Discours de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, et de M. Mario Rinaldi, sur la précarisation accrue des salariés avec le "contrat première embauche", sur le nouveau projet de loi sur l'immigration et la notion "d'immigration choisie", sur les revendications urgentes à soutenir.

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Intervention de Mario Rinaldi.
Chers camarades et chers amis,
Si la précarité est un fléau pour les travailleurs, le cas de l'entreprise où je travaille, l'usine Renault-Sovab de Batilly, est bien caractéristique de la volonté des patrons de précariser, avec la bénédiction de tous les gouvernements, l'ensemble du monde du travail.
L'usine Sovab produit le Master de Renault, le Movano d'Opel et l'Interstar de Nissan, des fourgonettes identiques où seuls la calandre et le logo change. Elle produit également un petit camion appelé le Mascott.
Il y a eu à Batilly jusqu'à 985 intérimaires pour un effectif fixe de 2400 travailleurs. Tant est si bien que, en 1998, l'inspection du travail est intervenue pour demander l'embauche de ces travailleurs qui occupaient dans l'entreprise des postes de travail permanent, ce qui est théoriquement interdit.
Mais le ministère du travail, dont la patronne était Martine Aubry à l'époque, n'a absolument pas embêté Renault. Il a fallu l'action de syndicalistes CGT pour que le patron soit condamné tant devant les Prud'hommes qu'au tribunal correctionnel. Cela n'a pas été inutile parce qu'un certain nombre d'intérimaires qui ont eu le courage de se battre, y compris sur le terrain judiciaire, ont pu ainsi se faire embaucher en fixe dans l'usine, les autres obtenant des indemnités.
La précarité a été une constante, sous la gauche, comme, bien sûr, sous la droite. Et si aujourd'hui, s'il y a moins d'intérimaires, c'est surtout parce qu'il y a moins de commandes mais il reste tout de même toujours près de 10 % de l'effectif, soit 250 travailleurs qui sont en intérim. Et sur de nombreux contrats de travail, on s'aperçoit que ces intérimaires sont en principe employés pour remplacer des salariés théoriquement absents mais qui sont en réalité présents? à un autre poste.
Bref, Renault continue allègrement de violer les lois du travail !
Alors, que fait Sarkozy contre ces multirécidivistes comme Renault qui pourrissent la vie des jeunes travailleurs en les réduisant à la précarité ?
Rien, bien sûr. Sarkozy s'y entend à dénoncer les jeunes des banlieues, mais il est là pour protéger ceux qui empêchent à ces jeunes d'avoir un avenir autre que celui de galérer de mission d'intérim en mission d'intérim. Le karcher contre les patrons, il faudra que les travailleurs l'emploient eux-mêmes !
La précarité est une plaie pour le monde du travail.
La précarité, c'est ce que vivent les travailleurs de l'équipement automobile Ronal à Saint Avold dont les trois quart, un an après la fermeture galèrent au chômage, en intérim ou en CDD. Un petit tiers seulement ayant retrouvé un emploi fixe.
La précarité, c'est ce qui attend les travailleurs de SEB dans les Vosges menacés de licenciement. 900 travailleurs de SEB risquent de se retrouver au chômage dans les mois qui viennent. Rien que pour l'usine des Vosges, 700 travailleurs, avec les sous-traitants, risquent de perdre leur emploi.
Le PDG de SEB explique à qui veut l'entendre que ce serait du à la concurrence étrangère et en particulier chinoise. Comme si c'étaient des industriels chinois qui avaient choisi de venir vendre ici leur production pour faire concurrence à SEB ! Et, de toute façon, ce n'est pas aux travailleurs de payer pour leur concurrence !
La réalité est bien différente. SEB, qui regroupe des marques connues comme Calor, Rowenta, Moulinex ou Krups, a délibérément décidé de faire fabriquer en Chine. Cette décision, prise de plein gré alors que l'entreprise est largement bénéficiaire, a d'ailleurs été saluée à la Bourse quand elle a été annoncée.
Mais, derrière le PDG de SEB au nom choisi de Thierry de la Tour d'Artaise, il y a de grandes familles bourgeoises dont le seul objectif est d'augmenter les profits qu'elles qu'en soient les conséquences humaines et sociales.
Le dividende par action SEB a ainsi augmenté de 70 % en 10 ans et sa marge bénéficiaire est en hausse. Pour SEB, ça va bien mais les familles bourgeoises en veulent toujours plus. La principale, c'est la famille Lescure. Elle possède 44 % du capital mais 61 % des droits de vote. Oh, ces gens là ne sont pas dans la misère ! Au contraire, la famille Lescure vit en Suisse où elle est à la tête d'une fortune d'un milliard d'euros !
Eh bien, c'est pour en faire plus que la famille Lescure licencie, via son PDG, des centaines de travailleurs. Et c'est parce qu'ils estiment que SEB fera encore plus de profits dans l'avenir qu'une autre famille bourgeoise, les Peugeot, dont une partie aussi vit en Suisse, a décidé d'augmenter sa part dans le capital de SEB.
La Suisse est le paradis des grandes familles bourgeoises, pour les avantages fiscaux que ce pays procure ainsi que la discrétion légendaire de ses banques.
La famille Bata est également domiciliée depuis peu en Suisse. Eux qui ont ruiné la région de Réchicourt-le-Château avec la fermeture de l'usine de Moussey, fin 2001, se retrouvent dans le peloton de tête des familles les plus fortunées de Suisse, avec une fortune de 2,25 milliards d'euros. Cela représente l'équivalent du salaire de tous les ouvriers licenciés de Moussey pendant plus de 2 siècles !
Alors, oui, il y en a assez de ces grandes familles bourgeoises qui ferment les usines aussi simplement qu'on éteint la lumière !
Dans les années 30, on parlait des 200 familles pour dénoncer cette petite minorité de familles bourgeoises qui dirigeaient non seulement l'économie du pays mais aussi son pouvoir politique. Ces familles existent toujours. Et elles sont toujours à la tête de l'économie, du pouvoir, comme des médias.
