Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver.
Depuis la fin du mois d'octobre, les violences qui ont secoué les banlieues ont mis l'éducation au c?ur de l'actualité, pour deux raisons essentielles.
D'abord parce que l'éducation nationale a été visée par certaines de ces violences ; ensuite parce que l'éducation, l'instruction, la formation font partie des remèdes à cette crise profonde que traverse notre société.
Je voudrais aujourd'hui revenir sur ces deux points, en développant particulièrement la réponse que le gouvernement a décidé d'apporter à la crise.
L'Education nationale, je l'ai dit, a été victime des violences : un agent est mort à Trappes dans l'exercice de ses fonctions ; 255 établissements scolaires ont été touchés par le vandalisme, voire les incendies. Quelles qu'en soient les causes, ces violences sont totalement injustifiables. Leurs auteurs doivent être poursuivis et punis. Et ils le seront.
Je tiens à rendre hommage, devant vous comme je l'ai fait dans de nombreux établissements au sang froid et à la ténacité des équipes pédagogiques, qui ont affronté cette période difficile. Chefs d'établissement, professeurs, personnels non enseignants, parents, lycéens, tous ceux que vous représentez ici ont fait face, avec courage et sens des responsabilités. À travers vous, je veux tous les saluer !
Les professeurs accomplissent un travail d'émancipation de l'homme ; ceux qui s'y attaquent s'attaquent à la liberté ! Nous devons être très clairs là-dessus, et ne pas céder à un quelconque discours qui mettrait l'école en accusation ! L'institution ne doit cultiver aucun sentiment de culpabilité !
Elle doit se montrer sûre de sa mission et fière de son travail dans ces quartiers difficiles.
Depuis quelques semaines, on a beaucoup parlé des ZEP?
À leur propos, je pose une question toute simple : que se serait-il passé sans elles ? Cette question ne doit certes pas nous conduire à prôner le statu quo? !
Que les ZEP ne donnent pas autant de résultats que nous le souhaiterions, c'est évident. Qu'il faille sans doute en repenser le fonctionnement, je le crois. Que, sous leur forme actuelle, elles aient besoin d'un nouveau souffle, j'en suis le premier convaincu, et je l'avais dit avant les événements, ici-même. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain !
Face à une telle crise, je veux faire preuve d'humilité, de bon sens et de détermination. Je veux aussi rester à votre écoute, comme j'écoute le corps enseignant tout entier, comme j'écoute les professeurs de ZEP que je suis allé voir, et qui sont venus plusieurs fois me faire part de leurs réflexions.
Les causes de la crise sont évidemment multiples. Les remèdes le sont donc aussi.
Il ne serait par conséquent pas raisonnable de refuser certaines solutions au motif qu'elles n'apportent pas la réponse à TOUS les problèmes d'un seul coup. Aucune ne le fera ! Nous ne progressons que par l'addition de plusieurs actions déterminées, répondant à des problèmes ciblés, bien identifiés.
La réalité n'est pas d'un bloc, elle est diverse, contrastée, comme les individus. Je souhaite donc développer une approche diversifiée et pragmatique des problèmes.
Parmi ces problèmes, j'en vois au moins quatre qui concernent directement l'école.
Je pense d'abord aux difficultés que rencontrent les élèves les plus fragiles, et ce dès les premières années de l'école primaire. Quitter le CP sans avoir acquis les premiers éléments de la lecture est lourd de conséquences pour la suite?
Deuxième problème, je l'ai dit : l'essoufflement des ZEP dans leur fonctionnement actuel ;
Troisième problème : l'errance de 15 000 adolescents qui, chaque année, quittent le collège avant 16 ans, faute de se retrouver dans l'enseignement traditionnel ;
Quatrième problème : les graves difficultés d'orientation en général, et d'accession à l'enseignement supérieur en particulier, pour les lycéens des quartiers difficiles.
Pour affronter ces différents problèmes, le Premier ministre m'a fixé une feuille de route, que nous avons préparée ensemble. Elle débouchera sur des mesures que je prendrai, bien évidemment, après concertation avec les partenaires de l'éducation nationale?
