Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur RMC le 21 février 2006, sur le contrat première embauche, notamment la définition de la période de consolidation du contrat et les mouvements de protestation des étudiants, et sur la questions des débouchés des formations universitaires et de la filière STAPS en particulier.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin - Est-ce que vous avez une question ?
R - Oui, j'ai une question à poser aux auditeurs de RMC. J'aimerais savoir, puisqu'on discute beaucoup du CPE actuellement - le contrat "première embauche" - j'aimerais savoir vraiment en conscience si, quand on est papa ou maman d'un jeune qui a 22 ou 23 ou 25 ans, si vraiment une ligne sur le CV du jeune, avec CDD à tel endroit, ou stages à tel endroit, a ou aura la même valeur qu'une ligne comportant "contrat première embauche" dans telle entreprise ?
Q - Vous répondez... CPE : non pas conseiller principal d'éducation, mais bien contrat "première embauche". Ne pas confondre. Je crois savoir que vous avez un fils, qui a terminé ses études, qui a fait bac+5...
R - J'en ai plusieurs, j'en ai trois.
Q - ... l'un de vos enfants, qui a fait bac+5, et qui s'est retrouvé pendant plusieurs mois au chômage, sans trouver de boulot ?
R - Oui, alors que, deux ans avant, par exemple, il y avait une telle demande de cadres qu'ils avaient plutôt trois, cinq, ou six offres d'emploi à la sortie de l'école. Et là, au contraire, ils sont tombés dans ce qu'on appelle "un trou d'air", il y a plusieurs années de ça. Eh bien, il est resté sans boulot. Et, à ce moment-là, je suis persuadé que si le contrat "première embauche" avait existé, les entreprises qui avaient moins de commandes et donc moins besoin de cadres à l'époque, ou de jeunes cadres, ou de jeunes diplômés, auraient, sans hésitation, embauché beaucoup plus de jeunes qu'avec des contrats rigides, types aujourd'hui CDI, qui font peur à des entreprises, lorsqu'il y a des commandes ou un trou d'air dans la croissance.
Q - On va revenir sur le CPE. Mais je voudrais quand même regarder l'actualité avec vous. Première actualité, le calvaire d'Ilan. La thèse de l'antisémitisme a été retenue à l'encontre des sept membres du gang mis en examen hier. Est-ce qu'il existe en France un racisme anti-juifs, d'abord ?
R - Oui. Hélas, oui. Il faut le dire pour le dénoncer et pour le combattre. Mais remarquons quand même, et le Premier ministre l'a rappelé hier au dîner du CRIF, et moi j'ai les mêmes statistiques pour l'Education nationale, le racisme et l'antisémitisme, ces dernières années, notamment en 2005, ont été moins forts que les années précédentes. Donc, il y a plutôt une baisse au niveau des statistiques. Nous, nous avons, vous savez, à l'école, évidemment, tous les signes annonciateurs possibles, on a même un logiciel particulier sur les violences, les violences verbales, les violences physiques, et avec évidemment une qualification sociale pour les agressions racistes ou antisémites. Et nous avons vu une baisse très importante en 2005, Dieu merci.
Q - Racisme anti-blancs ? C'est une question aussi que nous posons, ça arrive ?
R - Ca arrive.
Q - Ca arrive, vous le constatez, même dans l'Education nationale, vous avez des retours ?
R - Mais bien sûr, ça arrive aussi. C'est une forme de racisme qu'on doit combattre évidemment comme les autres.
Q - Le fameux CPE, contrat "première embauche". Pourquoi cette durée de deux ans ? C'est la question que tout le monde se pose. Pourquoi deux ans ? C'est trop long deux ans, non ?
R - Eh bien, si vous faites plus court, vous aurez moins d'embauches. C'est clair, c'est simple. Vous pouvez mettre trois mois, et il n'y aura plus de jeunes qui bénéficieront de ce contrat. Et si vous mettez deux ans, il y aura beaucoup plus d'entreprises qui auront moins de crainte à embaucher des jeunes, parce qu'ils savent que, sur deux ans, on a une visibilité économique. Un jeune qui rentre dans une entreprise, ce n'est pas parce qu'il a forcément le diplôme qu'il rentre dans l'entreprise, c'est parce qu'il a le diplôme, les qualifications, et que l'entreprise a besoin de lui pour prospérer.
