Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à France 2 le 15 février 2006, sur le désamiantage de l'ancien porte-avions Clemenceau.

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Média : France 2

Texte intégral


CAROLE GAESSLER - Le Clemenceau va, donc, bientôt reprendre le chemin de la France, ainsi en a décidé Jacques Chirac, quelques heures après l'arrêt du Conseil d'Etat qui a ordonné la suspension du transfert vers l'Inde. Jacques Chirac a, donc, choisi de mettre un terme provisoire au feuilleton diplomatique et judiciaire du Clemenceau. (...) Voilà pour le rappel des faits. Michèle Alliot-Marie, bonsoir.
MICHELE ALLIOT-MARIE - Bonsoir.
CAROLE GAESSLER - Question très directe que se posent ce soir les Français : qui est responsable de ce fiasco ?
MICHELE ALLIOT-MARIE - Je ne parlerais pas de "fiasco", parce qu'il n'y a pas de fiasco à essayer de trouver une solution là où, jusqu'à présent, personne n'en a trouvé. Vous le disiez très justement, tout à l'heure [dans le journal], il y a aujourd'hui des milliers de navires civils et militaires, dans le monde entier, en Europe et aux Etats-Unis, qui sont en train de rouiller ou de pourrir sur des quais ou dans des fonds de rivière. C'est un vrai danger pour l'environnement et ce que nous avons cherché à faire, c'était justement de créer une filière qui pourrait servir de modèle pour pouvoir régler ce problème.
CAROLE GAESSLER - Alors, on comprend bien qu'on n'a pas réglé le problème de fond, que des mesures ont été présentés par Dominique de Villepin. Mais, j'écoutais votre conférence de presse, cet après-midi, il n'y avait pas l'ombre d'une autocritique. Vous ne vous sentez pas responsable, ce soir, vous en tant que ministre de la Défense ?
MICHELE ALLIOT-MARIE - Je me sens responsable de toute décision gouvernementale parce que je suis membre du gouvernement, et que les décisions ont été des décisions interministérielles.
CAROLE GAESSLER - Vous pensez que vous avez bien géré ce dossier ?
MICHELE ALLIOT-MARIE - Je pense que nous avons géré ce dossier le mieux possible, dans la transparence et surtout dans le respect des décisions de justice. Nous avons eu, comme première préoccupation, de préserver et l'environnement et les personnes.
CAROLE GAESSLER - Mais, dans les faits, le Clemenceau revient après des tumultes et des tumultes...
MICHELE ALLIOT-MARIE - Le Clemenceau va revenir sans qu'aucun problème ne soit réglé. Je suis convaincue, pour ma part, que ce que nous avons essayé de mettre au point est tout à fait exemplaire et que l'on reviendra largement à quelque chose comme ça. "Quelque chose comme ça", qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire, d'abord, désamianter un navire avant de le remettre à un chantier pour qu'il soit démantelé. Nous sommes, en France, le premier armateur à avoir pris cette mesure de précaution, que ce soit pour un navire militaire ou pour un navire civil. Je constate, d'ailleurs, que certaines associations de protection de l'environnement, que l'on n'a pas beaucoup entendu sur les chaînes - et je le regrette -, ont salué cet effort tout particulier de la France et ont montré que nous étions tout à fait exemplaires en la matière. Je reviens sur ce point car j'ai entendu tellement de choses inexactes - et j'ai l'impression que l'on entendait uniquement ceux qui disaient des choses inexactes, ce qui est quand même paradoxal. Deuxième point, nous avons veillé à choisir un chantier en Inde, et contrairement à ce que certains disent avec mépris, un chantier qui n'est pas un chantier "poubelle", mais un chantier exemplaire, qui est aux normes ISO européennes. Nous avons veillé à former les cadres, à suivre ceux qui seraient sur place ; nous avons assuré, également, le transfert des technologies et des matériels nécessaires et nous avons assuré qu'il y aurait un suivi médical des ouvriers.
CAROLE GAESSLER - Juste deux secondes, quand même ! Vous avez tenté, tenté beaucoup de choses...
MICHELE ALLIOT-MARIE - Oui.
CAROLE GAESSLER - Cela n'a pas marché. Le dossier est remonté sur le bureau de Jacques Chirac. Vous considérez que c'est un désaveu pour la tentative que vous avez lancée ?
MICHELE ALLIOT-MARIE - Non, je ne crois pas du tout parce que j'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises, avec le président de la République, qui est très soucieux de la protection de l'environnement et du développement durable, et vous le savez. La démarche que nous avons conduite est une démarche qui va tout à fait dans ce sens : régler un problème qui, jusqu'à présent, ne l'est pas. D'ailleurs, ce que je constate, c'est que certains, aujourd'hui, en France même, émettent des critiques. Je rappelle que le Clemenceau a été sorti du service en 1997. Quand je suis arrivée en 2002, il était exactement dans le même état. Pendant les cinq années qui se sont écoulées sous le précédent gouvernement, personne ne s'était penché sur l'avenir du Clemenceau, sur son désamiantage, sur le retrait des matières dangereuses qu'il pouvait comporter et sur ce qu'il allait devenir. Alors, certains aujourd'hui feraient peut-être bien de faire un peu d'autocritique et d'être un peu plus modestes.
CAROLE GAESSLER - Vous ne tirez pas de leçon personnelle de cette gestion du dossier ?
MICHELE ALLIOT-MARIE - Je pense qu'il y a eu des problèmes, que j'avais d'ailleurs soulignés. Je me réjouis que, sur ma proposition, le Premier ministre ait décidé la mise en place d'une commission qui va revoir toute la procédure, parce que ce sont des procédures extrêmement lourdes, des procédures interministérielles qui ne permettent pas toujours à chacun de bien gérer les dossiers. C'est une très bonne chose. Je me réjouis également de ce que, là-aussi, sur des suggestions qui ont été faites, le Premier ministre ait décidé qu'une mission sera chargée de réfléchir à ce problème avec nos partenaires européens et avec d'autres pays, dont l'Inde d'ailleurs, pour qu'il y ait une vraie expertise en la matière de façon à gérer le problème. Moi-même, dès aujourd'hui, j'ai prévu de saisir mes collègues européens ministres de la Défense pour qu'ensemble, nous puissions aussi réfléchir à la façon dont chacun des pays qui a une marine se trouve confronté aujourd'hui au problème de la fin de vie de ses navires.
CAROLE GAESSLER - Michèle Alliot-Marie, merci pour vos explications. Merci beaucoup. source http://www.defense.gouv.fr, le 20 février 2006