Texte intégral
Dans un entretien au « Monde », le secrétaire général dénonce la méthode Villepin et accuse le gouvernement de précariser l'ensemble de la jeunesse.
Le Monde. Jacques Chirac s'est à nouveau engagé, lors de ses voeux aux forces vives, le 5 janvier, à réhabiliter un dialogue social qu'il avait jugé, en 2002, mis à mal par la gauche. Que vous inspire, à cet égard, la méthode Villepin ?
François Chérèque. Elle est en totale rupture avec cette promesse. La loi Fillon engageait le gouvernement à soumettre au préalable toutes les évolutions du code du travail aux partenaires sociaux. Depuis que Dominique de Villepin est à Matignon, il fait totalement l'inverse. Il met sous pression un dialogue social qui ne le préoccupe guère. Son problème, à lui, est de se préparer à l'élection présidentielle. Or les rythmes du politique et du social ne s'accordent pas. Je ne laisserai pas la CFDT instrumentalisée à des fins politiques.
Êtes-vous tenté par la politique de la chaise vide ?
Ce n'est pas dans nos habitudes. Mais le gouvernement doit changer sa façon de faire. Le 12 décembre 2005, lors de la réunion de la commission nationale de la négociation collective, M. de Villepin avait fait trois promesses. Le chèque transport et la tenue d'une conférence sur le logement ont été oubliées. Il avait pris aussi l'engagement d'une concertation sur la sécurisation des parcours professionnels à commencer par ceux des jeunes : les décisions sont déjà prises. Les promesses de dialogue social ne sont jamais suivies d'effet, on ne peut pas continuer comme ça.
Pourtant les syndicats et le patronat ont prouvé qu'ils savaient faire évoluer le droit du travail avec le droit individuel à la formation, les conventions de reclassement personnalisé pour les licenciés économiques, l'accord sur l'emploi des seniors et l'affirmation de nouveaux droits pour les précaires dans la dernière convention Unédic. Le gouvernement doit en tenir compte, ouvrir les débats sur le fond et accepter de jouer le jeu de la concertation.
Que pensez-vous des mesures annoncées, lundi 16 janvier, à Matignon ?
À partir d'un constat juste, celui du sentiment d'une précarité accrue, le premier ministre annonce la création d'un nouveau contrat précaire ? le contrat première embauche (CPE) pour les moins de 26 ans ?, alors que nous ne disposons d'aucun élément d'évaluation du contrat nouvelles embauches (CNE). Les effets de celui-ci ne pourront être réellement mesurés qu'au terme des deux ans de période d'essai qu'il prévoit. Dans ces annonces, nous voyons surtout le souci de faire baisser les statistiques du chômage avant 2007, au risque de faire de l'emploi précaire la seule entrée dans le monde du travail.
N'avez-vous pas ouvert la voie en instaurant un contrat à durée déterminée (CDD) senior ? Et pour un jeune, un contrat à durée indéterminée (CDI), même assorti d'une période d'essai de deux ans, n'est-ce pas mieux que d'être ballotté de CDD en intérim pendant des années ?
Le CDD senior a été mis au point par les partenaires sociaux pour répondre à un problème particulier : celui des chômeurs de 57 ans et plus ayant besoin de travailler pour pouvoir disposer d'une retraite à taux plein. Avec le CPE, le problème est tout autre. Pour régler les difficultés spécifiques de certains jeunes, le gouvernement précarise l'ensemble de la jeunesse. Car le CPE s'imposera aussi à ceux qui disposent de qualifications reconnues (CAP, BTS, DUT, voir diplômes d'ingénieur). C'est insupportable pour les syndicalistes, pour les jeunes, et pour leurs parents.
Que proposez-vous ?
Soit les jeunes ont des difficultés particulières en raison d'une formation initiale insuffisante ou inadaptée, soit ils ont besoin d'être accompagnés vers l'emploi. Dans le premier cas, il faut réformer nos formations professionnelles, ce qu'aucun gouvernement n'a fait, faute d'avoir eu le courage de s'attaquer au conservatisme de certains enseignants.
Allez-vous riposter ?
Évitons, tout d'abord, de reproduire l'erreur commise sur le CNE. Autrement dit, il nous faut conduire une action spécifique sur le CPE, et ne pas noyer cette revendication dans un ensemble plus vaste, salaires, emplois, etc. C'est une des raisons pour lesquelles la CFDT ne s'associe pas à la journée d'action de la CGT du 31 janvier. Mais nous avons de nombreux partenaires : les autres syndicats, les organisations étudiantes, des associations. Nous consulterons dans les jours prochains pour discuter des réactions.
Quel bilan faites-vous des six premiers mois de Laurence Parisot à la tête du Medef ?