Q - Mais au bout d'un an, on sait d'abord ce que vaut le jeune, évidemment, vous en convenez ?
R - Bien sûr.
Q - Et l'entreprise connaît ses besoins ?
R - Mais non. Vous ne savez pas aujourd'hui la fragilité des entreprises, mondiales. Une entreprise n'a pas de visibilité vraiment de sept ans, de huit ans, ou de neuf ans, elle a une visibilité très très courte. Et donc, si en deux ans, elle arrive non seulement à former le jeune, parce que, grâce au CPE, la formation est acquise au bout du premier mois, alors que dans les autres contrats, c'est au bout d'un an, voyez un avantage du CPE, eh bien, si grâce à cette formation, l'entreprise a un jeune vraiment formé pour son entreprise, pour développer son chiffre d'affaires, s'il est dans le commercial, pour développer ses produits s'il est ingénieur technicien, eh bien, si à ce moment-là, vraiment, le jeune convient et développe, j'allais dire le chiffre d'affaires qui couvre sa dépense, il faut au moins, au moins, un an à deux ans pour vérifier cela. Si vous mettez un délai plus court, il y aura moins de jeunes embauchés.
Q - Alors, je lisais F. Bayrou, qui déclare : "Deux ans comme période d'essai, ce n'est pas loyal".
R - Ca n'est pas une période d'essai, c'est une période de consolidation. Ce qui était une période d'essai, c'est ce qu'il avait soutenu, lui, il y a quelques années, avec le CIP, qui était le sous-Smic pour les jeunes. Et ça, c'était inadmissible. Là, le CPE, c'est un vrai contrat à durée indéterminée, puisqu'il n'y a pas de date de fin. On rentre dans l'entreprise, et si tout se passe bien...
Q - La fin, ça peut être au bout de deux mois, hein ?
R - Mais tout peut être au bout de deux mois. Vous savez, le ciel peut nous tomber sur la tête - on des Gaulois -, au bout de deux mois. Seulement, vous rentrez dans une entreprise, alors qu'un CDD, il y a marqué "fin" dans trois mois, renouvelable éventuellement deux fois, mais on connaît le jour où on doit quitter l'entreprise. Là, avec le CPE, vous savez que vous rentrez dans l'entreprise, vous pourrez faire carrière dans l'entreprise, vous acquerrez des droits, au niveau de la formation, je l'ai dit, et évidemment, s'il y a rupture, vous allez avoir une indemnité relativement de plus en plus forte au fur et à mesure que les semaines et les mois passent. Et vous allez même avoir, si jamais il y a un accident ou un incident dans l'entreprise, une indemnité de rupture de contrat payée par l'Etat entre le quatrième et le sixième mois, de façon à pouvoir avoir les indemnités chômage le sixième mois. Mais on ne rentre pas en CPE pour cela, parce qu'il y a des indemnités de rupture. On rentre dans l'entreprise en CPE, parce que, véritablement, on veut faire carrière dans cette entreprise-là, et que l'entreprise a besoin de vous.
Q - Il y a cette motion de censure déposée à l'Assemblée nationale par les socialistes, sur toute la politique sociale du Gouvernement. Est-ce que vous comprenez cette attitude de l'UDF qui s'oppose au Gouvernement, mais qui ne va pas voter la motion de censure ? Franchement ? Vous êtes membre de l'UDF vous ?
R - Si vous voulez me faire critiquer...
Q - Non, non, je ne veux pas vous faire critiquer, je vous demande franchement quel est votre sentiment sur cette position ?
R - Ecoutez, je dirais simplement, puisque tout le monde a le regard ? enfin beaucoup ont le regard - tourné vers Turin, que c'est le slalom. C'est vraiment le slalom géant : un jour, on dit qu'on est contre le CPE ; il y a une motion de censure qui tombe, de l'opposition, disant qu'on va faire une motion de censure contre le CPE. Et là, heureusement - et je félicite l'UDF d'avoir pris cette disposition-là - on ne vote pas la motion de censure. Donc...
Q - Et c'est la chute assurée lorsqu'on slalome comme cela ?
R - Cela veut dire qu'on appartient vraiment à la majorité. D'ailleurs, le CSA avait déjà dit cela il y a trois semaines ou un mois, lorsqu'on avait demandé les temps de parole. Alors, où se situe l'UDF ? Et le CSA avait dit : puisque l'UDF ne vote pas les motions de censure, eh bien l'UDF est dans la majorité, son temps de parole est dans la majorité. Et je constate que l'UDF aujourd'hui ne va pas voter la motion ce censure, je m'en réjouis.