Cette feuille de route s'inscrit naturellement dans le cadre de la loi d'orientation ; je ne veux pas faire de nouvelle loi. Je crois en effet que les objectifs définis par la loi, les impératifs qu'elle formule, les outils qu'elle prévoit, les possibilités nouvelles qu'elle offre, sont parfaitement adaptés aux difficultés que nous devons surmonter.
Au fond, tout est fondé sur l'idée de « socle de connaissances », qui est la base non négociable de l'enseignement obligatoire.
Son contenu, je vous le rappelle fait actuellement l'objet des travaux du Haut conseil de l'éducation.
Nos quatre axes de travail tournent tous autour du socle :
* Pour assurer les fondations du socle, nous devons mieux encadrer et mieux évaluer les élèves, en particulier à l'école primaire. Un effort particulier doit être fait sur la lecture.
* Pour garantir à tous les élèves, sur tout le territoire, l'acquisition du socle, nous devons renforcer l'éducation prioritaire.
* Pour permettre aux collégiens qui le souhaitent d'acquérir le socle tout en découvrant un métier, nous devons diversifier les parcours scolaires au collège.
* Enfin, pour que l'idée de « socle-tremplin » ne soit pas un vain mot, nous devons améliorer l'orientation des élèves.
Par ailleurs, outre la définition précise du contenu du socle, je m'attacherai dans l'année qui vient à la définition du cahier des charges des IUFM. Il est évident que notre réflexion sur l'enseignement prioritaire aura un impact sur la formation des maîtres.
Bref, vous le voyez, le système tout entier est cohérent.
L'application progressive de la loi nous permet d'opérer une vaste inspection de l'édifice et de faire un effort particulier sur tous les points névralgiques du bâtiment !
Je veux maintenant revenir rapidement sur chacun de ces quatre grands chantiers.
Premier chantier : un meilleur encadrement et une meilleure évaluation des élèves au Primaire.
Dès janvier, 5 000 assistants pédagogiques pourront être recrutés dans les collèges sensibles.
Nous allons également porter le nombre d' équipes de réussite éducative (prévues par le plan de cohésion sociale) de 260 en 2005 à 920 en 2006, puis à 1 000 en 2007.
Nous allons créer quinze internats de réussite éducative supplémentaires, dès 2006.
Par ailleurs, nous allons revoir en profondeur l'enseignement de la lecture et de l'écriture à l'école primaire.
Je l'ai dit il y a un instant, la proportion d'élèves qui ne maîtrisent pas la lecture à l'entrée en 6e est considérable ! Ils sont près de 30 % en ZEP. Nous ne pouvons contempler froidement une telle réalité ! Pour y remédier, nous devons agir en amont sur trois points : les méthodes, l'évaluation et l'aide personnalisée.
Il est temps, en effet, de tirer les conclusions de l'expérience : les conséquences négatives des méthodes globales (ou qui commencent par une approche globale) sont désormais bien documentées. Non seulement par les neurosciences, mais aussi, plus simplement, par les orthophonistes qui voient monter une « vraie-fausse » épidémie de dyslexie, simplement due à un mauvais départ en lecture !
Ces études et ces pratiques thérapeutiques montrent que les enfants les plus fragiles, et ceux qui manquent un peu de maturité en entrant au CP, sont littéralement noyés par la découverte non progressive de la langue. Ce sont ces élèves que l'on retrouve perdus en 6 ème.
Je veux faire preuve de pragmatisme, et trouver les meilleurs moyens pour que les petits Français obtiennent de meilleurs résultats en lecture et en écriture.
Je prendrai des décisions en ce sens très prochainement.
En outre, nous avons décidé d'avancer l'évaluation des compétences en lecture du CE2 au CE1. Notre objectif est clair : détecter rigoureusement le plus tôt possible, juste après le CP, les difficultés des élèves, pour décider immédiatement de la mise en place de PPRE adaptés à leur difficultés.
N'attendons pas qu'il soit trop tard en laissant aller certains d'entre eux jusqu'au collège sans maîtriser la lecture ! C'est dès le CE1 qu'il faut agir !