Le Républicain Lorrain a parlé, il y a quelques semaines, de Françoise de Panafieu, la prétendante UMP à la Mairie de Paris, parce qu'elle serait lorraine. Oh, elle n'est pas fille de mineur, et de la Lorraine, elle a surtout connu le château familial de Bettange en Moselle où elle passait ses vacances.
La grand-mère de Françoise de Panafieu n'est autre qu'une fille de Wendel, Marguerite. Les de Wendel, encore une autre grande famille bourgeoise, qui a marqué la Lorraine. Une de ces familles dont l'avidité a, lors des décennies précédentes, ruiné de l'avoir trop exploité, le sous-sol du nord de la Lorraine dont les maisons s'effondrent aujourd'hui.
Les de Wendel, ce sont aujourd'hui 750 héritiers ! Ils ont fourni à la droite nombre de personnalités politiques. Hormis Françoise de Panafieu, il y a eu Hélène et François Missoffe, Jean-François Poncet, ministre de Giscard, Yves Guéna, ancien président du conseil constitutionnel, Josselin de Rohan et bien d'autres. Quant au baron Ernest-Antoine Seillière, il est le plus connu du lot pour avoir présidé pendant des années aux destinées du MEDEF.
Les ancêtres de tous ces gens-là se sont enrichis de la sueur et de l'exploitation de plusieurs générations de travailleurs de la sidérurgie et des mines.
Puis, ils se sont retirés du secteur, grâce aux aides de l'État qui dans les années 60-70 a apporté 15 milliards d'euros de subventions à la sidérurgie ou, plus exactement, aux propriétaires des usines sidérurgiques. Plus de 100 000 emplois ont été liquidés en 40 ans alors que la production d'acier est restée la même.
Les plans acier se sont succédés dans les années 70 et 80. Lors de la nationalisation, tout en supprimant les emplois par dizaines de milles, l'État a modernisé les installations. Puis, en 1995, la sidérurgie a été redonnée à des actionnaires privés pour pas grand-chose. Et moins de 10 ans plus tard, les trusts de l'acier ont amassé tellement de bénéfices qu'ils ne savent plus quoi faire de leurs milliards.
Mais à quel prix ces profits des maîtres de forge hier, ou des Mittal et Arcelor aujourd'hui ?
Le prix pour les travailleurs, c'est bien sûr le chômage, des régions industrielles transformées en désert et aussi le sol qui s'effondre d'avoir été trop creusé pour amasser les fortunes des de Wendel et des autres.
Le prix, c'est aussi l'aggravation des conditions de travail.
Pas plus tard que le mois dernier, chez Mittal Steel, à Gandrange, la direction a ainsi décidé, du jour au lendemain, de bouleverser les roulements de travail des employés de l'aciérie. Au lieu de tourner sur 5 équipes, ils ne tournent plus que sur 4. Le résultat est que la durée de travail augmente de 3 heures par semaine et que les travailleurs ne bénéficient plus que d'un week-end libre par mois au lieu de 2.
Et quel week-end ! Il commence après une nuit de travail, le samedi à 6 h du matin, et pas question de faire des folies de dimanche soir, car il faut reprendre le travail dès le lundi matin 6 heures. Voilà comment, Mittal Steel dégage des milliards, en aggravant l'exploitation et les conditions de travail !
À l'usine Mittal Steel de Gandrange, le recours à la sous-traitance a, comme partout, été généralisée. Ainsi les ouvriers qui conduisent les locotracteurs sont employés depuis plus de 20 ans par un sous-traitant. À la fin de l'année dernière, cette entreprise sous-traitante a écrit à ses salariés pour leur proposer un nouveau contrat de travail avec un salaire en baisse de 20 %, ramenés quasiment au niveau du Smic. Les salariés sont pour la plupart âgés et se seraient retrouvés au Smic après toute une vie de travail. Ils ont bien sûr refusé ce chantage, mais l'épée de Damoclès plane toujours au-dessus de leur tête.
Et ce n'est pas mieux chez Arcelor, le trust de l'acier concurrent que Mittal Steel veut racheter. La presse n'ose plus trop dire qu'Arcelor est « français » vu que le siège social est situé pour d'évidentes raisons fiscales au Luxembourg et qu'il possède des usines aux 4 coins de la planète.
Le patron d'Arcelor, Guy Dollé, ne manque pas de culot pour vanter « la culture sociale » d'Arcelor. Il est à la direction de ce qui fut Usinor, puis Arcelor, depuis 20 ans. Deux décennies marquées par les fermetures d'usine et les suppressions d'emplois. Il a beau jeu de dire que Mittal veut fermer le laminoir de Schifflange au Luxembourg, il a fermé, lui, celui de Dudelange et compte éteindre les derniers hauts-fourneaux de Lorraine d'ici 2010 et de nombreuses autres installations en Europe en particulier en Belgique et en Allemagne.
La bataille boursière entre Mittal et Arcelor est bien une bataille de requins ou de crocodiles, comme on voudra. Ces requins sont bien unis pour déchiqueter, ensemble ou séparément, l'emploi et les conditions de travail des travailleurs de l'acier. Alors, nous n'avons pas à choisir le requin Arcelor contre le requin Mittal, mais nous devons nous préparer à nous défendre contre leurs futurs mauvais coups.
En matière de destruction d'emplois, le gouvernement montre l'exemple et y contribue largement. Ainsi, dans l'éducation nationale, 370 postes d'enseignants seront supprimés en Lorraine à la rentrée prochaine si nous les laissons faire. En 3 ans, ce sont plus de 1 500 postes de profs et d'instituteurs qui seront ainsi supprimés dans notre région.
Les autorités les justifient en invoquant la baisse du nombre d'élèves dans les établissements scolaires.
