Texte intégral
O. Mazerolle Le Gouvernement a fixé son objectif : faire adopter le projet de loi sur l'inversion du calendrier électoral avant la mi-février. Peut-il atteindre cet objectif sans l'accord du Président de la République ?
- "Il s'agit d'une proposition de loi et non pas d'un projet. La distinction est certes juridique mais elle est aussi politique : proposition de loi voulant dire initiative parlementaire, et non pas projet de loi - qui signifie initiative gouvernementale. Nous prévoyons un examen à l'Assemblée avant les fêtes de Noël - 19 ou 20 décembre, - ensuite navette avec le Sénat. Les travaux parlementaires vont s'interrompre pour les municipales autour du 12 février."
Cela peut aboutir contre l'avis du Président ?
- "Contre l'avis du Président, je ne sais pas. Il a mis en garde contre la tentation de changer les règles du jeu : mais il ne s'agit pas de changer les règles du jeu, simplement de rétablir un calendrier normal pour les institutions. Et nous sommes loin de la date des élections qui se tiendront au printemps 2002, dans plus de quinze mois."
Hier matin, est-ce que cela a été chaud entre le Président de la République et le Premier ministre ? "Une explication d'homme à homme", comme dirait L. Jospin ?
- "Je ne le sais pas, et si je le savais, je ne vous le dirais pas : cela participe du rapport entre le Président et le Premier ministre."
Pour que cela aboutisse, il faut des voix de droite au Parlement. Allez-vous en obtenir quelques-unes ?
- "Il faut obtenir la majorité absolue. S'il n'y a pas accord avec le Sénat, le dernier mot revient à l'Assemblée nationale avec la majorité absolue de 289 voix."
Donc, des voix de droite ?
- "Peut-être aussi des voix de gauche !"
Mais pour faire la majorité absolue, il faut aussi des voix de droite ! C'est une question arithmétique !
- "Nous verrons ce que pense la gauche d'abord."
Mais ensuite, il faut des voix de droite !
- "Chacun se détermine, en fonction de la question qui est posée. Il y a plusieurs propositions de loi qui existent aujourd'hui. Il y en a qui émanent de la droite - de M. Barre, de M. de Charette... Le Gouvernement, qui a la maîtrise de l'ordre du jour, va inscrire l'ensemble de ces propositions, puis ensuite, c'est la commission des lois qui établira un rapport."
Pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est produit depuis le 19 octobre dernier, date à laquelle M. Jospin disait sur TF1 que s'il n'y a pas de consensus pour ce changement de calendrier, s'il le proposait seul, cela apparaîtrait comme une opération politicienne. En quoi ce qui était politicien le 19 octobre dernier - il y a six semaines - n'est plus politicien aujourd'hui ?
- "Il disait d'abord qu'il y a une logique. Il y a eu un débat depuis le 19 octobre, à quelques semaines de l'adoption du quinquennat, relatif à ce calendrier qui fait que les élections législatives précèdent l'élection présidentielle qui, elle, est immuable dans sa date."
D'accord. Mais pourquoi était-ce politicien le 19 octobre et pas aujourd'hui ?
- "On a vu le débat se développer, les constitutionnalistes prendre position, pratiquement tous pour rétablir le calendrier, des hommes politiques de tendance diverses s'exprimer. Il paraît quand même logique que le Parlement en discute ..."
C'était politicien le 19, mais ce ne l'est plus aujourd'hui ? Franchement, on a du mal à comprendre !
- "Il s'agit sur ce sujet de prendre en compte l'état du débat et de le présenter devant l'Assemblée nationale."
N'est-ce pas tout simplement parce que la gauche redoute le résultat des législatives car la droite a pris des couleurs avec la disparition du FN ?
- "Je n'ai pas le sentiment que la droite soit rayonnante, en bonne santé. Qui peut aujourd'hui dire le résultat des élections qui interviendront dans plus de 15 mois ? Il y a une logique institutionnelle. Des confusions peuvent exister ; on sait, par exemple, que le Conseil constitutionnel a pu dire que c'était difficile d'organiser, dans un laps de temps aussi réduit, d'abord une élection législative et ensuite une élection présidentielle."
Le Premier ministre écoute les experts, si je vous suis ?
- "Il écoute un débat qui s'est développé dans l'opinion."
Ce débat divise la droite. Je lis dans Le Nouvel observateur : "L. Jospin a retenu la leçon de Mitterrand : il faut toujours mieux choisir ce qui divise la droite."
- "A droite, beaucoup se sont exprimés dès l'adoption du quinquennat, ils ont fait connaître leurs positions. Mais je crois que c'est l'intérêt du pays et l'intérêt des électeurs..."
De diviser la droite ?
