Texte intégral
Mesdames, messieurs,
merci d'être présents à ce point presse.
Je suis désolée pour ce retard ; j'étais à Matignon où se tenait une réunion interministérielle sur le double problème de la lutte contre le chikungunya à la Réunion d'une part, et contre les développements de la grippe aviaire, d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, le ministère de la Défense joue un rôle très important en étant au centre du dispositif sanitaire à la Réunion, et en participant de façon très active aux mesures de prévention, il était normal que je participe à cette réunion.
Si je vous ai réunis aujourd'hui, c'est d'abord, bien entendu, pour vous parler du Clemenceau.
En effet, le Conseil d'État a décidé en début d'après-midi de suspendre le transfert vers l'Inde du Clemenceau. Le président de la République a annoncé son retour en France.
Comme je l'ai fait tout au long de ce dossier, je souhaite vous faire part, en toute transparence, des éléments qui ont forgé notre conviction et qui ont présidé aux décisions qui ont été prises concernant le Clemenceau.
Je veux d'abord le rappeler de la manière la plus solennelle :
Nous avons agi avec pour seul objectif de régler le problème qui nous était posé, avec le double souci de la sécurité des hommes et de la préservation de l'environnement. Nous avons agi en permanence dans le respect des décisions de justice successives, et elles ont été nombreuses au cours de ces derniers mois.
Nous avons aussi agi en toute transparence et je rappelle que j'ai toujours répondu aux invitations qui m'étaient faites, aussi bien par les commissions parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat que lors des questions qu'il pouvait y avoir lors des séances de questions d'actualité ou lorsque, bien entendu, les uns ou les autres, vous me posiez vous-même des questions.
C'est cette volonté de transparence qui me conduit aujourd'hui à revenir aussi sur les grandes étapes du dossier, que l'on a parfois un peu perdu de vue dans les agitations et les passions qui se sont développées au cours des derniers jours.
Je veux d'abord rappeler que pour moi, le Clemenceau, c'était un héritage. Le porte-avions Clemenceau a en effet cessé son activité opérationnelle en 1997. De 1997 à 2002, il était dans le port de Toulon.
Durant ces cinq années, aucune décision n'a été prise concernant son avenir, son désamiantage ou son démantèlement. Rien n'a été entrepris non plus pour en retirer les matières dangereuses. Et en cinq ans, on aurait eu le temps de faire beaucoup de choses. Ce rappel devrait conduire, selon moi, certains moralisateurs à davantage de réserve et peut-être même à une certaine introspection qui ne leur ferait pas de mal.
En mai 2002, en arrivant au ministère de la Défense, c'était donc l'un des nombreux dossiers que j'ai trouvés en déshérence. J'ai décidé de ne pas laisser perdurer cette situation qui conduisait à laisser mourir des bateaux dans des ports français.
Le désamiantage et le démantèlement des navires, qu'ils soient d'ailleurs civils ou militaires, est un problème qui est aujourd'hui posé à la France, mais aussi à l'ensemble de la communauté internationale, à tous les pays qui possèdent une marine. Dans les vingt ans qui viennent, nous pouvons être assurés qu'il concernera des milliers, voire des dizaines de milliers de bateaux. D'ores et déjà, dans le monde entier, ce sont des milliers de bateaux qui rouillent dans des ports, dans des cimetières marins ou qui sont coulés en dehors de tout souci de protection de l'environnement.
Quelle organisation écologique sincère ou quel partisan de la défense de l'environnement oserait prétendre aujourd'hui que laisser le Clemenceau dépérir dans un port français aurait été une solution plus courageuse ou plus responsable ?
Notre volonté, à partir du cas du Clemenceau, était et est d'ailleurs toujours de créer une filière propre et sûre pour ce type d'opération, puisque nous savons qu'il y aura un réel besoin dans les années à venir.
Cette volonté se traduisait par la création d'un vrai partenariat avec une grande nation industrielle, l'Inde, dans le respect des réglementations et des bonnes pratiques internationales.
Et je continue à penser que c'est une bonne solution.
Si nous revenons sur le calendrier, le Clemenceau a été remis, selon la loi et selon les procédures habituelles, par le ministère de la Défense à la Direction Nationale des Interventions Domaniales relevant du ministère de l'Economie et des Finances le 16 décembre 2002 pour qu'il en soit, conformément à la législation, le dépositaire.
Mesdames et messieurs, je vais pas reprendre pour vous le calendrier détaillé de toutes les opérations qui ont eu lieu. On vous le remettra et il vous permettra ainsi d'avoir, retracé, l'historique du dossier en rétablissant surtout un certain nombre de vérités. Je ne saurais trop vous conseiller d'y prêter attention. Vous trouverez ainsi matière à contrebalancer l'inanité de certains arguments et la malveillance organisée de certaines déclarations.