J'ai demandé à la DESCO et à la DEP de faire en sorte que ce système d'évaluation soit opérationnel sur tout le territoire à la rentrée 2006. Ces deux directions pourront naturellement en parler avec vous.
Deuxième chantier : le renforcement de l'aide aux zones d'éducation prioritaires.
Sur ce sujet, je ferai bientôt des propositions, qui seront naturellement soumises à concertation avec vous.
Troisième chantier : la diversification des parcours scolaires.
Je le disais tout à l'heure, des milliers d'élèves ne se reconnaissent pas dans l'enseignement traditionnel. Ils y sont malheureux, s'y ennuient parfois, redoublent de classe en classe, ont le sentiment de perdre leur temps et le perdent effectivement. Il arrive souvent qu'ils fassent aussi perdre leur temps aux autres élèves, en perturbant la classe.
Les nombreux professeurs que j'ai interrogés sur la question m'ont d'ailleurs conforté dans cette idée : ils sentent bien que certains élèves, qui d'ailleurs finissent par ne plus venir au collège, n'y trouvent pas leur place.
Pourquoi ? Eh bien parce que nous n'avons peut-être pas fait preuve d'assez d'imagination pour diversifier les voies du « collège pour tous ». S'il veut être vraiment pour tous, le collège ne doit pas être un moule identique, qui finalement, aboutit à l'exclusion de nombreux élèves.
Cette réalité, je ne m'y résigne pas. Personne ne peut s'y résigner !
C'est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons décidé de créer une nouvelle forme d'apprentissage, « l'apprentissage junior », qui pourra commencer dès l'âge de 14 ans. Il s'agit, sans remettre en cause l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans, de donner la possibilité à des jeunes qui ne s'épanouissent pas à l'école de s'engager dans des parcours différents.
Le parcours de l'apprenti junior comprendra 2 étapes :
Une première étape ouverte à partir de 14 ans, qui sera un parcours d'initiation aux métiers, qui devrait durer un an, sous statut scolaire, et qui alternera enseignements généraux, technologiques, pratiques, et stages en entreprises.
Cette première étape permettra un premier niveau de consolidation du socle ET une découverte des métiers pour permettre à l'élève de choisir son domaine d'apprentissage professionnel, s'il ne l'a pas déjà trouvé.
La deuxième étape consistera en la signature d'un contrat d'apprentissage, à partir de 15 ans. Il y aura deux conditions à cette signature :
Que « l'apprenti junior » ait fait le choix d'un métier et ait trouvé une entreprise d'accueil,
Que l'équipe pédagogique le juge apte à entrer sous contrat d'apprentissage et à acquérir le socle commun par cette voie de formation.
Ce parcours, qui mènera au CAP ou BEP pourra s'effectuer en 2 ou 3 ans.
Certains diront : il fallait plutôt inventer un enseignement général différent !
Mais c'est précisément ce que je propose, puisque l'apprentissage junior comprendra, je le répète, l'acquisition du socle, couplée avec une formation professionnelle en alternance !
Je souligne aussi, pour bien faire comprendre toute la différence avec les anciennes formes d'apprentissage, que tout sera réversible jusqu'à 16 ans. Il faut pouvoir dire à ces jeunes, droit dans les yeux : « Tu as le choix. » Le lien avec le collège ne sera jamais rompu. Un collège de référence, qui suivra son parcours pourra le reprendre à tout moment, à sa demande.
En construisant cette nouvelle voie, je ne pars pas du principe que tous les jeunes qui la choisiront auront, à 14 ans, une idée absolument définitive du métier qu'ils veulent faire ! Certains l'auront, d'autres pas.
Mais l'apprentissage junior est justement conçu pour les uns et pour les autres.
À ceux qui sont décidés très jeunes, il donne la possibilité de commencer plus tôt le parcours qu'ils auraient fait de toute façon. Aux autres, il laissera le temps de se déterminer, soit pour poursuivre dans une voie professionnelle, soit pour revenir au collège, soit pour continuer vers un bac pro, voire un bac général.