Q - Que dites-vous aux parents des étudiants, ou aux étudiants eux-mêmes, qui ne peuvent pas aller en fac, parce que d'autres étudiants interdisent l'entrée des facs, pour protester contre le CPE ?
R - Je leur dis aux jeunes et aux parents que, certains des jeunes sont évidemment sont manipulés aujourd'hui. Il y a vraiment une manoeuvre de politisation.
Q - Mais par qui ?
R - Et cette manoeuvre de politisation, il suffit d'observer la composition, par exemple, du comité du "non" au contrat "première embauche". Eh bien c'est le Mouvement des jeunes socialistes, c'est la Jeunesse communiste, ce sont les Jeunes radicaux de gauche. C'est un mouvement de jeunes qui est mis sous tutelle des partis de gauche. C'est un mouvement de jeunes qui est instrumentalisé par l'opposition. Ce que l'opposition n'a pas réussi à obtenir dans le cadre des débats démocratiques du Parlement, ce que l'opposition n'a pas réussi à obtenir des électeurs, lorsqu'il y a des élections nationales, eh bien, il faut reconnaître que l'opposition essaye de l'obtenir via ou par les jeunes interposés. Et cela n'est pas bien. Ce n'est pas bien, parce qu'aux jeunes, on rajoute de l'inquiétude ; aux jeunes, entre guillemets, "on les met dans la rue", ou on les engage à aller dans la rue. On a 10, 12, 13, 14 ans, on essaye de bloquer certains lycées - ou a essayé, ce n'est pas le cas aujourd'hui, Dieu merci - mais on a essayé de bloquer certains lycées pour que les jeunes soient dehors, et quand ils sont dehors, ils vont plus facilement aux manifestations. Ça ce n'est politiquement pas bien.
Q - Mais les jeunes peuvent avoir des opinions sans être manipulés aussi ?
R - Bien sûr qu'ils peuvent avoir des opinions. Seulement, est-ce qu'à 10, 12, 13, 14 ans, on leur a expliqué à eux ce que c'est qu'un CPE, en toute objectivité ? Moi, je suis prêt à le faire, je l'ai fait, je suis allé à Toulouse, je suis allé à Lyon, j'ai vu des étudiants, j'ai discuté avec eux. Et, vraiment, quand on explique ce que c'est qu'un contrat "première embauche", et qu'on leur dit que c'est vraiment une chance qui passe, et que si on passe à côté il y aura moins de jeunes qui seront embauchés, là, ça commence à les interpeller. Quand on leur explique aussi ce que c'est qu'une entreprise, eh bien, je vous assure, ils se figurent que c'est la grande entreprise qui embauche et qui jette. Mais non. L'entreprise, c'est la plupart du temps une dizaine de personnes, une vingtaine de personnes, avec une échéance à la fin du mois...
Q - Le CPE, c'est pour les entreprises de plus de 20 ?
R - Oui, ça commence à dix, et puis, si ça peut embaucher, quelquefois avec des CDD, et puis arriver à 20. Et, à partir de ce moment-là, eh bien on peut embaucher des jeunes, grâce au CPE. Je trouve ça très bien. Et puis avant, c'est les CNE, les contrats "nouvelles embauches". Et donc, grâce à ces outils-là... vous avez vu le succès des contrats "nouvelles embauches" ? 280.000 contrats "nouvelles embauches", depuis septembre.
Q - Alors, G. de Robien, oui, tiens ! à propos du CNE, certains disent "oui, mais vous avez vu, déjà, aux Prud'hommes, les salariés qui ont été licenciés très rapidement, et qui vont aux Prud'hommes"...
R - Heureusement qu'il y a les Prud'hommes dans notre pays, c'est ça qui fait respecter le droit. On est dans un pays de droit. Et faire dire le droit à une juridiction, eh bien ça n'a rien de honteux, et c'est tant mieux, c'est comme ça qu'on crée une jurisprudence.
Q - Merci d'être avec nous ce matin. Vous appelez 32.16 - RMC Info... On va parler des étudiants en Sciences et techniques des activités physiques et sportives qui protestent, parce que l'Education nationale, depuis des années, leur a fait des promesses qui, apparemment, ne sont pas tenues...