Mais permettez-moi de revenir sur les éléments qui me paraissent essentiels et, au c?ur de ce dossier, notamment ceux relatifs au chantier indien dont on a beaucoup parlé.
Le contrat passé avec la société SDI posait des conditions de sécurité et de qualité de travaux qu'aucun chantier n'avait jusqu'à présent réunies. Et je crois que cela a été d'ailleurs souligné par certaines associations montrant que l'État français avait été exemplaire en la matière :
- L'État français restait en effet responsable et propriétaire de la coque jusqu'à son démantèlement ;
- Tout le désamiantage réalisable techniquement à Toulon a été opéré, et c'est la première fois qu'un armateur opérait avant de donner à démanteler un navire de cette façon ;
- Le chantier choisi en Inde devait avoir des certifications internationales en matière de protection des travailleurs et de l'environnement. Et je ne peux que regretter que certaines images qui ont été produites sur les petits écrans n'aient pas correspondu au chantier en cours. Il faut reconnaître que certains qui ont voulu filmer ce chantier en ont effectivement été empêchés plus récemment car les industriels ne voulaient pas rentrer dans cette polémique ;
- L'encadrement du chantier lui-même devait être effectué par des ingénieurs français aux côtés de leurs homologues indiens - préalablement formés en France en vue de la fin du désamiantage et du démantèlement ;
- Il était prévu qu'un transfert de compétences serait assuré vers le chantier en Inde, grâce à la formation des cadres indiens et à la livraison des meilleures technologies de protection des ouvriers ;
- Il était aussi prévu dans ce contrat qu'une expertise indépendante contrôlerait le chantier et le respect des normes européennes et internationales ;
- Il était également prévu un contrôle médical des trente à soixante travailleurs indiens amenés à intervenir sur ce chantier : contrôle médical avant, pendant et après la fin du chantier.
En outre, vous le savez, la France s'était engagée à rapatrier l'amiante et les déchets issus du désamiantage final.
Ce choix nous offrait donc des garanties sans précédent et permettait d'envisager la création d'une filière propre de démantèlement des navires qui était le point de départ d'une solution à un problème plus vaste que je vous ai exposé tout à l'heure.
La décision du Conseil d'État, si elle remet en cause le schéma établi pour le Clemenceau, ne remet pas pour autant en cause ma volonté d'aller vers la création d'une filière propre pour le démantèlement des navires civils et militaires et qui est une exigence.
A la suite de ma proposition de réformer les procédures applicables à l'exportation de ce type de produit, le Premier ministre a décidé en début d'après-midi de créer un groupe d'enquête interministériel, composé notamment de membres du Contrôle Général des Armées, de l'Inspection générale des Finances et du Conseil Général des Mines, qui conduira cette mission. Par ailleurs, comme cela a été annoncé, dès le retour du navire en France, l'État fera appel à un bureau d'expertise pour établir un nouveau diagnostic complet de tous les matériaux potentiellement dangereux qui se trouveraient encore à bord.
Enfin, et comme il faut aussi continuer de regarder vers l'avenir pour préparer des solutions à ce qui existe et comme je l'avais aussi souhaité, une mission interministérielle sera créée autour des ministères de la Défense, des Transports, du Travail, de l'Economie et des Finances, de l'Industrie, de l'Ecologie et du Développement durable, ainsi que des Affaires étrangères et des Affaires européennes. Cette mission sera destinée à traiter au fond ce problème, non résolu à l'échelle mondiale, et qui est celui du sort à réserver aux navires civils et militaires en fin de vie.
Cette mission établira aussi une coordination étroite avec nos partenaires européens, parce qu'il est évident que ce n'est pas au niveau d'un pays que l'on peut régler ce type de problème. Chaque pays, séparément, ne pourra pas non plus le régler. Et il est évident aussi que la mission traitera également des rapports à avoir avec des pays extérieurs à l'Europe, comme c'est le cas pour l'Inde.
Dans cet esprit d'ailleurs, je vais proposer à mes homologues européens ministres de la Défense qui sont confrontés à la même problématique que nous, que nous nous réunissions dans les meilleurs délais pour définir un projet allant en ce sens.
Voilà, mesdames et messieurs, ce que je voulais vous dire cet après-midi pour rétablir un certain nombre de choses. Vous aurez donc davantage de détails encore dans les dossiers qui vous seront remis et qui représentent l'historique détaillé de cette affaire.
Mais je voulais vous dire aussi ce qui va se passer dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
Je suppose que vous avez un certain nombre de questions à poser et donc nous allons maintenant, si vous le voulez, passer aux questions. Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 février 2006