Les exemples sont nombreux de jeunes qui ont repris confiance en eux en apprentissage. Nous ne devons pas négliger cette voie, si certains font le choix de l'emprunter.
Je ne prétends pas que « l'apprentissage junior » soit LA solution unique à tous les problèmes ! Mais j'affirme qu'elle peut être une partie de la solution. Le problème est complexe, il n'a pas une seule cause, il n'a pas un seul remède !
En inventant cette nouvelle voie, je crois que nous serons fidèles au principe d'adaptation permanente du service public.
D'ores et déjà, les différentes branches professionnelles s'y montrent très favorables, tout en insistant légitimement, sur le caractère volontaire de l'engagement dans une telle voie. Hier, l' assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat s'est engagée à prendre une part très active dans l'accueil des futurs « apprentis juniors ».
Je crois en cette nouvelle voie, car je suis convaincu d'une chose : certains élèves, qui sont au bord de la rupture avec l'école, pourraient retrouver confiance en eux, motivation au travail, goût de l'effort dans la découverte d'un apprentissage professionnel, en contact direct avec la réalité. L'expérience l'a prouvé ! Fabriquer un produit, travailler en équipe, réaliser un service, rencontrer des personnes et leur donner le meilleur de soi-même,-voilà qui peut rendre à certains jeunes ce qui leur manque parfois cruellement : l'estime de soi.
Et puis, je vous dirai, pour finir sur ce point, le fond de ma pensée : je préfère voir un jeune qui a retrouvé confiance en lui, qui s'instruit, se forme et s'épanouit en apprentissage, plutôt que voir un jeune sans espoir, qui traîne de classe en classe, et finit sans formation ni qualification à la sortie du système scolaire ! Il y a en a 150 000 par an dans ce cas, je le rappelle. Et la conclusion de ce gâchis, c'est généralement le chômage. A côté de cela, 365 000 jeunes gens, filles et garçons, sont actuellement apprentis ; et un an après la sortie de l'apprentissage, 80 % de ces jeunes ont un C.D.I. ! Voilà qui doit aussi nous faire réfléchir.
Enfin, j'en viens au quatrième chantier : la création d'un service public de l'orientation.
Les carences de l'orientation sont bien connues. Les lycéens ne savent pas très bien où ils vont. Les débouchés des différentes filières n'apparaissent pas clairement. Ils s'engagent dès lors dans des voies parfois sans issues.
Nous retiendrons deux principes :
- La transparence : toutes les informations sur les débouchés des filières et sur les taux de réussite des étudiants en fonction de leur bac d'origine devront être disponibles sur internet.
- La disponibilité : le service public de l'orientation devra être accessible en tout point du territoire et à chaque moment de la scolarité. Tous les services de l'État, sous l'autorité des recteurs, devront y travailler, à mesure que le dispositif se mettra en place.
Mesdames et Messieurs,
Vous aurez compris, je crois, ma méthode : elle consiste à prendre l'avis de ceux qui savent, qui pratiquent, qui étudient ; à me tenir à l'écoute du « terrain », comme on dit. J'essaie, à partir de là, d'imaginer des solutions à une série de problèmes précis, identifiés. Je ne crois pas qu'on puisse tout régler en une fois ; je ne crois pas aux grandes révolutions, ni aux grandes annonces fracassantes.
Je crois en revanche qu'il est possible d'agir en bonne intelligence pour la réussite de tous les élèves.
Plus j'apprends à connaître l'éducation nationale, plus je me rends compte de l'image erronée qu'on a laissé se répandre à l'extérieur : les oppositions, les désaccords sont en réalité beaucoup moins forts que les points d'accord, même s'ils sont beaucoup plus médiatisés.
C'est en venant sur le terrain du concret que je veux aborder les questions, et je parie que sur ce terrain-là, les bonnes volontés peuvent s'unir. C'est en tout cas dans cet esprit que je compte continuer de travailler avec vous dans les mois qui viennent.
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 13 décembre 2005)
Je suis très heureux de vous retrouver.