Il est trop tôt pour la juger. Nous nous félicitons d'avoir avec elle une communication plutôt directe. Il faut maintenant que le Medef donne des signes beaucoup plus forts de sa volonté de donner la priorité à la négociation sur la loi.Source http://www.cfdt.fr, le 20 janvier 2006
Le Monde. Jacques Chirac s'est à nouveau engagé, lors de ses voeux aux forces vives, le 5 janvier, à réhabiliter un dialogue social qu'il avait jugé, en 2002, mis à mal par la gauche. Que vous inspire, à cet égard, la méthode Villepin ?
François Chérèque. Elle est en totale rupture avec cette promesse. La loi Fillon engageait le gouvernement à soumettre au préalable toutes les évolutions du code du travail aux partenaires sociaux. Depuis que Dominique de Villepin est à Matignon, il fait totalement l'inverse. Il met sous pression un dialogue social qui ne le préoccupe guère. Son problème, à lui, est de se préparer à l'élection présidentielle. Or les rythmes du politique et du social ne s'accordent pas. Je ne laisserai pas la CFDT instrumentalisée à des fins politiques.
Êtes-vous tenté par la politique de la chaise vide ?
Ce n'est pas dans nos habitudes. Mais le gouvernement doit changer sa façon de faire. Le 12 décembre 2005, lors de la réunion de la commission nationale de la négociation collective, M. de Villepin avait fait trois promesses. Le chèque transport et la tenue d'une conférence sur le logement ont été oubliées. Il avait pris aussi l'engagement d'une concertation sur la sécurisation des parcours professionnels à commencer par ceux des jeunes : les décisions sont déjà prises. Les promesses de dialogue social ne sont jamais suivies d'effet, on ne peut pas continuer comme ça.
Pourtant les syndicats et le patronat ont prouvé qu'ils savaient faire évoluer le droit du travail avec le droit individuel à la formation, les conventions de reclassement personnalisé pour les licenciés économiques, l'accord sur l'emploi des seniors et l'affirmation de nouveaux droits pour les précaires dans la dernière convention Unédic. Le gouvernement doit en tenir compte, ouvrir les débats sur le fond et accepter de jouer le jeu de la concertation.
Que pensez-vous des mesures annoncées, lundi 16 janvier, à Matignon ?
À partir d'un constat juste, celui du sentiment d'une précarité accrue, le premier ministre annonce la création d'un nouveau contrat précaire ? le contrat première embauche (CPE) pour les moins de 26 ans ?, alors que nous ne disposons d'aucun élément d'évaluation du contrat nouvelles embauches (CNE). Les effets de celui-ci ne pourront être réellement mesurés qu'au terme des deux ans de période d'essai qu'il prévoit. Dans ces annonces, nous voyons surtout le souci de faire baisser les statistiques du chômage avant 2007, au risque de faire de l'emploi précaire la seule entrée dans le monde du travail.
N'avez-vous pas ouvert la voie en instaurant un contrat à durée déterminée (CDD) senior ? Et pour un jeune, un contrat à durée indéterminée (CDI), même assorti d'une période d'essai de deux ans, n'est-ce pas mieux que d'être ballotté de CDD en intérim pendant des années ?
Le CDD senior a été mis au point par les partenaires sociaux pour répondre à un problème particulier : celui des chômeurs de 57 ans et plus ayant besoin de travailler pour pouvoir disposer d'une retraite à taux plein. Avec le CPE, le problème est tout autre. Pour régler les difficultés spécifiques de certains jeunes, le gouvernement précarise l'ensemble de la jeunesse. Car le CPE s'imposera aussi à ceux qui disposent de qualifications reconnues (CAP, BTS, DUT, voir diplômes d'ingénieur). C'est insupportable pour les syndicalistes, pour les jeunes, et pour leurs parents.
Que proposez-vous ?
Soit les jeunes ont des difficultés particulières en raison d'une formation initiale insuffisante ou inadaptée, soit ils ont besoin d'être accompagnés vers l'emploi. Dans le premier cas, il faut réformer nos formations professionnelles, ce qu'aucun gouvernement n'a fait, faute d'avoir eu le courage de s'attaquer au conservatisme de certains enseignants.
Allez-vous riposter ?
Évitons, tout d'abord, de reproduire l'erreur commise sur le CNE. Autrement dit, il nous faut conduire une action spécifique sur le CPE, et ne pas noyer cette revendication dans un ensemble plus vaste, salaires, emplois, etc. C'est une des raisons pour lesquelles la CFDT ne s'associe pas à la journée d'action de la CGT du 31 janvier. Mais nous avons de nombreux partenaires : les autres syndicats, les organisations étudiantes, des associations. Nous consulterons dans les jours prochains pour discuter des réactions.
Quel bilan faites-vous des six premiers mois de Laurence Parisot à la tête du Medef ?
Il est trop tôt pour la juger. Nous nous félicitons d'avoir avec elle une communication plutôt directe. Il faut maintenant que le Medef donne des signes beaucoup plus forts de sa volonté de donner la priorité à la négociation sur la loi.Source http://www.cfdt.fr, le 20 janvier 2006