Texte intégral
A. Chabot Dans quarante minutes, le débat va commencer à l'Assemblée. Il paraît que vous êtes l'un de ceux qui ont convaincu L. Jospin de se lancer dans cette bataille de l'inversion du calendrier, c'est vrai ?
- "Oui, je crois surtout que je suis, comme d'autres, soucieux de respecter les institutions de la République. Cela fait des mois que je plaide pour le rétablissement du calendrier en son ordre normal. Qu'aujourd'hui, bon nombre de ceux qui siègent à l'Assemblée en soient convaincus, en tout cas une majorité, cela me réjouit, tout simplement."
Cela veut dire que, selon vous, il n'y a aucun doute, le texte sera voté ?
- "Je ne sais pas. Cela dépendra de l'attitude de tel ou tel. Les pressions exercées, notamment sur le groupe UDF, sont extrêmement fortes. J'espère en tout cas que le bon sens l'emportera et que l'on constatera qu'une majorité existe pour défendre les institutions de la République."
Tout le monde cherche aujourd'hui les arrière-pensées des uns et des autres. Au fond, la vraie raison de l'évolution de L. Jospin, n'est-ce pas tout simplement qu'il lui paraît, aujourd'hui, plus facile de gagner une élection présidentielle et plus difficile pour la gauche d'emporter des législatives ?
- "Non, pas du tout. Je pense que si L. Jospin s'est exprimé devant le Congrès de Grenoble, c'est en raison du silence de celui qui, normalement, est garant des institutions de la République, c'est-à-dire J. Chirac. N'oublions pas que si nous sommes dans cette situation, c'est le résultat d'un seul événement et non pas de deux. Car le décès de G. Pompidou en avril 1974, n'aurait eu évidemment aucune influence sur le calendrier s'il n'y avait pas eu la dissolution de 1997. A partir du moment où cette dissolution s'est produite, à l'initiative de J. Chirac, il lui appartenait, dans un délai raisonnable précédant les deux échéances présidentielles et législatives, d'indiquer aux Français que le respect de l'esprit de la Constitution de 1958 le conduisait à remettre le calendrier dans son ordre normal."
Mais il a déjà dissout une fois ; s'il avait changé l'ordre des élections en 2002 qu'aurait dit la gauche ! Le Président "magouille" ?
- "Non. Il s'agissait simplement de corriger une erreur commise - une de plus - par le Président de la République, qui n'avait pas imaginé lors de la dissolution que ce calendrier, comme l'on dit certains, devenait absolument "dingo" puisqu'on élisait une majorité au Parlement avant de désigner le Président de la République, ce qui paraît quand même assez surprenant."
Oui mais vous avez mis aussi du temps à réaliser que ce calendrier était "dingo" parce que c'était F. Bayrou le premier. Il vous a fallu quelques mois de plus. Vous n'avez rien dit en 1997 ?
- "Non, cela n'est pas tout à fait exact. J'ai réagi il y a plusieurs mois, de très nombreux mois. Je me suis rendu compte que nous allions vers une situation qui était totalement insupportable, en tout cas à mes yeux. Je pars d'un principe extrêmement simple : on peut vouloir changer les institutions de la République, on peut vouloir changer la Constitution, à condition bien entendu qu'il y ait une volonté conjointe. Les institutions, c'est en général la Constitution et une modification de celle-ci, c'est évidemment l'initiative du Parlement mais c'est aussi celle du Président de la République. Tant qu'on n'a pas changé les institutions, il faut les respecter. C'est le fonctionnement normal d'une démocratie et de la nôtre en particulier."
Donc, J. Chirac avait tort, jeudi dernier, de dénoncer "une mesure de circonstance et de convenance", un débat à la sauvette ?