Depuis la fin du mois d'octobre, les violences qui ont secoué les banlieues ont mis l'éducation au c?ur de l'actualité, pour deux raisons essentielles.
D'abord parce que l'éducation nationale a été visée par certaines de ces violences ; ensuite parce que l'éducation, l'instruction, la formation font partie des remèdes à cette crise profonde que traverse notre société.
Je voudrais aujourd'hui revenir sur ces deux points, en développant particulièrement la réponse que le gouvernement a décidé d'apporter à la crise.
L'Education nationale, je l'ai dit, a été victime des violences : un agent est mort à Trappes dans l'exercice de ses fonctions ; 255 établissements scolaires ont été touchés par le vandalisme, voire les incendies. Quelles qu'en soient les causes, ces violences sont totalement injustifiables. Leurs auteurs doivent être poursuivis et punis. Et ils le seront.
Je tiens à rendre hommage, devant vous comme je l'ai fait dans de nombreux établissements au sang froid et à la ténacité des équipes pédagogiques, qui ont affronté cette période difficile. Chefs d'établissement, professeurs, personnels non enseignants, parents, lycéens, tous ceux que vous représentez ici ont fait face, avec courage et sens des responsabilités. À travers vous, je veux tous les saluer !
Les professeurs accomplissent un travail d'émancipation de l'homme ; ceux qui s'y attaquent s'attaquent à la liberté ! Nous devons être très clairs là-dessus, et ne pas céder à un quelconque discours qui mettrait l'école en accusation ! L'institution ne doit cultiver aucun sentiment de culpabilité !
Elle doit se montrer sûre de sa mission et fière de son travail dans ces quartiers difficiles.
Depuis quelques semaines, on a beaucoup parlé des ZEP?
À leur propos, je pose une question toute simple : que se serait-il passé sans elles ? Cette question ne doit certes pas nous conduire à prôner le statu quo? !
Que les ZEP ne donnent pas autant de résultats que nous le souhaiterions, c'est évident. Qu'il faille sans doute en repenser le fonctionnement, je le crois. Que, sous leur forme actuelle, elles aient besoin d'un nouveau souffle, j'en suis le premier convaincu, et je l'avais dit avant les événements, ici-même. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain !
Face à une telle crise, je veux faire preuve d'humilité, de bon sens et de détermination. Je veux aussi rester à votre écoute, comme j'écoute le corps enseignant tout entier, comme j'écoute les professeurs de ZEP que je suis allé voir, et qui sont venus plusieurs fois me faire part de leurs réflexions.
Les causes de la crise sont évidemment multiples. Les remèdes le sont donc aussi.
Il ne serait par conséquent pas raisonnable de refuser certaines solutions au motif qu'elles n'apportent pas la réponse à TOUS les problèmes d'un seul coup. Aucune ne le fera ! Nous ne progressons que par l'addition de plusieurs actions déterminées, répondant à des problèmes ciblés, bien identifiés.
La réalité n'est pas d'un bloc, elle est diverse, contrastée, comme les individus. Je souhaite donc développer une approche diversifiée et pragmatique des problèmes.
Parmi ces problèmes, j'en vois au moins quatre qui concernent directement l'école.
Je pense d'abord aux difficultés que rencontrent les élèves les plus fragiles, et ce dès les premières années de l'école primaire. Quitter le CP sans avoir acquis les premiers éléments de la lecture est lourd de conséquences pour la suite?
Deuxième problème, je l'ai dit : l'essoufflement des ZEP dans leur fonctionnement actuel ;
Troisième problème : l'errance de 15 000 adolescents qui, chaque année, quittent le collège avant 16 ans, faute de se retrouver dans l'enseignement traditionnel ;
Quatrième problème : les graves difficultés d'orientation en général, et d'accession à l'enseignement supérieur en particulier, pour les lycéens des quartiers difficiles.
Pour affronter ces différents problèmes, le Premier ministre m'a fixé une feuille de route, que nous avons préparée ensemble. Elle débouchera sur des mesures que je prendrai, bien évidemment, après concertation avec les partenaires de l'éducation nationale?
