Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les trois objectifs prioritaires de la politique de l'enseignement, le soutien scolaire aux élèves en difficulté, les nouvelles formes d'apprentissage et l'égalité des chances, Paris le 23 novembre 2005.

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Circonstance : 88ème congrès de l'Association des maires de France à Paris du 22 au 24 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de prendre aujourd'hui la parole devant vous.
Vous le savez, j'attache une grande importance à ce contact direct avec vous, car les maires sont -et depuis longtemps !- des
partenaires essentiels de l'Education nationale. Ils le sont de surcroît au niveau le plus fondamental de notre système
éducatif : l'école primaire, que l'on continue d'ailleurs d'appeler couramment l'« Ecole communale » !
Sans les maires, et sans l'Education, notre pays ne pourrait tout simplement pas fonctionner -il est donc important que nous
nous parlions, et que l'Education prenne mieux en compte les avis des maires.
Vous le comprendrez, je tiens à saluer tout particulièrement aujourd'hui les maires des communes qui ont été touchées par les
émeutes qui ont secoué notre pays. Je mesure le sang froid dont vous avez dû faire preuve pour éviter que les choses ne
s'aggravent. Et j'imagine fort bien la vigilance que vous devez maintenir en permanence, en particulier autour des
établissements scolaires.
Comme vous, j'ai ressenti avec colère le vandalisme à l'encontre des écoles ; ces actes sont injustifiables et je ne
laisserai pas dire, comme on l'entend ici ou là, que cette violence est une « réponse » à je ne sais quelle « violence
institutionnelle » ou « symbolique » infligée par l'Ecole ! Les professeurs réalisent dans les écoles un travail de
libération de l'homme, d'émancipation de l'esprit ; ceux qui s'y attaquent s'attaquent à la liberté.
Cela dit, nous devons, quant à nous, nous attaquer aux causes profondes de la crise.
Ces causes ont pour nom : chômage, désespoir, errance. Contre ces fléaux, le meilleur remède, c'est encore l'éducation, la
formation, l'instruction. Cette vérité, nous n'avons pas attendu ce qui se passe aujourd'hui pour la découvrir !
Et l'Education nationale n'a pas à rougir de son travail dans ces quartiers difficiles, en particulier dans le cadre des
Zones d'Education Prioritaire. Et avant d'accabler les « ZEP », je crois qu'il faut se poser une question simple : que se
serait-il passé sans elles ?
Mais si nous n'avons pas à rougir, nous n'avons pas non plus à nous satisfaire ; très loin de là ! Nous devons faire plus,
nous devons faire mieux, et surtout : nous devons faire autrement !
C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé de prendre sans attendre d'importantes mesures, qui visent trois objectifs :
1. renforcer le soutien scolaire aux élèves en difficulté
2. construire une nouvelle forme d'apprentissage
3. intensifier notre effort pour l'égalité des chances et la promotion du mérite
Permettez-moi de revenir rapidement sur chacun des points :
I - Premier objectif : le renforcement du soutien scolaire aux élèves en difficulté :
Cela passe, sur un plan d'ensemble, par une réorganisation et une relance de l'Education prioritaire. Le Premier ministre m'a
demandé de lui faire des propositions sur ce point dès le mois de janvier.
Je travaille actuellement sur cinq sujets essentiels :
? Comment former les enseignants ? Qui nommer en ZEP ?
? Comment concevoir le soutien scolaire dans les ZEP (il y a en effet une inégalité entre les enfants qui sont aidés chez eux
et ceux qui ne le sont pas !) ?
? Comment mieux valoriser les efforts et le mérite ?
? Comment redéfinir la carte des ZEP ?
? Comment développer la mixité sociale ?
Mais je veux insister sur un point : tout ce que nous ferons pour améliorer les ZEP n'exonèrera pas les parents de leur
responsabilité d'éducateurs. Eux aussi ont leur rôle à jouer ; ils ont l'obligation de veiller à ce que leurs enfants se
rendent à l'école et respectent les règles de la République. Le respect de l'assiduité scolaire doit être rappelé aux
familles dans le cadre du règlement intérieur des établissements.
Ensuite,
Nous allons renforcer les dispositifs récemment mis en place pour améliorer l'aide pédagogique aux élèves :
? Le Premier ministre a décidé d'affecter, dès janvier 2006, 5 000 assistants pédagogiques dans les 1200 collèges des
quartiers sensibles. Je rappelle que cette formule a été mise en place lors de la dernière rentrée dans 350 lycées situés
dans des quartiers en grande difficulté.
Ces assistants pédagogiques sont des étudiants, employés à mi-temps, qui préparent les concours de l'enseignement. Ils
aideront les élèves à faire leurs devoirs et à réviser leurs leçons ; ils pourront aussi leur donner des conseils de méthode.