- "J'ai déjà entendu ce mot quelque part, lorsqu'il a notamment proposé aux Français l'instauration du quinquennat. Peut-être aurait-il dû songer que le quinquennat ou cette proposition de réduction du mandat présidentiel, devait s'accompagner de la remise du calendrier dans son ordre normal. On a voulu éviter la cohabitation en créant le quinquennat ou en instaurant celui-ci, puisqu'on a voulu faire que le mandat législatif corresponde au mandat présidentiel. Il fallait en tirer les conséquences évidentes, c'est-à-dire une élection présidentielle précédant l'élection législative. Rien de plus normal à cela."
Quinquennat, calendrier, on voit encore une alliance entre V. Giscard d'Estaing et L. Jospin. Cela aussi ça fait un peu alliance anti-Chirac, non ?
- "Quand l'alliance est fondée sur la raison, cela ne me choque pas du tout. Il y a un débat. Dès que l'on parle des institutions, il y a évidemment un débat, à la fois dans le pays et dans les partis politiques. Il se fait que la ligne de démarcation ne passe pas exactement là où on l'attend, c'est-à-dire d'un côté, la gauche plurielle et de l'autre, la droite républicaine. A partir du moment où ce débat porte sur l'avenir du pays et sur l'avenir de nos institutions, il est tout à fait légitime que certains se retrouvent avec L. Jospin pour défendre le principe de la prééminence de la fonction présidentielle."
Ce matin, il y aura un débat sur les institutions, à la demande de l'UDF. Vous voyez que vous avez envie de faire plaisir à l'UDF quand même, à V. Giscard d'Estaing, et à F. Bayrou qui l'ont demandé. Trois heures pour débattre des institutions, ce n'est pas un peu court ?
- "Trois heures pour débattre d'un point particulier, qui est celui du calendrier et rien d'autre. J'imagine que certains émettrons leurs idées sur les institutions mais on n'est pas en train, aujourd'hui en tout cas à l'Assemblée, de modifier la Constitution qui régit, qui fonde nos institutions, qui fonde la République. On est simplement en train de se poser la question de savoir si l'élection présidentielle doit précéder l'élection législative. Et si c'est l'esprit de la Constitution de 1958 et l'esprit surtout de la réforme qui a été instaurée et voulue par le général de Gaulle en 1962. A une question simple, il faut répondre de manière simple. Il n'y a pas besoin de débattre pendant des heures pour en arriver à cette conclusion-là, en tout cas à la mienne. Trois heures me paraît amplement suffisant. C'est une demande qui avait été formulée par une partie des groupes politiques à l'Assemblée, notamment l'UDF. J'y ai répondu favorablement. Je respecte infiniment à la fois l'opposition et la majorité. C'est le rôle qui est le mien à l'Assemblée."
Ce n'est pas un peu paradoxal de voir que ce sont les socialistes, aujourd'hui, qui défendent le mieux les institutions de la Vème République et son esprit qu'ils ont combattu. On n'est pas à front renversé aujourd'hui ?
- "Ce n'est pas le problème. Quand on a des institutions, on les respecte. Et si on veut en changer, on met en oeuvre les procédures pour cela. Ces institutions sont là, elles doivent être respectées par tous, y compris par ceux qui ont pu les combattre en 1958. En 1958, je n'étais pas encore en âge de voter. Donc, je ne me prononcerai pas sur ceux qui, en 1958, ont combattu les institutions de la Vème République."
Vous avez pu remarquer que la droite est divisée - cela ne vous a pas échappé - mais la gauche aussi. Ne faites-vous pas un mauvais coup à vos amis communistes et Verts ?
- "Je pense que les uns et les autres se prononcent en fonction des conceptions qui sont les leurs, exprimées par les Partis politiques depuis longtemps. Le Parti socialiste, pour ne parler que de lui puisque c'est le Parti auquel j'appartiens, prônait depuis longtemps à la fois une réduction du mandat présidentiel et le respect de la fonction présidentielle. C'était en 1995 je crois que L. Jospin parlait d'un "Président-citoyen", c'est-à-dire d'un Président exerçant des fonctions dans le cadre de la Constitution de 1958. Il est donc tout à fait légitime qu'aujourd'hui lui comme moi, comme ceux qui voteront cette proposition de loi organique, soient exactement sur la même longueur d'onde."
