Texte intégral
Monsieur le Président de la République,
Madame la Présidente, Chère Simone Veil,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
C'est un grand honneur pour moi d'accueillir, au nom de tous mes collègues, cet important colloque consacré au septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
C'est une chance pour une assemblée parlementaire, qui compte parmi ses membres encore beaucoup d'acteurs éminents de cette période toute proche, d'avoir cette occasion de jeter un regard sur ces événements politiques dont nous n'avions pas toujours conscience en les vivant qu'ils seraient un jour l'Histoire et un moment important de notre histoire nationale.
Le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, comme les bons crus, de 1976 notamment, pourquoi ne pas le dire, est chaque année meilleur dans la mémoire de nos concitoyens. Toute une rhétorique sur l'ombre et la lumière autour du 10 mai 1981, le désir ardent d'alternance, les conditions politiques et économiques difficiles des années 1970 avaient presque réussi à convaincre certains que ces années n'étaient pas de bonnes années.
Force est d'admettre d'abord que le parcours de Valéry Giscard d'Estaing lui-même, revenant à des mandats locaux pour ensuite rejouer un rôle international à la mesure de son esprit acéré, a forcé l'admiration de tous nos concitoyens et suscité quelques remords.
Force est surtout d'admettre, qu'après des années de crise, de désillusions, de bilans incertains, l'ampleur du bilan du septennat de Valéry Giscard d'Estaing réapparaît aujourd'hui avec un éclat nouveau.
En janvier 2002, nous accueillions un colloque consacré aux institutions et à la pratique politique sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Aujourd'hui, vous évoquez le champ immense des réformes de société.
Il me plaît de rappeler que beaucoup de ces réformes avaient été défendues par le Sénat, plus attentif et plus ouvert peut-être que d'autres aux craquements de la société. Et ces réformes ont été ensuite soutenues avec constance par un Sénat où Valéry Giscard d'Estaing a toujours trouvé un appui et même un accueil exceptionnel dans l'enceinte même de l'hémicycle ! Ce qui lui a valu d'agir dans la durée et de ne pas connaître la malédiction politique curieuse qui frappe invariablement ceux qui voient dans notre Assemblée une « anomalie », ou un « anachronisme » selon le mot de Madame Ségolène Royal.
Abaissement de la majorité à 18 ans, réforme scolaire d'envergure, réformes profondes du droit du travail, grande réforme en faveur des handicapés, égalité entre hommes et femmes, interruption volontaire de grossesse, extension de la sécurité sociale..., autant de réformes qui semblent si évidentes et modernes aujourd'hui qu'il nous paraît à peine imaginable qu'elles aient attendu 1974.
Et c'est justement ce qui fait de ces réformes des moments historiques. Mieux que la gauche, Valéry Giscard d'Estaing a tiré en fait les conclusions de deux mouvements profonds.
D'une part, les craquements de la société : une étude fine des évolutions du droit du travail dès 1974 montrerait sans doute que beaucoup des avancées ratifiaient ou confortaient des innovations jurisprudentielles de la Cour de Cassation. Sous la pression des faits, le droit devait évoluer et Valéry Giscard d'Estaing eut l'intelligence de le comprendre.
D'autre part, évidemment, mai 1968. Mai 1968 n'était pas un mouvement ouvrier, ni une révolte des masses laborieuses mais, avant tout, un mouvement étudiant et bourgeois, un mouvement de la classe moyenne et de la jeunesse, un mouvement libertaire et libéral au sens américain du terme. Un président libéral, au sens français, était donc en fait le mieux placé pour le comprendre et en tirer les conclusions. Paul-Marie Couteaux, dans son « Traité de savoir disparaître à l'égard d'une vieille génération », celle de 1968, a bien montré que les révolutionnaires de 1968 étaient de fait les agents inconscients de la liberté de la société de consommation et des puissances capitalistes. C'est pourquoi il n'est pas étonnant de les retrouver aujourd'hui comme capitaines d'industries !
Par une ruse de l'histoire, la droite libérale était donc la mieux à même de comprendre et de traduire ces aspirations, même si ces révolutionnaires d'amphithéâtre ne l'auraient admis que de mauvaise grâce.
Sans doute, lorsque que, lors d'un prochain colloque, vous serez amenés à étudier la politique européenne de Valéry Giscard d'Estaing, du « serpent monétaire » au défunt traité constitutionnel, serez-vous amenés à vous poser les mêmes questions.
M. Cohn-Bendit et la gauche ont-ils cru défendre, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing, un traité qui portait une vision sociale de l'Europe ? Les libéraux qui l'ont approuvé ont-ils cru consacrer le libéralisme ? Les électeurs de gauche, en rejetant un traité qu'ils ont cru libéral, ont ils, au contraire, laissé le champ libre aux adeptes du grand marché ?
L'histoire, ou votre prochain colloque, dira qui a été victime d'une ruse de l'histoire.
Je vous remercie.