- "Non. L'intérêt du pays, c'est d'avoir des élections qui se déroulent de façon ordonnée, claire, qui permettent à chacun de se prononcer. Et là, on se rend compte que les citoyens n'ont peut-être pas encore mesuré cette confusion. Mais si nous étions dans la situation actuelle du calendrier, tel qu'il résulte aujourd'hui de la modification intervenue avec le quinquennat, tel qu'il résulte de la date des élections législatives - qui, elles, résultent de la dissolution -, quand on arriverait aux élections, les citoyens diraient : "mais dans quel ordre nous fait-on voter ?" D'ailleurs, cela se voit à travers les sondages."
M. Quilès est de gauche et dit que l'inversion du calendrier va mettre le Parlement à genoux, que tout va dépendre du Président de la République. L. Jospin, avec sa proposition, ne pense pas à ce que seraient les pouvoirs du Président Jospin, une fois élu ? Ne pense-t-il jamais à ce qu'il fera après ces élections présidentielles ?
- "Il y a eu des présidentielles qui ont précédé les législatives en 1981 et 1988. Le Parlement n'a pas été abaissé. Je crois que notre pays a besoin d'une modernisation, de continuer la modernisation de la vie politique. Ce sera le débat des présidentielles. On a fait la parité, le cumul des mandats...
Franchement : division de la droite, pouvoirs du Président de la République ; ce n'est absolument pas dans l'esprit de L. Jospin aujourd'hui ?
- "Il s'agit d'établir des règles, qui sont celles d'un calendrier normal."
N'y aurait-il pas autre chose ? On sait que le Premier ministre a très mal pris la déclaration du Président de République sur les farines animales. Il a le sentiment d'avoir été un peu précédé, d'avoir laissé marquer un point contre lui par le Président de la République. C'est la réplique ?
- "Ce sont deux sujets différents."
Mais en termes politiques, montrer quel est celui qui a plus de pouvoirs et de maîtrise que l'autre, c'est tout de même un objet de confrontation ?
- "C'est un objet de commentaires pour les journalistes..."
Pas de confrontation ? Le Premier ministre est impavide quand il voit le Président de la République prendre l'opinion à témoin ?
- "Mais c'est l'intérêt du pays d'avoir des élections qui se déroulent de façon ordonnée, où les Français puissent vraiment exercer leurs choix."
Vous êtes Lyonnais, donc très calme ?
- "Oui."
Et L. Jospin ?
"Il est calme, aussi. C'est un homme d'Etat qui dirige le pays et qui le fait en ayant conscience des intérêts supérieurs de la Nation."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2000)
- "Il s'agit d'une proposition de loi et non pas d'un projet. La distinction est certes juridique mais elle est aussi politique : proposition de loi voulant dire initiative parlementaire, et non pas projet de loi - qui signifie initiative gouvernementale. Nous prévoyons un examen à l'Assemblée avant les fêtes de Noël - 19 ou 20 décembre, - ensuite navette avec le Sénat. Les travaux parlementaires vont s'interrompre pour les municipales autour du 12 février."
Cela peut aboutir contre l'avis du Président ?
- "Contre l'avis du Président, je ne sais pas. Il a mis en garde contre la tentation de changer les règles du jeu : mais il ne s'agit pas de changer les règles du jeu, simplement de rétablir un calendrier normal pour les institutions. Et nous sommes loin de la date des élections qui se tiendront au printemps 2002, dans plus de quinze mois."
Hier matin, est-ce que cela a été chaud entre le Président de la République et le Premier ministre ? "Une explication d'homme à homme", comme dirait L. Jospin ?
- "Je ne le sais pas, et si je le savais, je ne vous le dirais pas : cela participe du rapport entre le Président et le Premier ministre."
Pour que cela aboutisse, il faut des voix de droite au Parlement. Allez-vous en obtenir quelques-unes ?
- "Il faut obtenir la majorité absolue. S'il n'y a pas accord avec le Sénat, le dernier mot revient à l'Assemblée nationale avec la majorité absolue de 289 voix."
Donc, des voix de droite ?
- "Peut-être aussi des voix de gauche !"
Mais pour faire la majorité absolue, il faut aussi des voix de droite ! C'est une question arithmétique !
- "Nous verrons ce que pense la gauche d'abord."
Mais ensuite, il faut des voix de droite !
- "Chacun se détermine, en fonction de la question qui est posée. Il y a plusieurs propositions de loi qui existent aujourd'hui. Il y en a qui émanent de la droite - de M. Barre, de M. de Charette... Le Gouvernement, qui a la maîtrise de l'ordre du jour, va inscrire l'ensemble de ces propositions, puis ensuite, c'est la commission des lois qui établira un rapport."
Pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est produit depuis le 19 octobre dernier, date à laquelle M. Jospin disait sur TF1 que s'il n'y a pas de consensus pour ce changement de calendrier, s'il le proposait seul, cela apparaîtrait comme une opération politicienne. En quoi ce qui était politicien le 19 octobre dernier - il y a six semaines - n'est plus politicien aujourd'hui ?
- "Il disait d'abord qu'il y a une logique. Il y a eu un débat depuis le 19 octobre, à quelques semaines de l'adoption du quinquennat, relatif à ce calendrier qui fait que les élections législatives précèdent l'élection présidentielle qui, elle, est immuable dans sa date."
D'accord. Mais pourquoi était-ce politicien le 19 octobre et pas aujourd'hui ?
- "On a vu le débat se développer, les constitutionnalistes prendre position, pratiquement tous pour rétablir le calendrier, des hommes politiques de tendance diverses s'exprimer. Il paraît quand même logique que le Parlement en discute ..."
C'était politicien le 19, mais ce ne l'est plus aujourd'hui ? Franchement, on a du mal à comprendre !
- "Il s'agit sur ce sujet de prendre en compte l'état du débat et de le présenter devant l'Assemblée nationale."
N'est-ce pas tout simplement parce que la gauche redoute le résultat des législatives car la droite a pris des couleurs avec la disparition du FN ?
- "Je n'ai pas le sentiment que la droite soit rayonnante, en bonne santé. Qui peut aujourd'hui dire le résultat des élections qui interviendront dans plus de 15 mois ? Il y a une logique institutionnelle. Des confusions peuvent exister ; on sait, par exemple, que le Conseil constitutionnel a pu dire que c'était difficile d'organiser, dans un laps de temps aussi réduit, d'abord une élection législative et ensuite une élection présidentielle."
Le Premier ministre écoute les experts, si je vous suis ?
- "Il écoute un débat qui s'est développé dans l'opinion."
Ce débat divise la droite. Je lis dans Le Nouvel observateur : "L. Jospin a retenu la leçon de Mitterrand : il faut toujours mieux choisir ce qui divise la droite."
- "A droite, beaucoup se sont exprimés dès l'adoption du quinquennat, ils ont fait connaître leurs positions. Mais je crois que c'est l'intérêt du pays et l'intérêt des électeurs..."
De diviser la droite ?
- "Non. L'intérêt du pays, c'est d'avoir des élections qui se déroulent de façon ordonnée, claire, qui permettent à chacun de se prononcer. Et là, on se rend compte que les citoyens n'ont peut-être pas encore mesuré cette confusion. Mais si nous étions dans la situation actuelle du calendrier, tel qu'il résulte aujourd'hui de la modification intervenue avec le quinquennat, tel qu'il résulte de la date des élections législatives - qui, elles, résultent de la dissolution -, quand on arriverait aux élections, les citoyens diraient : "mais dans quel ordre nous fait-on voter ?" D'ailleurs, cela se voit à travers les sondages."
M. Quilès est de gauche et dit que l'inversion du calendrier va mettre le Parlement à genoux, que tout va dépendre du Président de la République. L. Jospin, avec sa proposition, ne pense pas à ce que seraient les pouvoirs du Président Jospin, une fois élu ? Ne pense-t-il jamais à ce qu'il fera après ces élections présidentielles ?
- "Il y a eu des présidentielles qui ont précédé les législatives en 1981 et 1988. Le Parlement n'a pas été abaissé. Je crois que notre pays a besoin d'une modernisation, de continuer la modernisation de la vie politique. Ce sera le débat des présidentielles. On a fait la parité, le cumul des mandats...
Franchement : division de la droite, pouvoirs du Président de la République ; ce n'est absolument pas dans l'esprit de L. Jospin aujourd'hui ?
- "Il s'agit d'établir des règles, qui sont celles d'un calendrier normal."
N'y aurait-il pas autre chose ? On sait que le Premier ministre a très mal pris la déclaration du Président de République sur les farines animales. Il a le sentiment d'avoir été un peu précédé, d'avoir laissé marquer un point contre lui par le Président de la République. C'est la réplique ?
- "Ce sont deux sujets différents."
Mais en termes politiques, montrer quel est celui qui a plus de pouvoirs et de maîtrise que l'autre, c'est tout de même un objet de confrontation ?
- "C'est un objet de commentaires pour les journalistes..."
Pas de confrontation ? Le Premier ministre est impavide quand il voit le Président de la République prendre l'opinion à témoin ?
- "Mais c'est l'intérêt du pays d'avoir des élections qui se déroulent de façon ordonnée, où les Français puissent vraiment exercer leurs choix."
Vous êtes Lyonnais, donc très calme ?
- "Oui."
Et L. Jospin ?
"Il est calme, aussi. C'est un homme d'Etat qui dirige le pays et qui le fait en ayant conscience des intérêts supérieurs de la Nation."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2000)