A propos du "Président-citoyen" justement, de J. Chirac et des affaires : au mois d'octobre, vous aviez dit qu'il fallait que le Président s'explique devant les Français. Il l'a fait. Vous dites que c'est bien ?
- "C'est bien. Je considère que 74 % des Français à l'époque où je me suis exprimé, il y a quelques mois, souhaitaient qu'il s'exprime devant les Français. Il l'a fait. Chacun retiendra de cette intervention ce qu'il voudra, chacun sera convaincu ou non de la sincérité du Président de la République. Je note qu'il a répondu à cette attente des Français. Cela n'a sans doute pas clos malheureusement le dossier des affaires. Mais l'essentiel est que J. Chirac dise ce qu'il en pensait."
Avez-vous été convaincu ?
- "Sur la forme, je l'ai trouvé relativement bon par rapport aux interventions précédentes. Sur le fond, c'est une autre affaire. C'est une affaire de conscience et d'appréhension personnelle. Très franchement, je ne suis pas sûr qu'il ait convaincu les Français. La preuve est que les derniers sondages démontrent qu'il y a de ce point de vue un certain doute."
Quand le Président dit qu'il ne répondra pas à la convocation d'un juge - ou en tout cas qu'il ne s'expliquera pas devant un juge - au nom de la séparation des pouvoirs, le Président de l'Assemblée nationale que vous êtes, mais aussi l'avocat, lui donne raison ?
- "Il y a deux thèses qui s'affrontent. Il y a ceux qui estiment qu'il pourrait parfaitement, en tant que témoin, se rendre à la convocation d'un magistrat. Il pourrait d'ailleurs, c'est une autre thèse, y aller volontairement pour expliquer aux juges quel a été son rôle, lorsqu'il était maire de Paris, dans les affaires qui agitent beaucoup aujourd'hui les médias et l'opinion public. La fonction présidentielle doit être dans une certaine mesure préservée et, au-delà d'une mise en cause par le Parlement ou dans des circonstances tout à fait particulières, il ne faut pas non plus tomber dans cette espèce de justice spectacle dont a parlé J. Chirac. Je suis sensible à cet argument : la justice y gagnerait en travaillant sans doute un peu plus sereinement, un peu plus calmement, et en dehors de la médiatisation dans laquelle elle se vautre avec un peu trop de complaisance."
Vous n'êtes donc pas favorable à une explication du Président de la République devant un juge ? Ce n'est pas souhaitable selon vous ?
- "Chacun retiendra de ses explications fournies à la télévision ce qu'il voudra, sa sincérité ou non. Encore une fois, il ne faut pas aller au-delà, tout cela encombrera encore pendant un certain nombre de mois notre vie publique et notre vie politique."
Un député socialiste, A. Montebourg, essaie de réunir des signatures pour traduire le Président de la République en Haute Cour. Voyez-vous cette initiative d'un bon oeil ?
- "Je ne porte pas de jugement sur les initiatives de M. Montebourg. Je le laisse à la rédaction de ses ouvrages et à ses initiatives qui peuvent paraître à beaucoup quelque peu intempestives."
La fonction présidentielle vous semble-t-elle affaiblie aujourd'hui ?