En fait, le ministère supprime bien plus de postes que la baisse prévue du nombre d'élèves. Par exemple, dans le primaire, une centaine de postes d'instituteurs devraient être supprimés pour une prévision de 600 élèves en moins, soit un instit en moins pour? 6 élèves ! Bien loin de la réalité vécue dans les écoles.
La répartition par département est également éclairante. En Meuse, selon les prévisions du ministère, il y aurait 32 élèves en plus en septembre prochain mais cela ne l'empêche pas de supprimer 6 postes. En Meurthe-et-Moselle, les prévisions envisagent 7 élèves de moins à la rentrée prochaine, mais 16 postes seront liquidés.
En fait, indépendamment du nombre d'élèves prévus ou prévisibles, le gouvernement cherche à diminuer le nombre de postes dans l'éducation car, à force de diminuer les impôts sur les très riches, à force de subventionner à qui mieux mieux les grosses entreprises, il n'a plus de quoi faire fonctionner les services publics. Car ce qui est vrai pour l'enseignement l'est également pour la Poste, les hôpitaux et tous les services publics.
Aux hôpitaux de Nancy, c'est la sous-traitance à tout va. Pour faire fonctionner l'hôpital, la direction utilise maintenant de nouveaux contrats les CAE, autrement dit les contrats d'accompagnement dans l'emploi, qui sont en fait des emplois précaires, à 30 heures par semaine pour un an, payés au SMIC horaire, c'est-à-dire 8 euros de l'heure. Ce sont en fait des contrats d'accompagnement vers l'ANPE : dès l'embauche, la direction prévient les employés qu'ils n'auront jamais de poste fixe à l'hôpital.
Les conditions d'existence des travailleurs de la région sont à l'image de la situation de l'ensemble du monde du travail. Changer cette situation ne peut venir que d'un changement des rapports de forces entre, d'un côté, le grand patronat et le gouvernement à son service et, de l'autre, l'ensemble des travailleurs.
Mais là-dessus, je passe la parole à notre camarade Arlette Laguiller.
Intervention d'Arlette Laguiller
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Villepin a donc choisi d'arrêter toute discussion sur le « contrat première embauche » même à l'Assemblée nationale où, pourtant, il a la majorité absolue. L'amendement spécifique sur ce contrat a déjà été voté par une Assemblée où à peine plus d'un dixième des députés étaient présents. Villepin a fait, pourtant, appel à un article de la Constitution, le 49.3, qui permet au Premier ministre de faire passer la loi qu'il veut, sans discussion, sans modification, sans amendement.
Nous n'allons pas pleurer sur le mépris que cela témoigne de la part de Villepin autant contre le Parlement qu'à l'égard de sa propre majorité. Cela fait longtemps que l'Assemblée nationale qu'on nous présente comme la représentante de la volonté populaire n'est qu'une chambre d'enregistrement de décisions prises ailleurs.
Qu'il soit voté, avec discussion, par une majorité aux ordres ou qu'il soit imposé à l'Assemblée elle-même, le « contrat première embauche » est de toute façon une attaque grave contre les droits des travailleurs.
Oh, la généralisation de la précarité ne date pas de cette semaine. Mon camarade Mario Rinaldi a cité ces entreprises où les travailleurs intérimaires constituent en permanence un pourcentage important des travailleurs. Et puis, depuis un quart de siècle, sous prétexte d'inciter les patrons à créer des emplois, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont ingéniés à inventer de nouvelles catégories d'emplois précaires, de stages mal payés ou pas payés du tout, des contrats qui violaient le code du travail.
Le « contrat nouvelle embauche » d'abord, puis le « contrat première embauche » constituent cependant des pas supplémentaires importants dans la légalisation de la précarité. D'exception, la précarité devient la règle.
Le « contrat nouvelle embauche » autorisait déjà, pendant deux ans, un patron à mettre à la porte un travailleur sans motif, c'est-à-dire sans raison. Mais ce contrat était encore limité à des entreprises de moins de 20 salariés. On pouvait encore invoquer le cas d'un artisan, en situation d'embaucher aujourd'hui, mais pas certains que ses affaires lui permettent de garder son ouvrier six mois plus tard. C'était déjà un mensonge, pour faire avaler la suite.
Et la suite, la voilà. Le « contrat première embauche » ne concerne certes, pour le moment, que les moins de 26 ans. Mais, en revanche, n'importe quelle entreprise peut y avoir recours, y compris les plus puissantes.
L'un comme l'autre de ces contrats livrent pendant deux ans l'embauché et son emploi à l'arbitraire complet de son patron. Pendant deux ans, celui-ci peut rompre le contrat à n'importe quel moment.
Et chacun sait les conséquences de ce type de précarité pour une multitude d'aspects de la vie quotidienne, à commencer par le logement car les propriétaires sont entièrement libres de ne louer qu'à ceux qui ont un revenu stable.
Villepin et ses ministres se répandent sur les ondes pour expliquer que c'est mieux que rien car cela permet à un jeune qui n'a pas d'emploi d'un trouver un. Mais les entreprises n'embauchent des travailleurs que si elles en ont besoin. Celles qui embaucheront l'auraient fait de toute façon. Désormais, elles peuvent le faire sans la moindre obligation légale à l'égard de leurs travailleurs, avec le droit souverain de les mettre à la porte quand ils le veulent. C'est un beau cadeau au patronat, sans que cela crée un seul emploi en plus !
Il n'y a aucune raison de faire ce cadeau de plus au patronat !
Le code du travail n'a jamais constitué une défense bien solide face à l'arbitraire patronal. La preuve : cela fait des années, sinon des décennies, que les patrons le violent ouvertement. Comme le viole d'ailleurs l'Etat lui-même car il emploie des dizaines de milliers de contractuels, d'auxiliaires, de stagiaires, toute une variété de contrats précaires aussi bien dans l'enseignement qu'à la Poste, dans les hôpitaux ou dans la Fonction publique. Mais il ne faut pas les laisser aller plus loin ! Il faut les arrêter avant qu'on revienne complètement à ces situations du passé, où on était embauché chaque matin pour la journée.