Cette feuille de route s'inscrit naturellement dans le cadre de la loi d'orientation ; je ne veux pas faire de nouvelle loi. Je crois en effet que les objectifs définis par la loi, les impératifs qu'elle formule, les outils qu'elle prévoit, les possibilités nouvelles qu'elle offre, sont parfaitement adaptés aux difficultés que nous devons surmonter.
Au fond, tout est fondé sur l'idée de « socle de connaissances », qui est la base non négociable de l'enseignement obligatoire.
Son contenu, je vous le rappelle fait actuellement l'objet des travaux du Haut conseil de l'éducation.
Nos quatre axes de travail tournent tous autour du socle :
* Pour assurer les fondations du socle, nous devons mieux encadrer et mieux évaluer les élèves, en particulier à l'école primaire. Un effort particulier doit être fait sur la lecture.
* Pour garantir à tous les élèves, sur tout le territoire, l'acquisition du socle, nous devons renforcer l'éducation prioritaire.
* Pour permettre aux collégiens qui le souhaitent d'acquérir le socle tout en découvrant un métier, nous devons diversifier les parcours scolaires au collège.
* Enfin, pour que l'idée de « socle-tremplin » ne soit pas un vain mot, nous devons améliorer l'orientation des élèves.
Par ailleurs, outre la définition précise du contenu du socle, je m'attacherai dans l'année qui vient à la définition du cahier des charges des IUFM. Il est évident que notre réflexion sur l'enseignement prioritaire aura un impact sur la formation des maîtres.
Bref, vous le voyez, le système tout entier est cohérent.
L'application progressive de la loi nous permet d'opérer une vaste inspection de l'édifice et de faire un effort particulier sur tous les points névralgiques du bâtiment !
Je veux maintenant revenir rapidement sur chacun de ces quatre grands chantiers.
Premier chantier : un meilleur encadrement et une meilleure évaluation des élèves au Primaire.
Dès janvier, 5 000 assistants pédagogiques pourront être recrutés dans les collèges sensibles.
Nous allons également porter le nombre d' équipes de réussite éducative (prévues par le plan de cohésion sociale) de 260 en 2005 à 920 en 2006, puis à 1 000 en 2007.
Nous allons créer quinze internats de réussite éducative supplémentaires, dès 2006.
Par ailleurs, nous allons revoir en profondeur l'enseignement de la lecture et de l'écriture à l'école primaire.
Je l'ai dit il y a un instant, la proportion d'élèves qui ne maîtrisent pas la lecture à l'entrée en 6e est considérable ! Ils sont près de 30 % en ZEP. Nous ne pouvons contempler froidement une telle réalité ! Pour y remédier, nous devons agir en amont sur trois points : les méthodes, l'évaluation et l'aide personnalisée.
Il est temps, en effet, de tirer les conclusions de l'expérience : les conséquences négatives des méthodes globales (ou qui commencent par une approche globale) sont désormais bien documentées. Non seulement par les neurosciences, mais aussi, plus simplement, par les orthophonistes qui voient monter une « vraie-fausse » épidémie de dyslexie, simplement due à un mauvais départ en lecture !
Ces études et ces pratiques thérapeutiques montrent que les enfants les plus fragiles, et ceux qui manquent un peu de maturité en entrant au CP, sont littéralement noyés par la découverte non progressive de la langue. Ce sont ces élèves que l'on retrouve perdus en 6 ème.
Je veux faire preuve de pragmatisme, et trouver les meilleurs moyens pour que les petits Français obtiennent de meilleurs résultats en lecture et en écriture.
Je prendrai des décisions en ce sens très prochainement.
En outre, nous avons décidé d'avancer l'évaluation des compétences en lecture du CE2 au CE1. Notre objectif est clair : détecter rigoureusement le plus tôt possible, juste après le CP, les difficultés des élèves, pour décider immédiatement de la mise en place de PPRE adaptés à leur difficultés.
N'attendons pas qu'il soit trop tard en laissant aller certains d'entre eux jusqu'au collège sans maîtriser la lecture ! C'est dès le CE1 qu'il faut agir !