[2ème partie]
Q - Vous avez avec nous le ministre de l'Education nationale. Vous avez des questions à lui poser. Je vois qu'elles sont nombreuses au standard... Vous savez qu'ici, on se dit les choses clairement et franchement. A propos de votre fils, qui est resté sans travail pendant quelques mois, Bernard [un auditeur] nous dit simplement qu'il ne peut pas le croire, qu'il suffit d'un coup de fil d'un ministre et qu'il n'y a pas de problème.
R - S'il croit cela... D'abord, j'ai des enfants qui n'acceptent pas d'être appuyés, le cas échéant, par leur papa, etc. Je peux vous dire que j'ai un fils aussi qui a commencé dans une entreprise où il avait un tout petit salaire, je lui ai proposé vingt fois de l'aider, il a toujours refusé. Il n'avait pas de voiture pas de mobylette, rien, il a toujours refusé.
Q - J'ai aussi un autre auditeur qui dit : il aurait pu, en attendant, être plongeur dans un restau, faire des petits boulots...
R - Non, mais il a passé ses neuf mois à chercher un boulot à plein temps, avoir des entretiens à plein temps et à espérer un plein temps.
Q - Regardons le cas des étudiants en Sciences et techniques des activités physiques et sportives qui protestent contre la diminution du nombre de postes au Capeps. En 2006, 400 places sont ouvertes au Capeps contre 800 en 2005 et 1.330 en 2003. Il y a 9.000 candidats pour 400 postes. Cela veut-il dire que l'on a mal orienté ces étudiants ? Qu'on leur a fait des promesses qui ne sont pas tenues aujourd'hui ?
R - Si on leur a dit que la profession d'enseignants était le principal débouché des étudiants de Staps, on leur a menti. Quand on fait le Staps, on ne le fait pas simplement pour devenir enseignant dans l'Education nationale. Des enseignants pour l'EPS, il y en a déjà beaucoup, il y en a même des centaines, et même presque un millier qui est aujourd'hui en surplus d'effectif. J'ai donc réduit, c'est vrai, et je comprends leur agacement et même leur tristesse, voire leur colère...
Q - Mais mettez-vous à leur place : ils ont commencé les études et on leur réduit le nombre de postes ! J'ai un auditeur de Limoges, étudiant, qui m'appelle et qui me dit qu'il y a, à Limoges, 400 ou 500 candidats, et qu'il n'y aura qu'une place !
R - Je ne sais pas ce qu'il en est à Limoges, mais ce que je sais, c'est que l'Education nationale, c'est seulement 10 % des débouchés du Staps. Il faut qu'ils pensent aux 90 autres pour-cent. Les étudiants en Staps trouvent un emploi stable en trois ans parce qu'il y a des entreprises, il y a des collectivités territoriales, il y a des fédérations sportives, des associations qui les embauchent. Il ne faut pas seulement penser à l'Education nationale. Je vous rappelle qu'il y a huit jours environ, J.-F. Lamour, le ministre des Sports, a annoncé qu'il serait créé, par exemple, mille emplois dans le sport grâce à la Coupe du monde de rugby, pour la promotion du sport dans les quartiers, pour aussi aider les handicapés. Et donc, vous voyez qu'on fait la promotion du sport auprès des handicapés. Et donc, il y a d'autres débouchés pour les étudiants en Staps que l'Education nationale. Moi, je les supplie parce que c'est un service social à leur rendre, de penser à autre chose que l'Education nationale dans les années à venir, parce que la démographie scolaire baisse dans le secondaire : 43.000 élèves en moins dans le secondaire !
Q - Il y aura moins de profs dans les années qui viennent ?
R - Tant qu'il y aura moins d'élèves, il y aura moins de profs. S'il y a plus d'élèves, il y aura plus de profs ! Cette année, on aurait dû, si on avait fait les choses de façon très mathématique, réduire de 2.500 les postes d'enseignants dans le secondaire, parce qu'il y a 42.000 élèves en moins. On n'a réduit que de 1.200. C'est-à-dire que l'on a un surplus, un potentiel supplémentaire de 1.200 enseignants cette année.
Q - Vous nous dites aujourd'hui, vous, ministre de l'Education nationale :"Surtout, ne devenez pas prof !"