Madame la Présidente, Chère Simone Veil,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
C'est un grand honneur pour moi d'accueillir, au nom de tous mes collègues, cet important colloque consacré au septennat de Valéry Giscard d'Estaing.
C'est une chance pour une assemblée parlementaire, qui compte parmi ses membres encore beaucoup d'acteurs éminents de cette période toute proche, d'avoir cette occasion de jeter un regard sur ces événements politiques dont nous n'avions pas toujours conscience en les vivant qu'ils seraient un jour l'Histoire et un moment important de notre histoire nationale.
Le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, comme les bons crus, de 1976 notamment, pourquoi ne pas le dire, est chaque année meilleur dans la mémoire de nos concitoyens. Toute une rhétorique sur l'ombre et la lumière autour du 10 mai 1981, le désir ardent d'alternance, les conditions politiques et économiques difficiles des années 1970 avaient presque réussi à convaincre certains que ces années n'étaient pas de bonnes années.
Force est d'admettre d'abord que le parcours de Valéry Giscard d'Estaing lui-même, revenant à des mandats locaux pour ensuite rejouer un rôle international à la mesure de son esprit acéré, a forcé l'admiration de tous nos concitoyens et suscité quelques remords.
Force est surtout d'admettre, qu'après des années de crise, de désillusions, de bilans incertains, l'ampleur du bilan du septennat de Valéry Giscard d'Estaing réapparaît aujourd'hui avec un éclat nouveau.
En janvier 2002, nous accueillions un colloque consacré aux institutions et à la pratique politique sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Aujourd'hui, vous évoquez le champ immense des réformes de société.
Il me plaît de rappeler que beaucoup de ces réformes avaient été défendues par le Sénat, plus attentif et plus ouvert peut-être que d'autres aux craquements de la société. Et ces réformes ont été ensuite soutenues avec constance par un Sénat où Valéry Giscard d'Estaing a toujours trouvé un appui et même un accueil exceptionnel dans l'enceinte même de l'hémicycle ! Ce qui lui a valu d'agir dans la durée et de ne pas connaître la malédiction politique curieuse qui frappe invariablement ceux qui voient dans notre Assemblée une « anomalie », ou un « anachronisme » selon le mot de Madame Ségolène Royal.
Abaissement de la majorité à 18 ans, réforme scolaire d'envergure, réformes profondes du droit du travail, grande réforme en faveur des handicapés, égalité entre hommes et femmes, interruption volontaire de grossesse, extension de la sécurité sociale..., autant de réformes qui semblent si évidentes et modernes aujourd'hui qu'il nous paraît à peine imaginable qu'elles aient attendu 1974.
Et c'est justement ce qui fait de ces réformes des moments historiques. Mieux que la gauche, Valéry Giscard d'Estaing a tiré en fait les conclusions de deux mouvements profonds.
D'une part, les craquements de la société : une étude fine des évolutions du droit du travail dès 1974 montrerait sans doute que beaucoup des avancées ratifiaient ou confortaient des innovations jurisprudentielles de la Cour de Cassation. Sous la pression des faits, le droit devait évoluer et Valéry Giscard d'Estaing eut l'intelligence de le comprendre.
D'autre part, évidemment, mai 1968. Mai 1968 n'était pas un mouvement ouvrier, ni une révolte des masses laborieuses mais, avant tout, un mouvement étudiant et bourgeois, un mouvement de la classe moyenne et de la jeunesse, un mouvement libertaire et libéral au sens américain du terme. Un président libéral, au sens français, était donc en fait le mieux placé pour le comprendre et en tirer les conclusions. Paul-Marie Couteaux, dans son « Traité de savoir disparaître à l'égard d'une vieille génération », celle de 1968, a bien montré que les révolutionnaires de 1968 étaient de fait les agents inconscients de la liberté de la société de consommation et des puissances capitalistes. C'est pourquoi il n'est pas étonnant de les retrouver aujourd'hui comme capitaines d'industries !
Par une ruse de l'histoire, la droite libérale était donc la mieux à même de comprendre et de traduire ces aspirations, même si ces révolutionnaires d'amphithéâtre ne l'auraient admis que de mauvaise grâce.
Sans doute, lorsque que, lors d'un prochain colloque, vous serez amenés à étudier la politique européenne de Valéry Giscard d'Estaing, du « serpent monétaire » au défunt traité constitutionnel, serez-vous amenés à vous poser les mêmes questions.
M. Cohn-Bendit et la gauche ont-ils cru défendre, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing, un traité qui portait une vision sociale de l'Europe ? Les libéraux qui l'ont approuvé ont-ils cru consacrer le libéralisme ? Les électeurs de gauche, en rejetant un traité qu'ils ont cru libéral, ont ils, au contraire, laissé le champ libre aux adeptes du grand marché ?
L'histoire, ou votre prochain colloque, dira qui a été victime d'une ruse de l'histoire.
Je vous remercie.