J'ai demandé à la DESCO et à la DEP de faire en sorte que ce système d'évaluation soit opérationnel sur tout le territoire à la rentrée 2006. Ces deux directions pourront naturellement en parler avec vous.
Deuxième chantier : le renforcement de l'aide aux zones d'éducation prioritaires.
Sur ce sujet, je ferai bientôt des propositions, qui seront naturellement soumises à concertation avec vous.
Troisième chantier : la diversification des parcours scolaires.
Je le disais tout à l'heure, des milliers d'élèves ne se reconnaissent pas dans l'enseignement traditionnel. Ils y sont malheureux, s'y ennuient parfois, redoublent de classe en classe, ont le sentiment de perdre leur temps et le perdent effectivement. Il arrive souvent qu'ils fassent aussi perdre leur temps aux autres élèves, en perturbant la classe.
Les nombreux professeurs que j'ai interrogés sur la question m'ont d'ailleurs conforté dans cette idée : ils sentent bien que certains élèves, qui d'ailleurs finissent par ne plus venir au collège, n'y trouvent pas leur place.
Pourquoi ? Eh bien parce que nous n'avons peut-être pas fait preuve d'assez d'imagination pour diversifier les voies du « collège pour tous ». S'il veut être vraiment pour tous, le collège ne doit pas être un moule identique, qui finalement, aboutit à l'exclusion de nombreux élèves.
Cette réalité, je ne m'y résigne pas. Personne ne peut s'y résigner !
C'est pourquoi, avec le Premier ministre, nous avons décidé de créer une nouvelle forme d'apprentissage, « l'apprentissage junior », qui pourra commencer dès l'âge de 14 ans. Il s'agit, sans remettre en cause l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans, de donner la possibilité à des jeunes qui ne s'épanouissent pas à l'école de s'engager dans des parcours différents.
Le parcours de l'apprenti junior comprendra 2 étapes :
Une première étape ouverte à partir de 14 ans, qui sera un parcours d'initiation aux métiers, qui devrait durer un an, sous statut scolaire, et qui alternera enseignements généraux, technologiques, pratiques, et stages en entreprises.
Cette première étape permettra un premier niveau de consolidation du socle ET une découverte des métiers pour permettre à l'élève de choisir son domaine d'apprentissage professionnel, s'il ne l'a pas déjà trouvé.
La deuxième étape consistera en la signature d'un contrat d'apprentissage, à partir de 15 ans. Il y aura deux conditions à cette signature :
Que « l'apprenti junior » ait fait le choix d'un métier et ait trouvé une entreprise d'accueil,
Que l'équipe pédagogique le juge apte à entrer sous contrat d'apprentissage et à acquérir le socle commun par cette voie de formation.
Ce parcours, qui mènera au CAP ou BEP pourra s'effectuer en 2 ou 3 ans.
Certains diront : il fallait plutôt inventer un enseignement général différent !
Mais c'est précisément ce que je propose, puisque l'apprentissage junior comprendra, je le répète, l'acquisition du socle, couplée avec une formation professionnelle en alternance !
Je souligne aussi, pour bien faire comprendre toute la différence avec les anciennes formes d'apprentissage, que tout sera réversible jusqu'à 16 ans. Il faut pouvoir dire à ces jeunes, droit dans les yeux : « Tu as le choix. » Le lien avec le collège ne sera jamais rompu. Un collège de référence, qui suivra son parcours pourra le reprendre à tout moment, à sa demande.
En construisant cette nouvelle voie, je ne pars pas du principe que tous les jeunes qui la choisiront auront, à 14 ans, une idée absolument définitive du métier qu'ils veulent faire ! Certains l'auront, d'autres pas.
Mais l'apprentissage junior est justement conçu pour les uns et pour les autres.
À ceux qui sont décidés très jeunes, il donne la possibilité de commencer plus tôt le parcours qu'ils auraient fait de toute façon. Aux autres, il laissera le temps de se déterminer, soit pour poursuivre dans une voie professionnelle, soit pour revenir au collège, soit pour continuer vers un bac pro, voire un bac général.