R - Si, parce qu'il y en a un besoin chaque année, parce qu'il y en a beaucoup qui partent à la retraite. Mais cette année, il y a un phénomène tout à fait spécial, c'est que beaucoup d'enseignants prolongent d'un an ou de deux ans leur carrière, pour des questions de retraite, et donc, s'il y en a moins qui partent, il y en a moins qui rentrent.
Q - Les contrats précaires augmentent-ils dans l'Education nationale ?
R - Non. Proportionnellement, il y a plus de titulaires maintenant que de contractuels. C'est-à-dire que de CDD ou de contractuels dans l'Education nationale. Proportionnellement, il y a plus de titulaires aujourd'hui.
Q - Ces derniers mois d'école - mai, juin - qui disparaissent totalement avec les examens, avez-vous prévu de réformer tout cela dans les collèges et les lycées ?
R - Le collège se réforme tous les jours, les écoles se réforment tous les jours. Je vais donner quelques exemples...
Q - ...Les Troisièmes, les Secondes, les Terminales qui n'ont plus cours à partir du 1er juin...
R - Il y a effectivement un vrai problème sur l'année scolaire et son étalement sur l'année calendaire. Il y a un vrai problème de vacances, un problème d'équilibre entre les trimestres. Je n'ai pas encore résolu cela parce que j'ai quatorze chantiers ouverts depuis sept mois. Par exemple sur la lecture : comment enfin aborder la lecture de façon efficace, avec des méthodes qui correspondent au cerveau humain. J'ai demandé que l'on abandonne la méthode globale, je l'ai annoncé sur RMC. Et maintenant donc, je m'attache à le faire savoir à tous les inspecteurs de l'Education nationale, je m'attache à vérifier son application sur le terrain.
Q - Est-ce que cela passe ?
R - Cela passe progressivement. De toute façon, il n'y aura plus le choix au 1er septembre 2006, parce que c'est indispensable si l'on veut que les jeunes sachent lire dès le CE1 ou dès la fin du 1er trimestre de CE1.
Q - Ne faites-vous pas une différence entre les collèges, avec ce classement de certains établissements en établissements "Ambition réussite" ? Cela crée des jalousies et du mécontentement. 249 collèges "Ambition réussite".
R - Je vais vous expliquer : notre pays est difficile à gérer. Lorsque vous donnez un plus quelque part, cela rendrait jaloux ailleurs, mais si l'on est dans une République, il faut au contraire se réjouir qu'on ait une fois constaté qu'il y avait des vrais besoins quelque part et que l'on mette de vrais moyens en plus. Les 249 collèges "Ambition réussite", avec les écoles qui vont avec ses collèges, ce sont des collèges où l'environnement social est terrible, parce que les parents, souvent, ne savent ni lire, ni écrire, ni compter parce qu'ils sont arrivés en France depuis peu, parce que le niveau social, le niveau des revenus, parce qu'il y a un retard scolaire considérable. Donc, j'ai décidé d'y amener 1.000 professeurs expérimentés de plus. Expérimentés, pour aider tous les enseignants qui sont déjà en place. Certains sont expérimentés, d'autres sont beaucoup plus jeunes et ils nous demandent d'être renforcés. Donc, j'amène 1.000 professeurs expérimentés dans ces collèges et j'amène 3.000 assistants pédagogiques pour aider systématiquement...
Q - Ils viennent d'autres collèges ?
R - Non, nous les embauchons. On en embauche 5.000 dans l'année, dont 3.000 pour les collèges "Ambition réussite", qui vont faire des études accompagnées quatre fois par semaine.
Question auditeur, Sylvie (39 ans, Loiret) : Je voudrais savoir pourquoi il n'y a aucun intervenant des inspections dans les écoles primaires pour juger les professeurs des écoles quant à leur capacité d'enseigner... ?
J.-J. Bourdin : A quand une obligation de résultat pour les enseignants ?
R - Cela dépend des écoles, cela dépend des lieux. Vous êtes dans le Loiret ? Je note cela, parce qu'évidemment, il doit y avoir des inspections dans les écoles primaires. Par exemple, lorsque je viens de parler de la lecture, je veux vérifier que dans les écoles, la circulaire du 3 janvier 2006 est véritablement appliquée. Donc j'ai besoin d'inspecteurs, pour aller voir les enseignants, pour conseiller ? parce que le mot "inspecteur" est quelque fois mal pris - pour conseiller les enseignants pour l'application de cette circulaire sur la lecture et pour évaluer aussi la qualité de l'enseignement.