- "Oui. Après le quinquennat, c'est-à-dire le revirement de position de J. Chirac, après une dissolution inconséquente, aujourd'hui les affaires, la mairie de Paris, cela fait beaucoup. Je souhaite que la fonction présidentielle retrouve aux yeux des Français tout son prestige - aux yeux des Français et aux yeux de l'opinion publique internationale : cela me paraît aussi important que la France sur la scène internationale soit présente au travers de son Président. Je regrette que d'abaissement en abaissement, nous en soyons arrivés là où nous en sommes aujourd'hui."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 19 décembre 2000)
- "Oui, je crois surtout que je suis, comme d'autres, soucieux de respecter les institutions de la République. Cela fait des mois que je plaide pour le rétablissement du calendrier en son ordre normal. Qu'aujourd'hui, bon nombre de ceux qui siègent à l'Assemblée en soient convaincus, en tout cas une majorité, cela me réjouit, tout simplement."
Cela veut dire que, selon vous, il n'y a aucun doute, le texte sera voté ?
- "Je ne sais pas. Cela dépendra de l'attitude de tel ou tel. Les pressions exercées, notamment sur le groupe UDF, sont extrêmement fortes. J'espère en tout cas que le bon sens l'emportera et que l'on constatera qu'une majorité existe pour défendre les institutions de la République."
Tout le monde cherche aujourd'hui les arrière-pensées des uns et des autres. Au fond, la vraie raison de l'évolution de L. Jospin, n'est-ce pas tout simplement qu'il lui paraît, aujourd'hui, plus facile de gagner une élection présidentielle et plus difficile pour la gauche d'emporter des législatives ?
- "Non, pas du tout. Je pense que si L. Jospin s'est exprimé devant le Congrès de Grenoble, c'est en raison du silence de celui qui, normalement, est garant des institutions de la République, c'est-à-dire J. Chirac. N'oublions pas que si nous sommes dans cette situation, c'est le résultat d'un seul événement et non pas de deux. Car le décès de G. Pompidou en avril 1974, n'aurait eu évidemment aucune influence sur le calendrier s'il n'y avait pas eu la dissolution de 1997. A partir du moment où cette dissolution s'est produite, à l'initiative de J. Chirac, il lui appartenait, dans un délai raisonnable précédant les deux échéances présidentielles et législatives, d'indiquer aux Français que le respect de l'esprit de la Constitution de 1958 le conduisait à remettre le calendrier dans son ordre normal."
Mais il a déjà dissout une fois ; s'il avait changé l'ordre des élections en 2002 qu'aurait dit la gauche ! Le Président "magouille" ?
- "Non. Il s'agissait simplement de corriger une erreur commise - une de plus - par le Président de la République, qui n'avait pas imaginé lors de la dissolution que ce calendrier, comme l'on dit certains, devenait absolument "dingo" puisqu'on élisait une majorité au Parlement avant de désigner le Président de la République, ce qui paraît quand même assez surprenant."
Oui mais vous avez mis aussi du temps à réaliser que ce calendrier était "dingo" parce que c'était F. Bayrou le premier. Il vous a fallu quelques mois de plus. Vous n'avez rien dit en 1997 ?
- "Non, cela n'est pas tout à fait exact. J'ai réagi il y a plusieurs mois, de très nombreux mois. Je me suis rendu compte que nous allions vers une situation qui était totalement insupportable, en tout cas à mes yeux. Je pars d'un principe extrêmement simple : on peut vouloir changer les institutions de la République, on peut vouloir changer la Constitution, à condition bien entendu qu'il y ait une volonté conjointe. Les institutions, c'est en général la Constitution et une modification de celle-ci, c'est évidemment l'initiative du Parlement mais c'est aussi celle du Président de la République. Tant qu'on n'a pas changé les institutions, il faut les respecter. C'est le fonctionnement normal d'une démocratie et de la nôtre en particulier."
Donc, J. Chirac avait tort, jeudi dernier, de dénoncer "une mesure de circonstance et de convenance", un débat à la sauvette ?
