Texte intégral
Alain Richard, ministre de la Défense, s'est fait présenter le 21 décembre 2000 les conclusions de l'enquête de qualité relative aux hélices du porte-avions " Charles de Gaulle ", confiée à l'ingénieur général de l'armement Daniel Estournet, inspecteur de l'armement.
L'objectif de l'enquête était de déterminer les conditions dans lesquelles les hélices du porte-avions ont été conçues, commandées, réalisées, validées et acceptées.
Cette enquête faisait suite à la rupture de l'hélice bâbord du navire, survenue le 9 novembre alors que le navire croisait au large de la Guadeloupe dans le cadre de la traversée de longue durée préalable à son admission au service actif.
Les principales conclusions du rapport :
Comme l'indiquent les premiers résultats de l'enquête technique, par ailleurs en cours, l'avarie de l'hélice bâbord, fabriquée et montée en 1997, ne tire pas son origine dans sa conception mais dans son industrialisation et dans sa fabrication par la société "Fonderie de l'Atlantique". En particulier, les réparations de finition qu'elle a exécutées étaient de mauvaise qualité et ont engendré des défauts à partir desquels s'est probablement amorcée la rupture de l'hélice. Le système qualité du fournisseur n'a pas permis de détecter ces malfaçons.
Le rôle de la Délégation générale pour l'Armement (DGA) est celui dévolu normalement à un maître d'ouvrage, la Direction des constructions navales (DCN) assurant celui d'un maître d'uvre industriel. L'inclusion de DCN au sein de la DGA conduisait de facto à une imbrication de ces responsabilités. L'industriel de son côté était un fournisseur contractant avec DCN.
De façon plus précise s'agissant des hélices, les acteurs concernés au sein du ministère de la Défense par leur réalisation sont DCN Indret, établissement chargé de l'appareil propulsif du navire, et le service de la qualité de la DGA, assurant le contrôle qualité pour le compte de DCN Indret selon l'organisation en vigueur au moment de la passation du marché à la "Fonderie de l'Atlantique" en 1996.
La direction de projet du porte-avions au sein de DCN n'est pas intervenue dans le processus d'acceptation des hélices montées à bord. Elle n'a été informée que succinctement de leur réalisation. L'information de la direction de programme de maîtrise d'ouvrage au sein de la DGA a été encore plus succincte.
L'organisation qualité mise en place dans le cadre du marché était conforme aux pratiques habituelles. Le rapport relève que les responsables concernés du ministère ont globalement suivi les procédures qualité prévues, sans toutefois chercher à les renforcer, parce qu'ils n'avaient pas conscience de prendre un risque excessif. Ainsi, la situation difficile de l'entreprise fournisseur aurait pu justifier des mesures de contrôle renforcées ; de même l'acceptation de certaines demandes de dérogation formulées par le fondeur s'est avérée trop risquée.
Les mesures déjà prises :
Le déficit d'organisation a déjà été identifié et, depuis 1997, l'activité de DCN a été recentrée sur ses métiers industriels de conception, de réalisation et d'entretien des navires qui correspondent à son rôle de maître d'uvre. Ses relations avec le reste de la DGA ont été progressivement formalisées par des contrats internes qui définissent le contenu technique ainsi que les objectifs de délais et de coût des projets. Ce mouvement vers une autonomie de gestion accrue de DCN s'est poursuivi en mai 2000 par la transformation de DCN en service à compétence nationale, directement rattaché au ministre de la Défense et distinct de la DGA.
Par ailleurs, la situation de la société " Fonderie de l'Atlantique " seul fondeur français, et l'un des seuls au monde, capable de réaliser des hélices monobloc de grandes dimensions, s'est dégradée progressivement à partir de 1996, conduisant à sa mise en redressement judiciaire en septembre 1999. L'activité de cette société a été reprise en mars 2000 par l'entreprise " Les Bronzes d'industrie ". La nouvelle société, dénommée " Atlantic Industrie ", a démarré son activité en avril 2000. Le repreneur a pris des engagements destinés à renforcer les capacités techniques de la fonderie et à mettre en place d'ici fin 2001 un nouveau système qualité lui permettant d'obtenir la certification ISO 9001. De son côté, l'Etat soutient les efforts de l'entreprise pour acquérir de nouveaux savoir-faire. Il a par ailleurs protégé les intérêts publics en portant plainte suite à l'incendie qui a détruit des documents et matériels informatiques lui appartenant.