Ceux qui ont manifesté cette semaine, jeunes ou salariés, contre ces contrats et contre la précarité en général, ont eu raison. Mais il faut que la pression continue et se renforce.
Dans plusieurs villes, vote du Parlement ou pas, les jeunes ont continué à manifester. C'est la bonne voie. Ce que le Parlement a voté, il peut le retirer sous la pression de la rue. Balladur, qui avait tenté en son temps d'imposer une sorte de Smic Jeunes, inférieur au Smic normal, avait dû reculer devant la montée des protestations venant en particulier de la jeunesse. Eh bien, j'espère, je souhaite qu'il en sera de même cette fois-ci.
Nous appelons à participer à toutes les manifestations des semaines qui viennent ! Il faut qu'elles contribuent à ce que la journée de mobilisation du 7 mars à laquelle appellent les principales organisations syndicales aussi bien ouvrières qu'étudiants, soit massivement suivie ! Il faut que ce soit un succès !
Le gouvernement a porté, cette semaine un autre coup aux jeunes. Ou, plus exactement, aux plus jeunes, ceux qui sont considérés comme mineurs, sans les droits civils et politiques des adultes. Eh bien, les moins de seize ans auront désormais au moins un droit, celui de travailler même la nuit ! En effet, au détour d'une discussion sur l'abaissement de l'âge légal de l'apprentissage, la majorité des députés aux ordres a décidé que, désormais, le travail de nuit est autorisé pour les mineurs à partir de 15 ans !
En continuant comme cela, on finira par revenir légalement au travail des enfants !
Et combien d'autres mesures, rien que ces derniers jours, qui sont autant de saletés à l'égard des travailleurs ou des classes populaires ? La taxe Delalande qui était censée protéger les travailleurs âgés contre le licenciement sera supprimée. Oh, cette taxe n'empêchait pas les patrons de licencier un salarié âgé, mais ils devaient au moins payer une taxe à l'Unedic ! Désormais, les patrons qui licencient garderont cette somme et l'Unedic accroîtra un peu plus son déficit.
Et comment ne pas être révolté contre le fait, dénoncé par les associations de handicapés, que les quelques aides financières prévues pour les handicapés lourds par une loi de février 2005 ne sont toujours pas versées car les décrets d'application ne sont pas passés ?
Une autre infamie cette semaine : la nouvelle loi sur l'immigration.
Le projet de loi Sarkozy aggrave les conditions d'obtention de la carte de séjour, rend pratiquement impossible pour un sans-papiers la régularisation de sa situation, interdit pratiquement le regroupement familial, fragilise la situation de tous les travailleurs immigrés.
Sarkozy et ses semblables savent que les chaînes de production des grandes entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Alors, ils parlent « d'immigration choisie » et de « sélectionner des immigrés en fonction des besoins de l'économie », c'est-à-dire en fonction des demandes du patronat. Les immigrés doivent être célibataires, en bonne santé, en bonne condition physique, exploitables à merci, sans les frais d'une famille ou de la maladie. Et il faudrait, en plus, qu'ils considèrent le droit de se faire exploiter ici comme un privilège, qu'ils se fassent tout petits et qu'ils acceptent tout.
Oui, cette loi est un coup contre tous les travailleurs. Car, si le gouvernement parvenait à rendre une fraction de la classe ouvrière plus malléable, c'est l'ensemble des travailleurs qui serait affaibli, qu'ils aient la carte d'identité française ou pas.
Mais je suis convaincue que ce calcul, pour être barbare, est en même temps stupide car, lorsque le monde du travail se mettra en branle pour se défendre, il n'y aura plus de différences en fonction des origines des uns et des autres. Il n'y aura que le combat d'une seule et même classe ouvrière.
L'autre façon, pour les patrons, de peser sur les salaires est, pour les patrons, de faire appel à des sous-traitants, voire à des sous-traitants de sous-traitants, qui font venir de la main-d'oeuvre notamment de l'est de l'Union européenne, en lui imposant des salaires minables. Les organisations syndicales ont appelé à manifester à Strasbourg pour protester contre la nouvelle mouture de la directive Bolkestein qui vient au vote devant le Parlement européen le 14 février prochain. La première version autorisait les sociétés de services à appliquer dans les pays occidentaux, dont la France, les salaires des pays de l'Est qui sont trois fois, cinq fois moindres que les salaires d'ici.
Les organisations syndicales européennes ont, bien sûr, raison de protester contre cette directive, même s'il y a une nouvelle rédaction. D'autant qu'elle officialise des pratiques qui ont déjà cours, et pas seulement dans le domaine des services.
Rien que cette semaine, deux faits portés à la connaissance de l'opinion publique par la CGT ont défrayé l'actualité. A Saint-Nazaire, sur les Chantiers de l'Atlantique, le trust Alstom fait travailler des sociétés sous-traitantes qui emploient des salariés venus d'Europe de l'Est ou d'Asie avec des salaires de l'ordre de 400 euros par mois ! De surcroît, ils sont logés dans des conditions infectes. EDF, elle-même société où la participation de l'Etat reste encore présente, a sous-traité le travail sur un de ses chantiers, à Porcheville, à une entreprise polonaise employant également des travailleurs amenés de Pologne payés à ce salaire dérisoire !
Alors, bien sûr, les syndicats ont raison de mener la chasse à ce genre de pratique. Non pas en s'opposant à la venue de travailleurs de l'Est européen ou du tiers-monde mais, au contraire, en établissant avec eux des relations fraternelles et en imposant que, quel que soit leur pays d'origine ou celui du sous-traitant qui les emploie, les salaires soient les mêmes pour tous les travailleurs !