- "J'ai déjà entendu ce mot quelque part, lorsqu'il a notamment proposé aux Français l'instauration du quinquennat. Peut-être aurait-il dû songer que le quinquennat ou cette proposition de réduction du mandat présidentiel, devait s'accompagner de la remise du calendrier dans son ordre normal. On a voulu éviter la cohabitation en créant le quinquennat ou en instaurant celui-ci, puisqu'on a voulu faire que le mandat législatif corresponde au mandat présidentiel. Il fallait en tirer les conséquences évidentes, c'est-à-dire une élection présidentielle précédant l'élection législative. Rien de plus normal à cela."
Quinquennat, calendrier, on voit encore une alliance entre V. Giscard d'Estaing et L. Jospin. Cela aussi ça fait un peu alliance anti-Chirac, non ?
- "Quand l'alliance est fondée sur la raison, cela ne me choque pas du tout. Il y a un débat. Dès que l'on parle des institutions, il y a évidemment un débat, à la fois dans le pays et dans les partis politiques. Il se fait que la ligne de démarcation ne passe pas exactement là où on l'attend, c'est-à-dire d'un côté, la gauche plurielle et de l'autre, la droite républicaine. A partir du moment où ce débat porte sur l'avenir du pays et sur l'avenir de nos institutions, il est tout à fait légitime que certains se retrouvent avec L. Jospin pour défendre le principe de la prééminence de la fonction présidentielle."
Ce matin, il y aura un débat sur les institutions, à la demande de l'UDF. Vous voyez que vous avez envie de faire plaisir à l'UDF quand même, à V. Giscard d'Estaing, et à F. Bayrou qui l'ont demandé. Trois heures pour débattre des institutions, ce n'est pas un peu court ?
- "Trois heures pour débattre d'un point particulier, qui est celui du calendrier et rien d'autre. J'imagine que certains émettrons leurs idées sur les institutions mais on n'est pas en train, aujourd'hui en tout cas à l'Assemblée, de modifier la Constitution qui régit, qui fonde nos institutions, qui fonde la République. On est simplement en train de se poser la question de savoir si l'élection présidentielle doit précéder l'élection législative. Et si c'est l'esprit de la Constitution de 1958 et l'esprit surtout de la réforme qui a été instaurée et voulue par le général de Gaulle en 1962. A une question simple, il faut répondre de manière simple. Il n'y a pas besoin de débattre pendant des heures pour en arriver à cette conclusion-là, en tout cas à la mienne. Trois heures me paraît amplement suffisant. C'est une demande qui avait été formulée par une partie des groupes politiques à l'Assemblée, notamment l'UDF. J'y ai répondu favorablement. Je respecte infiniment à la fois l'opposition et la majorité. C'est le rôle qui est le mien à l'Assemblée."
Ce n'est pas un peu paradoxal de voir que ce sont les socialistes, aujourd'hui, qui défendent le mieux les institutions de la Vème République et son esprit qu'ils ont combattu. On n'est pas à front renversé aujourd'hui ?
- "Ce n'est pas le problème. Quand on a des institutions, on les respecte. Et si on veut en changer, on met en oeuvre les procédures pour cela. Ces institutions sont là, elles doivent être respectées par tous, y compris par ceux qui ont pu les combattre en 1958. En 1958, je n'étais pas encore en âge de voter. Donc, je ne me prononcerai pas sur ceux qui, en 1958, ont combattu les institutions de la Vème République."
Vous avez pu remarquer que la droite est divisée - cela ne vous a pas échappé - mais la gauche aussi. Ne faites-vous pas un mauvais coup à vos amis communistes et Verts ?
- "Je pense que les uns et les autres se prononcent en fonction des conceptions qui sont les leurs, exprimées par les Partis politiques depuis longtemps. Le Parti socialiste, pour ne parler que de lui puisque c'est le Parti auquel j'appartiens, prônait depuis longtemps à la fois une réduction du mandat présidentiel et le respect de la fonction présidentielle. C'était en 1995 je crois que L. Jospin parlait d'un "Président-citoyen", c'est-à-dire d'un Président exerçant des fonctions dans le cadre de la Constitution de 1958. Il est donc tout à fait légitime qu'aujourd'hui lui comme moi, comme ceux qui voteront cette proposition de loi organique, soient exactement sur la même longueur d'onde."