Les mesures nouvelles :
En outre, le ministre de la Défense a approuvé les mesures complémentaires suivantes pour remédier aux insuffisances mises en évidence par l'enquête :
* sur proposition du directeur de DCN
- D'une part, DCN complètera son organisation avant l'été 2001 afin de garantir l'indépendance de la chaîne qualité par rapport à la chaîne opérationnelle et de permettre d'arbitrer au niveau adéquat les éventuels conflits d'intérêt entre la tenue des objectifs de projet et la qualité. Cette nouvelle organisation qualité sera présentée publiquement par DCN lorsqu'elle aura été élaborée, dans la perspective d'une procédure de certification.
- D'autre part, le système qualité du fondeur ne pouvant être amélioré que dans la durée, la surveillance qualité exercée par DCN Indret sur celui-ci sera renforcée pour les marchés en cours ou à venir, en constituant une équipe de contrôle.
* sur proposition du délégué général pour l'armement
- Dans la cohérence de la séparation entre les fonctions d'acheteur-expert de la DGA et le rôle des industriels, la mission des ingénieurs qualité dans les équipes de programmes de la DGA sera renforcé vis-à-vis des maîtres d'oeuvre industriels. Les contrats comporteront à cet effet des dispositions garantissant une meilleure information de ces ingénieurs qualité.
Enfin, le ministre a demandé des investigations complémentaires afin d'apprécier objectivement si des procédures disciplinaires doivent être engagées.
Situation du programme porte-avions :
Quatre nouvelles hélices seront commandées : deux auprès d'"Atlantic Industrie", dont la commande est notifiée ce jour, et deux autres auprès d'un fondeur retenu après mise en compétition internationale. Le profil des hélices, qui permet d'obtenir le rendement nécessaire à la tenue de la vitesse maximale de 27 nuds, est confirmé. Par ailleurs, "Atlantic Industrie" utilisera les modèles de simulation dont l'Etat a financé l'acquisition pour mettre au point le processus de coulée.
Dans l'attente de pouvoir monter ces nouvelles hélices, le navire sera doté de rechanges de type porte-avions existants, qui lui permettront d'être opérationnel. Dans l'immédiat, l'analyse de l'état de la ligne d'arbre est entreprise et va être menée à bien avant le 31 janvier. C'est à cette date que sera vérifié si le porte-avions peut être remis à flot en vue de reprendre la mer.
On sait en effet que le porte-avions a déjà parcouru l'équivalent de deux tours du monde, qu'il a enregistré plus de 1200 mouvements d'aviation. Le mérite en revient aux équipes qui, au sein de DCN et de la DGA comme dans près d'un millier d'entreprises françaises, ont uvré à la réalisation de ce navire et aux personnels de la Marine qui le servent.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 16 janvier 2001)
L'objectif de l'enquête était de déterminer les conditions dans lesquelles les hélices du porte-avions ont été conçues, commandées, réalisées, validées et acceptées.
Cette enquête faisait suite à la rupture de l'hélice bâbord du navire, survenue le 9 novembre alors que le navire croisait au large de la Guadeloupe dans le cadre de la traversée de longue durée préalable à son admission au service actif.
Les principales conclusions du rapport :
Comme l'indiquent les premiers résultats de l'enquête technique, par ailleurs en cours, l'avarie de l'hélice bâbord, fabriquée et montée en 1997, ne tire pas son origine dans sa conception mais dans son industrialisation et dans sa fabrication par la société "Fonderie de l'Atlantique". En particulier, les réparations de finition qu'elle a exécutées étaient de mauvaise qualité et ont engendré des défauts à partir desquels s'est probablement amorcée la rupture de l'hélice. Le système qualité du fournisseur n'a pas permis de détecter ces malfaçons.
Le rôle de la Délégation générale pour l'Armement (DGA) est celui dévolu normalement à un maître d'ouvrage, la Direction des constructions navales (DCN) assurant celui d'un maître d'uvre industriel. L'inclusion de DCN au sein de la DGA conduisait de facto à une imbrication de ces responsabilités. L'industriel de son côté était un fournisseur contractant avec DCN.
De façon plus précise s'agissant des hélices, les acteurs concernés au sein du ministère de la Défense par leur réalisation sont DCN Indret, établissement chargé de l'appareil propulsif du navire, et le service de la qualité de la DGA, assurant le contrôle qualité pour le compte de DCN Indret selon l'organisation en vigueur au moment de la passation du marché à la "Fonderie de l'Atlantique" en 1996.
La direction de projet du porte-avions au sein de DCN n'est pas intervenue dans le processus d'acceptation des hélices montées à bord. Elle n'a été informée que succinctement de leur réalisation. L'information de la direction de programme de maîtrise d'ouvrage au sein de la DGA a été encore plus succincte.
