Texte intégral
Q- Cette enseignante, qui a été blessée à coups de couteau par un élève, à Étampes -
heureusement, ses jours ne sont plus en danger -, l'encouragez-vous à porter plainte, comme
il semble qu'elle l'envisage ?
R- Je crois que c'est raisonnable de porter plainte, tout simplement parce que l'événement
est suffisamment grave pour que l'on se donne tous les moyens de comprendre ce qui s'est
passé et de situer les responsabilités. Je préfère une enquête judiciaire à des rumeurs, à
des "on dit", à des démentis. Qu'on sache ce qui s'est passé, je crois que c'est important.
Q- Il y a d'ailleurs un rapport administratif qui a été demandé à l'inspection générale sur
la situation de ce lycée professionnel.
R- Cela me paraît positif que l'inspection générale fasse une enquête et fasse un rapport
sur la situation. C'est l'intérêt de tout le monde de comprendre, encore une fois, ce qui
s'est passé, y compris pour éviter que l'on se retrouve dans de telles situations.
Q- Trouvez-vous également positives les déclarations du ministre de l'éducation, qui
évoquait l'idée de faire tenir des permanences par des juges et des policiers dans les
établissements scolaires ?
R- J'aimerais bien savoir quel est l'objectif recherché, et à quoi pense le ministre. D'une
certaine manière, j'ai envie de dire que j'en ai un peu assez de ce type de méthode où l'on
ne répond pas aux demandes des gens sur le terrain, et où l'on sort de son chapeau, sans
concertation, des propositions qui ne correspondent pas à ce que les gens attendent. Parce
que, dans le lycée d'Étampes, on ne demande pas une permanence police et justice : on
demande un proviseur adjoint, on demande des personnels d'éducation, on demande des
assistantes sociales, des infirmières.
Q- Mais cette concertation va avoir lieu maintenant, d'ailleurs, le ministre en parle.
R- Monsieur de Robien n'arrête pas - mais ce n'est pas que lui, je dois dire - de faire des
annonces et nous dit qu'on va discuter après, sur la base de ses annonces. Ce n'est pas une
bonne manière de faire ! Quand il y a des organisations représentatives comme la nôtre, la
meilleure façon de procéder, c'est d'abord de discuter, c'est de prendre le temps de
discuter, et pas réagir sous la pression de l'événement en sortant, à chaque fois, un
gadget.
Q- Donc, vous êtes tout à fait contre ce qu'il propose ?
R- Je pense que ce n'est pas la bonne solution. Je pense que c'est beaucoup d'idéologie et
peu d'efficacité."
Q- Idéologie", c'est-à-dire ?
R- C'est l'idée que l'on va faire venir la police, c'est l'idée que la solution est dans la
justice et dans la police, alors que la vraie solution...
Q- Vous y voyez la marque du ministère de l'intérieur ?
R- J'y vois un énième avatar d'une proposition qu'avait faite N. Sarkozy, il y a, je crois,
environ deux ans, qui consistait à mettre des policiers référents au sein des établissements
scolaires. Ce n'est pas exactement la même chose, mais...
Q- Le ministre, L. Ferry, était contre, à l'époque.
R- L. Ferry a été contre, puis monsieur de Villepin, quand il a été ministre de l'intérieur,
a fait autre chose avec des policiers qui sont des référents auxquels on peut s'adresser à
l'extérieur. On ne fait jamais le bilan de tout cela et, à chaque fois, on sort un gadget.
Or le vrai problème est éducatif. Le vrai problème, c'est une présence éducative dans les
établissements scolaires. Et ce sont des équipes pluri-professionnelles, avec des
enseignants, des conseillers principaux d'éducation, des conseils d'orientation
psychologues, des assistances sociales, des infirmières, etc., qui encadrent les jeunes.
Q- Le ministre dit qu'il faut mieux former les professeurs à l'autorité...
