Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Président du Conseil des Ministres,
Monsieur le Haut Représentant,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Merci à tous d'être présents aujourd'hui à Paris en ce 14 décembre, pour nous souvenir qu'il y a dix ans, jour pour jour, étaient signés au Palais de l'Elysée les accords de paix négociés et paraphés à Dayton qui ont mis fin à l'une des pages les plus tragiques de l'histoire des Balkans et de notre continent. En cette date symbolique, je voudrais d'abord rendre hommage, au nom des autorités françaises, à celles et à ceux qui ont ?uvré avec détermination à faire taire les armes et aboutir à cet Accord de paix.
Cette commémoration fait suite à celle, le 11 juillet dernier, du dixième anniversaire des massacres de Srebrenica, où j'avais représenté la France. Cette commémoration du pire crime commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale nous a rappelé combien le devoir de mémoire et l'exigence de justice s'imposaient à tous, afin de pouvoir envisager une réelle réconciliation dans cette région meurtrie.
J'évoque cette période avec d'autant plus d'émotion que j'ai été le témoin, en 1992, de l'éclatement du conflit, en Croatie, puis en Bosnie-Herzégovine. Je me suis rendu dans Sarajevo assiégée ; j'ai pu y mesurer la détresse d'une population livrée, à la fin du XXe siècle, à une barbarie d'un autre âge, à la folie destructrice des nationalismes. Pour ma génération, celle née immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, cette tragédie de Bosnie-Herzégovine, sur le sol européen, restera à jamais une honte pour notre continent.
Je me permets de rappeler cela, car nous commémorons aujourd'hui à Paris l'anniversaire d'un accord de paix que beaucoup, après s'être mobilisés pour la cause de la Bosnie-Herzégovine, ont vécu comme une forme d'injustice. Or, nous devons nous souvenir de ce qu'était, il y a 10 ans, l'horreur de ce conflit qui n'avait déjà que trop duré. Le premier mérite des accords de paix de Dayton-Paris fut donc bien d'avoir arrêté les combats et les violences.
La France a eu sa part dans la mobilisation internationale qui a conduit à cet accord. Nous nous souvenons tous que, dès sa prise de fonctions en 1995, le président de la République a agi pour que les forces de l'ONU aient enfin les moyens d'accomplir leur mission. C'est bien cet engagement qui a permis la levée du siège de Sarajevo et ouvert la voie au processus politique dont sont issus les Accords de Dayton-Paris.
Le second mérite de l'accord de paix est d'avoir créé un cadre dans lequel, ces dix dernières années, la Bosnie-Herzégovine a pu, progressivement, commencer à surmonter les effets du conflit et porter son regard vers l'avenir.
Malgré leur complexité et leur imperfection, les nouvelles institutions se sont peu à peu mises en place, et des réformes essentielles ont été engagées, pour unifier et moderniser la justice, l'administration, le budget. D'autres sont en cours, pour créer une armée et une police commune.
Dans tous ces domaines, la double action de la communauté internationale, incarnée par le Haut Représentant, et des autorités de Bosnie-Herzégovine a été essentielle. L'initiative est souvent, trop souvent sans doute, venue de la communauté internationale. Mais les autorités bosniennes ont su s'impliquer de plus en plus dans le processus des réformes et doivent le reprendre à leur compte. Elles en sont en quelque sorte aujourd'hui récompensées avec l'ouverture le 25 novembre dernier de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne.
Je veux toutefois insister particulièrement sur un point qui me tient à c?ur, et qui illustre, malheureusement, la limite des progrès enregistrés au cours de ces dix années. Il s'agit naturellement de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Certes, elle a enfin commencé à devenir une réalité en 2005, avec le transfert de plusieurs inculpés. Mais ce n'est qu'un début et tous les criminels de guerre, au premier rang desquels Karadzic et Mladic, doivent être arrêtés et transférés au Tribunal de La Haye. Il y a là une urgence et une exigence morale, à laquelle personne ne peut se soustraire En cette date symbolique, je souhaite le rappeler avec force : la réconciliation et, avec elle, le chemin vers l'Europe ne seront jamais achevés sans la justice.
Aujourd'hui, 10 ans après Dayton, il convient également de parler d'avenir : la négociation qui commence avec l'Union européenne témoigne que la perspective européenne constitue désormais pour la Bosnie-Herzégovine, comme pour les autres pays de la région, sa ligne d'horizon. La route est encore longue et elle va impliquer pour les Bosniens et leurs responsables beaucoup d'efforts : il faudra poursuivre les réformes, renforcer les institutions, consolider l'économie et travailler à la reprise de l'acquis communautaire.
La Bosnie-Herzégovine ne sera pas seule pour accomplir cette tâche : la communauté internationale, tout particulièrement l'Union européenne, sera à ses côtés pour l'y aider. Le moment paraît venu de faire évoluer la nature de l'aide qu'apporte la communauté internationale à la Bosnie-Herzégovine : alors que la présence internationale s'est souvent apparentée, ces dernières années, à une forme de tutelle, les progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine permettent désormais d'envisager une présence allégée, centrée sur le conseil et l'accompagnement des politiques nationales. Le Haut Représentant, et les pouvoirs exceptionnels dont il dispose sont appelés à progressivement disparaître.
Mais ce processus va aussi nécessiter un effort particulier pour adapter les trop complexes institutions héritées des accords de paix. L'initiative des huit principaux partis politiques de Bosnie-Herzégovine de se saisir de cette question mérite d'être saluée et encouragée. Elle témoigne de la prise en main de leur destin par les Bosniens. Elle devra conduire à des institutions plus efficaces, plus fonctionnelles, au service de citoyens égaux en droit.
Ces nouveaux défis à surmonter témoignent éloquemment du chemin parcouru par la Bosnie-Herzégovine depuis la fin de la guerre.
Ce soir je voudrais rendre hommage à ceux qui ont rendu possible ces progrès : hommage à tous ceux qui hier, ont permis la paix, hommage à ceux qui, aujourd'hui, travaillent à transformer la Bosnie-Herzégovine, aux autorités de Bosnie-Herzégovine qui nous font l'amitié d'être aujourd'hui présentes à Paris, qu'il s'agisse des trois membres de la présidence collégiale, MM. Jovic, Tihic et Paravac, ou du président du Conseil des Ministres, M. Adnan Terzic, hommage aussi au Haut Représentant, Lord Paddy Ashdown, dont l'action dynamique et déterminée aura contribué à faire franchir à la Bosnie-Herzégovine, en concertation étroite avec ses autorités, des étapes décisives sur la voie du progrès et des réformes. Recevez à ce titre, Cher Paddy, toute notre gratitude et notre reconnaissance.
Enfin, je suis heureux de souhaiter bonne chance au nouveau Haut Représentant, M. Christian Schwarz-Schilling, qui pourra compter sur notre entier soutien.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2005