Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à RTL le 3 janvier 2001, sur la durée de la détention provisoire de J.-C. Mitterrand, les trafics d'armes, la perquisition au RPF dans le cadre du financement du parti et sur les voeux de MM. Chirac et Jospin.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

O. Mazerolle La décision de la chambre d'instruction de remettre en liberté J.-C. Mitterrand contre un versement d'une caution de cinq millions de francs vous paraît-elle satisfaisante ?
- "Je ne vais pas porter de jugement sur cette affaire, sauf à dire ceci : la détention provisoire doit être l'exception et non pas la règle. La chambre d'examen de la Cour d'appel a donc tiré les conséquences et a décidé de libérer J.-C. Mitterrand ; elle le fait sous caution, ce qui rend la chose plus compliquée pour lui."
Est-ce une fausse remise en liberté ?
- "Je n'irais pas jusque là, mais cela rend les choses plus compliquées."
Dans ce dossier, votre nom a été cité, il y a même eu une perquisition chez vous et au Conseil général des Hauts-de-Seine. Pourquoi ?
- "Pourquoi ? Demandez-le aux juges, parce que je n'en sais rien !"
Il vous a bien dit quelque chose quand il est venu chez vous ?
- "Il ne m'a rien dit du tout ! Je ne vois pas pour quelles raisons cette perquisition a eu lieu chez moi, pas plus d'ailleurs qu'au RPF, pas plus qu'au Conseil général. Il n'y avait aucune raison, il n'y a rien qui justifie cette démarche. J'attends donc qu'on me l'explique. Puisque vous parliez de la décision de la chambre d'instruction de la Cour d'appel, c'est quand même extraordinaire : à l'occasion de cette décision, on assortit la mise en liberté de J.-C. Mitterrand d'une interdiction de me rencontrer ou de rencontrer Marchiani. Et on précise que c'est bien que nous ne soyons pas poursuivis ! C'est quand même le bouquet ! Est-ce que par hasard la justice serait en train de rétablir la proscription ? On a connu cela à la fin de la République romaine : on désignait à la vindicte publique un certain nombre de gens. Ou il y a des choses à reprocher et on le dit ; ou il n'y en a pas, et qu'on me fiche la paix ! Je n'ai strictement rien à voir dans cette affaire. Je le redis de la manière la plus formelle : rien du tout ! Et je n'ai pas l'intention de ma laisser traîner dans la boue."
Quand M. Marchiani, l'un de vos proches, dit qu'il a bien négocié des accords politiques avec l'Angola, il n'y avait que cela ?
- "Je ne sais pas si M. Marchiani a négocié des accords politiques avec l'Angola et je n'ai pas du tout l'intention de rentrer dans ces détails. S'il est question de l'action que j'ai conduite au ministère de l'Intérieur, et notamment de la société qu'on appelle la Sofremi, au sujet de laquelle j'ai lu beaucoup de bêtises..."
Qui exporte du matériel de sécurité ?
- "Oui, du matériel de sécurité et pas des armes, sauf si on considère que les matraques, les grenades lacrymogènes ou les voitures sont des armes. Concernant cela, j'ai demandé, conformément à la loi, à partir du moment où mon nom était cité, que le garde des Sceaux engage l'action publique. C'est-à-dire que c'est au Parquet d'engager les procédures en diffamation contre ceux qui profèrent ce genre d'accusations."
Pourquoi ne le faites-vous pas vous-même ?
- "Parce que je n'ai pas à le faire, parce que c'est la loi. Quand vous êtes mis en cause en votre qualité non pas de citoyen revêtu d'un mandat public mais en tant qu'ancien responsable ministériel, c'est à la puissance publique d'engager l'action. D'ailleurs, c'est ce que j'avais fait une fois précédente, j'avais saisi Mme Guigou, qui avait donné des ordres au Parquet pour qu'une action soit conduite."
P. de Villiers, votre ancien compagnon politique se méfie...
- "Ancien, c'est le mot !"
... se méfie et a dit au juge Courroye qu'il était prêt à venir témoigner à charge contre C. Pasqua.
- "Que P. de Villiers veuille faire parler de lui, qu'il soit sans cesse à la recherche de la moindre possibilité de rebondissement, c'est son problème. C'est quand même assez extraordinaire, il faut remonter probablement à la Révolution française pour voir un homme politique se proposer de charger un autre homme politique. De sa part, qu'on me permette de le dire : c'est une vilenie."
Et quand il dit qu'une enquête pénale est actuellement en cours sur le financement du RPF ?