R- Oui, il faut donner un certain nombre de trucs, un certain nombre de moyens de réagir
dans la classe, bien évidemment. Mais ce qu'on sait, c'est que les établissements où cela
marche, les établissements confrontés à des problèmes de violences, d'incivilité, où, malgré
tout, l'établissement fonctionne, c'est qu'il y a des équipes. Des équipes qui ont une
politique solidaire, soudée, et des équipes complètes, aussi.
Q- Apparemment, c'est d'autant plus difficile qu'on est dans des zones moins faciles. Et,
surtout, dans les lycées professionnels, où, apparemment, statistiquement, il y a plus de
risques de violence.
R- Effectivement, il y a eu une augmentation des violences. Alors, quand on parle de
violence, c'est un terme générique qui recouvre beaucoup de choses, qui recouvre des
violences physiques, qui touchent essentiellement les élèves et pas les enseignants.
Q- Vous voulez dire entre élèves ?
R- Entre élèves. Je crois que parmi les victimes de violences physiques, seulement 5 % qui
sont des enseignants. Il y a, par ailleurs, tout ce qui est insultes, menaces, qui, là,
touchent fortement les enseignants. Et puis, il a les rackets, les tags, les atteintes aux
biens, etc. C'est vrai qu'il y a une augmentation importante dans les LEP. Il y a deux
phénomènes : l'âge des élèves et deuxièmement, sans doute, le sentiment d'échec qu'ont un
certain nombre de ces élèves, même si, pour moi, les LEP ne sont pas une voie d'échec.
Q- Mais c'est vécu comme cela, souvent ?
R- C'est souvent vécu comme cela, y compris parce que l'orientation - enfin, ce n'est pas un
problème d'orientation -, la carte scolaire fait qu'un certain nombre d'élèves se retrouvent
dans des sections qu'ils n'ont pas demandées.
Q- Renforcer le rôle des parents, c'est une autre idée de G. de Robien. Là, vous êtes contre
aussi ?
R- Non, je pense que le rôle des parents est important. Mais la question, quand on parle de
responsabilité des parents, est de leur donner les moyens d'exercer cette responsabilité.
Vous savez, des parents qui ne veulent pas que leurs enfants réussissent leurs études, qui
préfèrent que leurs enfants dealent ou rackettent, je n'en connais pas beaucoup. En
revanche, des parents qui ne savent pas comment s'y prendre, qui ne s'y retrouvent pas dans
l'école, il y en a énormément.
Q- Donc, il faut provoquer davantage de rencontres entre les enseignants et les parents ?
R- Oui, il faut provoquer des rencontres. Il faut aussi, par exemple, qu'il y ait des
assistantes sociales qui jouent pleinement leur rôle dans les établissements qui sont le
plus en difficulté. Il faut aussi des initiatives du type "école des parents" qui peuvent
relever, aussi, par exemple, des collectivités territoriales.
Q- Une toute autre question, mais qui est liée, je pense. Le Pape Benoît XVI, hier, a
déclaré, à propos de la France, que le défi c'est de faire en sorte que tous les citoyens
puissent réaliser une véritable "culture commune", porteuse de valeurs morales et
spirituelles fondamentales. C'est une phrase qui peut concerner l'école ?
R- Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec les valeurs spirituelles du Pape, mais je suis
assez d'accord avec la formule "culture commune", c'est même une de nos revendications. Je
pense que notre culture scolaire n'est peut-être pas à la hauteur de la diversité de la
richesse culturelle de notre pays et de notre jeunesse.
Q- C'est votre façon de parler de l'intégration, en fait ?
R- C'est ma façon de parler de l'intégration. C'est un des éléments de l'intégration, et
c'est aussi un des éléments de la réussite scolaire que de faire évoluer la culture
scolaire.
Q- Ça va loin, y compris dans les programmes ?
R- Y compris dans les programmes, y compris dans l'articulation des disciplines entre elles.
Je préfère parler de "culture commune" plutôt que de "socle commun".
Q- Vous n'envisagez pas, à la FSU, de commencer une négociation avec le Vatican, en tout cas
?