Les exemples sont nombreux de jeunes qui ont repris confiance en eux en apprentissage. Nous ne devons pas négliger cette voie, si certains font le choix de l'emprunter.
Je ne prétends pas que « l'apprentissage junior » soit LA solution unique à tous les problèmes ! Mais j'affirme qu'elle peut être une partie de la solution. Le problème est complexe, il n'a pas une seule cause, il n'a pas un seul remède !
En inventant cette nouvelle voie, je crois que nous serons fidèles au principe d'adaptation permanente du service public.
D'ores et déjà, les différentes branches professionnelles s'y montrent très favorables, tout en insistant légitimement, sur le caractère volontaire de l'engagement dans une telle voie. Hier, l' assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat s'est engagée à prendre une part très active dans l'accueil des futurs « apprentis juniors ».
Je crois en cette nouvelle voie, car je suis convaincu d'une chose : certains élèves, qui sont au bord de la rupture avec l'école, pourraient retrouver confiance en eux, motivation au travail, goût de l'effort dans la découverte d'un apprentissage professionnel, en contact direct avec la réalité. L'expérience l'a prouvé ! Fabriquer un produit, travailler en équipe, réaliser un service, rencontrer des personnes et leur donner le meilleur de soi-même,-voilà qui peut rendre à certains jeunes ce qui leur manque parfois cruellement : l'estime de soi.
Et puis, je vous dirai, pour finir sur ce point, le fond de ma pensée : je préfère voir un jeune qui a retrouvé confiance en lui, qui s'instruit, se forme et s'épanouit en apprentissage, plutôt que voir un jeune sans espoir, qui traîne de classe en classe, et finit sans formation ni qualification à la sortie du système scolaire ! Il y a en a 150 000 par an dans ce cas, je le rappelle. Et la conclusion de ce gâchis, c'est généralement le chômage. A côté de cela, 365 000 jeunes gens, filles et garçons, sont actuellement apprentis ; et un an après la sortie de l'apprentissage, 80 % de ces jeunes ont un C.D.I. ! Voilà qui doit aussi nous faire réfléchir.
Enfin, j'en viens au quatrième chantier : la création d'un service public de l'orientation.
Les carences de l'orientation sont bien connues. Les lycéens ne savent pas très bien où ils vont. Les débouchés des différentes filières n'apparaissent pas clairement. Ils s'engagent dès lors dans des voies parfois sans issues.
Nous retiendrons deux principes :
- La transparence : toutes les informations sur les débouchés des filières et sur les taux de réussite des étudiants en fonction de leur bac d'origine devront être disponibles sur internet.
- La disponibilité : le service public de l'orientation devra être accessible en tout point du territoire et à chaque moment de la scolarité. Tous les services de l'État, sous l'autorité des recteurs, devront y travailler, à mesure que le dispositif se mettra en place.
Mesdames et Messieurs,
Vous aurez compris, je crois, ma méthode : elle consiste à prendre l'avis de ceux qui savent, qui pratiquent, qui étudient ; à me tenir à l'écoute du « terrain », comme on dit. J'essaie, à partir de là, d'imaginer des solutions à une série de problèmes précis, identifiés. Je ne crois pas qu'on puisse tout régler en une fois ; je ne crois pas aux grandes révolutions, ni aux grandes annonces fracassantes.
Je crois en revanche qu'il est possible d'agir en bonne intelligence pour la réussite de tous les élèves.
Plus j'apprends à connaître l'éducation nationale, plus je me rends compte de l'image erronée qu'on a laissé se répandre à l'extérieur : les oppositions, les désaccords sont en réalité beaucoup moins forts que les points d'accord, même s'ils sont beaucoup plus médiatisés.
C'est en venant sur le terrain du concret que je veux aborder les questions, et je parie que sur ce terrain-là, les bonnes volontés peuvent s'unir. C'est en tout cas dans cet esprit que je compte continuer de travailler avec vous dans les mois qui viennent.
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 13 décembre 2005)