Pour les patrons, les travailleurs sont des marchandises qu'ils achètent, ici ou ailleurs, en fonction du profit qu'ils rapportent. Eh bien, il faut que leur calcul se retourne contre eux ! Oui, qu'ils mélangent donc, dans les mêmes entreprises, sur les mêmes chantiers, des travailleurs importés des quatre coins du monde ! Si le mouvement ouvrier est digne de ses traditions et agit en conséquence, c'est dans ce creuset, mis en place par les patrons eux-mêmes, que se formera la conscience de faire partie de la même classe ouvrière internationale.
A propos du « contrat première embauche », Villepin a eu le culot de déclarer, récemment, « qu'il n'y a jamais eu une proposition faite aux jeunes qui soit aussi avantageuse et protectrice » ! Le cynisme de ces ministres, de ces domestiques du capital, est sans limite ! Plus ils tapent sur les ouvriers, plus ils prétendent que c'est pour leur bien !
Le gouvernement a amputé les retraites en prétextant que c'était pour les sauver. Il a aggravé le sort des chômeurs sous prétexte de sauver l'Unedic. Dans le nouvel accord Unedic, que trois confédérations syndicales n'ont pas eu honte de ratifier, c'est aux chômeurs qu'on se prépare à faire payer le prétendu déficit de l'Unedic. La cotisation chômage sera augmentée, en même temps qu'est réduit le montant de l'allocation, et il faudra avoir travaillé plus longtemps pour pouvoir la toucher.
Certaines des mesures décidées par le gouvernement, celles notamment concernant la précarité, profitent directement au patronat. D'autres, celles qui sont décidées avec le prétexte de faire faire des économies au budget de l'Etat ou de la Sécurité sociale, leur profitent tout autant. L'argent que l'Etat économise sur le dos des travailleurs, des chômeurs, des retraités, finit par se transformer en subventions, en passe-droits, en baisses de fiscalité, pour les entreprises, c'est-à-dire pour leurs patrons et pour leurs actionnaires.
L'Etat fonctionne de plus en plus ouvertement comme une immense pompe destinée à prélever sur les travailleurs des sommes de plus en plus importantes drainées vers la classe riche.
Depuis plusieurs années, les profits des entreprises explosent. Cette année encore, le profit global des quarante entreprises les plus riches ont augmenté de 22 %. Dans les jours qui viennent, les banques se préparent à annoncer à leur tour leurs profits. Même un journal aussi respectueux de l'ordre établi que Le Monde, qui a eu vent des chiffres de hausse de profits, constate, pour le déplorer qu'à « elles seules, les trois grandes (BNP, Société générale, Crédit agricole) ont dégagé des bénéfices supérieurs au produit intérieur brut de la Côte-d'Ivoire ».
Presque rien, de ces profits gigantesques, ne va aux salariés, à ceux, ouvriers ou employés, dont le travail permet de les produire. Pas d'augmentation de salaire, pas d'emplois supplémentaires, pas de réduction des horaires de travail !
Les bénéfices ne servent à rien, non plus, pour la société. Ils ne sont pas investis dans la production. Ils ne sont pas utilisés pour la recherche. Ils sont distribués aux actionnaires, dont les plus riches deviennent encore plus riches. Ils sont dilapidés en consommation de luxe ou en placements spéculatifs.
Mon camarade vient de parler de la bataille boursière déclenchée dans la sidérurgie avec l'offre publique d'achat de Mittal Steel, premier trust mondial, sur Arcelor, qui est le deuxième. Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons de s'inquiéter devant cette opération boursière. Si Mittal Steel parvient à avaler Arcelor, il y aura des restructurations qui se traduiront inévitablement par des suppressions d'emplois. Si Arcelor parvient à résister, la direction fera payer à ses travailleurs le prix de sa résistance victorieuse.
Mon camarade a rappelé ce que la prétendue « restructuration » de la sidérurgie a coûté : cent mille emplois supprimés pour une production identique ! Quinze milliards d'euros, cent milliards de francs, déboursés par l'Etat au seul bénéfice des actionnaires de la sidérurgie !
Voilà de quelle façon on creuse le déficit de l'Etat ! Voilà pourquoi l'Etat n'a plus d'argent ensuite pour les services publics ! Voilà pourquoi on oblige les hôpitaux à ne pas dépasser un certain montant de dépenses même si cela se traduit par une absence criante de personnel, soignant ou pas ! Voilà pourquoi il n'y a pas d'argent non plus pour l'Education nationale !
Le gouvernement vient d'annoncer qu'un certain nombre d'écoles classées auparavant en zones d'éducation prioritaire seront déclassées. Or, le nombre d'enseignants est déjà insuffisant par rapport aux besoins de ces zones, mais en plus on se prépare à leur retirer encore des enseignants !
Pour en revenir à la sidérurgie, rien que l'annonce de la bagarre boursière a fait s'envoler le prix en Bourse des actions Arcelor, 28 % en une journée ! Vous imaginez ce que 28 % de plus représentent sur des fortunes en actions qui représentent des centaines de millions d'euros ! Toute la presse a rapporté que l'actionnaire principal, Mittal Steel, troisième fortune du monde, qui vit en Grande-Bretagne, a choisi pour marier sa fille de le faire à Versailles et, pour que son millier d'invités ne soit pas à l'étroit, il a loué le château de Vaux-le-Vicomte et le parc de Saint-Cloud pour la modique somme de 50 millions d'euros !
Voilà à quoi servent les profits gigantesques dont se vantent les grandes entreprises ! Voilà dans quel but on diminue les effectifs dans les entreprises et on licencie au nom de la rentabilité ! Voilà à qui profitent les nouvelles formes de précarité que le gouvernement s'ingénie à inventer ! Voilà pourquoi on fait crever les uns au travail pendant que les autres, transformés en chômeurs, n'ont qu'à crever de misère !
Eh bien, de cette société, nous n'en voulons plus !
Vous savez qu'il n'y a même plus besoin d'être chômeur pour tomber dans la misère. Un tiers des sans-domicile, condamnés à errer d'asile en refuge, sont des gens qui ont pourtant un emploi, mais un salaire misérable. Comment payer un logement quand on est précaire ou en temps partiel non choisi, touchant en bout de mois la moitié ou le tiers du Smic ? Comment même en trouver un, quand on n'a pas de quoi payer la caution exigée ?