R- Non, pas vraiment avec le Vatican, monsieur de Robien me suffirait, et je souhaite
vraiment pouvoir négocier.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 décembre 2005)
heureusement, ses jours ne sont plus en danger -, l'encouragez-vous à porter plainte, comme
il semble qu'elle l'envisage ?
R- Je crois que c'est raisonnable de porter plainte, tout simplement parce que l'événement
est suffisamment grave pour que l'on se donne tous les moyens de comprendre ce qui s'est
passé et de situer les responsabilités. Je préfère une enquête judiciaire à des rumeurs, à
des "on dit", à des démentis. Qu'on sache ce qui s'est passé, je crois que c'est important.
Q- Il y a d'ailleurs un rapport administratif qui a été demandé à l'inspection générale sur
la situation de ce lycée professionnel.
R- Cela me paraît positif que l'inspection générale fasse une enquête et fasse un rapport
sur la situation. C'est l'intérêt de tout le monde de comprendre, encore une fois, ce qui
s'est passé, y compris pour éviter que l'on se retrouve dans de telles situations.
Q- Trouvez-vous également positives les déclarations du ministre de l'éducation, qui
évoquait l'idée de faire tenir des permanences par des juges et des policiers dans les
établissements scolaires ?
R- J'aimerais bien savoir quel est l'objectif recherché, et à quoi pense le ministre. D'une
certaine manière, j'ai envie de dire que j'en ai un peu assez de ce type de méthode où l'on
ne répond pas aux demandes des gens sur le terrain, et où l'on sort de son chapeau, sans
concertation, des propositions qui ne correspondent pas à ce que les gens attendent. Parce
que, dans le lycée d'Étampes, on ne demande pas une permanence police et justice : on
demande un proviseur adjoint, on demande des personnels d'éducation, on demande des
assistantes sociales, des infirmières.
Q- Mais cette concertation va avoir lieu maintenant, d'ailleurs, le ministre en parle.
R- Monsieur de Robien n'arrête pas - mais ce n'est pas que lui, je dois dire - de faire des
annonces et nous dit qu'on va discuter après, sur la base de ses annonces. Ce n'est pas une
bonne manière de faire ! Quand il y a des organisations représentatives comme la nôtre, la
meilleure façon de procéder, c'est d'abord de discuter, c'est de prendre le temps de
discuter, et pas réagir sous la pression de l'événement en sortant, à chaque fois, un
gadget.
Q- Donc, vous êtes tout à fait contre ce qu'il propose ?
R- Je pense que ce n'est pas la bonne solution. Je pense que c'est beaucoup d'idéologie et
peu d'efficacité."
Q- Idéologie", c'est-à-dire ?
R- C'est l'idée que l'on va faire venir la police, c'est l'idée que la solution est dans la
justice et dans la police, alors que la vraie solution...
Q- Vous y voyez la marque du ministère de l'intérieur ?
R- J'y vois un énième avatar d'une proposition qu'avait faite N. Sarkozy, il y a, je crois,
environ deux ans, qui consistait à mettre des policiers référents au sein des établissements
scolaires. Ce n'est pas exactement la même chose, mais...
Q- Le ministre, L. Ferry, était contre, à l'époque.
R- L. Ferry a été contre, puis monsieur de Villepin, quand il a été ministre de l'intérieur,
a fait autre chose avec des policiers qui sont des référents auxquels on peut s'adresser à
l'extérieur. On ne fait jamais le bilan de tout cela et, à chaque fois, on sort un gadget.
Or le vrai problème est éducatif. Le vrai problème, c'est une présence éducative dans les
établissements scolaires. Et ce sont des équipes pluri-professionnelles, avec des
enseignants, des conseillers principaux d'éducation, des conseils d'orientation
psychologues, des assistances sociales, des infirmières, etc., qui encadrent les jeunes.
Q- Le ministre dit qu'il faut mieux former les professeurs à l'autorité...
R- Oui, il faut donner un certain nombre de trucs, un certain nombre de moyens de réagir
dans la classe, bien évidemment. Mais ce qu'on sait, c'est que les établissements où cela
marche, les établissements confrontés à des problèmes de violences, d'incivilité, où, malgré
tout, l'établissement fonctionne, c'est qu'il y a des équipes. Des équipes qui ont une
politique solidaire, soudée, et des équipes complètes, aussi.
