le Sommet euro-méditerranéen, est-ce qu'il y a des prémisses qui vous laissent penser qu'il pourrait y avoir un encouragement ou un déblocage possible ? Puisque vous parlez de cette visite, est-ce qu'il y a quelques éléments qui vous inspirent un petit espoir fût-il très très mesuré ?
R - Peut-être un léger changement de ton, d'un côté comme de l'autre, quelques contacts bilatéraux ou multilatéraux régionaux qui ont été repris, quelques messages qui sont passés d'un côté et de l'autre, pas assez pour inverser tout à fait le cours des événements, pas assez encore pour reprendre le fil de la discussion dont je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'elle puisse être reprise là où elle était arrêtée, j'en doute même. Mais il y a en tout cas une discussion à reprendre même si ce n'est pas exactement la même.
Mais cela n'a pas de rapport direct avec la réunion de Marseille, parce qu'à Marseille il s'agissait d'autre chose en réalité. A Marseille, la question qui se posait pour nous en tant que Présidence, c'était de savoir si nous arrivions à sauver le processus et l'instrument de la coopération euro-méditerranéenne. Un certain nombre d'arguments - nous en avions notamment du côté arabe - auraient pu militer pour un report de cette réunion à cause de ce contexte.
Mais, vu du point de vue européen et notamment du point de vue de la Présidence, reporter cette réunion dans ce contexte c'était risquer de ne pas pouvoir la tenir avant un avenir imprévisible en réalité. Cela au moment même où les Quinze débattaient entre eux de leur action extérieure, notamment par rapport à la Méditerranée, par rapport aux Balkans, et il fallait que nous débattions entre nous des sommes à consacrer à ces différents programmes. Cela au moment même où nous avions besoin d'apporter notre appui, de conforter le commissaire Patten dans le travail très remarquable de réforme de l'action extérieure de l'Union européenne qu'il avait entrepris. D'autre part, cette idée euro-méditerranéenne, qui est une idée très ancienne globalement mais qui, en termes pratiques et opérationnels, remonte à la Conférence de Barcelone de 1995, reste une grande idée d'avenir, une grande idée stratégique. Bref, nous avons conclu à Quinze - et la Présidence a agi en conséquence - qu'il fallait préserver cet instrument, même si cela tombait très mal, pour dire les choses simplement pour le moment.
Je suis très reconnaissant aux pays arabes qui sont venus à cette conférence de Marseille
- c'est-à-dire presque tous - d'avoir compris ce raisonnement et d'avoir montré leur attachement à la relation euro-méditerranéenne et, en ce qui les concerne, euro-arabe, plus forte que la conjoncture tragique. Donc, c'était cela l'enjeu. Mais nous n'avions pas pensé que cette réunion de Marseille pouvait débloquer les choses radicalement en ce qui concerne le Proche-Orient, même si cela a été l'occasion d'échanges, d'échanges très denses, émouvants, difficiles, mais qui ont eu lieu, qui ont existé, qui peut-être sont peut-être une petite pierre blanche sur le chemin quand les Israéliens et les Palestiniens réussiront à reparler utilement.
Q - Avez-vous discuté de la Côte d'Ivoire ?
R - Il y a une position de la Commission peut-être un peu autonome et précipitée par rapport à la Côte d'Ivoire, et il y a une réflexion en cours au niveau des ministres des Quinze pour savoir comment traiter le sujet, cela dépend un petit peu de l'évolution politique qui pourrait avoir lieu en Côte d'Ivoire et qui aboutirait à une situation moins critiquable.
Q - Le président Arafat a appelé aujourd'hui l'Union européenne à jouer un rôle plus efficace pour débloquer le processus de paix. Comment voyez-vous cet appel, notamment quand il y a de nombreux appels des pays arabes pour un rôle plus efficace européen ?
R - Je crois que, tant que la paix n'est pas trouvée, il serait bien que tout le monde joue un rôle plus efficace. Vous ne pouvez pas concentrer cet appel uniquement sur l'Europe. Ce serait bien que les Israéliens et les Palestiniens jouent un rôle plus efficace aussi pour débloquer la paix. Il y a aussi les Etats-Unis, il y a aussi la Russie, il y a aussi les Nations Unies. Je veux dire par là que c'est une bonne question mais elle ne s'applique pas qu'à l'Europe, mais nous faisons de notre mieux.
Q - Le sommet va-t-il évoquer la question du Proche Orient ?
R - Un moment est prévu pour qu'il puisse y avoir un échange sur ces sujets, qui est le déjeuner. Vous savez que, comme aujourd'hui nous avons bien travaillé sur les sujets économiques, sociaux, sur la Charte, sur la défense, nous avons pu avancer plus vite que prévu. Donc dès demain matin nous allons nous attaquer aux conclusions de cette première partie du Conseil européen, donc on va commencer la Conférence intergouvernementale plus tôt, après le dîner qui se termine. Et au déjeuner - c'est un déjeuner chefs d'Etat, Premiers ministres, ministres des Affaires étrangères - nous allons parler des questions de politique étrangère et donc du Proche-Orient, et je leur ferai au début un compte-rendu du dîner et je pense qu'on parlera pendant ce déjeuner, à la fois de la visite que je dois y faire la semaine prochaine et en même temps du travail de la Commission de l'établissement des faits qui doit s'y rendre en début de semaine si tout va bien.
Q - Le Sommet va-t-il approuver une déclaration ?
R - Je ne sais pas, ce n'est pas décidé, il n'y a pas automatiquement des déclarations. Nos positions sont très bien connues, il y a toutes sortes d'occasions de les exprimer et ce n'est pas automatique, dans les Conseils européens, qu'il y ait des déclarations, ce n'est pas le centre du Conseil européen. Mais, en revanche, il y a de vraies discussions prévues entre les chefs d'Etat et de gouvernement et ce sont eux qui décideront si c'est important de faire une déclaration ou si les choses peuvent être dites par une déclaration de la présidence à la fin, par exemple ; ce sont deux formules possibles.
Q - (inaudible)
R - On a parlé du Proche-Orient par ce qu'on a essayé de faire un vrai travail intellectuel historique en reprenant les différentes tentatives de paix, quand cela a failli marcher, ce qui n'avait pas marché, une analyse plus poussée, plus fouillée, pour essayer d'affiner notre action a venir. Donc ça a occupé tout le dîner
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2000)