Mais, bien au-delà de ceux qui, n'ayant pas de logement du tout, sont contraints de dormir dehors, même par ces temps glaciaux, combien d'autres vivent dans le provisoire ou chez des parents ? Le rapport de la Fondation Abbé Pierre pour 2005, qui vient d'être rendu public, estime à plus de 5 millions le nombre total de personnes qui vivent dans des conditions d'hygiène et de confort inacceptables ou fragiles. Et on voit réapparaître, aux abords des grandes villes ces bidonvilles dont on croyait qu'ils avaient été définitivement liquidés dans les années 1970.
L'exploitation aggravée des travailleurs, que traduit la hausse spectaculaire des profits, arrose toute une classe de privilégiés, qui vivent bien. Ceux-là ont de solides raisons de considérer ce gouvernement comme le leur, à applaudir comme « courageuse » la politique qui diminue la part des travailleurs, car elle augment leur part, à eux.
C'est à ceux-là qu'un Sarkozy cherche à plaire. Jusqu'à son langage, son mépris des pauvres, et ce ramassis de slogans ou de gestes réactionnaires qu'il envoie tous azimuts en attendant que l'écho lui en revienne, sous la forme de quelques points gagnés dans les sondages.
Eh bien, je suis fière, et nous à LO nous sommes tous fiers, de ne pas avoir appelé à voter pour Chirac en 2002, contrairement aux grands partis réformistes, qui se sont littéralement couchés devant cet homme de droite. Oui, nous sommes fiers d'avoir été les seuls à rejeter fermement Le Pen, sans pour autant nous jeter dans les bras de Chirac. On voit bien aujourd'hui que voter pour Chirac, c'était voter pour les requins qui l'entourent. Entre autres, pour les idées de Le Pen à travers Sarkozy, qui ne vaut guère mieux que Le Pen et qui, lui, deviendra peut-être président en 2007.
Le Pen n'a pas fini de servir d'alibi à la gauche réformiste. En présentant systématiquement comme fasciste le démagogue d'extrême droite, elle attribue par la même occasion un label « démocrate » à des hommes qui ne sont guère différents, ni par leur langage, ni par leurs intentions.
La droite au gouvernement mène une politique si clairement antipopulaire que les dirigeants de la gauche croient qu'il leur suffira d'attendre, et que le mécontentement contre la politique de la droite leur donnera une chance de l'emporter aux élections de 2007.
Ce en quoi ils se trompent peut-être. Car le dégoût de ce petit jeu politique, entre une droite vraiment anti-ouvrière et une gauche qui l'est hypocritement, finit par dégoûter un nombre croissant d'électeurs des classes populaires. Les uns se détournent seulement des élections. Mais combien, parmi les moins conscients, penseront en 2007 qu'en votant Le Pen, ils donneront un bon coup de pied dans la fourmilière ? Ce serait, de leur part, un calcul irresponsable, mais la responsabilité en incombe aux partis de gauche qui ont ôté aux travailleurs jusqu'à l'idée qu'ils doivent se défendre eux-mêmes, sans attendre les élections.
Mais quelle raison positive auraient donc les travailleurs de voter pour le Parti socialiste ? Qu'est-ce qui, dans ses promesses, pourrait leur donner l'espoir que leur vie pourrait changer, avec le changement électoral ?
Contrairement à ce qu'on nous reproche bien souvent, nous ne disons pas que les partis de droite et les partis de gauche sont identiques. Ce que nous disons, c'est que les partis de droite comme les partis de gauche sont des partis bourgeois, car ni les uns ni les autres ne veulent toucher à l'ordre social existant mais, au contraire, le gérer tel qu'il est, avec son économie de marché aveugle, sa classe capitaliste rapace, ses injustices sociales criantes.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les partis de gauche ont cependant pris quelques mesures progressistes. Mitterrand a aboli la peine de mort, ce qui est certainement un pas en avant du point de vue tout simplement humain. C'est encore un gouvernement socialiste qui a décidé le PACS. Mais l'une comme l'autre de ces mesures avaient l'avantage pour le PS de ne pas toucher aux intérêts du patronat, et ne pouvaient en rien changer la situation des salariés.
Les rares fois où les socialistes ont pris des mesures un peu favorables aux travailleurs, comme la loi des 35 heures, ils ont craint la réaction du patronat. Alors, pour que celui-ci n'ait pas le sentiment que ses intérêts étaient lésés, ils ont assorti la réduction de l'horaire hebdomadaire de travail de tellement de concessions au patronat, comme la flexibilité des horaires, les exonérations de charges sur les bas salaires, le Smic à plusieurs niveaux, que, pour bien des travailleurs, ce qu'ils ont perdu était supérieur à ce qu'ils ont gagné. Mais le patronat n'en a même pas été reconnaissant au Parti socialiste.
Cette année 2006 va entièrement tourner autour de l'élection présidentielle à venir. D'autant plus que cette présidentielle conditionnera les législatives organisées dans la foulée, et dont dépend la place des 577 députés. Les élections municipales suivront un peu plus tard. Tout cela représente bien des sinécures et bien des retombées pour les amis.
Du côté de la droite, on verra bien qui, de Sarkozy ou de Villepin, parviendra à se débarrasser de l'autre. Pour sanglant que soit leur affrontement, l'issue ne recèle nulle surprise pour les travailleurs, en tout cas pas une bonne surprise. Que ce soit l'un ou l'autre qui soit élu, il poursuivra la politique qui est menée par l'actuel gouvernement, probablement en l'aggravant, fort de la légitimité d'être fraîchement élu.
