Tribune de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, dans "Nihon Keizai Shimbun" le 4 janvier 1999, sur les effets favorables de la naissance de l'euro et sur le rééquilibrage des relations monétaires internationales.

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Média : Nihon Keizai Shimbun

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L'EURO ANNONCE L'ERE DE L'EUROPE
Ce 4 janvier 1999 voit la naissance de l'euro, pour 11 pays de l'espace européen. C'est l'aboutissement d'un processus engagé il y a trente ans, au cours duquel la volonté politique a surmonté les difficultés et qui marque le triomphe de la dynamique européenne. L'euro existe désormais : ce jour est un aboutissement, certes, mais c'est aussi le début d'une nouvelle ère qui profitera à l'Europe, bien sûr, mais notre ambition est qu'elle puisse profiter à l'ensemble de l'économie mondiale.
Aujourd'hui, toute la sphère financière européenne bascule dans la monnaie unique. Les cotations boursières se font désormais en euro et la dette publique est convertie. Pour les particuliers s'ouvre une période transitoire de trois ans durant laquelle il sera possible d'utiliser l'euro par chèque, carte bancaire ou virement. Les entreprises peuvent également passer à l'euro dès maintenant. Ce 4 janvier entame un processus de diffusion progressive de l'euro dans l'ensemble de la société, dans la plus grande sécurité juridique.
Les touristes qui se rendent en Europe ont désormais une garantie de taux de change entre les devises des 11 pays participant à l'euro. Bientôt, ils pourront voyager de Madrid à Helsinki en utilisant les mêmes billets de banque et effectuer leurs achats en une seule devise.
Les avantages de l'euro sont multiples. Il apporte la stabilité à l'espace européen et renforce les capacités de nos économies. Il a déjà permis à l'Europe de résister aux turbulences de ces derniers mois et de faire jouer à notre continent son rôle de monteur de croissance. Il simplifie la gestion comptable des entreprises opérant dans plusieurs pays européens, permet d'économiser sur le coût des transactions de change, allège les besoins de trésorerie et facilite la gestion du risque de change, autant d'avantages dont bénéficient les entreprises opérant en Europe, qu'elles soient européennes ou étrangères. L'union monétaire va améliorer l'efficacité des firmes installées dans sa zone.
C'est désormais à l'ensemble des acteurs européens de faire fonctionner au mieux les institutions communes, afin que, dans un contexte non inflationniste, l'euro contribue à stimuler la croissance et à combattre le chômage. L'euro s'inscrit dans le cadre institutionnel d'une Banque centrale européenne indépendante dont l'autonomie est garantie plus solidement que partout ailleurs dans le monde. En outre, le traité instituant la monnaie unique intègre un code de politique budgétaire qui met l'accent sur le besoin de politiques responsables en matière de finances publiques ; nous avons élaboré les textes qui assureront le respect de cet engagement par les Etats membres. Une institution de coordination des politiques économiques, l'Euro 11, a également été créé et ses débuts sont prometteurs.
L'euro naît dans un contexte mondial bouleversé par la crise asiatique et les perpectives de réforme du système monétaire international. Région doté de perspectives de croissance encourageantes et ayant participé à la fondation du système actuel, l'Europe a une responsabilité particulière en la matière. La monnaie unique va devenir un instrument de réserve important et contrebalancer le poids du dollar. Le rôle des responsables européens est de faire en sorte que l'euro soit le moteur de relations encore plus satisfaisantes avec nos principaux partenaires. Avec les autres pays du G7, dont le Japon, et les principaux pays émergents, tous ensemble, nous devons également réfléchir aux moyens d'améliorer les politiques de change des pays émergents.
Mais ce nouveau rôle de rééquilibrage du système monétaire international, l'euro ne doit pas être seul à le jouer. Il y aura de la place pour d'autres devises majeures dans ce nouvel ordre monétaire international, notamment en Asie. De leur côté, les autorités japonaises réfléchissent à des mesures visant à favoriser l'internationalisation du yen. Le Japon est la première puissance économique de la zone asiatique, il tient une place essentielle dans les plans de soutien aux économies de la zone et sa place financière est la première de la région. La devise japonaise pourrait donc, conjointement avec la devise américaine et la devise européenne, être un partenaire majeur de l'ordre qui est en train de se créer.
Ce jour historique a, je le crois, valeur d'exemple pour de nombreux autres pays, l'euro ne doit pas seulement servir les intérêts de l'Europe, il doit permettre aux relations monétaires et financières internationales de s'inscrire dans un nouvel équilibre. C'est tout le voeu que je forme pour cette nouvelle année.
(Source htpp://www.finances.gouv.fr)