A propos du "Président-citoyen" justement, de J. Chirac et des affaires : au mois d'octobre, vous aviez dit qu'il fallait que le Président s'explique devant les Français. Il l'a fait. Vous dites que c'est bien ?
- "C'est bien. Je considère que 74 % des Français à l'époque où je me suis exprimé, il y a quelques mois, souhaitaient qu'il s'exprime devant les Français. Il l'a fait. Chacun retiendra de cette intervention ce qu'il voudra, chacun sera convaincu ou non de la sincérité du Président de la République. Je note qu'il a répondu à cette attente des Français. Cela n'a sans doute pas clos malheureusement le dossier des affaires. Mais l'essentiel est que J. Chirac dise ce qu'il en pensait."
Avez-vous été convaincu ?
- "Sur la forme, je l'ai trouvé relativement bon par rapport aux interventions précédentes. Sur le fond, c'est une autre affaire. C'est une affaire de conscience et d'appréhension personnelle. Très franchement, je ne suis pas sûr qu'il ait convaincu les Français. La preuve est que les derniers sondages démontrent qu'il y a de ce point de vue un certain doute."
Quand le Président dit qu'il ne répondra pas à la convocation d'un juge - ou en tout cas qu'il ne s'expliquera pas devant un juge - au nom de la séparation des pouvoirs, le Président de l'Assemblée nationale que vous êtes, mais aussi l'avocat, lui donne raison ?
- "Il y a deux thèses qui s'affrontent. Il y a ceux qui estiment qu'il pourrait parfaitement, en tant que témoin, se rendre à la convocation d'un magistrat. Il pourrait d'ailleurs, c'est une autre thèse, y aller volontairement pour expliquer aux juges quel a été son rôle, lorsqu'il était maire de Paris, dans les affaires qui agitent beaucoup aujourd'hui les médias et l'opinion public. La fonction présidentielle doit être dans une certaine mesure préservée et, au-delà d'une mise en cause par le Parlement ou dans des circonstances tout à fait particulières, il ne faut pas non plus tomber dans cette espèce de justice spectacle dont a parlé J. Chirac. Je suis sensible à cet argument : la justice y gagnerait en travaillant sans doute un peu plus sereinement, un peu plus calmement, et en dehors de la médiatisation dans laquelle elle se vautre avec un peu trop de complaisance."
Vous n'êtes donc pas favorable à une explication du Président de la République devant un juge ? Ce n'est pas souhaitable selon vous ?
- "Chacun retiendra de ses explications fournies à la télévision ce qu'il voudra, sa sincérité ou non. Encore une fois, il ne faut pas aller au-delà, tout cela encombrera encore pendant un certain nombre de mois notre vie publique et notre vie politique."
Un député socialiste, A. Montebourg, essaie de réunir des signatures pour traduire le Président de la République en Haute Cour. Voyez-vous cette initiative d'un bon oeil ?
- "Je ne porte pas de jugement sur les initiatives de M. Montebourg. Je le laisse à la rédaction de ses ouvrages et à ses initiatives qui peuvent paraître à beaucoup quelque peu intempestives."
La fonction présidentielle vous semble-t-elle affaiblie aujourd'hui ?
- "Oui. Après le quinquennat, c'est-à-dire le revirement de position de J. Chirac, après une dissolution inconséquente, aujourd'hui les affaires, la mairie de Paris, cela fait beaucoup. Je souhaite que la fonction présidentielle retrouve aux yeux des Français tout son prestige - aux yeux des Français et aux yeux de l'opinion publique internationale : cela me paraît aussi important que la France sur la scène internationale soit présente au travers de son Président. Je regrette que d'abaissement en abaissement, nous en soyons arrivés là où nous en sommes aujourd'hui."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 19 décembre 2000)