Q - Peut-on imaginer une obligation de résultat pour les enseignants ? Y pensez-vous ?
R - Vous me posez la question un peu brutalement, je ne saurais pas vous répondre, mais spontanément, je dirais non. Obligation de moyens, obligation de savoir, de qualité pédagogique, oui, mais obligation de moyens... Les publics scolaires ne sont pas les mêmes partout. Donc, vraiment on s'attache à valoriser et à évaluer les enseignants. Mais quant aux résultats, oui, on a des statistiques qui existent académie par académie. Mais je crois que l'obligation de résultat est quelque chose qui est quand même très, très difficile à obtenir et à systématiser. On agit, je vous le rappelle, sur ce que l'on appelle "la pâte humaine".
Q - Bernard, un auditeur, nous dit que l'université française est une machine à enseigner de nombreux diplômes conduisant au chômage. J'entends beaucoup cela. Je regardais une enquête où des jeunes disent que leur formation, finalement, ne les conduit nulle part. Beaucoup de jeunes disent cela.
R - Vous avez raison de le dire, parce qu'on laisse les jeunes s'engager sans leur dire exactement sur quoi cela débouche. Avec F. Goulard, on travaille sur un schéma national d'orientation qui va permettre aux jeunes de connaître les débouchés qu'il y a discipline par disciple. Par exemple, sur les trois dernières années, combien de jeunes sortant de Licence, de Master et de Doctorat, etc., ont trouvé un boulot dans cette discipline là. Il est vrai qu'il y a des dizaines de milliers qui s'engagent dans des disciplines que je ne citerai pas, ils le font par intérêt intellectuel, par curiosité, par goût et par passion, mais il faut qu'ils sachent si derrière, il y a du travail ou pas.
Q - Mais est-ce parce qu'ils sont mal renseignés pendant leurs études ?
R - Oui. Et là, on fait un très gros effort dès la classe de troisième, avec la découverte professionnelle où le jeune a la possibilité d'aller trois heures par semaine dans des classes ou avec des professeurs mais aussi des gens de l'extérieur, on leur explique ce que sont les métiers, comment on les aborde, et ce qu'il faut avoir comme diplôme pour pouvoir les exercer. Il y a donc une vraie découverte professionnelle qui permet un début d'orientation, un début de choix dans les vocations. Et puis, ensuite, bien sûr, quand on a le bac, pour s'orienter, en supérieur, il faut savoir où il y a des débouchés. C'est un des critères pour s'inscrire ici ou là.
Q - Les auditeurs ont répondu à la question de G. de Robien. [Rappel : d'après vous, sur un CV, vaut-il mieux avoir une ligne CDD ou une ligne contrat "première embauche" ?]
Eve Pudizzoni,[phon.] de RMC Info : Pour Georges dans l'Ain : "Cela aura la même valeur si mon fils s'est fait virer au bout d'un an." Jean, à Fontainebleau : "Enfin ! Le CPE est un premier pas dans l'activité professionnelle ; c'est un apprentissage de la vie, c'est tellement plus valorisant que de pourrir jusqu'à 10 heures du matin à la maison, d'avoir le petit déjeuner par maman". Roger, à Toulouse : "J'en ai marre des sceptiques et des rabat-joie, il faut au moins essayer. La situation est trop grave pour les jeunes, pour rester les bras ballants, alors tentons le coup du contrat "première embauche"." Et puis Lisa, dans les Côtes d'Armor : "C'est sûr que c'est mieux, mais au bout de deux ans..."
R - C'est mieux dès le premier jour, et c'est vrai que cette période de consolidation de deux ans, on aura tous hâte qu'elle arrive, même si on ne cherche pas à vieillir forcément, parce que deux ans, ce n'est jamais définitif dans une entreprise.
Q - Qui a décidé de la durée de deux ans ? Des conseillers ont réfléchi et se sont dit "deux ans, tiens...".
R - Honnêtement, je ne sais pas qui, mais je pense que c'est le résultat d'une large confrontation entre des PMI, des PME, les cabinets des ministères concernés, et qui ont dit : "'Si l'on veut vraiment que cela fasse de l'embauche, il faut cette période de consolidation". Mais comme, pendant cette période de consolidation, il peut y avoir départ de l'entreprise, alors il faut sécuriser le jeune et c'est comme cela qu'on a choisi de consolider le jeune et en formation et en indemnités, au cas où. Ce "cas où" doit être l'exception.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2006