L'organisation qualité mise en place dans le cadre du marché était conforme aux pratiques habituelles. Le rapport relève que les responsables concernés du ministère ont globalement suivi les procédures qualité prévues, sans toutefois chercher à les renforcer, parce qu'ils n'avaient pas conscience de prendre un risque excessif. Ainsi, la situation difficile de l'entreprise fournisseur aurait pu justifier des mesures de contrôle renforcées ; de même l'acceptation de certaines demandes de dérogation formulées par le fondeur s'est avérée trop risquée.
Les mesures déjà prises :
Le déficit d'organisation a déjà été identifié et, depuis 1997, l'activité de DCN a été recentrée sur ses métiers industriels de conception, de réalisation et d'entretien des navires qui correspondent à son rôle de maître d'uvre. Ses relations avec le reste de la DGA ont été progressivement formalisées par des contrats internes qui définissent le contenu technique ainsi que les objectifs de délais et de coût des projets. Ce mouvement vers une autonomie de gestion accrue de DCN s'est poursuivi en mai 2000 par la transformation de DCN en service à compétence nationale, directement rattaché au ministre de la Défense et distinct de la DGA.
Par ailleurs, la situation de la société " Fonderie de l'Atlantique " seul fondeur français, et l'un des seuls au monde, capable de réaliser des hélices monobloc de grandes dimensions, s'est dégradée progressivement à partir de 1996, conduisant à sa mise en redressement judiciaire en septembre 1999. L'activité de cette société a été reprise en mars 2000 par l'entreprise " Les Bronzes d'industrie ". La nouvelle société, dénommée " Atlantic Industrie ", a démarré son activité en avril 2000. Le repreneur a pris des engagements destinés à renforcer les capacités techniques de la fonderie et à mettre en place d'ici fin 2001 un nouveau système qualité lui permettant d'obtenir la certification ISO 9001. De son côté, l'Etat soutient les efforts de l'entreprise pour acquérir de nouveaux savoir-faire. Il a par ailleurs protégé les intérêts publics en portant plainte suite à l'incendie qui a détruit des documents et matériels informatiques lui appartenant.
Les mesures nouvelles :
En outre, le ministre de la Défense a approuvé les mesures complémentaires suivantes pour remédier aux insuffisances mises en évidence par l'enquête :
* sur proposition du directeur de DCN
- D'une part, DCN complètera son organisation avant l'été 2001 afin de garantir l'indépendance de la chaîne qualité par rapport à la chaîne opérationnelle et de permettre d'arbitrer au niveau adéquat les éventuels conflits d'intérêt entre la tenue des objectifs de projet et la qualité. Cette nouvelle organisation qualité sera présentée publiquement par DCN lorsqu'elle aura été élaborée, dans la perspective d'une procédure de certification.
- D'autre part, le système qualité du fondeur ne pouvant être amélioré que dans la durée, la surveillance qualité exercée par DCN Indret sur celui-ci sera renforcée pour les marchés en cours ou à venir, en constituant une équipe de contrôle.
* sur proposition du délégué général pour l'armement
- Dans la cohérence de la séparation entre les fonctions d'acheteur-expert de la DGA et le rôle des industriels, la mission des ingénieurs qualité dans les équipes de programmes de la DGA sera renforcé vis-à-vis des maîtres d'oeuvre industriels. Les contrats comporteront à cet effet des dispositions garantissant une meilleure information de ces ingénieurs qualité.
Enfin, le ministre a demandé des investigations complémentaires afin d'apprécier objectivement si des procédures disciplinaires doivent être engagées.
Situation du programme porte-avions :
Quatre nouvelles hélices seront commandées : deux auprès d'"Atlantic Industrie", dont la commande est notifiée ce jour, et deux autres auprès d'un fondeur retenu après mise en compétition internationale. Le profil des hélices, qui permet d'obtenir le rendement nécessaire à la tenue de la vitesse maximale de 27 nuds, est confirmé. Par ailleurs, "Atlantic Industrie" utilisera les modèles de simulation dont l'Etat a financé l'acquisition pour mettre au point le processus de coulée.
Dans l'attente de pouvoir monter ces nouvelles hélices, le navire sera doté de rechanges de type porte-avions existants, qui lui permettront d'être opérationnel. Dans l'immédiat, l'analyse de l'état de la ligne d'arbre est entreprise et va être menée à bien avant le 31 janvier. C'est à cette date que sera vérifié si le porte-avions peut être remis à flot en vue de reprendre la mer.
On sait en effet que le porte-avions a déjà parcouru l'équivalent de deux tours du monde, qu'il a enregistré plus de 1200 mouvements d'aviation. Le mérite en revient aux équipes qui, au sein de DCN et de la DGA comme dans près d'un millier d'entreprises françaises, ont uvré à la réalisation de ce navire et aux personnels de la Marine qui le servent.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 16 janvier 2001)