- "Mais il n'y a pas d'enquête pénale en cours sur le financement du RPF ! Il joue sur les mots : l'enquête pénale, c'est celle qui concerne cette affaire d'exportation et de trafic d'armes. Et c'est bien pour cela que je voudrais savoir pourquoi on est venu chez moi ! Pourquoi une perquisition au RPF ? Parce qu'on soupçonne le RPF d'avoir reçu de l'argent de cette manière ?"
On dit que C. Pasqua connaît beaucoup de monde en Afrique...
- "Oui, je connais un certain nombre de chefs d'Etat. Mais ceux qui me connaissent savent aussi que je ne suis pas un homme d'argent. Si j'étais un homme d'argent, cela se saurait depuis longtemps. Ceux qui me connaissent savent aussi que j'aime l'Afrique et les Africains, et que je considère d'autre part que la France, sans la francophonie, ne serait rien. Et c'est la raison pour laquelle je déplore la politique africaine actuelle, qu'il s'agisse de celle qui est conduite par le Premier ministre et son Gouvernement, ou de l'absence de politique africaine du Président de la République."
A propos du Président de la République : il a donc prononcé ses voeux aux Français le 31 décembre. Il a parlé d'une année qui devait être utile, de la sécurité.
- "Il a parlé de beaucoup de choses !"
Ce sont des voeux qui vous ont plu ?
- "Je ne vais pas dire si cela m'a plu ou non. Ce qui m'a profondément choqué, c'est la démarche de Jospin. Une fois de plus, on assiste à cette espèce de course-poursuite ou de compétition à celui qui parlera le premier. Dans cette affaire, Jospin a donné une très mauvaise image de lui-même. C'est son problème ! C'est un manque de courtoisie, de politesse. Cela suffirait à dévaluer sa candidature éventuelle."
C'est le début de la campagne présidentielle...
- "Mais cela ne justifie pas tout ! Quant au Président de la République, il a fait un exposé assez exhaustif. On a eu droit à un espèce de panoramique et sa principale préoccupation était de ne rien oublier. Il a atteint cet objectif."
La grande question en ce moment est de savoir s'il y aura une fusion de la droite. Beaucoup d'hommes politiques - A. Juppé, E. Balladur et d'autres - s'emploient à y parvenir. Voulez-vous y participer ?
- "De quelle fusion s'agit-il ? La seule fusion qui serait intéressante, c'est la fusion de l'UDF, du RPR et du Parti socialiste. Cela d'ailleurs serait cohérent : ils ont la même politique européenne. Sur le plan économique, ils sont libéraux..."
Même le PS ? Avec les 35 heures, les emplois-jeunes ?
- "Ils ont a peu près la même démarche ! D'ailleurs, personne ne conteste plus ces mesures à droite. La seule véritable fusion, ce serait celle-là. Qu'ils fusionnent tous ensemble, cela les regarde. Je ne me sens pas concerné par ce genre de mascarade."
Mais pourtant, à Lyon par exemple, vous vous rangez un peu sur les listes de droite pour les municipales ?
- "C'est autre chose ! Les municipales ne sont pas notre préoccupation essentielle, sauf dans les endroits où éventuellement il risque d'y avoir un basculement à gauche, et quand l'ensemble de l'électorat ne le souhaite pas. Pour cela, j'admets que nos amis décident de participer à ces listes."
Dans la campagne présidentielle, l'un de vos grands thèmes est la fin du franc et l'avènement de l'euro. Cela va être fait l'année prochaine, vous avez passé une bataille.
- "Cela va être fait ? Oui, naturellement. C'est en marche. C'est en marche dans l'esprit des technocrates du ministère des Finances et dans l'esprit des eurocrates. Maintenant, nous allons avoir de gros efforts qui sont faits par Bercy sur le plan des investissements, pour expliquer aux Français de quoi il s'agit. Je voudrais de toutes façons remercier M. Jospin, une fois n'est pas coutume ! Le traité de Maastricht permettait de ne rendre opérationnelle la monnaie unique qu'à la fin du premier semestre. M. Jospin a décidé - je pense qu'il a consulté M. Chirac auparavant - de rendre cette mesure opérationnelle à la fin du mois de janvier, c'est-à-dire trois ou quatre mois avant les élections présidentielles et législatives."
Vous vous frottez les mains !
"Je les remercie beaucoup de cette initiative, parce que les Français se rendront compte de tout ce que cela représente. Cette démarche, je la considère comme stupide et ne répondant à rien : qu'on conserve l'euro comme on l'a aujourd'hui, très bien ! Mais pourquoi supprimer le franc dans les échanges intérieurs ? Qu'est-ce que cela apportera de plus ? Nous avons encore des gens qui raisonnent en anciens francs, supprimés il y a trente ans ! Cela va être une belle pagaille et je ne vois pas l'utilité de faire cela."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 janvier 2001)