Texte intégral
Q- Le comité directeur de votre organisation syndicale se réunit ce matin. Il rassemble l'ensemble de vos fédérations et il va décider de signer ou de ne pas signer la convention Unedic sur le chômage. Quel est votre pronostic ? Vous êtes bien placé pour savoir ce qui va se passer...
R- Oui. Déjà, quelques mots pour dire pourquoi nous en sommes arrivés là...
Q- Mais d'abord, quel est votre pronostic ?
R- Mon pronostic est une signature, mais il est évident que c'est loin d'être joué, car nous avons un certain nombre de collègues qui sont sceptiques, compte tenu des turpitudes que nous avons traversées, en particulier depuis cinq ans, depuis la mise en oeuvre du PARE, et les différents problèmes que nous avons connus, en particulier l'affaire des recalculés...
Q- Quand vous parlez de "turpitudes", c'est quand même un mot très dur, non ?
R- Il est bien évident que nous avons quand même traversé des difficultés, nous continuons...
Q- Des difficultés que vous attribuez au Medef ?
R- A l'ensemble des problèmes que nous rencontrons, les rigidités du marché du travail, les problèmes d'indemnisation... L'assurance chômage est un régime assurantiel et nous constatons que nous avons de moins en moins de collègues qui peuvent prétendre à être indemnisés, les conditions sont de plus en plus dures. Il est bien évident qu'il faut réformer tout cela, dans la mesure où nous voyons bien que le marché du travail évolue, notamment avec la montée en puissance des contrats précaires.
Q- Précisément, en attendant cette réforme plus vaste, aujourd'hui, quelles sont les réticences que vous avez à signer ? Vous dites que ce sera probablement signé, néanmoins pourquoi avoir attendu ? Quelles sont les réticences que vous avez sur l'accord te qu'il a été ratifié par, déjà, deux organisations syndicales ?
R- Essentiellement le fait que nous continuons un processus de rigidification du système, mais d'exclusion, il faut bien le dire, de certaines catégories de chômeurs. Nous avons également un problème - je rappelais les difficultés depuis cinq à six années - : nous avions stipulé, dès le départ cette négociation, que nous voulions renforcer la portée d'une signature avec quatre signataires. Or depuis la semaine dernière, nous savons que nos collègues de FO ont décidé de ne pas ratifier. Vous me direz que cela nous met en première ligne, nous sommes tout à fait responsables de ce qui va arriver dans les heures et les jours qui viennent. Pour ce qui me concerne, je vais pousser à la signature, parce que je pense que malgré les difficultés actuelles de notre économie, de notre marché du travail, entre partenaires sociaux, nous devons démontrer que nous sommes adultes et essayer de faire en sorte que le paritarisme vive dans notre pays, plutôt que de s'en remettre toujours à l'Etat.
Q- Donc si je vous comprends bien, de votre point de vue, mieux vaut un mauvais compromis qui sauve le paritarisme, qu'un refus aujourd'hui au nom du caractère insuffisant de cet accord ?
R- Oui, parce que je parlais d'une réforme nécessaire de l'assurance chômage et il faut qu'elle intervienne le plus rapidement possible. Nous avons une montée en puissance des contrats précaires, que ce soient les CDD, l'intérim, le CNE... Et l'on sait pertinemment que les collègues qui sont confrontés à ce type de contrat passent inévitablement par la case chômage et consomment des indemnités. Or il n'y a pas de recettes en face, c'est comme pour les intermittents du spectacle : il faut examiner ces particularités et rebâtir l'architecture du régime. Si nous signons, c'est en particulier parce que nous avons obtenu dans l'accord, que la réforme de l'architecture du système soit entamée dès 2006. En quelque sorte, notre signature est un pari sur l'avenir.
Q- Avez-vous le sentiment que le Medef a joué le jeu ? FO s'est retirée de l'accord, parce qu'elle avait l'impression d'avoir été trompée sur l'indemnisation et la formation des salariés emploi précaire, qui vous préoccupe ?
R- Oui, absolument...
Q- Alors, avez-vous le sentiment que le Medef a triché ?