Du côté de la gauche, il y a bien pléthore de candidats à la candidature. Mais s'il y a un suspense pour savoir qui, au PS, s'imposera, il y en a bien moins sur le fait que c'est le candidat du PS qui représentera toute la gauche réformiste au deuxième tour. Si tant est, du moins, qu'il y ait un candidat de la gauche au deuxième tour, et pas une répétition du scénario de 2002, avec Le Pen comme challenger de Sarkozy, à moins que ce soit Villepin.
Pour tenter de retrouver dans l'électorat populaire une partie du crédit perdu pendant les cinq ans du gouvernement Jospin, les candidats à la candidature socialiste à la présidentielle font quelques gestes destinés à lui plaire.
A la manifestation contre le « contrat première embauche » mardi dernier, on a vu pour la première fois depuis bien longtemps tous les grands dignitaires du PS faire acte de présence, de Fabius à Strauss-Kahn, en passant par Lang et Hollande.
Le Parti socialiste, de son côté, diffuse largement un tract réclamant le « retrait du CPE ». Tant mieux si les militants du PS sont, pour une fois, mobilisés pour défendre une revendication qui correspond aux intérêts des travailleurs ! Mais la présence du PS aux manifestations contre la précarité ne l'engage en rien sur ce qu'il fera une fois de retour au pouvoir. Faut-il rappeler qu'en 1997, en pleine campagne électorale, Jospin, alors dans l'opposition, s'était donné la peine d'aller à Bruxelles pour participer à une manifestation syndicale unitaire, organisée pour protester contre la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde. Même ceux qui ne s'en souviennent pas se rappellent en revanche que, devenu Premier ministre, Jospin s'était contenté de lever les bras en signe d'impuissance et de déclarer que, « sur le dossier Vilvorde, ce n'est pas le gouvernement qui décide ». En d'autres termes, qu'il ne pouvait rien contre la fermeture de cette usine et le licenciement de ses travailleurs et il avait laissé faire !
Sur convocation du PS, les différentes composantes de l'ex-Gauche plurielle se sont retrouvées mardi dernier, pour la première fois depuis 2002. Les participants à cette réunion, du PCF aux Verts, en passant par les Radicaux de gauche et les Chevènementistes, se sont félicités de la réunion. « Un pas en avant important », commentait même un des membres de la direction nationale du PCF. Il n'en est pas sorti grand-chose car, si la réunion témoigne de la volonté de ces différents partis de recomposer une nouvelle version de l'ex-Gauche plurielle décomposée, pour le moment les différentes parties en sont aux marchandages.
Dans ce marchandage, c'est le PS qui a les principaux atouts en main car c'est de lui et de son soutien que dépendra le nombre de députés PC ou Verts. Aussi, si on ne sait pas encore quel sera en particulier pour le PC son choix pour la présidentielle, on sait qu'il sera conditionné par l'entente avec le PS pour les législatives.
Car tel est le résultat inéluctable de dizaines d'années de politique d'abandon du terrain de la lutte de classe par le PCF.
Ce parti, qui avait la présence que l'on sait dans la classe ouvrière, a usé tout son crédit auprès des travailleurs pour les détourner de la lutte de classe et pour les convaincre depuis trente ans que la seule perspective pour les travailleurs, le seul débouché politique possible, était un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes. Mais, malgré la présence de ses ministres au gouvernement pendant trois ans sous Mitterrand, pendant cinq ans avec Jospin, le PCF, jamais en situation de peser sur la politique menée, n'a fait que la cautionner devant les travailleurs, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
C'est à cause de cette politique que le PCF a perdu une grande partie de ses militants et une grande partie de son influence dans la classe ouvrière. Et, aujourd'hui, sa direction en est réduite à n'avoir aucune autre perspective à proposer que de se rallier, à nouveau, tôt ou tard, au PS.
Nous ne savons pas à quoi aboutiront les grands manoeuvres autour de José Bové. Il a dit qu'il ne se présenterait que s'il était soutenu par tous les partis qui sont à la gauche du Parti socialiste. Ce qui pourrait signifier le Parti communiste, une partie des Verts, des altermondialistes et la LCR.
Si le PCF choisissait de ne pas présenter son propre candidat à la présidentielle - ce qui n'est pas de son intérêt - il serait étonnant, qu'il choisisse en plus de disparaître derrière Bové qui ne peut pas lui garantir aux législatives les places de députés que seul l'accord avec le PS peut lui garantir.
Il est donc peu vraisemblable que José Bové maintienne ses conditions et que sa candidature soit possible. Si, cependant, par extraordinaire, il réalise cette union derrière son nom, nous ne participerons pas à cette alliance hétéroclite, surtout pas avec deux partis, le PCF et les Verts, qui ont fait partie du gouvernement Jospin et qui sont responsables de sa politique et, donc, du désaveu de son propre électorat et de sa défaite.
Et puis, ce que nous avons à dire pour défendre les intérêts des travailleurs, José Bové ne le dira pas. C'est pourquoi, de toute façon, Lutte ouvrière présentera ma candidature. Mais il y a de fortes chances que la LCR en fasse autant, si elle le peut? même si elle n'ose pas le dire pour le moment.
Alors oui, nous, Lutte ouvrière, serons présents dans ces campagnes électorales pour nous adresser au monde du travail. Nous y défendrons les intérêts vitaux de tous ceux qui, lorsqu'ils ont un emploi, n'ont que leur salaire pour vivre, ouvriers, employés, cheminots, enseignants, postiers, personnel des hôpitaux et des services publics. Nous y défendrons aussi ceux qui, aujourd'hui à la retraite après une vie de travail, n'ont qu'une pension dérisoire.
Et, puisque les campagnes électorales, et plus particulièrement l'élection présidentielle, sont les seules occasions qui nous sont données de nous faire entendre de l'ensemble des classes populaires de ce pays, nous saisirons bien sûr cette occasion pour le faire. En sachant cependant que, pour pouvoir le faire, nous avons des conditions légales à remplir et beaucoup d'obstacles à franchir.
Mais d'ici les élections, il se passera plus d'un an. Et j'espère, je souhaite que, d'ici là, les travailleurs réagissent aux coups qui leur sont portés.