Q- Apparemment, c'est d'autant plus difficile qu'on est dans des zones moins faciles. Et,
surtout, dans les lycées professionnels, où, apparemment, statistiquement, il y a plus de
risques de violence.
R- Effectivement, il y a eu une augmentation des violences. Alors, quand on parle de
violence, c'est un terme générique qui recouvre beaucoup de choses, qui recouvre des
violences physiques, qui touchent essentiellement les élèves et pas les enseignants.
Q- Vous voulez dire entre élèves ?
R- Entre élèves. Je crois que parmi les victimes de violences physiques, seulement 5 % qui
sont des enseignants. Il y a, par ailleurs, tout ce qui est insultes, menaces, qui, là,
touchent fortement les enseignants. Et puis, il a les rackets, les tags, les atteintes aux
biens, etc. C'est vrai qu'il y a une augmentation importante dans les LEP. Il y a deux
phénomènes : l'âge des élèves et deuxièmement, sans doute, le sentiment d'échec qu'ont un
certain nombre de ces élèves, même si, pour moi, les LEP ne sont pas une voie d'échec.
Q- Mais c'est vécu comme cela, souvent ?
R- C'est souvent vécu comme cela, y compris parce que l'orientation - enfin, ce n'est pas un
problème d'orientation -, la carte scolaire fait qu'un certain nombre d'élèves se retrouvent
dans des sections qu'ils n'ont pas demandées.
Q- Renforcer le rôle des parents, c'est une autre idée de G. de Robien. Là, vous êtes contre
aussi ?
R- Non, je pense que le rôle des parents est important. Mais la question, quand on parle de
responsabilité des parents, est de leur donner les moyens d'exercer cette responsabilité.
Vous savez, des parents qui ne veulent pas que leurs enfants réussissent leurs études, qui
préfèrent que leurs enfants dealent ou rackettent, je n'en connais pas beaucoup. En
revanche, des parents qui ne savent pas comment s'y prendre, qui ne s'y retrouvent pas dans
l'école, il y en a énormément.
Q- Donc, il faut provoquer davantage de rencontres entre les enseignants et les parents ?
R- Oui, il faut provoquer des rencontres. Il faut aussi, par exemple, qu'il y ait des
assistantes sociales qui jouent pleinement leur rôle dans les établissements qui sont le
plus en difficulté. Il faut aussi des initiatives du type "école des parents" qui peuvent
relever, aussi, par exemple, des collectivités territoriales.
Q- Une toute autre question, mais qui est liée, je pense. Le Pape Benoît XVI, hier, a
déclaré, à propos de la France, que le défi c'est de faire en sorte que tous les citoyens
puissent réaliser une véritable "culture commune", porteuse de valeurs morales et
spirituelles fondamentales. C'est une phrase qui peut concerner l'école ?
R- Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec les valeurs spirituelles du Pape, mais je suis
assez d'accord avec la formule "culture commune", c'est même une de nos revendications. Je
pense que notre culture scolaire n'est peut-être pas à la hauteur de la diversité de la
richesse culturelle de notre pays et de notre jeunesse.
Q- C'est votre façon de parler de l'intégration, en fait ?
R- C'est ma façon de parler de l'intégration. C'est un des éléments de l'intégration, et
c'est aussi un des éléments de la réussite scolaire que de faire évoluer la culture
scolaire.
Q- Ça va loin, y compris dans les programmes ?
R- Y compris dans les programmes, y compris dans l'articulation des disciplines entre elles.
Je préfère parler de "culture commune" plutôt que de "socle commun".
Q- Vous n'envisagez pas, à la FSU, de commencer une négociation avec le Vatican, en tout cas
?
R- Non, pas vraiment avec le Vatican, monsieur de Robien me suffirait, et je souhaite
vraiment pouvoir négocier.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 décembre 2005)