? Nous allons également doubler le nombre d'équipes de réussite éducative prévues par le plan de cohésion sociale : il y en
aura 1000 à la fin de 2007. Les membres de ces équipes travaillent hors temps scolaire auprès des élèves.
? Nous allons enfin créer quinze internats de réussite éducative supplémentaires, dès 2006. Ces internats sont destinés à des
jeunes qui souffrent d'une situation familiale difficile ou de conditions de logements insuffisantes. Ils doivent encourager
des jeunes qui ont besoin d'être encadrés, notamment le soir, par des études surveillées.
II - J'en viens au deuxième objectif, la construction d'une nouvelle forme d'apprentissage :
La meilleure manière de présenter cette mesure consiste à partir de la situation. Elle est simple : tous les ans, 15 000
jeunes quittent le système scolaire avant 16 ans ; ils décrochent et se marginalisent.
Face à une telle situation, deux attitudes possibles :
? ne rien faire, et, finalement, préférer repeindre une belle façade plutôt que d'envisager le moindre changement à
l'intérieur
? imaginer de nouvelles solutions avec un seul objectif : la réussite des élèves.
Nous avons choisi avec le Premier Ministre cette deuxième voie, qui est conforme au principe d'adaptation permanent du
service public ! Les nombreux professeurs que j'ai rencontrés m'ont d'ailleurs confirmé dans cette idée : ils sentent bien
que certains élèves, qui d'ailleurs finissent par disparaître complètement du collège, n'y trouvent pas leur place : ces
élèves n'ont peut-être pas d'appétence pour le système scolaire. Mais je suis sûr qu'ils ont les capacités de donner un sens
à leur vie.
Nous allons donc imaginer une nouvelle formule d'« apprenti-junior ». Elle préservera des liens avec le collège, parce que le
choix d'un jeune de 14 ans n'est pas irréversible.
Il ne s'agit pas de quitter complètement le système, mais d'ouvrir un chemin différent pour certains élèves ; cette voie ne
sera d'ailleurs pas forcément définitive !
L'apprentissage peut être l'occasion pour un jeune de reprendre confiance en soi, de reprendre goût au travail, à l'effort,
et éventuellement, de poursuivre vers un bac pro, voire une filière générale. Il faudra aussi construire des passerelles.
Je rappelle que 365 000 jeunes gens, filles et garçons, sont actuellement apprentis ; et qu'un an après la sortie de
l'apprentissage, 80 % de ces jeunes ont un C.D.I. !
Bref, l'apprentissage est une voie vers des métiers qualifiés et rémunérateurs (d'autant plus que, je le rappelle, la pénurie
dans de nombreux métiers est importante).
Je préfère un adolescent qui s'instruit, se forme et s'épanouit en apprentissage, à un jeune déscolarisé, sans avenir,
abandonné en marge de la société.
III ? Troisième objectif : intensifier notre effort pour l'égalité des chances
Dans le secondaire, nous avons décidé de multiplier par trois le nombre des bénéficiaires de bourses au mérite qui permettent
aux élèves de troisième de poursuivre leur scolarité au lycée. Elles apportent un complément à des élèves déjà boursiers. Il
y en a moins de 30 000 aujourd'hui : elles seront au nombre de 100 000 à la rentrée 2006.
Dans cette démarche d'égalité des chances, je pense aussi aux jeunes venant des ZEP qui veulent réussir dans l'enseignement
supérieur ; nous devons les y aider.
Il faut travailler, dans leur orientation au collège et au lycée, à remédier aux blocages psychologiques et culturels qui les
brident. Il faut les accompagner dans leur arrivée dans l'enseignement supérieur ; il faut les aider à suivre les voies
d'excellence.
Pour cela, il faut les soutenir et les motiver ; je souhaite, qu'en lien avec les équipes pédagogiques des collèges et des
lycées, leurs jeunes aînés des Universités et des Grandes Ecoles puissent s'engager à leurs côtés.
En accord avec la Conférence des Présidents d'Université et la Conférence des Grandes Ecoles, nous voulons avec François
Goulard mobiliser 100 000 étudiants titulaires d'une licence et élèves de première année des Grandes Ecoles pour parrainer et
accompagner 100 000 élèves des quartiers défavorisés.
Ce tutorat doit pouvoir constituer un moment à part entière de la formation des étudiants, valorisé comme tel au sein des
cursus.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
Vous l'aurez compris, l'Education nationale ne s'est pas réveillée « groggy » du choc des dernières semaines ! Elle a plus
que jamais foi dans la nécessité de sa mission ! Elle sait aussi que pour la mener à bien, la communauté éducative a besoin
du soutien des élus locaux, -et je suis heureux de savoir qu'elle peut compter sur l'action de tous les maires de France !
Mais pour que nous puissions bien agir ensemble, il faut que l'Education nationale connaisse vos attentes ; c'est pourquoi je
souhaite à présent vous écouter et répondre à vos questions.
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 24 novembre 2005)