R- Je pense qu'il y a eu une grande incompréhension, en particulier dans la dernière ligne droite, ce qui, au passage, démontre que le système franco-français, qui consiste à négocier durant des heures et des heures, et en particulier toute une nuit, a là aussi ses limites. Je crois qu'il va falloir que nous en revenions à des formules plus classiques et raisonnables : des négociations de quelques heures, quitte à se revoir plus souvent, pour que chacun soit vraiment en capacité d'appréhender le dispositif... Je crois qu'il y a vraiment eu incompréhension entre le Medef et FO, car sur le fond, il y avait eu beaucoup de progrès, beaucoup de concessions faites de part et d'autre. FO, comme nous, réclamait que l'on examine le problème de ces contrats précaires. On en était venu à simplement un effort de formation pour les CDD, il y avait eu des pas de fait les uns vers les autres et, à ce stade, il est regrettable que nous ne soyons pas parvenus à un accord.
Q- De deux choses l'une : ou bien c'est signé ou ça ne l'est pas...
R- C'est clair !
Q- Vous avez été élu à la présidence de la CFE-CGC, le jour même de la ratification de l'accord par deux organisations syndicales. Si cet accord n'est pas signé, autrement dit, si vous qui venez de souhaiter que l'accord soit signé, vous êtes démenti, que faites-vous ?
R- J'examinerai la situation. Je me trouve dans un cas un peu particulier : j'ai un CDD très court à la tête de mon organisation, puisque les circonstances malheureuses, suite au décès de J.-L. Cazettes, m'ont conduit à être élu pour la fin du mandat restant à courir, c'est-à-dire jusqu'en novembre prochain. Donc de toute façon, je remets mon titre en jeu dans dix mois. Je souhaite que cette année 2006, à une époque où notre pays, quand même, traverse des difficultés qui sont le cumul d'un certain nombre de blocages depuis des années, on réussisse simplement à montrer que l'on peut aller un peu les uns vers les autres et faire des pas un peu constructifs.
Q- Donc si l'accord n'est pas signé, vous restez à la tête de la CGC ?
R- Je gère !
Q- Vous gérez et vous participez néanmoins la réforme de l'Unedic ?
R- Bien entendu !
Q- Bien que non signataire ?
R- Je crois que c'est également de cas de FO...
Q- Quelles sont les pistes que vous souhaitez voir tracées pour cette réforme ? Est-ce que vous êtes d'accord avec les propositions, évoquées notamment par le président de la République, sur la réforme du financement de la protection sociale ?
R- Pour ce qui concerne la réforme du financement de la protection sociale, qui est un autre gros dossier, c'est essentiellement l'assurance maladie. Le président de la République a évoqué la piste d'une taxation de la valeur ajoutée des entreprises. Pour ce qui concerne la CFE-CGC, nous proposons depuis plusieurs années une cotisation sociale sur la consommation qui, par un allégement des charges salariales et patronales sur les salaires, baisserait le coût du travail en France, redonnerait du pouvoir d'achat aux salariés, puisque "baisse des cotisations", cela veut dire une revalorisation du net perçu par les salariés...
Q- Mais cela pénaliserait la consommation...
R- Non, à mon avis, pas à la hauteur que certains veulent bien le dire, dans la mesure où, d'une part, il y a un système concurrentiel qui exerce toujours une pression sur les prix et, d'autre part, le fait de redonner du pouvoir d'achat aux salariés par la revalorisation du net fait qu'ils pourraient évidemment consommer à l'identique, des produits qui seraient certes un peu plus taxés, mais l'ensemble des produits, y compris les produits importés. En particulier ceux qui, il y a encore quelques années, étaient fabriqués dans notre pays et qui, aujourd'hui, sont fabriqués à l'étranger - je pense aux téléviseurs, aux téléphones portables et à un certain nombre d'autres produits manufacturés.
Q- Deux précisions sur deux évènements à venir : d'abord, la conférence nationale sur la dette et les finances publiques, qui va être présidée à Bercy par le Premier ministre et à laquelle les partenaires sociaux sont invités. Est-ce que votre organisation syndicale fait confiance à ce Gouvernement pour réduire rapidement la dette ? Y croyez-vous ?
R- Malheureusement, je crois que là aussi, nous sommes victimes du cumul du passé. Cela fait vingt-cinq ans que les gouvernements successifs n'ont pas été en mesure de limiter les dépenses et d'optimiser les dépenses de la Nation. C'est bien de se pencher sur ce problème aujourd'hui, mais le budget 2006 vient d'être adopté...
Q- Contredit-il cet effort de réduction ?