Au-delà même de la mobilisation contre le C.P.E., il y aura bien d'autres mouvements cette année. Tout simplement parce que l'attitude du patronat ne sera pas moins dure cette année qu'elle ne l'a été l'année dernière . Et, devant la fermeture de leurs entreprises ou devant d'importantes suppressions d'emplois ou une baisse de salaire, un certain nombre des travailleurs estimeront, à juste raison, que, même le dos au mur, il vaut mieux se battre que de se résigner.
Mais il est évident aussi que, dans le contexte d'aujourd'hui, marqué par l'importance du chômage, le rapport des forces est favorable aux patrons.
Aucun travailleur ne peut espérer dans ces conditions remporter de victoires décisives dans le cadre d'une seule entreprise ou d'une seule corporation. C'est seulement un mouvement social de grande ampleur, déterminé, touchant le gros des bataillons de la classe ouvrière, qui peut faire peur au grand patronat et au gouvernement et bouleverser le rapport des forces au point d'imposer les exigences vitales du monde du travail. Mais tout le problème est de savoir comment parvenir à cette réaction d'ensemble, qui ne se décrète pas mais qui devrait se préparer. Et c'est là où les grandes directions syndicales ne sont pas à la hauteur des exigences de la situation, pas même la CGT, qui n'annoncent pas de stratégie de mobilisation claire, nécessaire pour que les travailleurs reprennent confiance dans la lutte.
Ce n'est pas une nouveauté, la plupart des grandes luttes du passé, celles en tout cas qui ont fait réellement trembler le grand patronat et le gouvernement, celles qui les ont obligés à reculer, sont parties de la classe ouvrière elle-même, et ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont obligé les syndicats à les suivre.
Personne ne peut prédire si le CPE est la provocation de trop de la part de ce gouvernement anti-ouvrier qui soulèvera une colère assez puissante pour le faire reculer. La réaction la plus importante vient pour le moment de la jeunesse. Elle devra avoir assez de souffle pour continuer, comme elle l'a fait dans le passé contre les projets de Devaquet, puis de Balladur. Mais un changement réel du rapport des forces ne pourra venir que des gros bataillons de la classe ouvrière.
Il n'est, bien sûr, pas en notre pouvoir de provoquer l'explosion sociale nécessaire. Mais il est de notre devoir de contribuer à populariser les objectifs qui répondent aux intérêts vitaux de la classe ouvrière.
Cela fait bien des années que nous avons commencé à développer, sous le nom de « plan d'urgence », un ensemble de revendications qui correspondent à ces objectifs. Ces revendications n'ont rien perdu de leur actualité. Bien au contraire.
- Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits, et imposer le maintien de tous les emplois en prenant sur ces profits.
- Il faut que les salariés, les consommateurs et la population aient accès à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut éclairer les circuits de l'argent, voir d'où il vient, par où il passe, où il va et à qui il va. Il faut connaître et rendre publics, à l'avance, les projets des grandes sociétés. La gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration, en fonction de la seule rentabilité financière, montre jour après jour à quel point elle est nuisible pour la collectivité.
- Il faut une augmentation générale d'au moins 300 euros du Smic et de tous les bas salaires.
- Il faut mettre fin aux contrats précaires, à commencer par ceux baptisés frauduleusement « nouvelle embauche » ou « première embauche ». Il faut supprimer le temps partiel imposé. Il faut des salaires en aucun cas inférieurs au Smic augmenté, quel qu'en soit le prétexte invoqué : âge, stage?
- Quant au problème du logement, devenu insupportable pour les classes populaires, on ne sait que trop bien que les municipalités des villes bourgeoises sont surtout sensibles à la pression de leur clientèle électorale et que les notables préfèrent payer les amendes dérisoires dont la loi les menace plutôt que de construire des logements corrects à la portée de salaires de travailleurs. Sans parler de cette dernière ignominie que vient de voter la majorité de droite qui consiste à intégrer dans le quota de logements sociaux l'accession à la propriété dans le secteur des HLM.
Il faut donc imposer la construction par l'Etat, et non par les municipalités, d'habitats sociaux dans toutes les villes, en réquisitionnant les terrains nécessaires.
- Il faut embaucher des enseignants en nombre suffisant pour que, dans les quartiers populaires, surtout dans les plus défavorisés, tous les enfants, et en particulier ceux issus de l'immigration et qui maîtrisent mal le français, trouvent des classes maternelles en nombre suffisant, pour que leurs effectifs permettent aux enseignants de transmettre à ces enfants les connaissances élémentaires que leurs familles sont dans l'incapacité de leur transmettre.
- Il faut en conséquence contraindre l'Etat à prendre sur la classe riche, sur ses revenus et, au besoin, sur sa fortune, de quoi faire face à ces obligations. En commençant d'abord par arrêter toute subvention ouverte ou déguisée aux entreprises, et tout cadeau aux riches particuliers.
Pour imposer tout cela, il faut une lutte déterminée et radicale du monde du travail. Si dur que cela paraisse aujourd'hui, c'est moins utopique qu'espérer que les élections de 2007, quels qu'en soient les résultats, changent en quoi que ce soit le sort des travailleurs.
Voilà, amis et camarades, les revendications que nous aurons à populariser pendant la période qui vient, car elles correspondent aux intérêts vitaux du monde du travail. Nous le ferons autour de nous, dans nos entreprises comme en dehors, avec nos moyens qui sont certes limités, mais nous le ferons avec détermination. Nous le ferons pendant la campagne électorale, avec les moyens plus larges dont nous disposerons peut-être.
Et j'espère, je souhaite, que tous ceux qui sympathisent avec nos idées ou qui, simplement, se retrouvent dans les objectifs que je viens d'énumérer, nous rejoignent pour mener ce combat, avant comme pendant la campagne électorale !
Alors, camarades, bon courage et à bientôt !

Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 13 février 2006