R- A priori, il repose déjà sur une hypothèse de croissance qui me semble un tout petit peu optimiste. Et je vois mal comment on pourrait limiter les dépenses, pour entamer ce processus de décrue de la dette.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 janvier 2006)
R- Oui. Déjà, quelques mots pour dire pourquoi nous en sommes arrivés là...
Q- Mais d'abord, quel est votre pronostic ?
R- Mon pronostic est une signature, mais il est évident que c'est loin d'être joué, car nous avons un certain nombre de collègues qui sont sceptiques, compte tenu des turpitudes que nous avons traversées, en particulier depuis cinq ans, depuis la mise en oeuvre du PARE, et les différents problèmes que nous avons connus, en particulier l'affaire des recalculés...
Q- Quand vous parlez de "turpitudes", c'est quand même un mot très dur, non ?
R- Il est bien évident que nous avons quand même traversé des difficultés, nous continuons...
Q- Des difficultés que vous attribuez au Medef ?
R- A l'ensemble des problèmes que nous rencontrons, les rigidités du marché du travail, les problèmes d'indemnisation... L'assurance chômage est un régime assurantiel et nous constatons que nous avons de moins en moins de collègues qui peuvent prétendre à être indemnisés, les conditions sont de plus en plus dures. Il est bien évident qu'il faut réformer tout cela, dans la mesure où nous voyons bien que le marché du travail évolue, notamment avec la montée en puissance des contrats précaires.
Q- Précisément, en attendant cette réforme plus vaste, aujourd'hui, quelles sont les réticences que vous avez à signer ? Vous dites que ce sera probablement signé, néanmoins pourquoi avoir attendu ? Quelles sont les réticences que vous avez sur l'accord te qu'il a été ratifié par, déjà, deux organisations syndicales ?
R- Essentiellement le fait que nous continuons un processus de rigidification du système, mais d'exclusion, il faut bien le dire, de certaines catégories de chômeurs. Nous avons également un problème - je rappelais les difficultés depuis cinq à six années - : nous avions stipulé, dès le départ cette négociation, que nous voulions renforcer la portée d'une signature avec quatre signataires. Or depuis la semaine dernière, nous savons que nos collègues de FO ont décidé de ne pas ratifier. Vous me direz que cela nous met en première ligne, nous sommes tout à fait responsables de ce qui va arriver dans les heures et les jours qui viennent. Pour ce qui me concerne, je vais pousser à la signature, parce que je pense que malgré les difficultés actuelles de notre économie, de notre marché du travail, entre partenaires sociaux, nous devons démontrer que nous sommes adultes et essayer de faire en sorte que le paritarisme vive dans notre pays, plutôt que de s'en remettre toujours à l'Etat.
Q- Donc si je vous comprends bien, de votre point de vue, mieux vaut un mauvais compromis qui sauve le paritarisme, qu'un refus aujourd'hui au nom du caractère insuffisant de cet accord ?
R- Oui, parce que je parlais d'une réforme nécessaire de l'assurance chômage et il faut qu'elle intervienne le plus rapidement possible. Nous avons une montée en puissance des contrats précaires, que ce soient les CDD, l'intérim, le CNE... Et l'on sait pertinemment que les collègues qui sont confrontés à ce type de contrat passent inévitablement par la case chômage et consomment des indemnités. Or il n'y a pas de recettes en face, c'est comme pour les intermittents du spectacle : il faut examiner ces particularités et rebâtir l'architecture du régime. Si nous signons, c'est en particulier parce que nous avons obtenu dans l'accord, que la réforme de l'architecture du système soit entamée dès 2006. En quelque sorte, notre signature est un pari sur l'avenir.
Q- Avez-vous le sentiment que le Medef a joué le jeu ? FO s'est retirée de l'accord, parce qu'elle avait l'impression d'avoir été trompée sur l'indemnisation et la formation des salariés emploi précaire, qui vous préoccupe ?
R- Oui, absolument...
Q- Alors, avez-vous le sentiment que le Medef a triché ?
R- Je pense qu'il y a eu une grande incompréhension, en particulier dans la dernière ligne droite, ce qui, au passage, démontre que le système franco-français, qui consiste à négocier durant des heures et des heures, et en particulier toute une nuit, a là aussi ses limites. Je crois qu'il va falloir que nous en revenions à des formules plus classiques et raisonnables : des négociations de quelques heures, quitte à se revoir plus souvent, pour que chacun soit vraiment en capacité d'appréhender le dispositif... Je crois qu'il y a vraiment eu incompréhension entre le Medef et FO, car sur le fond, il y avait eu beaucoup de progrès, beaucoup de concessions faites de part et d'autre. FO, comme nous, réclamait que l'on examine le problème de ces contrats précaires. On en était venu à simplement un effort de formation pour les CDD, il y avait eu des pas de fait les uns vers les autres et, à ce stade, il est regrettable que nous ne soyons pas parvenus à un accord.
Q- De deux choses l'une : ou bien c'est signé ou ça ne l'est pas...
R- C'est clair !
Q- Vous avez été élu à la présidence de la CFE-CGC, le jour même de la ratification de l'accord par deux organisations syndicales. Si cet accord n'est pas signé, autrement dit, si vous qui venez de souhaiter que l'accord soit signé, vous êtes démenti, que faites-vous ?
R- J'examinerai la situation. Je me trouve dans un cas un peu particulier : j'ai un CDD très court à la tête de mon organisation, puisque les circonstances malheureuses, suite au décès de J.-L. Cazettes, m'ont conduit à être élu pour la fin du mandat restant à courir, c'est-à-dire jusqu'en novembre prochain. Donc de toute façon, je remets mon titre en jeu dans dix mois. Je souhaite que cette année 2006, à une époque où notre pays, quand même, traverse des difficultés qui sont le cumul d'un certain nombre de blocages depuis des années, on réussisse simplement à montrer que l'on peut aller un peu les uns vers les autres et faire des pas un peu constructifs.
Q- Donc si l'accord n'est pas signé, vous restez à la tête de la CGC ?
R- Je gère !
Q- Vous gérez et vous participez néanmoins la réforme de l'Unedic ?
R- Bien entendu !
Q- Bien que non signataire ?
R- Je crois que c'est également de cas de FO...
Q- Quelles sont les pistes que vous souhaitez voir tracées pour cette réforme ? Est-ce que vous êtes d'accord avec les propositions, évoquées notamment par le président de la République, sur la réforme du financement de la protection sociale ?
R- Pour ce qui concerne la réforme du financement de la protection sociale, qui est un autre gros dossier, c'est essentiellement l'assurance maladie. Le président de la République a évoqué la piste d'une taxation de la valeur ajoutée des entreprises. Pour ce qui concerne la CFE-CGC, nous proposons depuis plusieurs années une cotisation sociale sur la consommation qui, par un allégement des charges salariales et patronales sur les salaires, baisserait le coût du travail en France, redonnerait du pouvoir d'achat aux salariés, puisque "baisse des cotisations", cela veut dire une revalorisation du net perçu par les salariés...
Q- Mais cela pénaliserait la consommation...
R- Non, à mon avis, pas à la hauteur que certains veulent bien le dire, dans la mesure où, d'une part, il y a un système concurrentiel qui exerce toujours une pression sur les prix et, d'autre part, le fait de redonner du pouvoir d'achat aux salariés par la revalorisation du net fait qu'ils pourraient évidemment consommer à l'identique, des produits qui seraient certes un peu plus taxés, mais l'ensemble des produits, y compris les produits importés. En particulier ceux qui, il y a encore quelques années, étaient fabriqués dans notre pays et qui, aujourd'hui, sont fabriqués à l'étranger - je pense aux téléviseurs, aux téléphones portables et à un certain nombre d'autres produits manufacturés.
Q- Deux précisions sur deux évènements à venir : d'abord, la conférence nationale sur la dette et les finances publiques, qui va être présidée à Bercy par le Premier ministre et à laquelle les partenaires sociaux sont invités. Est-ce que votre organisation syndicale fait confiance à ce Gouvernement pour réduire rapidement la dette ? Y croyez-vous ?
R- Malheureusement, je crois que là aussi, nous sommes victimes du cumul du passé. Cela fait vingt-cinq ans que les gouvernements successifs n'ont pas été en mesure de limiter les dépenses et d'optimiser les dépenses de la Nation. C'est bien de se pencher sur ce problème aujourd'hui, mais le budget 2006 vient d'être adopté...
Q- Contredit-il cet effort de réduction ?
R- A priori, il repose déjà sur une hypothèse de croissance qui me semble un tout petit peu optimiste. Et je vois mal comment on pourrait limiter les dépenses, pour entamer ce processus de décrue de la dette.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 janvier 2006)